18e siècle – Révolution française

La vérité sur la Révolution française en Belgique: pillages, meurtres, collabos, ...

PLAN

Généralités

1792   1793   1794   1795   1796   1797   1798   1799

 

Généralités

 

Jacques Halkin, L’Etat unitaire et l’Etat fédéral, LB 15/04/1983

 

Chez nous, le pouvoir de l’E­tat a été basé sur l’unitarisme depuis bientôt 200 ans.  Celui des Français, à la suite de la bataille de Fleurus de 1794.  Celui des Hollandais avec l’« amalgame » de 1815, impose par le Traité de Vienne.  Finalement, celui de notre propre, monarchie qui, dans une Euro­pe supplantée par l’Etat-Nation, avait réussi à nous donner, grâce à une Constitution unitaire tempérée par une reconnaissance ferme et sans réticence des droits de l’individu, une prospérité en tous points remar­quable.

Cette prospérité fait oublier la période précédente, celle des 400 ans de régime fédératif, ou quasi ‘fédéral’ établie par Phi­lippe le Bon depuis les Etats généraux en 1463 avec une reconnaissance implicite des autonomies provinciales et un type nouveau de relation entre le prince et les composantes provinciales.  Les provinces des Pays-Bas étaient un Etat d’avant-garde disposant d’un pouvoir à deux niveaux.  Nos concitoyens de la révolution brabançonne de 1789 n’ayant rien compris aux dangers d’une confédération et à la nécessité d’un Etat fédéral solide, cet Etat fédératif de l’Ancien Régime devait sombrer, en 1790, avec la Confédération des Etats-Belgi­que-Unis.  Cette débâcle ouvrait la porte à l’occupation françai­se.

A juste titre, nous reconnaîtrons que 1794 fut un tournant imposé à notre histoire par l’invasion française.

L’unitarisme centralisateur et jacobin fut, pour nous, une perte de substance imposée successivement par le régime français, par le Traité de Vien­ne unis par les accords de Londres qui, pour nous, déterminaient probablement la limite du possible dans une Europe où le droit des peuples à dispo­ser d’eux-mêmes était dominé par les maisons régnantes, chaque fois donc par l’étranger.

Contraints ainsi dans une cer­taine mesure, nous avons été tenus de singer nos grands voisins : devenir à notre tour un Etat-Nation.  Cela ne pouvait manquer de se payer à long terme.  Les prémisses furent rapidement évidents .

Faisons un parallèle.

On oublie trop facilement les différences de comportement de deux chefs d’Etat du XVIe siècle : François 1er et Charles­-Quint.

Le premier, animé par la double volonté d’extension territoriale et d’unicité

de la lan­gue.  Sa lutte contre Charles­-Quint, d’une part, le décret de Villers-Cotterêts (1539), d’autre Part, sont des preuves. L’unitarisme et le centralisme français sont les alliés naturels de l’unicité de la langue française imposée.

Le second, Charles-Quint, était chez nous, le modèle du prince conciliant dans l’emploi des langues, dans le respect des coutumes, mais il était un prince reconnaissant l’intérêt et l’union au-dessus des différences.  Cette union, qui avait déjà fait de nos provinces un Etat fédératif dès Philippe le Bon, se confirme sous Charles-Quint.  Les historiens en débattent encore, à savoir lequel des deux doit être considéré comme le plus authentique « conditor Belgii ».

La différence entre ces deux monarques se marque davantage encore au niveau européen.  Le premier, François 1er, poussé par son orgueil de potentat, a fini par s’allier au Turc contre Charles-Quint, mettant ainsi l’avenir européen en péril.  Par ailleurs, c’est-Charles-Quint qui battit les Turcs à Mohàcs (1526).  C’est lui aussi qui respectait l’identité et la langue du pays qu’il subjuguait.  A juste titre, il a été dit qu’il fut le premier initiateur d’une Europe Fédérative.  L’objectif de François 1er, inversement, était l’annexion territoriale visant à l’absolutisme sur un territoire plus vaste.

De ce double rappel historique apparaît une conclusion majeure : l’unitarisme centraliste repose sur l’unilinguisme imposé. Par contre, le régime fé­dératif repose sur l’organisation d’une double nationalité, (on pouvait être Brugeois, mais être aussi Bourguignon), où le res­pect de l’identité des autonomies locales, à commencer par la langue, était la base de l’union au-dessus des différences.

 

Clio, La vérité sur la révolution française en Belgique, PP?, 08/12/1988, p.67-74

 

(p.67) “Jamais, dans l’Histoire, le pillage systématique de notre patrie ne fut mieux organisé qu’au nom de la Fraternité, de l’Egalité et de la Liberté.”

“Les années 1793-1799 furent parmi les plus sombres de notre passé.”

(p.68) “En réalité, la Belgique n’avait nul besoin de la Révolution française mais la France de cette époque avait, elle, grand besoin de notre pays dont les richesses la fascinaient.”

 

3 textes à l’appui: notamment:

celui de Lazare Carnot: “Tout ce qui se trouvera en Belgique doit être amené en France.  Il faut dépouiller le pays.”

ces propos de Cambron à Dumouriez: “Quand on aura ruiné les Belges, quand on les aura mis au même point de détresse que les Français, ils s’associeront nécessairement à leur sort.  Alors, on les admettra comme membres de la République.”

 

(p.69) ‘A l’invasion française de 1792, les Français sont 20.000 sous les ordres du général Dillon, nous opposions une armée austro-belge de 32.000 hommes dont 10.000 soldats wallons d’infanterie et quelque 1300 dragons de Latour.

Une bataille a eu lieu à Marquain près de Tournai.  Les Français prennent la fuite et refluent vers Lille que nos soldats ne prendront pas.

Carnot dira à la Convention “N’attaquez jamais l’ennemi qu’avec une grande supériorité de forces et de corps de réserve.”

Ce seront les défaites de Jemappes en 1792 et de Fleurus en 1794.

 

(p.72) “Dès qu’ils apprirent nos défaites de Jemappes, les habitants du Luxembourg et du comté de Rochefort s’armèrent pour repousser l’envahisseur.”

“Le bourgmestre de Chimay leva un corps de volontaires qui taillèrent des croupières aux Français” avant de s’enfuir devant ceux-ci, revenus en force.  Chimay fut pillée avec une barbare avidité.

Le 15 décembre 1792, Danton fait approuver par la Convention un décret ordonnant la “suppression radicale de toutes les autorités établies en Belgique, l’élimination de nos lois traditionnelles.”

Dumouriez va même critiquer les commissaires français chargés d’appliquer ce décret chez nous mais on ne l’écoute pas. A Autreppe et à Furnes, c’est la révolte.

 

(p.72) ‘Danton exige à la Convention l’annexion de la Belgique à la France et fait envoyer des commissaires qui voleront et pilleront dans notre pays.’

(p.74) ‘’armée austro-belge revient en 1793.  C’est la victoire à la bataille de Neerwinden, le 18 mars, où il y aura une “charge épique des grenadiers wallons commandés par le colonel Rousseau.”

 

Fr. Roberti Lintermans, Histoire de révolution, LB 25/07/1989

 

(…) Pour les dirigeants français et leurs fameux commissaires de la République, les beaux principes des droits de l’homme se réduisaient à offrir la liberté de choisir entre l’obéissance et la prison si pas la guillotine.  Les pays de l’Est ‘libérés’ par les armées soviétiques ont connu la même situation en 1945. (…)

 

Franz Nève, 2000 ans de l’histoire des Belges, T III, 1926

 

(p. 306)  LE BUT DE L’ENVAHISSEMENT DE LA BELGIOUE

 

Le prêtre Martin, né en Belgique, avait exercé des fonctions pastorales à Cambrai et avait fui la Terreur en se retirant dans son pays natal. On le fusilla à Bruxelles, le 25 juillet 1794 en l’accusant d’émigration… « Avant de le tuer, on le promena avec une barbarie abominable, durant toute une matinée, dans les rues de la capitale” (448). Ce furent environ deux cents vies humaines que faucha, en quelques mois, la fraternité républicaine. Un millier au moins de détenus, entassés dans des prisons trop étroites et malsaines, payèrent de leur liberté les soi-disant bienfaits de la conquête. Au mois d’août 1795, un rapport du général Chappuis Tourville constatait encore que, dans le Brabant seul, “plusieurs centaines de détenus languissaient depuis six, huit, dix mois, dans la misère, la pourriture et le désespoir, sans parvenir à être mis en jugement” 449). Les motifs pour lesquels nos compatriotes étaient condamnés par ces tribunaux étaient souvent absurdes. Le tribunal de Mons enferma pour un an quatre habitants d’Ath coupables d’avoir mis le feu à l’arbre de la liberté au moment du retour des Autrichiens.

 

(Les Comités de surveillance: ils espionnent et dénoncent les Belges)

Il fallait recruter des victimes pour ces tribunaux.  Les représentants instituèrent à cette fin, des Comités de surveillance. On en connaît vingt-cinq, les autres n’ont pas laissé de traces. Ramassis d’espions, ces commissions surveillaient et dénonçaient les Belges (450. Elles avaient le pouvoir de faire des perquisitions et d’arrêter ceux qui leur paraissaient suspects. Les excès de ces comités furent si révoltants, que l’Etat français n’osa pas les maintenir. Ils furent supprimés après cinq mois de fonctionnement.

Deux autres catégories de fonctionnaires français s’abattirent sur notre pays et le saccagèrent ; les agents militaires

 

(448-449) VERHAEGEN: op. cit., pp. 444-445.

(450) L’Etat continua à encourager la délation, même après l’époque de la ‘I’erreur : « notons, écrit Lanzac de Labories (op. cit., II, p.311), l’introduction dans les murs administratives de ces habitudes d’espionnage et de délation dont l’institution du ministère de la police générale fut comme la consécration officielle et que Merlin encouragea avant Fouché et Savary. Merlin avait un goût très vif pour la délation”. Pour lui être agréable, le commissaire central de Jemappes écrit au ministre de la police:  » J’ai enfin trouvé deux espions qui servent merveilleusement la République: l’un est déserteur d’un régiment français et l’autre un… émigré et voleur. Je les emploie.”

 

LE BUT DE L’ENVAHISSEMENT DE LA BELGIQUE (p.307)

 

et les agents de commerce surnommés “agents d’extraction”.  Nous ne parlerons pas des premiers, vu qu’il est inévitable que des soldats en campagne se livrent au pillage.  Quant aux seconds, qui s’appliquèrent à détruire les monuments artistiques de notre pays, et à piller nos oeuvres d’art, il en sera question dans un chapitre spécial.

 

 

(p.346) LA GUERRE DES PAYSANS

 

(Les Français pillent cette ville.)

Devenus maîtres de Diest, les Français n’imitèrent pas la mansuétude qu’ils avaient admirée chez les Belges (542).  Ils imposèrent aux habitants une amende de quarante mille francs et le général Collaud accorda deux heures à ses soldats pour piller la malheureuse cité.   Ils ne se le firent pas dire deux fois! Maisons saccagées, douze habitants massacrés, réalisèrent la menace qu’un officier français formulait trois jours auparavant : “Cette commune, qui a partagé les forfaits des brigands et qui leur a donné asile, sera leur tombeau, les malheurs qu’elle s’est attirés vont servir d’exemple terrible à celles qui oseraient encore l’imiter” (543). 

Le siège d’Hérenthals dura vingt-quatre heures : les paysans laissèrent six cents morts dans les rues de cette localité. Les pertes des Français ayant été considérables aussi, l’ennemi s’en venge en brûlant une grande partie de la ville, refoulant à la baïonnette les habitants qui tâchaient d’échapper à l’incendie “massacrant tous ceux qu’ils rencontraient”. 

Une nombreuse troupe de jeunes Wallons qui allait se joindre aux compagnons flamands retranchés à Meensel, rencontra les soldats français. Le choc eut lieu sur le territoire de Hamme-Mille, près de Louvain. La bataille, longue et acharnée, demeura indécise.

 

(542) Les Belges résistèrent pendant trois jours à plus de cinq mille soldats français.  Dans une de leurs sorties, ils se frayent un chemin à travers les balles et s’emparent de plusieurs canons. Inhabiles à s’en servi, ils durent les abandonner.

 sans être même parvenus à les enclouer.

(543) Le lecteur sera, sans doute frappé de l’identité de la conduite des Français, à Diest, en 1798 et de celle des Allemands, à Dinant, en 1914.

Des douze habitants de Diest qui furent massacrés, trois furent encore profanés: en passant à côté d’eux, les soldats français les transpercèrent à coups de lance.

 

LA GUERRE DES PAYSANS (p.347)

 

(Constant de Roux-Miroir, chef des patriotes wallons)

Les “brigands” wallons étaient conduits par le fameux Antoine Constant, dit Constant de Roux-Miroir.   C’était un riche fermier, âgé de cinquante-deux ans. Ancien militaire, il unissait la fougue à l’expérience. Il eut bientôt un grand ascendant sur sa troupe et se vit porté au commandement de l’armée nationale.  Vers la fin de novembre 1798, Constant s’était emparé de Jodoigne: il y établit le centre d’organisation des troupes wallonnes.

Sur ces entrefaites, le 3 décembre, plusieurs compagnies de combattants venant de Diest attaquèrent un détachement français campé à Capellen, village situé à une demi-lieue de Glabbeek, en Brabant. Promptement battus, les Français s’enfuirent vers Winghe, laissant aux mains des Belges deux officiers et une soixantaine de prisonniers. De nouvelles troupes françaises partent aussitôt de Louvain, renforcées par une puissante artillerie. Les Belges étaient massés entre Tirlemont, Diest, Saint-Trond et Hasselt. Ils se concentrèrent sur cette place, qu’ils occupèrent après une faible lutte. Par leur entrain et leur impétuosité, les Wallons eurent une part notable dans la prise de Hasselt. Ils furent accueillis avec enthousiasme par les campagnards flamands et s’appliquèrent, à leurs côtés, à construire les défenses de la place.

Belges et Français sentaient que la lutte décisive allait se livrer à Hasselt. Les Belges y avaient convoqué les conscrits éparpillés dans la Belgique entière. La rencontre eut lieu le 5 décembre. La bataille fut acharnée. “Les Belges ont soutenu les efforts répétés des républicains depuis 10 heures du matin, jusque vers 4 heures de l’après-midi. Alors a commencé le massacre qui a duré jusqu’à 10 heures du soir… Elle avait eu pour précurseur une absolution générale que quatre coquins sacerdotaux leur avaient donnée sur la place de cette malheureuse commune. La cavalerie n’a eu qu’à hacher et en a fait un carnage épouvantable” (544).

Constant de Roux-Miroir et vingt et un jeunes Belges, faits prisonniers à Hasselt, furent amenés devant le Tribunal révolutionnaire à Bruxelles. Ils furent condamnés à Bruxelles.

 

(544) LANZAC:  op. cit., 1, p. 229 (citation).

 

LA SITUATlON ECONOMIQUE (p.366)

 

La même année, le Luxembourg eut deux cents village dévastés par la soldatesque, souvent détruits par le feu. Entre Sambre et Meuse, le pays fut presque réduit en cendres. Plus de vingt villages de la Flandre maritime sont détruits, trois mille personnes manquent de toit. Le tiers des fermes de la West-Flandre est incendié. “C’était là l’exécution d’un plan de campagne froidement combiné en vue de fortifier la République par l’affaiblissement de ses ennemis et de ses voisins” (6o8).

Tandis que la Convention, à la suite de la famine dont souffrait le peuple français à la fin de 1794, avait supprimé, en France, la taxation des denrées, appelée le ”maximum”), elle refusa d’étendre aux Belges les avantages de cette mesure. Le 31 décembre 1794, les représentants du peuple, établis en Belgique, décidèrent que le maximum continuerait à être appliqué dans le pays conquis.  Mais les Belges protestèrent si énergiquement que les Français durent fléchir.  Ils supprimèrent le prix maximum le 6 janvier 1795, mais seulement pour les denrées, peu nombreuses, que les Belges vendaient aux Français. D’autre part, ils augmentèrent les contributions militaires. Enfin, le 10 février 1795, le maximum disparut complètement en Belgique. 

La Convention avait promis d’enlever à la Belgique tout ce qui faisait sa beauté. Elle lui enleva, on l’a vu, des tableaux, des statues, des orfèvreries.   Il restait encore un ornement à lui arracher: on ne l’oublia pas. En 1792, le gouvernement français fit abattre une partie de la forêt de Soignes.  Il fit abattre une portion de la forêt de Saint-Sixte, près de Thourout.  Deux ans après, ce qui restait de cette forêt disparut par ordre du même pouvoir. Napoléon fit couper quatre cents gros chênes dans la forêt de Wauhu, près de Binche, ravageant ainsi « une des plus belles forêts de l’Europe” (609). Le total des pertes infligées aux forêts belges par le régime français monta à trente-neuf millions de florins.  Les représentants du peuple signalent que “la Belgique a acquis, au point de vue industriel, une considération très supérieure à celle dont ait jamais joui aucun autre pays de

 

(608) Verhaegen: op. cit., p.252.

(609) Lebacq: La Louvière et le Centre, p.220 (Bruxelles, 1918)

 

 

(p.367) l’Europe” (610). Voici comment la Convention se comporte envers elle. Froidement et méchamment, elle ordonne de détruire le commerce et d’anéantir l’industrie afin de supprimer un rival. Elle proscrivit complètement l’industrie si prospère de la brasserie et celle des distilleries de grains. Cent quatre-vingt-une genièvreries furent fermées dans la Flandre orientale ; les appareils de distillation, saisis dans le pays entier, furent mis hors de service.

Le commerce du chanvre, l’exportation du bois sont interdits. Les houillères et les forges doivent cesser le travail, les moulins des environs d’Anvers et d’Ostende sont arrêtés et confisqués au profit de la République. La batellerie intérieure de l’Escaut est saisie, ce qui représente pour les Belges, la perte de deux cent trente bateaux valant 4.500.000 livres. 

En 1795, les industries du pays de Liège “chômaient, son commerce était anéanti, ses ouvriers, sans travail, dépérissaient au milieu des ruines d’Amercoeur (611). La municipalité de Liège déclare qu’elle doit nourrir vingt à trente mille habitants sans ressources. Le jour même de l’annexion, le député Defernon demanda si le commerce français ne souffrirait pas de la concurrence du port d’Anvers. Le représentant Lefebvre le rassura.  “Son argumentation montra combien peu l’intérêt des Belges préoccupait ces Conventionnels, soi-disant soucieux du bien des pays conquis.  Selon cet orateur, un bon règlement de douanes empêcherait qu’Anvers retirât un avantage important de son union à la France” (612). 

Le Comité de Salut public, ajouta-t-il, ayant prévu le danger qu’Anvers fait courir aux petits ports, proposait que : “par une augmentation des droits sur les marchandises entrant dans ledit port d’Anvers (on fasse) en sorte que le spéculateur n’y trouve pas plus d’avantages que de se rendre dans les autres ports français.” 

En 1794, d’accord avec le généra1 Van Damme, Carnot applique particulièrement à Ostende sa froide décision d’anéantir le commerce belge. Par son ordre, les bassins et les écluses de ce beau port furent anéantis.

 

(610) Moniteur réimprimé, XXV, p. 477

(611) Verhaegen: op. cit., p. 616

(612) Verhaegen: op. cit., p. 611

 

 

L’OPINION PUBLIQUE BELGE (p.408)

 

Le commissaire de la Dyle écrit, en 1798, que les Belges refusent d’envoyer leurs enfants aux écoles primaires ouvertes par l’administration.  A Namur, la situation est navrante, dit un autre commissaire: “la cause est dans l’éloignement des habitants pour les institutions républicaines”.

Ces écoles ont encore un autre défaut : elles sont indignes de l’estime de nos compatriotes. “Les écoles primaires, écrit le préfet de la Dyle, Doulcet de Pontécoulant, sont, en général, présidées par l’ignorance. Beaucoup sont déshonorées par l’immoralité et la crapule; toutes sont environnées de prétentions défavorables” (670).  Les Belges refusaient de remplir des fonctions publiques, afin de ne pas être obligés à prêter un serment que leur conscience condamnait.   I1s ne voulaient pas non plus être astreints, par ces fonctions, à prendre des mesures préjudiciables à leurs compatriotes. Aussi, en peu d’années, le régime français tomba-t-il dans un profond discrédit. Les “patriotes” eux-mêmes, c’est-à-dire ceux que les Français appelaient ainsi, à cause de leur dévouement à leurs idées, ces patriotes ne consentaient plus à s’associer au gouvernement de leur pays.

Les commissaires ne cessent de préconiser divers remèdes dont le plus important consistera à n’envoyer aux Belges que des Français honnêtes.   Ils ne cessent de se plaindre de “l’immoralité des agents français et de la cupidité d’une nuée d’infâmes subalternes”.  

Ils préconisent également “d’achever l’expulsion de la prêtraille et de la moinaille insermentée.” “Les moines et les prêtres abondent dans le département de la Dyle. Ils empoisonnent, à loisir, l’intérieur des ménages domestiques où l’on se fait un devoir de les recéler…Ils continuent, plus que jamais, à pervertir la jeunesse.” Les agents français se rendaient parfaitement compte de la sympathie et du prestige dont jouissait le clergé belge.

 

(669) Lettre d’Albert, administrateur de Jemappes, du 28 fructidor, an IV.

(670) Rapport du 20 germinal, an VIII.

 

ENVERS LE REGIME FRANCAIS (p.409)

 

“Leur empire, s’écrie l’un d’eux, s’étend depuis les citoyens les plus distingués par leurs talents et leurs richesses, jusqu’aux mercenaires qui refusent de travailler pour les Français.”  Le peuple “idolâtre” ses prêtres, déclare le commissaire du département de la Lys.

Les commissaires demandèrent donc au Directoire une déportation générale des prêtres belges. Le Directoire hésitait. Après l’insurrection ou guerre “dite des Paysans”, il n’hésita plus.  Il décida la déportation en masse de ceux que Mallarmé appelait “des insectes venimeux ». 

I1s demandèrent aussi que, malgré la promesse de la Constitution d’accorder la liberté d’enseignement, le gouvernement défendit aux prêtres insermentés de remplir les fonctions d’instituteur et d’entretenir des écoles.  Enfin, ils recommandent d’employer la force pour empêcher les Belges de célébrer les offices du culte catholique.

 

 

Condamnations à mort

 

“Jetez l’épouvante chez les ennemis… Menacez la Belgique d’une destruction totale… Que la terreur vous cède … Bruxelles ne mérite aucun ménagement !” Ces recommandations, faites par Carnot, furent suivies docilement: en 1793, les Français fusillent dix Belges à la place Royale, à Bruxelles.  A Namur, ils fusillent deux religieuses accusées d’espionnage. A Otrange (Limbourg), des soldats fusillent le chanoine Rutten, prêtre non assermenté, et jettent son cadavre dans les fossés du château. Le 14 mai I794, l’instituteur de Florenville est fusillé pour avoir organisé une levée de troupes contre les pillards français. 

Le 30 juin 1794, seize prêtres et religieuses, arrêtés à Ypres, sont conduits à Arras où ils sont décapités.

Le 4 septembre, Stessels, de Louvain, et Jacqmin, de Nivelles, sont fusillés pour contrefaçon et colportage d’assignats. Le 17 octobre, d’Herbe, de Bruges, est fusillé à Bruxelles pour avoir correspondu avec des émigrés. Cinq Belges sont condamnés à mort pour avoir tenu “des propos contre-révolutionnaires”, deux autres sont fusillés à Anvers pour le même motif.  Un cordonnier de Limelette est fusillé pour avoir conservé chez lui un fusil et des pistolets.

 

Georges Jacquemin, Les Boteresses liégeoises à la Butte du Lion de Waterloo ? (1826), éd. Collet, 2000

 

(p.24) À son tour, la Belgique fut victime des exactions de l’armée française perpétrées sur ordre du gouvernement de Paris : enlèvements de draps, de cuir, de nourriture, de chevaux, le tout pouvant servir à l’ armée d’ occupation, vols de reliques d’ églises, de trésors de monastères et leur transformation en lingots de métal précieux, d’oeuvres d’ art parmi lesquelles, notamment et entre cent autres, l’admirable rampe d’ escalier en fer forgé, véritable sculpture d’ art, (p.25) du somptueux palais bruxellois du duc Charles de Lorraine et de Bar (1712-

1780), gouverneur général des Pays-Bas de 1744 à 1780 sous le règne de Marie-Thérèse, impératrice d’Autriche. La rampe fut enlevée sans vergogne ni respect pour les lieux prestigieux et placée dans un château en France où elle se trouve depuis deux siècles. Elle n’a pas (encore) été restituée à la Belgique…

Un vol lamentable eut lieu en 1794 : les généraux français s’emparèrent des cuivres et des planches de la célèbre carte topographique chorographique de la Belgique, à vocation militaire, établie par le comte lorrain Joseph de Ferraris (1726-1814) appelée  » Carte de cabinet des Pays-Bas autrichiens levée à l’initiative du Comte de Ferraris, en 1778, à l’échelle 1/25000, et les emportèrent à Paris où ces pièces dérobées furent remisées au Dépôt de la Guerre.

Vingt et un ans plus tard, en juin 1815, vu ses précisions, la carte de la Belgique par Ferraris était en possession d’officiers français pour les diriger correctement dans leur campagne d’invasion. Des généraux des armées alliées, qui cherchaient eux aussi à en obtenir des exemplaires, offrirent jusqu’à l’énorme somme de 600 francs pièce.

La carte Ferraris est l’ancêtre des cartes topographiques du renommé  » Institut géographique national » (I.G.N.) de Belgique.

 

Gilbert Trausch, éd., Histoire du Luxembourg, éd. Privat 2002

 

(p.172) (…) Prenons le cas des États de Luxembourg où le Tiers est repré­senté par les délégués de 15 villes, sept du quartier allemand (Luxembourg, Arlon, Diekirch, Echternach, Grevenmacher, Remich et Bitbourg) et huit du quartier francophone (Marche, Laroche, Durbuy, Bastogne, Neufchâteau, Houffalize, Chiny et Virton). Cinq autres cités (Thionville, Marville, Ivoix, Damvillers et Montmédy), toutes francophones à l’exception de Thionville, faisaient partie des États avant leur cession à la France (traité des Pyrénées, 1659). Les États siègent à Luxembourg, situé dans la partie germanophone du duché, et utilisent le français comme langue de communication. Cela implique que les députés des villes allemandes aient une certaine maîtrise du français. À l’époque, le bilinguisme au Luxembourg est du type juxtaposé, seule une petite minorité étant capable de pratiquer le bilinguisme superposé qui caractérise le Luxembourg d’aujourd’hui.

Nos connaissances sur les pratiques langagières sous l’Ancien Régime sont très fragmentaires. En extrapolant à partir de la situa­tion du début du XIXe siècle (1815-1839), où l’on voit des juges du quartier francophone officier dans la capitale sans aucune maîtrise de l’allemand, on peut présumer que les notables wallons étaient moins empressés à apprendre cette langue que leurs collè­gues germanophones le français. Un phénomène analogue s’est produit en Belgique, où les francophones n’ont pas fait beaucoup d’efforts au XIXe siècle pour apprendre le néerlandais. Une question linguistique naîtra avec ses querelles qui, au XXe siècle, aboutiront à une scission.

Essayons-nous à l’histoire conditionnelle (What if… ?) chère aux historiens anglo-saxons, qui aide souvent à mieux comprendre. Le grand-duché créé par le congrès de Vienne en 1815 comportait, comme l’ancien duché, deux quartiers linguistiques. Le traité de Londres (1839) l’a partagé en attribuant à la Belgique la partie francophone, la partie germanophone continuant de former le grand-duché. Imaginons que celui-ci n’ait pas été coupé en deux et qu’il ait créé ses structures d’État avec deux communautés linguistiques. Aurait-il échappé à des querelles linguistiques à la belge ?

 

(p.201) La prise de possession

Quand, le 20 avril 1792, l’Assemblée législative française déclare la guerre à l’Autriche, elle ouvre la boîte de Pandore : vingt-deux années de troubles et de guerres en Europe. La Révolution française se fait expansionniste en exportant son message de liberté et d’égalité, et n’hésite pas à cette fin à recourir à la violence. Or les populations apprécient rarement les missionnaires armés, et les révolutionnaires français n’échappent pas à cette règle.

 

­(p.203) Les réticences des Luxembourgeois

 

Le clergé sera la principale force d’opposition. Il est vrai que les nouveaux maîtres ont été particulièrement maladroits. Ils abolissent la dîme, mais continuent de l’encaisser au profit de la République. Ils suppriment les couvents et interdisent les processions. Le calendrier républicain n’est pas simplement perçu comme un dérangement, mais comme une mesure de déchristianisation.

Autre handicap pour le nouveau régime : son installation et son fonctionnement sont le fait d’étrangers. Des fourgons de l’armée révo­lutionnaire débarque toute une pléiade de fonctionnaires français, venus pour la plupart chercher fortune dans les territoires conquis. C’est du moins ainsi que les Luxembourgeois les voient. Beaucoup s’enrichissent par l’achat de biens nationaux (biens ecclésiastiques confisqués). De véritables filières se mettent en place. Vincent Légier, qui sera le premier commissaire central des Forêts et se fera élire député du dépar­tement au Conseil législatif à Paris, est originaire de la ville de Provins. Il n’hésite pas à faire venir au Luxembourg ses amis et connaissances.

La plupart des fonctionnaires français viennent de la France de l’intérieur et n’ont donc pas les connaissances de l’allemand indispensables à une bonne administration dans la partie orientale, germanophone, du département des Forêts. Rares sont les Alsaciens embauchés par la nouvelle administration. Tout au long de ces vingt années d’appartenance à la France, on verra à la tête de l’administra­tion centrale des commissaires du Directoire ou des préfets ne maîtrisant pas la langue de la moitié de leurs administrés. Il en ira de même pour une grande partie des juges.

Certes, sous l’Ancien Régime, la plupart des notables du quartier wallon (francophone) du duché ne parlaient pas – ou peu – allemand. Mais ils ne s’installaient pas dans la partie germanophone. De plus, ils étaient originaires du duché et n’étaient donc pas considérés comme des étrangers.

Les autorités françaises sont bien conscientes du caractère bilingue du département des Forêts, divisé en deux quartiers. En organisant la conquête du Luxembourg, elles s’attendaient à un meilleur accueil de la part des Luxembourgeois francophones. Leur déception est grande. L’emploi des langues ne constitue pas encore une question politique au Luxembourg, pas plus que dans les autres départements belges. Ce n’est qu’avec la montée des nationalismes au XIX- siècle qu’il va devenir un terrain d’affrontement.

(p.204) L’œuvre révolutionnaire est saluée avec une méfiance qui se mue en hostilité, avant d’être acceptée avec résignation. Seule une partie de la bourgeoisie est prête à « travailler » avec les nouvelles autorités. On n’ose utiliser le terme « collaboration » qui, par ses connotations anachroniques, renvoie à la Seconde Guerre mondiale. Lors de l’invasion allemande, en 1940, l’État et le sentiment national luxem­bourgeois feront de la collaboration avec l’occupant un acte de trahison. Tel n’était pas le cas dans les années 1795-1814.

La Constitution directoriale (1795-1799) accorde une large place au système électoral (évidemment censitaire) et soumet au scrutin, outre les fonctions politiques (députés des assemblées législatives), de nombreux postes de l’administration (administrateurs départe­mentaux et cantonaux, juges). Les élections de 1797, 1798 et 1799 voient s’opposer des candidats officiels – républicains français et quelques Luxembourgeois – à un « parti » luxembourgeois. Ce dernier l’emporte haut la main. Les républicains crient au complot et obtiennent des instances parisiennes des mesures faussant le résultat du scrutin. Il est vrai que les Luxembourgeois avaient abordé ces élec­

tions avec le slogan: « Point de Français, ni d’origine ni d’opinion. »

Dans leur opposition, les Luxembourgeois ne contestent pas la légitimité de leur incorporation à la France. Certes, la loi d’annexion votée par la Convention finissante (ler octobre 1795) est un acte unilatéral, mais, par le traité de Campoformio (17 octobre 1797), le souverain légal, François II, empereur mais aussi duc de Luxembourg, cédait « à perpétuité » les Pays-Bas à la République. À partir de ce moment, le transfert de souveraineté est juridiquement parfait selon les conceptions de l’époque. Le traité de Lunéville (1801) confirmera encore une fois les droits de la France.

L’hostilité des Luxembourgeois s’explique de deux façons. En premier lieu, par cette « invasion » d’étrangers qui viennent s’ins­taller chez eux pour rafler les meilleures places, alors que l’Ancien Régime avait laissé l’administration aux gens du pays, à l’exception de quelques rares postes (gouverneur, président du Conseil provin­cial). En second lieu, par la politique religieuse du Directoire. L’introduction formelle de la séparation de l’Église et de l’État pouvait être comprise en France comme un premier pas vers la fin des persécutions religieuses. Toutefois, dans un esprit étroitement anticlérical et bannissant de la vie publique tout signe extérieur du culte (croix, cloches, processions, soutanes, etc.), ce genre de sépa­ration choque les Luxembourgeois. Férue de serments d’allégeance, (p.205) la France révolutionnaire demande aux fonctionnaires et aux clercs de prêter un serment d’attachement à la république et de haine envers la royauté. Si les premiers acceptent sans enthousiasme, le clergé se divise sur la question. A une minorité de jureurs s’oppose une majorité de réfractaires qui, plongeant pour la plupart dans la clan­destinité, font figure de martyrs.

 

La guerre des paysans

 

Les ressentiments s’accumulent, surtout dans les campagnes, plus étroitement sous l’emprise du clergé. L’introduction de la conscription (septembre 1798) dans l’ensemble des départements français, donc aussi dans les départements nouvellement annexés, est l’étincelle qui met le feu aux poudres. Dès la mi-octobre, des troubles éclatent, qui prennent dans les cantons des Ardennes-Èislék les allures d’un véritable soulèvement (fin octobre 1798).

Deux facteurs ont pesé sur le cours des choses. Pour les Luxembourgeois, un service militaire obligatoire et général constitue une innovation. Sous les Habsbourg, le duché de Luxembourg avait, de toutes les principautés des Pays-Bas, fourni le plus grand nombre de volontaires aux régiments wallons, signe de la pauvreté du pays. En des temps difficiles, les autorités procédaient à des levées, restreintes et limi­tées dans le temps, par un tirage au sort. Or, en 1798, les jeunes gens doivent servir loin de la patrie, en Allemagne et en Italie. Dans un pays rural peu développé, l’appel à cinq classes d’âge est une ponction lourde. A cela s’ajoute le lamentable état sanitaire de cette jeunesse : 48,2 % des appelés de l’Éislék (43,6 % de l’ensemble du département) ne répondent pas aux critères de santé fixés par les autorités françaises. En outre, le fait que ces hommes soient obligés de défendre un régime que leurs parents désapprouvent rend la conscription inacceptable.

La révolte des cantons du nord des Forêts (Clervaux, Arzfeld et Neufchâteau) et de ceux du sud du département voisin de l’Ourthe (Reuland, Saint-Vith), qui faisaient jadis partie du duché de Luxembourg, peut se déployer librement dans le vide militaire de l’Eislek : on dénombre une brigade de gendarmerie, c’est-à-dire quatre à six hommes, par canton. A son paroxysme, le mouvement insurrectionnel comprend plusieurs milliers de paysans. Sa coordina­tion est faible, sa tactique inexistante, l’armement primitif. En quatre engagements (30 et 31 octobre), à Clervaux, Arzfeld, Amel et Stavelot, les troupes françaises dispersent les paysans, dont plusieurs (p.206) centaines n’en réchappent pas. Ils n’avaient évidemment aucune chance face aux troupes aguerries de la République.

Parallèlement à ces événements, des soulèvements, appelés « Boerenkrijg » (guerre des paysans), éclatent pour les mêmes raisons en pays flamand et dans le Brabant wallon. Ils s’y prolongent pendant plusieurs mois, sans plus de chances de succès. Au Luxembourg, la répression est sévère : 78 paysans sont traduits devant un tribunal militaire, qui prononce 35 condamnations à mort. Les communes rebelles sont frappées de lourdes amendes. Le Directoire décrète la déportation de 812 prêtres réfractaires luxembourgeois accusés d’être les instigateurs de la révolte. Si, sur le plan moral, la responsa­bilité du clergé est évidente, les autorités n’ont jamais pu prouver sa participation active.

Le langage populaire a rapidement donné un sobriquet au soulève­ment: Klëppelkrich (guerre des gourdins), allusion à l’armement primitif des insurgés, mais aussi à leurs origines paysannes. La rébellion des paysans luxembourgeois ressemble à un feu de paille : elle dégage une forte chaleur, mais s’affaisse rapidement.

Les contemporains ont refoulé de leur mémoire ce qu’ils considéraient comme un épisode douloureux, échec apparent sur toute la ligne.

La véritable importance de la guerre des paysans réside dans sa

survie. À partir du milieu du XIXe siècle, l’ancien duché de Luxembourg, devenu grand-duché (congrès de Vienne, 1815) et État autonome (traité de Londres, 1839), commence à s’intéresser à son passé: le Klëppelkrich retient particulièrement l’attention des historiens. N’est-il pas l’unique soulèvement de masse de l’histoire du pays ? Portés par leur élan patrio­tique, ils transfigurent les révoltes paysannes. Sous leur plume, elles sont présentées non seulement comme un combat pour la foi – et cela corres­pond en partie à la réalité -, mais encore et surtout comme une lutte pour la patrie, ce qui constitue une extrapolation et un anachronisme. Les paysans en colère deviennent des patriotes luttant contre un occu­pant étranger. Le théâtre populaire s’empare du sujet, des monuments sont érigés et, en conséquence, le Klëppelkrich entre dans la mémoire collective du peuple luxembourgeois. Son souvenir est très présent lors de deux grandes commémorations nationales: les centième (1939) et cent cinquantième (1989) anniversaires de l’indépendance. Par leur impact sur l’imaginaire populaire, les soulèvements paysans de 1798 ont servi à construire un sentiment national luxembourgeois.

 

in : Henri Pirenne, De la fin du régime espagnol à la Révolution belge

 

(p.236) Dès 1788, van der Noot et ses partisans étudient les mesures à prendre. S’adresser à la France, il n’y faut pas songer. Si les Français entrent en Belgique, ils n’en sortiront plus. (…)

 

(p.237) Visiblement, ce que veulent les patriotes, c’est donner le gouver­nement du pays aux citoyens in­struits et aisés. Ils suppriment les privilèges au profit de la nation, mais de la nation « censitaire »; leurs vues sont celles d’hommes libéraux, « éclairés » et prudents. Et, en effet, c’est parmi les avo­cats, les curés, les industriels, les négociants et les gens d’affaires, bref, au sein de la classe lettrée et active que la composition ar­chaïque des Etats prive de toute influence politique, qu’on les ren­contre (8).

 

(p.241) ATTITUDE DU CLERGE. – Le 18 décembre 1789, les membres du Comité de Bréda faisaient leur entrée dans Bruxelles pavoisée aux trois couleurs et délirant d’enthou­siasme. Les « nations » donnaient le branle. Leurs accla­mations saluaient surtout van der Noot, le défenseur de leurs privilèges, le restaurateur de la Joyeuse-Entrée, « le père du peuple brabançon ». Le soir, au théâtre de la Monnaie, dans la loge des gouverneurs, il était couronné de lauriers.

~ » Ce n’était pas à un tel lendemain de victoire que les patriotes vonckistes s’étaient attendus. La chute du gou­vernement autrichien était leur œuvre. C’étaient eux qui avaient préparé l’insurrection du pays, formé l’armée, com­battu à Turnhout, pris Gand de haute lutte, et la capitale décernait les honneurs du triomphe à l’homme qui, peu de semaines auparavant, les traitait de vauriens et qui ne s’était rallié à leurs projets qu’au dernier moment et, parce qu’il le fallait bien ! L’affran­chissement de la nation, tel qu’ils le voulaient, ne compor­tait pas seulement la chute de l’empereur, mais la suppres­sion des privilèges, l’union des provinces en un seul corps et la souveraineté du peuple s’af­firmant par la création d’une assemblée nationale. N’avait-on secoué le joug de Joseph II que pour retomber sous celui des Etats ? Les volontaires n’avaient-ils pris les armes que pour rétablir dans chaque pro­vince les prérogatives suran­nées des quelques prélats et des quelques nobles qui se targuaient d’y représenter le

Cierge et la noblesse, que pour conserver (…) aux « nations » ou aux métiers de quelques villes, l’exorbitante prétention de parler au nom du Tiers-Etat tout entier ? N’avait-on que par duperie invoqué la souveraineté nationale dans le manifeste du peuple brabançon ? Les conservateurs, les « statistes », les « aristocrates » allaient-ils enfin confisquer la Révo­lution à leur profit ? Ils l’essayaient, en effet, et, par un brusque retour des choses, ils avaient toutes les chances de l’emporter.

 

(p.245) Nul doute que l’on ait pris pour modèle en ceci les Etats-Unis d’Amérique. Le terme même de Congrès leur est emprunté. Mais on ne s’inspire de leur exemple que dans la lettre et non dans l’esprit. La constitution américaine, dominée par la déclaration des droits, a fondé la première démocratie moderne. Celle des Etats-Belgiques, au con­traire, orientée vers le passé, n’accorde de droits qu’aux ordres privilégiés. Au lieu d’innover, elle restaure, sans tenir compte des transformations sociales, des ‘besoins et des idées du temps : elle ne fait, en somme, qu’habiller à la mode du XVIIIe siècle le grand privilège de Marie de Bourgogne.

 

(p.388) LA FRANCISATION LINGUISTIQUE. – L’unifor­mité de l’enseignement eut pour résultat d’en faire, dans les départements réunis, un puissant in­strument de francisation. Il ne pouvait être question de l’adapter aux mœurs, aux idées ou au langage de la ci-devant Bel­gique devenue partie intégrante de l’em­pire français. L’intérêt de l’Etat exigeait trop évidemment l’assimilation des peuples annexés pour que le gouvernement pût voir dans leurs caractères nationaux autre chose que des obstacles à abattre. Sa mis­sion était de dresser ses nouveaux sujets et de les amener par la communauté de l’instruction et de l’éducation à être dignes de la grande nation à laquelle ils avaient désormais le bonheur d’appartenir. Il était d’ailleurs trop sûr de sa force pour re­douter aucune opposition. Il lui suffit de proclamer, sous la République comme sous l’Empire, que le français était la seule (p.389) langue officielle. Pour les mesures d’application, il les délégua à ses fonctionnaires.

Généraliser l’usage du français dans les parties flamandes de la Belgique fut naturellement  un de leurs premiers soucis. La tâche n’était pas difficile. Le français y avait fait de tels progrès au 18e siècle (…). Sans doute, dans les campagnes et dans beaucoup de petites villes, la langue flamande était seule ou presque seule en usage et il ne pouvait être question de l’imposer aux écoles dont les maîtres, pour la plupart, n’en connaissaient pas d’autre. Mais les préfets encouragèrent par des récompenses les instituteurs qui ouvrirent des leçons de français, et leurs instructions s’accordant aux vœux des parents, le succès répondit tout de suite à leurs efforts. Dès 1804, Viry, dans la Lys, se réjouit des progrès accomplis. La langue française se répand, dit-il, en même temps que les modes françaises. Les fermiers désirent la faire apprendre à leurs enfants (9). Dans les écoles de filles surtout, elle occupe une grande partie des pro­grammes. Les instituteurs formés par les écoles normales la connaissent tous et se font gloire de l’enseigner. Incon­testablement, ce qui nuit à sa diffusion parmi le peuple ce n’est pas la répugnance à l’apprendre, c’est le trop petit nombre des écoles et leur fréquentation insuffisante.

 

En revanche, dans les collèges officiels et naturellement dans les lycées, elle règne en maîtresse, et les collèges libres suivent l’exemple. Si on y enseigne encore le fla­mand, c’est à titre de seconde langue et presque de langue étrangère. La génération qu’ils ont formée de 1800 à 1814 a été élevée exclusivement en français, et il suffit de noter ce fait pour se rendre compte de la francisation rapide de la bourgeoisie.

L’administration ne manque pas d’accélérer le mouve­ment. Peu à peu, le flamand est exclu de toutes les positions (p.390) qu’il occupait. En 1800, les fonctionnaires de l’enregis­trement demandent, en vue d’éviter les fraudes, que tous les actes qui leur sont soumis soient exclusivement rédigés en français et, le 13 juin 1803, un arrêté leur donne satis­faction, tout en tolérant que les officiers publics puissent annexer aux expéditions officielles une traduction dans l’idiome du  pays.  Encore cette  concession tombe-t-elle bientôt en désuétude. Dans les bureaux des préfectures, des municipalités, de tous les chefs des grands services de l’Etat comme dans les greffes des tribunaux, non seu­lement les fonctionnaires ne correspondent et ne tiennent les écritures qu’en français, mais très souvent, étant eux-mêmes Français d’origine, ils ne savent point d’autre langue. C’est en français que délibèrent les Conseils Généraux des départements ainsi que les Conseils commu­naux, que les juges rendent leurs sentences et que plaident les avocats. Et bientôt, le français débordant au dehors, multiplie ses emprises sur la vie sociale. Aux yeux de beaucoup de préfets, c’est un devoir que d’extirper l’usage de l’idiome national. A Anvers, Voyer d’Argenson est « ardent à interdire les publications périodiques en langue flamande » (10). Dans l’Escaut, ses collègues se signalent par l’intransigeance de leur zèle. En 1806, Faipoult or­donne la fermeture de tous les théâtres flamands du dépar­tement. D’Houdelot oblige l’éditeur de la Gazette van Gent à publier désormais son journal en français, interdit, en 1810, l’impression de tout livre et de tout journal en flamand et, en 1812, impose la traduction du nom des rues et jusqu’à celle, des inscriptions peintes sur les enseignes (11). Mais cette persécution ad­ministrative ne fut pas générale. La plupart du temps les préfets se bornè­rent à bannir le flamand de l’usage officiel. Les vieilles sociétés de rhéto­rique continuèrent à subsister et à orga­niser des concours entre leurs membres (12). On y rima, dans une langue déplorablement abâtardie, les victoires de l’empereur. D’autre part, le clergé con­tinuait d’enseigner le catéchisme et de prêcher, au moins à la campagne, dans la langue du peuple, qui apparut ainsi solidaire de la religion. La poésie pieuse qui avait inspiré au XVIIe siècle le Masker van de Wereld du jésuite Poir­iers (1646) continua de trouver des lecteurs. C’est à elle que se rattache la Jerusalems herstelling, publiée en 1811 par le curé Stichelbaut, dans laquelle s’expriment, sous une forme symboli­que, les souffrances d’un peuple op­primé par l’impiété et aspirant à la libé­ration.

 

L’ATTRACTION DE PARIS.  La centralisation administrative et la francisation du   pays qui en résulta, orientèrent naturellement vers la France ou, pour mieux dire, vers Paris, toute l’activité intellectuelle de la Belgique. Il serait vain d’y chercher la moindre trace de spontanéité ou d’originalité. Elle n’est plus qu’un pâle reflet de la capitale. C’est vers elle que se tournent tous les regards et que se dirigent les jeunes gens désireux de faire car­rière soit au bureau, comme de Gerlache, soit dans la lit­térature, comme de Stassart, soit dans les arts, comme tant d’autres. Les neuf  départements réunis  ne forment plus qu’une province soumise à l’influence et à l’attraction de Paris. Madrid, sous le régime espagnol, Vienne, sous le régime autrichien, n’avaient été que la résidence des princes et n’avaient jamais imposé aux Pays-Bas ni leurs mœurs ni leurs idées. Bien plus, lorsque, sous Marie-Thérèse, le gouvernement avait voulu ranimer en Belgique la culture littéraire et scientifique, il avait cher­ché à lui fournir, par la création de l’Académie de Bru­xelles, un centre autonome autour duquel elle pût se grouper. Mais l’Académie a été entraînée dans la sup­pression des corporations. Sa bibliothèque et ses instru­ments sont dispersés comme ses membres. D’ailleurs per­sonne lie s’intéresse plus aux antiquités nationales aux­quelles elle avait consacré le meilleur de ses forces. Frappées de la réprobation qui s’attache à l’Ancien Ré­gime, elles ne • paraissent plus qu’un, passe-temps de réactionnaires ou tout au moins de pédants. Sauf quelques rares bibliophiles, comme van Hulthem à Gand, on laisse se dilapider le trésor des bibliothèques provenant des institutions religieuses supprimées et que le gouvernement a d’ailleurs écrémées au profit de Paris. En 1811, Liège « n’offre ni un manuscrit ni un livre à consulter » (13).

 

Jo Gérard, Les catholiques belges et la révolution française, LB 20/05/1989

 

“La collection complète des chefs-d’oeuvre de Rubens, Van Dijck, Jordaens, De Crayer est exposée au Museum national”, à Paris.

“L’année précédente, un seul envoi de pièces d’orfèvrerie prises dans les églises, les abbayes, les châteaux belges remplissait vingt-neuf chariots.”

“Le 9 août 1794 commence à Liège l’infâme destruction de la cathédrale St-Lambert.  A Anvers, on démolit brutalement les belles églises de St-George et de Ste-Walburge; à Bruges, les républicains s’atatquent au sanctuaire roman de St-Donat.  Les abbayes d’Aulne, de Villers, d’Orval sont détruites à coups de canon.  Abattue, l’église abbatiale d’Affligem qui, avec ses 5 clochers, était une merveille romane.”

“Brisés, les superbes tabernacles d’albâtre des sanctuaires de Tongerloo et de Ste-Waudru à Mons.  Dépendues et envoyées au creusot, les cloches de nos églises pour en faire des canons.

Le 21 septembre 1794, 3 commissaires de la république spolieront de 171 manuscrits précieux et de 200 livres rares la Bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles en attendant qu’en 1795, une parfaite canaille, le commissaire Laurent, fasse encore enlever 229 manuscrits de haute valeur.”

‘Trois jours durant, ils vidèrent la collégiale des Saints Michel et Gudule de ses tableaux, de ses pièces d’orfèvrerie religieuse, de ses tapisseries.’

“En 1793, les Français fusillent dix Belges, place Royale, à Bruxelles.  A Namur, ils infligent le même sort à 2 religieuses qu’ils avaient accusées d’espionnage.  …

Le 14 mai 1794, c’est l’instituteur de Florenville qui tombe face au peloton d’exécution.  A Limelette, le cordonnier est fusillé parce qu’il avait osé conserver chez lui sa carabine de chasse . …

C’est le 13 novembre 1796 que les républicains installèrent les premières guillotines en Belgique.

On estime à 10.000 le nombre des religieux et des prêtres arrêtés.

 

/1798/

“Les Républicains avaient massé dans l’entrepont du voilier “La Charente” deux cents prêtres prisonniers et six cents dans un autre navire.  EN onze mois, sur ces deux bateaux, périrent de maladie, de froid et de faim, cinq cent quarante ecclésiastiques sur huit cents.  Mais un des déportés parmi les plus héroïques fut Jean Havelange, le recteur de l’université de Louvain.  Né à Dieupart, près d’Aywaille, c’est à l’âge de 50 ans qu’il mourut à cayenne.”

“L’amirauté britannique donna l’ordre à ses navires de pourchasser et de capturer les voiliers français transportant des déportés belges vers la Guyane.”

… certains furent sauvés et selon l’historien Franz Nève, débarqués à Liverpool et à Londres reçurent: “Un accueil triomphal.”

 

Jo Gérard, Les Flamands et leur langue au fil du temps, LB 02/03/1987

 

L’abbé Grégoire va suggérer dans son « Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française » rédigé à la demande de la Convention en 1794″ qu’on interdise le mariage aux citoyens qui ne pourraient pas prouver « qu’ils savent lire, écrire et parler la langue nationale. »  Celle-ci étant, bien entendu, le français.

« La même francisation fut appliquée au système judiciaire où elle eut de graves conséquences, celle que souligna le professeur Paul Hamelius: « Bien des Belges furent condamnés sans pouvoir s’expliquer par les juges étrangers ou négligents que devait compter le personnel bizarre de la Révolution. »

« Les lycéens impériaux établis à Bruges, Gand et Bruxelles ostracisent le flamande leur enseignement. »

 

Joseph Lefevre, L’Angleterre et la Belgique, à travers les 5 derniers siècles, éd. universitaires, 1946, Bruxelles

 

(p.147) La domination française. – Invasion de la Belgique. – Le régime impérial. – Chute de Napoléon. – L’arrivée des alliés.

 

Sous la houlette des Habsbourg d’Autriche, mise à 1’abri des convoitises françaises, la Belgique avait connu des jours heureux. Les choses se gâtent à 1’avènement de Joseph II, le fils de Marie-Thérèse.  L ’empereur philosophe – on dit parfois aussi sacristain – s’était aliéné la sympathie de ses sujets par 1’exécution parfois brutale de réformes, dans les domaines les plus divers. En 1789 la révolution brabançonne réussit pour quelques mois à chasser les Autrichiens de notre pays. On ébauche alors la constitution d ‘une Belgique indépendante, Etat fédératif, plus ou moins calqué sur les Provinces-Unies. Puis, la désunion se met dans les rangs de nos ancêtres et, sans peine, une armée impériale rétablit la domination des Habsbourg.  La révolution brabançonne n ‘est qu’un intermède que les puissances étrangères, 1’Angleterre et la Prusse en particulier, suivent avec curiosité et dont elles profitent pour contraindre le nouvel empereur, Léopold II, à confirmer une fois de plus les privilèges de ses sujets belges, revenus au bercail.

 

Un orage plus terrible que les précédents se prépare. Il vient encore une fois du Midi. La monarchie française se débat dans les convulsions commencées en 1789 par 1’événement minuscule qu’est la prise de la Bastille. Le trône de Louis XVI est ébranlé, en attendant que le monarque et sa famille ne soient conduits à 1 ‘échafaud.  La France révolutionnaire commence par afficher les tendances les plus pacifiques, elle assure qu’elle n ‘entreprendra jamais aucune guerre de conquête, déclare la paix à 1’Europe. Les souverains étrangers voient dans 1’effacement de ce pays, occupé pour longtemps pensent-ils par ses affaires intérieures, un gage de paix pour 1’Europe. Ils ne s’inquiètent nullement de la solidarité des couronnes et sont tout disposés à demeurer spectateurs. Insensiblement, l’on passe de part et d ‘autre à des sentiments hostiles et belliqueux.   Journalistes et politiciens de Paris déclament contre les tyrans, prêchent 1’émancipation des peuples esclaves, veulent étendre au dehors leurs principes de liberté. L’Empereur, maintenant François II, et le roi de Prusse sont les premiers à recourir aux armes, alertés à la pensée d ‘une extension possible à leurs propres Etats des théories révolutionnaires, excités par les réactionnaires français émigrés chez eux. La campagne de 1792 est favorable aux armées françaises et en quelques semaines les troupes de Dumouriez font la conquête de toute la Belgique. La sensation fut énorme à Londres. Le cabinet britannique avait à sa tête William Pitt, un de ces hommes à 1’énergie farouche, comme la nation anglaise sut toujours en trouver aux heures tragiques de son histoire. Tout jeune – il a à peine trente ans quand commence la guerre avec la France – il sut rester au (p.148) pouvoir pendant vingt ans, nanti de la plus entière confiance du roi et du parlement. Il fut le véritable maître de 1’Angleterre.

 

A la France révolutionnaire et dans la suite à Napoléon, il voua une haine farouche, qui rappelle celle de Guillaume III vis-à-vis de Louis XIV. Dans la campagne de 1792, la politique anglaise avait consisté en une neutralité absolue. Les menées des clubs parisiens cherchant à propager outre-Manche leurs théories révolutionnaires, 1’impression d ‘horreur suscitée par 1’exécution de Louis XVI, n ‘auraient pas suffi à lui faire prendre les armes.

La question belge fit pencher la balance.

 

A travers la mêlée des partis et les changements de règnes et de ministères, le principe dirigeant de la politique britannique demeurait intangible. Il ne fallait pas que la France s ‘étendit jusqu’à 1’estuaire de 1’Escaut, devint maîtresse d’Anvers. L’estuaire et le port, placés en face de la Tamise, sont d ‘une valeur exceptionnelle au point de vue militaire, peuvent menacer la sécurité de 1 ’empire britannique. C ‘est ce que Napoléon résumait plus tard dans 1’affirmation demeurée célèbre : Anvers est un pistolet chargé, au coeur de 1’Angleterre. La guerre fut déclarée le 31 janvier 1793. William Pitt, digne prédécesseur de Winston Churchill, annonça au Parlement qu’il fallait se garder de toute illusion sur le caractère du conflit qui commençait ; ce serait une guerre d’extermination. Elle le fut dans toute la force du terme. Avec 1’impérialisme français, qu’il fût royaliste, républicain ou napoléonien, aucun compromis n ‘était possible. En fait, les Britanniques allèrent jusqu’au bout, ne s’arrêtèrent que vingt-deux ans plus tard, quand en 1815, ils eurent arraché notre pays à la conquête française.

Il n ‘entre pas dans nos intentions de suivre par le menu les phases de ce drame dont le sort de notre pays constituait un des enjeux essentiels. Comme toujours, 1’Angleterre trouva des alliés sur le continent. En 1793 elle met sur pied une vaste coalition qui d’abord connaît quelques succès. Les armées austro-prussiennes reconquièrent la Belgique, envahissent le nord de la France, semblent menacer sa capitale. Et puis, ce sont les revers, les soldats de Jourdan réoccupent notre pays, poussent jusqu ‘à Cologne et Coblence. Ceux de Pichegru se rendent maîtres de la Hollande. La coalition se disloque ; la Prusse et la Hollande abandonnent la partie. Au cours des années suivantes apparaît sur la scène militaire le général Bonaparte. Celui-ci assène des coups terribles à 1’Autriche, lors de sa fameuse campagne d’Italie. Il menace Vienne, accule 1’Empereur à conclure la paix. Le traité de Campo-Formio, du 17 octobre 1797, consacre la réunion de notre pays à la France. C ‘en est fait de 1’oeuvre des ducs de Bourgogne et des archiducs, la Belgique est rayée de la carte de 1’Europe, elle ne constitue plus qu’une série de départements français. Un moment on put croire que 1’annexion était définitive. L ‘Angleterre isolée, dépourvue de tout allié sur le continent, consentit à traiter, non qu ‘elle fût vaincue, mais parce (p.149) qu’elle estimait que pour le moment la continuation de la lutte était sans utilité. Le traité fut signé à Amiens le 25 mars 1802. Il impliquait la reconnaissance par le gouvernement de Londres de la république française, la restitution des colonies conquises pendant la guerre, mais gardait le silence sur la Belgique. Malgré toutes les apparences, le dernier mot n ‘était pas dit.

 

La domination française en belgique a duré exactement vingt ans, de 1794 à 1814.  On peut dire qu’elle est complète, en ce sens que notre pays n’a pas été englobé dans u empire composite, comme elle l’avait été à l’époque espagnole ou autrichienne, mais est purement et simplement annexée.  Elle n’est plus un Etat, ayant une personnalité propre; elle fait partie intégrante de la république, puis de l’empire.  Toute son organisation ancienne a été abolie.  Son territoire constitue maintenant une série de départements administrés par des préfets et sous-préfets, nommés par le gouvernement de Paris, presque tous étrangers.

 

 

Le régime français de Fleurus à Waterloo, in : Chronique de la Belgique, éd. RTL1987

 

(p.513) De Fleurus à la Belle-Alliance, l’occupation française fut avant tout entre deux codes et deux réformes, une ère de pillages, de centralisation abusive, d’oppression linguistique et religieuse, de batailles sanglantes.

 

 

Serge Neybusch, Claude Leruse, Etienne van Caster, Gouvy, 23 villages à découvrir au cœur de la Haute Ardenne, ASBL Média Club de Gouvy, 1998

 

Cloches perles…

 

Suite à leur victoire le 6 novembre 1792 à Jemappe, les trou­pes révolutionnaires françaises occupèrent notre région, qui rut intégrée à la France par un décret de la Convention daté du 1er octobre 1795, ou « plus précisément », du 9 Vendémiaire de l’an III.

Censés apporter aux populations libertés et bienfaits, les Fran­çais ne laissèrent en lait que de mauvais souvenirs, et, rapidement, une fronde s’organisa en vue de s’opposer au dictat des nouveaux habitants.

S’étant par ailleurs fait remarquer dans toutes les autres con­trées de notre pays par leur hargne vis-à-vis du clergé, ruinant maints et maints édifices religieux, abbayes, monastères,…, les sans-culottes ten­tèrent d’imposer leur loi dans nos Ardennes, où la pratique religieuse était particulièrement vive.

Ainsi, dans le courant de l’été 1796, un différend naquit entre les nouvelles autorités et le curé de Salm quant à la tenue des registres paroissiaux; le curé Pierre-Barthélémy utilisant encore le calendrier gré­gorien et non le calendrier républicain dans la rédaction de ses écrits.

Rapidement, le conflit prit de l’ampleur; la majeure partie des membres du clergé refusant de prêter le serment de haine : « Je jure haine à la Royauté et à l’anarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution ». Il s’ensuivit une proscription générale des prêtres réfractaires, puis la prohibition de la plupart des signes religieux. Ainsi, le 5 floréal de l’an VI (24 avril 1798), le commissaire Damseaux enjoignait aux autorités communales de Vielsalm le strict respect de la loi du 7 Vendémiaire de l’an VI, à savoir la suppression, dans les délais les plus brefs, de tout signe extérieur du culte, tels que croix sur les cimetières, sur les cloches et les édifices publics. Il rappelait en outre que : « tout individu qui, au mépris de la loi du 3 Ventôse de l’an III, ferait une proclamation ou une convocation publique, soit au son des cloches, soit de toute autre manière, pour inviter les concitoyens à l’exercice d’un culte quelconque, sera puni d’un emprisonnement qui pourra aller de trente jours à une année. Les ministres du culte qui reraient ou provo­queraient pareille convocation, seraient quant à eux punis d’une année d’emprisonnement, et, en cas de récidive, seraient condamnés à la dépor­tation ». Enfin, il exige le pesage et l’enlèvement des clocnes dans les églises des prêtres réfractaires.

Ainsi fut fait le 2 Pluviôse de l’an VII (19 février 1799), date à partir de laquelle seules les églises non réfractaires purent encore servir de lieu de culte.

A la suite de cette ordre exécutoire, les cloches des églises des paroisses non signataires furent dépendues de leurs clochers et envoyées à Malmédy. C’est ainsi que Courtil livra une cloche de 160 livres; Halconreux, une de 30 livres; Cierreux, une de 30 livres; Rogery, une de 160 livres; Beho, une de 700 livres; Bovigny, une de 300 livres.

Vers 1801, certaines paroisses purent racheter les cloches non détruites contre monnaie sonnante et trébuchante. C’est ainsi que, par exemple, Rogery racheta sa cloche pour la somme de 24 couronnes.

 

A. Delrivière, in : L’ Accent, 124, p. 18-21

 

L’origine de l’institution provinciale remonte aux 13ème et 14ème siècles.  Suivant, les régions, elle s’intitule alors “Parlement”, “Etats”, “Membres”, et, à partir de la période bourguignonne (début 15ème s.), toutes ces institutions ont un caractère similaire. (…) Citons le décret du 31.8.1795 par lequel “l’occupant français divisait notre pays en 9 départements avec l’intention “… de rompre des relations trop anciennes entre les habitants, et de faire disparaître, comme en France, toute idée de province”, ainsi que l’écrivait, le 22.6.1796 l’intendant français Bouteville, de Bruxelles à son Ministre de l’Intérieur à Paris.  Le jacobinisme français dans sa brutale expression et dont l’esprit subsistera dans la loi provinciale du 30.4.1836 (…), et persistera, tout au long des modifications ultérieures jusqu’à présent, en ce sens que se trouvent en présence la tendance d’un pouvoir central fort (décisions soumises à l’approbation (p.19) royale, restrictions en matière de compétences, le rôle du gouverneur en tant que “commissaire du gouvernement”, etc.) et celle qui défend l’autonomie provinciale qui répond le mieux aux nécessités humaines, aux aspirations de la population locale, à ses besoins.  Et, de ces états d’esprit nous en trouverons la trace dans l’évolution de la loi provinciale jusqu’ à nos jours.” (p.20)

 

 

F.-A.  Sondervorst, Histoire de la médecine belge, éd. Séquoia, 1981

 

(p.144) Dans la nouvelle bourgeoisie ralliée au césarisme napoléonien, Jean-Philippe de Limbourg (natif de Theux), fut l’un des conseillers les plus écoutés du département.

 

(p.147) La Belgique sous la domination française

La médecine sous la République

 

Les sans-culottes qui s’opposèrent aux troupes impériales et à l’action des émigrés, furent d’abord accueillis avec une certaine sympathie, car ils arboraient la devise: liberté, égalité, fraternité. Toutefois, l’heure de l’indépendance n’avait pas encore sonné pour notre pays. Les envahis­seurs se livraient au pillage, au même titre que les armées qui les avaient précédées. Les combats se succédèrent avec des fortunes diverses. Après la victoire des Français à Jemappes (1792) et la défaite de Dumouriez à Neerwinden (1793), la France triompha définitivement avec Jourdan à Fleuras (1794). Ainsi, tour-à-tour, nos populations goûtèrent-elles les joies amères de la souveraineté populaire et les rigueurs d’un ordre absolutiste rétabli. La Belgique, jadis établie en rempart contre les visées de la France, se vit du jour au lendemain transformée en plate-forme de départ des futures équipées de nos voisins d’outre-Quiévrain.

Les vainqueurs de 1789, flanqués de commissaires du peuple, se promettaient de faire disparaître chez nous toutes les traces du despotisme ancien, notamment à l’aide d’une campagne antireligieuse effrénée. Les églises furent transformées en « Temples de la Raison », en salles de spectacle ou en dépôts de munitions, les couvents fermés, les prêtres et les religieuses pourchassés, les biens des possédants ou des ennemis du régime pillés ou vendus à l’encan. Les richesses de nos palais, églises et musées, prirent par convois entiers le chemin de la France, où ils devaient orner le Louvre et d’autres musées et ne nous revenir plus tard que dans une faible proportion. Toutes nos organisations corpora­tives disparurent par l’application, le 18 août 1792, du décret 2 du 17 mars 1791. Celui-ci supprimait aussi les maîtrises et jurandes corpora­tives de nos communautés de chirurgiens et de pharmaciens. Nos collèges médicaux se virent également supprimés. En France, on mit fin au recrutement des Maîtres-ès-Arts, tant futurs chirurgiens que philiâtres, licenciés ou docteurs en médecine. Cependant, nos écoles d’anatomie et (p.148) de chirurgie, ne disparurent pas immédiatement, car elles répondaient à des besoins impérieux, ce qui devait d’ailleurs les aider à se reconstituer plus rapidement par la suite. L’université de Louvain s’efforça de poursuivre ses activités en invoquant la liberté d’association.

 

Lorsque la Convention annexa la Belgique en 1794, on caressa l’espoir que la situation s’améliorerait, mais l’opposition du clergé alla grandissante et la persécution religieuse reprit sous le Directoire. Si la liberté du culte ne fut pas supprimée, l’Etat prétendit en régler l’exercice et la soumettre à son intérêt. Les Confréries et les corporations religieuses épargnées jusqu’alors furent supprimées. On interdit aux prêtres de percevoir des taxes culturelles et de se mêler des fonctions réservées aux officiers de l’état civil. On leur imposa le serment républicain et de haine à la royauté en déportant ceux qui refusaient de s’y soumettre. Tous les chapitres séculiers, bénéfices simples, séminaires, ainsi que toutes les corporations laïques des deux sexes furent abolis définitivement. Le 4 brumaire de l’an VI (25 octobre 1797), l’adminis­tration centrale du département de la Dyle, considérant qu’il ne devait plus y avoir, dans toute l’étendue de la République, qu’un seul mode d’instruction publique, arrêta que l’enseignement public devait cesser immédiatement à l’université de Louvain. Déjà menacée en 1794, l’université avait transféré ses archives aux Pays-Bas, où elles furent hélas perdues ou dispersées. La ville de Louvain fut frappée d’une contribution de guerre de deux millions de florins, dont l’université était partiellement redevable. Sa résistance à ces exactions fut un des prétextes qui servirent à la fermeture. Comme nous l’avons vu, le Professeur G. Buesen fut enfermé à la prison de la Porte de Hal. Vonck fut arrêté à son tour, frappé à coups de crosse et déporté à Péronne, d’où on le libéra après quelques semaines pour mener à bien la liquidation de la dette de guerre et remettre de l’ordre dans les affaires. La mort de son collègue Vander Belen (24 avril 1794) avait reporté tout le fardeau sur ses épaules. Après que l’université fut fermée, Vounck, épuisé par le surmenage, mourut de chagrin le 20 mars 1799. Le recteur, Havelange, et de nombreux professeurs furent déportés à l’île de Ré et à Cayenne, d’où plusieurs ne devaient jamais revenir. Ainsi disparut cet établissement qui, pendant quatre siècles, s’était rendu utile à la science et à la patrie.

 

(p.148) J. Henri Matthey

 

La mise en adjudication des biens de l’Eglise profita à des spéculateurs et des républicains qui s’enrichirent facilement et qui occupèrent par la suite de hautes fonctions. Ces nouveaux propriétaires étaient évidemment de chauds partisans de la République et ne manquaient pas d’en chanter les louanges, car à travers toute l’histoire, on retrouve des hommes prêts à acclamer les nouveaux maîtres, pour s’assurer une position avantageuse. Tel fut aussi le cas de J. Henri Matthey de Maaseik (1742-1796), d’abord chirurgien dans l’armée autrichienne et qui avait acquis sa licence médicale à Louvain en 1776 (Fig. 107). En 1771 il avait publié

(p.149) une intéressante brochure consacrée aux soins à donner aux noyés. Il devint médecin fonctionnaire de la ville d’Anvers (1783) et prélecteur de son école d’anatomie. Son désir d’y enseigner la clinique chirurgicale ayant indisposé le magistrat et ses confrères, il fut tout heureux, lorsque les Français occupèrent la métropole, de se voir installé dans un fauteuil municipal. Dès 1794, il fut nommé officier municipal et bientôt (1795) maire de la ville. Il ne cessa de donner de nombreux gages de sa fidélité au nouveau régime. Il fut présent à toutes les fêtes et à toutes les spoliations. Il tint pour justes tous les impôts de guerre qui frappèrent la ville et trouva ses concitoyens trop peu zélés à remplir les coffres de la République. Il se fit le délateur de tous les absents, mena la chasse aux curés et aux rares couvents que Joseph II avait laissé subsister. Lorsque, le 17 août 1794, les Français fêtèrent la réouverture de l’Escaut (déjà réouverte en 1792), Matthey, les yeux pleins de larmes, les remercia pour cet acte libérateur et émit le vœu de voir notre pays réuni pour toujours à la France. Aussi, lorsque J.H. Matthey, en passant l’Escaut, succomba le 9 octobre 1796 à une attaque d’apoplexie, très peu d’Anversois versèrent des larmes!

 

Une forte coalition s’étant formée contre la France, une nouvelle loi décréta la conscription obligatoire alors que les levées, même au temps des Espagnols et des Autrichiens, avaient toujours été volontaires dans notre pays. La réaction du peuple, surtout à la campagne, fut brutale et violente. Comment, en effet, espérer que nos compatriotes soutien­draient un régime impie contre un ennemi extérieur qui promettait de rétablir la liberté du culte? Les paysans armés de piques et de fourches attaquèrent les postes municipaux, brûlèrent les registres de l’état civil contenant les noms des conscrits et s’attaquèrent aux convois de l’intendance. Le mouvement, né dans le pays de Waes, s’étendit au Hageland, à la Hesbaye et surtout à la Campine. Mal armée, après deux mois de lutte acharnée, la révolte fut écrasée dans le sang à Hasselt (4 décembre 1798). Ainsi prit fin la Guerre des Paysans.

 

La répression fut générale, n’épargnant même pas les intellectuels, car le grand élan de fraternité que la Révolution avait voulu engendrer ne dura guère. La plèbe, les meneurs, les commissaires du peuple se montrèrent souvent féroces et plusieurs de nos savants durent fuir devant la tourmente. Tandis qu’on assistait à une refonte totale de nos institutions, certains esprits, nourris aux vues de ceux qui proclamaient que « doit être heureuse la nation gouvernée par la philosophie », espéraient voir fleurir les lettres, les arts et les sciences, et suivre des voies nouvelles. Au pays de Liège, par exemple, où les salons parisiens avaient déjà eu plus d’emprise sur les esprits que l’Aufklärung germanique, on digérait mieux cette révolution venue de France encore que beaucoup d’intellectuels y avaient dû prendre le chemin de l’exil.

Beaucoup d’esprits jeunes brûlaient cependant du désir de sortir de l’ornière, sans voir flétrir le patrimoine acquis. Ce n’était pas facile puisque tous les centres de la vie intellectuelle et scientifique étaient supprimés.

 

 

Aline Octave, porte ouverte sur … Bourcy, 1973

 

Sous le régime français (1792-1815)

 

(p.34) « L’armée française traîna derrière elle des pillards, s’enrichissant au détriment des populations, sous prétexte de fausses réquisitions. »

(p.35) »De tous les impôts établis par les Français, celui qui parut le plus dur fut la conscription qu’on appelait aussi l' »impôt du sang ».

Les jeunes gens du pays devaient servir la France et beaucoup trouvèrent la mort sur les champs de bataille.  Les réfractaires cherchaient refuge dans les forêts. L’écho des heurts entre l’autorité occupante et les ‘hors la loi’ nous est répercuté dans quelques arrêtés. » (W. Lassance)

 

« Ce fut pour le Luxembourg, une période de troubles et de persécutions religieuses. (…) L’abbaye d’Orval fut pillée et incendiée, de même que celles de Saint-Hubert et de Clairefontaine. »

A partir du Directoire du 4 septembre 1797, une scission éclata parmi les prêtres: d’une part, les prêtres jureurs (jurant fidélité à la République, comme le décrétait un arrêté de cette époque) et les prêtres qui avaient refusé le serment.

(pp.71-72) « Il ne restait aux prêtres fidèles, que la clandestinité et ses retraites. Ils trouvèrent dans nos villages, grâce au dévouement de la population chrétienne, des maisons sûres et des cachettes nombreuses pour exercer leur ministère dans la clandestinité.  C’était bien souvent un ministère de nuit, célébré dans un endroit quelconque, toujours différent, parfois même dans les bois.

Un courant de résistance s’installa sous le nom de « Stevenisme ».  Il avait à sa tête, pour la région de bastogne, l’abbé J. Reding, curé de Bercheux, et Luc Grandjean, curé de Nives.  Ces deux prêtres réfractaires très en vue furent très recherchés.

Nous relevons quelques noms de prêtres de la région, cachés ou absents: J. HENNECART, curé de Noville, BALON, ex-vicaire de Bourcy, …, les deux frères BARTHELEMY de Bourcy. (La famille Barthélemy, est ascendante de la famille Duplicy). »

 

André Lépine, Cerfontaine à l’époque française 1793-1815, Cercle d’Hist. et Musée de Cefontaine 1999

 

1793

(p.21) Les marques de reconnaissance envers les « frères, voisins et amis » français, plutôt dithyrambiques – c’est la mode alors – sont réelles. Tout laisse supposer cependant que cet appel a été rédigé à l’instiga­tion d’agents français soucieux de hâter la francisation complète de la principauté liégeoise.

D’ailleurs, lorsque le 4 février suivant eut lieu à Florennes le « dé­pouillement général du scrutin du département de l’Entre-Sambre-­et-Meuse Liégeoise » 9 ce fut en présence des «missionnaires envoyés par la Société des amis de la liberté et de l’égalité de la ville de Liège». Parmi les élus du district de Florennes se trouvaient deux « avocats de Cerfontaine » : Robert, membre du bureau, et Anceaux.

 

1793

(p.36) L’étau se referme sur notre région et avec d’autant plus de violence que la République est aux abois; la Terreur, qui sera décrétée ou « mise à l’ordre du jour» officiellement le 5 septembre suivant est dans l’air…

Mais en fait, les administrateurs de Couvin ne se font-ils pas si mena­çants que parce que la population est réticente, que les élus mêmes, subissant l’influence du « tyran liégeois », vont jusqu’à prononcer la dissolution de leur Assemblée, et que les juges de paix, suivant cet exemple, se démettent de leurs fonctions ? Le voisinage des troupes autrichiennes, de l’aveu même de ces administrateurs est pour beau­coup dans le manque d’ardeur des nouveaux Français. Dans l’en­semble, on ne peut dire que la population voire les administrateurs locaux aient été très enthousiastes à ce moment. Loin de là. On fit très peu, en effet, pour protéger des Impériaux les nouveaux citoyens (les Cerfontainois en surent quelque chose!), lorsqu’ils furent outrageusement spoliés dans leurs biens et surveillés dans leurs actes 18. A Senzeilles, notamment, le bailli, un certain de Busnel, qui habitait le château, sera même enlevé le 2 décembre 1793, par les Hussards de Barco cantonnés à Boussu-lez-Walcourt, et emmené à Walcourt. Cet enlèvement aura pour effet immédiat de mettre en très mauvaise posture son beau-fils, le citoyen Urbain, commissaire du Directoire exécutif près la municipalité de Philippeville, qui passe de ce fait pour un parent… d’émigré.

Mais voyons ce qui s’est passé entretemps.

Un corps de volontaires liégeois, ceux-là même ‘qui avaient fondé à Paris le Comité des Belges et Liégeois Unis, avaient sévi dans notre (p.29) région : de leur base de Givet, ils rayonnaient dans les villages de l’Entre-Sambre-et-Meuse pour soulever le pays contre le Prince-Evêque et l’Empereur (…). En juin et juillet, ils font plusieurs expéditions dans les environs de Couvin et jusqu’à Chimay où , pour une fois, ils sont reçus à cous de mousquet et où ils laissent quelques morts sur le pavé.

 

(p.36) (…)  les Dragons de Latour, des Hussards de Barco et des Chasseurs établis au camp de Boussu et à Silenrieux, ainsi que des détachements et «piquets» installés dans le village. Quelques-uns de ces billets de réquisitions autrichiens éma­nent également d’un certain Charles Graux.

Il s’agit d’un homme de décision, originaire de Virelles, chef d’une bande de francs-tireurs appelés « Chasseurs-Patriotes » qui prenaient part à la guerre des Paysans. Il accourait avec ses hommes au son du canon dans l’espoir de renforcer les Autrichiens. Graux prenait donc la tête des gens du pays de Hainaut – il leva ainsi 1 50 hommes à Froidchapelle, village limitrophe, – et préparait des coups de main, souvent fructueux, contre les pillards de la Révolution qui multi­pliaient leurs rapines dans la région, imposant les communes et volant les biens et les vivres des particuliers 31.

Un autre chef célèbre d’un de ces groupes de Patriotes fut le fameux La Redoute, de Froidchapelle. Ce risque-tout qui avait fait à l’occasion le coup de feu avec les Autrichiens, assassina un de ses concitoyens dans une rixe et dut se terrer dans les forêts de Chimay et de Rance durant trois longues années avant de s’exiler en Angleterre, où il écrivit des mémoires pleines à la fois de naïveté, de discrétion et de gloriole. Voici comment il explique succinctement sa participation aux côtés des Impériaux en 1794, peu après avoir remplacé, il faut le signaler, son père, représentant du peuple à Mons, dans des opérations de réquisitions au profit des… Français: «Maubeuge se trouvant bloqué par une armée autrichienne, ma commune et toutes celles de la frontière étaient exposées aux incur­sions des Français.

 

/bataille de Boussu/(p.38)

 

Le 1er mars 1794, les Français se replient à la frontière devant le Prince de Cobourg à la tête des Autrichiens, mais bientôt les Français repassent à l’attaque. Le 26 avril, un mouvement général depuis Philippeville jusqu’à Dunkerque fut décidé. « La bataille de Boussu­-lez-Walcourt, 7 Floréal an II (soit le 26 avril 1794) fut un des com­bats de la gauche des Autrichiens. L’armée des Ardennes qui devait marcher de Philippeville vers Beaumont s’avança en direction du vil­lage de Boussu par le hameau des Haies de Silenrieux.

Les Français établirent une batterie au midi de Silenrieux près d’un petit bois nommé « La Forêt ». Cet endroit où l’on voit des vestiges des travaux de terrassements exécutés à cette époque est encore nommé la Batterie ou la Redoute.

Les Autrichiens occupaient à Boussu la hauteur du Champ de la Justice. Ils établirent des batteries dans un chemin très profond de la place communale et derrière la chapelle dite « Calvaire de Silen­rieux» près du Champ de la Justice.

Dès les premiers mouvements, la population de Boussu s’enfuit dans les bois par le chemin du Stordoir. Le village de Boussu était déjà célèbre par la défaite qu’un général de Louis XIV, le Maréchal de Humières, y avait éprouvé cent ans auparavant en 169335. Cette circonstance qui fut rappelée aux soldats français par leurs chefs, les électrisa et leur inspira un bouillant désir de vaincre.

La batterie de la Forêt de Silenrieux visait les pièces autrichiennes du Calvaire de ce village. Celles de Spèche lançaient leurs projectiles vers le Champ de la Justice et la place communale de Boussu.

Les Autrichiens répondirent aux Français par un feu très nourri jusqu’à ce que les grenadiers de Charbonnier les assaillirent à la baïonnette. Il y eut alors au Croly-Champ situé entre Silenrieux et Boussu une lutte terrible et sanglante, les Autrichiens, culbutés, pri­rent la fuite vers Fontenelle, Thuillies et les environs où ils s’arrê­tèrent.

(p.39) Lefranc ajoute que pendant ce combat, les Français furent tout à coup pris entre deux feux par une bande de paysans armés, débou­chant des bois de Boussu par le chemin du Stordoir. C’était les hom­mes de Graux. Charbonnier n’en eut pas pour longtemps avec ces patriotes qui reprirent à la hâte le chemin par où ils étaient venus, sous une pluie de balles et d’obus. Charbonnier crut que ces soldats­-paysans étaient de Boussu, aussi s’en vengea-t-il en livrant cette localité au pillage et à l’incendie.

Après cette victoire qui coûta 400 morts aux Autrichiens, le général Charbonnier se dirigea vers Beaumont où Desjardin, sorti de Mau­beuge, le rejoignit après qu’il eut chassé la légion de Bourbon des plateaux de Leval-Chaudeville. Les Républicains commencèrent à bombarder Beaumont d’où les Autrichiens se retirèrent immédiate­ment avec armes et bagages.

Ajoutons encore que le 10 mai suivant, les corps de l’armée des Ardennes aux ordres de Charbonnier, cantonnés entre Beaumont et Philippeville, se mirent en mouvement sur sept colonnes vers Thuin. A la tête d’avant-gardes se trouvaient le général Duchesnes et Marceau.

Quatre jours après, les Révolutionnaires incendiaient l’abbaye d’Aulne qu’ils avaient prise le dimanche 10 mai…

 

(p.43) /1795-/

Ce fut ensuite l’épopée des guerres napoléoniennes, et à partir de 1813, « dès avant même la débâcle de Leipzig, la désaffection (chez les Belges envers le régime) était complète ». Faut-il signaler qu’alors la France tenait sous les drapeaux 160.000 Belges sans compter 100.000 gardes nationaux?

 

(p.44) Il y avait plus de vingt-deux ans que le vote de la Convention et l’arrêté des délégués à l’Armée des Ardennes avaient annexé à la France le district de Couvin, incluant Cerfontaine.

 

(p.103) /1793-/

Le 30 frimaire, nouveau tour de vis: le citoyen Lefèbvre, de Neu­ville, arrive ici pour « accélérer le départ des jeunes gens et recueillir les armes de calibre ».

Les événements prenaient donc mauvaise tournure, et comme dans le district, 776 jeunes gens avaient refusé l’incorporation 6, ils sont désormais considérés comme émigrés conformément à l’article 18 de la loi du 2 frimaire an 2 : «Tout citoyen de la première réquisition qui se sera caché ou qui aura abandonné son domicile pour se sous­traire à l’exécution de la loi et qui ne sera pas présenté dans la décade qui suit la publication de la présente loi sera censé émigré et con­sidéré comme tel; ses parents seront considérés comme parents d’émi­gré. »

 

(p.104) AVIS.

Aux citoyens de la première réquisition de 18 à 25 ans.

Citoyens,

L’agent national, de même que la municipalité de cette commune, vous prévient que conformément à l’organisation des armées de terre, et que par ordre exprès qui nous parvient de Paris par extrait nous envoyé par le procureur syndic près le district de Couvin qui ordonne à tous les jeunes gens de la première réquisition de 18 à 25 ans de se rassembler promptement et se rendre près le commissaire de guerre le plus proxime afin qu’il indique le lieu où se trouvent les bataillons

(p.105) du régiment dont ils font partie et qu’il vous fasse conduire de brigade en brigade. Ou au défaut de vous y rendre de bonne volonté, l’agent national avec la municipalité seront obligés de vous y contraindre par la force armée.

Salut et fraternité.

Cette longue histoire de réfractaires n’était pas encore terminée, loin de là. En date du 22 pluviôse an IV (II février 1796), un rapport de l’agent municipal adressé au département et au général Grignon, nous explique clairement les raisons qui ont conduit les jeunes Cer­fontainois à se soustraire à la conscription – raisons de tout temps et de tout lieu. Ils se plaignent de ce que les conscrits sont traités on ne peut plus durement, de perdre la liberté et surtout de devoir quitter leurs parents qui vivent dans la misère et dont ils sont le seul appui. Voici donc le rapport de J. J. Roland:

« Ses jeune citoyens à larivée de la réquisition ons parnent si telle­ment dégouté de partir par plusieurs raisons, la première, que plu­sieurs jeune citoyens de l’arondissement furt privé de leurs liberté; ainsi que partant de la allan a Rocroy a leurs arrivée furent mis en prison pandant plusieurs jours, et traité durement par les chef du transport, en consequance le tems aussi miserable qu’il et, que la plus part de ses jeune citoyens sont seul pour allimenter leurs mere, freres et soeurs, etant employe tous à la forgerie, dans differant travailles de plus necessaire pour le bienêtre de l’êtat. »

Ce document était accompagné de la liste des jeunes gens de la pre­mière réquisition au nombre de quarante.

Ce qui est remarquable dans ce procès-verbal, c’est la compréhension dont fait preuve, malgré sa charge, l’agent du pouvoir ainsi que le

ton « humanitaire» du rapport, encore qu’il soit assez naïf d’adresser pareille missive à une commission d’exception, dans le cas présent, au comité révolutionnaire du district de Couvin.

Ce qui est également étonnant, c’est la personnalité même du signa­taire qui avait été naguère, soulignons-le, un des partisans les plus acharnés du nouveau régime. C’est lui, en effet, qui s’était porté le 24 avril 1793 à la tête de quelques concitoyens armés de bâtons et de haches dans la pannée du Vivi Pîyè, c.à.d. la taille de ce lieu, pour empêcher les administrateurs liégeois, réintégrés dans leurs fonctions après la révolution, de venir y marquer les arbres. (Voir document n° 4 ci-après.)

Juste retour des choses: cet homme – primaire et violent, ses prises de position le montrent – devait certainement s’en vouloir d’avoir, par ses paroles et ses actes, ouvert tout grand le chemin aux révolutionnaires qui actuellement se montraient sous leur vrai jour.

 

(p.107) Ce qui se passait chez nous se renouvelait vraisemblablement dans nombre de villages des environs immédiats à en croire un document du 21 prairial an VII (9 juin 1799) émanant du commissaire du directoire exécutif près l’Administration centrale du département des Ardennes et adressés à son collègue du département de Sambre-et-­Meuse.

Ce document nous renseigne exactement sur l’état d’esprit des auto­rités au sujet des difficultés rencontrées dans le déroulement des levées de conscrits dans notre région. La résistance passive ne date pas d’aujourd’hui… L’énervement des responsables paraît à son comble :

« La résistance que l’Administration centrale des Ardennes éprouve de la part des habitants du ci-devant district de Couvin, pays réuni, relativement à l’exécution de la loi sur la conscription militaire est due en partie, d’après les renseignements qu’elle s’est procurées et ceux qui me sont parvenus, à la conduite anticivique des conscrits du canton de Florennes et lieux environnants, dépendant de votre ressort; ces lâches se retirent dans les bois, cherchent à se grossir et à entraîner dans leur désobéissance les conscrits du pays de Couvin, on les a vus en armes dans plusieurs communes.

 

(p.108) La conscription fut, on s’en doute, à l’origine de nombreux tiraille­ments, de rancunes profondes et de haine exacerbée à l’endroit des autorités et des représentants de l’ordre. (…)

Les jeunes gens participaient donc, sous l’Empire, au tirage au sort qui déterminait les conscrits et qui subsista jusqu’en 1908.

Ce doit être de cette époque ou tout au moins en souvenir de celle-ci qu’était encore chanté par les jeunes gens appelés au tirage au sort au début de ce siècle le refrain suivant :

« Non, non, ‘m fis, non, (bis)

            Nos n’ irons nin sièrvi Napolèyon ! » (bis)

 

(p.109) Durant ces vingt années, des dizaines de jeunes Cerfontainois durent donc revêtir les différents uniformes des armées françaises. Comme leurs compagnons d’infortune, ils parcoururent toute l’Europe du Portugal en Prusse et en Russie.

En 1813, notamment, ils étaient 31 à servir sous les drapeaux (sur une population de 984 habitants).

Les lettres qu’ils écrivent, ou font écrire, à leurs parents sont, cela va de soi, ouvertes par la censure qui tient à connaître le moral de l’homme de troupe.

 

(p.110) De ces conscrits, certains mourront loin de chez nous, comme

François LECLERCQ, âgé de 26 ans, mort au service. (C’est le seul

renseignement indiqué dans le registre de 1806 – n° 109) 9

Jean-Baptiste DUPONT, âgé de 22 ans, mort au service. (registre de 1806 – n° 750).

François-Joseph DEFRANCE, chasseur à cheval au 1er régiment (4″ es­cadron, 4″ Cie), fils de Jean-Joseph et de Marie-Joséphine Gerboux,     né le 16 août 1789.

    Arrivé au régiment le 18 avril 1808; mort à l’hôpital de Gand par suite de fièvre le 8 octobre de la même année. Matricule 1557. (SHA, Vincennes)

Le registre d’état civil ajoute qu’il est décédé «d’ydropisie ano­sarée ».

Jean-Joseph GERBOUX, fils de Jean-Joseph et de Marie-Joséphine Carez, né en 1772.

Arrivé au 8″ régiment de chasseurs à cheval (1er escadron, 4e Cie) le 13 nivôse an 10. Mort à l’hôpital de Gémone, royaume d’Italie, le 10 décembre 1809 des suites de fièvre. Matricule 472. (SHA, Vincennes ).

(Gémone se trouve au nord d’Udine, en Vénétie.)

François DUTRY, caporal à la Ir » Cie, 3″ bataillon du 14″ régiment de ligne, (3″ corps) armée d’Espagne.

Mort le 22 avril 18n à Huesca (Espagne) des suites de blessures causées par une charrette.

Joseph CAMUS, voltigeur à la 2″ Cie du 59″ régiment d’infanterie de ligne, tué d’un coup de feu le 14 mars 18n, à 10 heures du matin à Misando de Corro (Portugal). Agé de 28 ans. Reg. matricule 8274. Acte signé le 8 avril à Ciudad Rodrigo (Espagne).

 

(p.111) Norbert GERBOUX (frère de Jean Jh mort en 1809), soldat du 9. rég. d’infanterie légère (3. bat., 6. Cie de voltigeurs) mort le 13 dé­cembre 1813, à l’âge de 28 ans, à Auvillers-Ies-Forges (Rocroi) dans un convoi de militaires blessés et malades.

Paul DEFRERE, mort à 30 ans, le 3 mars 1814, 1er régiment de Tirail­leurs, 2. bat., Ir. Cie de la Garde Impériale, décédé à l’Hôtel-Dieu à Paris.

Jean Baptiste Jh CLAUSIN, caporal à la Ire Cie du 4e bataillon du 59″ Régiment de ligne ancien (fils de Pierre Clausin). Entré le 21 février 1807; décédé le 18 mars 1813 à l’hôpital n° 1 de Dantzig, des suites de fièvre putride.

Jacques ROLAND, décédé par suite de fièvre à l’hôpital Saint-Yon à Rouen, le 31 mars 1814 à l’âge de 31 ans.

Quant à Jean Jh COLONVAL, il décéda à Cerfontaine, à l’âge de 24 ans, le 15 juin 1801, où il venait de rentrer pour un congé de convalescence de deux mois.

« Parmi les moyens d’échapper à la conscription, l’un des plus sim­ples et des plus répandus consistait à contracter volontairement quel­que infirmité qui entraînait l’inaptitude au service. » 10

L’abbé Paul Baudouin m’a dit (2 février 1964) qu’on racontait an­ciennement dans sa famille que des jeunes gens buvaient du vinaigre pour ne plus grandir et échapper ainsi à la conscription (raconté par le grand-oncle de Mathieu Ducarme, son grand-père). De même, cer­tains en arrivaient à se couper le gros orteil avec leur hache de bû­cheron.

C’est certainement à cet épisode que fait allusion Arthur Balle dans le document n° 10 reproduit ci-après.

Il y avait d’autres moyens en honneur à Cerfontaine à en croire le général Philippe qui rapporte qu’à « un moment donné, on comptait à Cerfontaine, 20 à 25 jeunes gens qui s’étaient mariés à des femmes âgées de 70 à 80 ans uniquement en vue de se soustraire à la conscrip­tion ou à la garde nationale. La plupart d’entre eux ne quittaient pas leurs parents et n’habitaient pas avec leur épouse ».

 

(p.113) Sans égaler celui des réfractaires, le nombre des déserteurs était considérable. Les désertions étaient surtout fréquentes au cours du (p.114) voyage que les conscrits faisaient en troupe de leur pays d’origine à leur future garnison; tout conspirait alors à leur suggérer une réso­lution désespérée: la tristesse de la séparation, l’effroi de l’éloigne­ment, la brutalité de leurs guides, la commisération et fréquemment les encouragements de leurs compatriotes aux premiers gîtes d’éta­pes ».

Ce fut notamment le cas au mois de juillet 1806 quand près de deux cents conscrits ont déserté dans le court trajet de Charlemont (Givet) à Nimègue.

Déjà quelques années auparavant « en 1801, le préfet de Sambre-et-­Meuse avertit le ministère de l’Intérieur de ce que dans l’Ardenne les conscrits peuplent les forêts ».

 

(p.123) La conscription, qui n’avait jamais existé chez nous, fut considérée comme une calamité et fit l’unanimité contre elle; de surcroît, les moyens brutaux mis en œuvre pour l’appliquer n’arrangeaient pas les choses.

De tous temps, les Cerfontainois, comme les habitants de nos con­trées, avaient subi les exactions des troupes de passage, mais jamais ils n’avaient vu leurs fils enrôlés de force et obligés d’abandonner leurs père et mère souvent démunis, pour aller peiner et mourir sous des cieux inhospitaliers et dans des conditions misérables.

Triste épilogue de cette innovation tant haïe qu’était la conscription, les esprits échauffés armèrent les bras et, ce qui ne s’était pas vu depuis plusieurs générations, le sang coula à Cerfontaine…

 

 

(p.131) A. RÉQUISITIONS DIVERSES

 

Succédant aux multiples pillages des temps troublés de la fin de l’ancien régime, de nouvelles réquisitions, plus nombreuses, plus im­portantes et surtout mieux organisées grevèrent dès l’avènement du nouveau régime les finances de la communauté.

(…) « Dès le 17 nivôse an III (6 janvier 1795), une proclamation des représentants près les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse avait fait entrevoir aux habitants du pays conquis les sacrifices qu’ils auraient à s’imposer (…) : comme les républicains français, dépouil­lez-vous du cuivre qui forme des meubles inutiles dans votre mé­nage ; » 2

Mais l’on s’en doute, il n’y avait pas que le cuivre qui intéressait les Français: «Il faut dépouiller la Belgique de subsistances, de chevaux, de cuirs, de draps, de tout ce qui peut être utile à notre consommation …, faire circuler les assignats, établir des contributions, enlever tout l’argent possible» 3. A la levée en masse ou mobilisation militaire correspondait l’économie dirigée ou mobilisation des ressour­ces pour armer et ravitailler les masses d’hommes que fournissait la levée de sept classes. Les matières premières sont activement recher­chées: métaux, cordages, terres salpêtrées, etc.

Chez nous, les cloches de l’église, ainsi que des objets en cuivre et l’argenterie, furent subtilisées – nous le verrons plus loin – par les révolutionnaires en décembre 1794.

 

(p.136) Les réquisitions n’ont jamais été prisées de personne et surtout pas celles de cette époque qui sont de véritables razzias contre lesquelles même les mandataires pro-français, on l’a déjà vu, s’élevaient avec force.

Notre situation géographique nous désignait tout naturellement à être les premières victimes de la rapacité dévastatrice des agents français. Dès mars 1794, les administrateurs du district eux-mêmes avaient fait remarquer, non sans courage d’ailleurs, que les réquisitions « s’exercent dans ce district dans toute leur plénitude. Mais ce qui les rend pénibles pour le peuple, souvent inutiles à la République par leur désordre, ce sont celles que font sans avertissement et sans concert les généraux, les agents de tous les genres, et même les districts, les municipalités d’un autre district » (rapporté par MARLEIX)

 

(p.151) Signalons enfin que le 12 décembre 1794, un détachement de dragons du 10. régiment était venu de Vedette Républicaine (Philippeville) enlever deux cloches pesant respectivement 2.000 et 1.500 livres, six chandeliers de cuivre, de l’argenterie, une lanterne, un encensoir et des sonnettes. Les soldats avaient réquisitionné deux transporteurs de la commune, Jacques Daine et un Defraire, pour conduire ces objets à Philippeville. Averti, le maire s’y rendit aussitôt pour s’en­tendre rétorquer qu’une seule cloche de sa commune avait été récep­tionnée et transportée ensuite à Roc Libre avec celles des communes voisines. Il est clair que cette réponse était inexacte… car les deux fermiers réquisitionnés pour le transport affirmaient eux avoir bien déposé les deux cloches au milieu de la cour de l’arsenal de Vedette et avaient d’ailleurs dûment signé une déclaration dans ce sens.

Il restait à l’église une cloche de 2.200 livres vraisemblablement laissée pour les besoins de l’administration.

Ce qui se passait en 1794 se renouvellera 148 ans plus tard quand, pendant la guerre de 1940-1945, les Allemands viendront également réquisitionner les cloches en y substituant une plus petite, enlevée à Dréhance (Dinant) …

 

(p.171) /1815/

Les deux réquisitions suivantes pour les troupes françaises forment la parenthèse des Cent Jours dans cette avalanche d’ordres étrangers. La veille de Waterloo, la commune doit fournir à Boussu pour le 2″ corps de cavalerie « sur le champ deux bœufs pesant 450 livres chaque et 200 mesures d’avoine pour la subsistance des Dragons et des chevaux composant ledit corps du général-comte Exelman. » Deux jours après, une voiture à quatre colliers est réquisitionnée « pour conduire les bagages de MM. les officiers du 59″ et 1 II » régiment qui se rendent à Charleroy ». La voiture devra se trouver au château de Senzeilles à 4 h moins le quart du matin.

 

André Lepine, Cerfontaine à l’époque française, 1793-1815, Pro Civitate, Coll. Histoire, Série in-8°, n° 35, 1973

 

(p.103) “776 jeunes gens avaient refusé l’incorporation.” (en 1794)

 

(p.104) “Le 5 thermidor an 3 (23 juillet 1795), un avis avait été annoncé, au son de la caisse, qui enjoignait aux jeunes gens de partir à l’incorporation.  Le résultat une fois encore fut négatif.”

 

(p.107-108) (AEN département de Sambre-et-Meuse liasse 360 (1ère partie)

 

(p.107) “la résistance que l’Administration centrale des Ardennes éprouve de la part des habitants du ci-devant district de Couvin, pays réuni, relativement à l’exécution de la loi sur la conscription militaire est due en partie, …, à la conduite incivique des conscrits du canton de Florennes et lieux environnants, dépendant de votre ressort, ces lâches se retirent dans les bois, cherchent à se grossir et à entraîner dans leur désobéissance les conscrits du pays de Couvin, on les a vus en armes dans plusieurs communes.”

 

(p.108) “Les jeunes gens participaient donc, soius l’Empire, au tirage au sort qui déterminait les conscrits et qui subsista jusqu’en 1908.

Ce doit être à cette époque ou tout au moins en souvenir de celle-ci qu’ était encore chanté par les jeunes gens appelés au tirage au sort au début de ce siècle le refrain suivant: “Non, non, m’fis, non (bis)

Nos n’ îrans nin sièrvi Napolèyon!” (bis)

 

(p.111) Parmi les moyens d’échapper à la conscription, l’un des plus simples et des plus répandus consistait à contracter volontairement quelque infirmité qui entraînait l’inaptitude au service.” (in: L. de Lanzac de Laborie, II, p.78)

 

(p.111) “…le général Philippe /G.Philippe, p.84/ rapporte qu’à “un moment donné, on comptait à Cerfontaine, 20 à 25 jeunes gens qui s’étaient mariés à des femmes âgées de 70 à 80 ans uniquement en vue de se soustraire à la conscription ou à la garde nationale.  la plupart d’entre eux ne quittaient pas leurs parents et n’habitaient plus avec leur épouse.”

 

(p.113) “Malgré la surveillance de la poste militaire, qui interceptait souvent les lettres venant de l’armée, les soldats réussissaient à faire connaître à leurs parents leur situation, qui était fort pénible.” (P.  Verhaegen, TIV, p.355)

 

“Sans égaler celui des réfractaires, le nombre des déserteurs était considérable.”

 

F. Michel, Les répercussions de la révolution française dans nos campagnes: Wanne et la fin de l’Ancien régime, Glain et Salm H.A., 3, déc. 75, p.53-58

 

(p.55) “La première occupation française est brutale pour les abbayes.  A Stavelot et à Malmedy, les dragons aidés par des patriotes les saccagent.”

 

Henri Jacob, Bruyères, bêtes et gens d’Ardenne, XVe-XVIIIe siècle, in: Crédit communal, coll. Histoire, série in-8°, n° 74, 1988

 

 

Mai 1794, les Français envahissent le Luxembourg. Ils l’occupent pendant vingt ans.

 

Jusqu’alors, le monde des communautés a vécu dans un état d’insoumission assez caractérisé vis-à-vis de l’Etat. On peut même parler de sa révolte passive, puisqu’il résiste à la politique de restrictions forestières depuis 1740, à la politique de l’enclosure individualiste depuis 1740, à la politique de vente des communaux depuis 1770. L’Etat républicain s’est doté de services et a étendu son contrôle. Il fait la guerre et alourdit la fiscalité. Brutalement il substitue la municipalité à la communauté. Il fonctionnarise la paroisse ou la condamne à disparaître. Il frappe la jeunesse d’un « impôt du sang” et il lui arrache ses fêtes au profit des fêtes républicaines. La machine étatique a broyé les anciennes solidarités campagnardes, aussi bien la paroisse, la communauté et la jeunesse que la seigneurie. La campagne ne « sent » pas jacobin. Elle passe à la révolte ouverte qui, en Luxembourg, s’appelle « Guerre des gourdins » . L’insurrection a lieu à l’automne 1798. Elle est typiquement une jacquerie: explosion locale, naïve , nullement organisée , très rapidement étouffée par l’autorité militaire. Le village de Bercheux usa de malchance. Le 6 novembre 1798, il avait organisé une embuscade au bois des Huttes contre une brigade de gendarmerie envoyée pour arrêter son curé. Résultat : un gendarme blessé et un cheval tué. Des meneurs sont incarcérés à Luxembourg. Accusés d’une attaque à main armée, ils tombent sous le coup de la loi du 18 janvier 1798 destinée à réprimer le banditisme avec la dernière sévérité, puisque l’article 2 de cette loi prévoyait la peine de mort pour toute attaque à main armée sur les voies publiques « lors même que l’assassinat, le vol ou l’enlèvement n’auront pas été consommés. Le tribunal militaire les condamne le 11 avril 1799. Neuf jours plus tard, Henri-Joseph Leroy et Pierre Gillet « ont été décollés par l’exécuteur des jugements criminels, près du glacis de la Porte-Neuve à quatre heures quarante minutes du soir”. Six cents exemplaires du jugement sont imprimés et affichés dans le Département des Forêts. Quatre autres inculpés, Nicolas Rulton, Jean-Baptiste Grégoire, Pierre-Joseph Poncin et Raymond Godfroid sont condamnés par contumace; de même François Dessoy , à qui on reprochait sa provocation à la révolte. Les fuyards vivront en hors-la-loi, errant dans les forêts, traînant une existence misérable, toujours aux abois et à la merci d’une dénonciation jusqu’en 1804, année où ils se rendent aux autorités, non sans avoir reçu quelque espoir d’amnistie. Ils seront conduits en juin 1806 à Metz devant le Conseil de guerre. Leur libération ne doit faire aucun doute, encore que nous ignorions l’issue du procès. Pendant ce temps, Bercheux, Juseret et Lescheret, curé, vicaire et agents municipaux en tête, manifesteront une opposition irréductible à la France. Le XVIIIe siècle se termine sur un appauvrissement tel qu ‘il dégénère en insurrection contre l’Etat tentaculaire. Le XIXe siècle s’ouvre avec le retour de récoltes souriantes et une commercialisation du bétail qui dut son regain de prospérité à 1’ouverture de débouchés vers la France. Cependant la vie rurale , dans ses techniques et ses rendements, restera dans un état moyenâgeux jusqu’en 1870.

 

in : GSHA, 13, 1980, p.46-49

 

L’arbre de la liberté à La Roche-en-Ardenne

 

La société ancienne faisait un recours constant au symbolisme dans les manifes­tations de la vie juridique.

En ce moment où l’on célèbre le millénaire de la Principauté de Liège, chacun sait que le perron, à Liège comme dans d’autres localités, symbolisait les franchises communales.

Après la bataille de Brusthem en 1467, Charles le Téméraire fit enlever et trans­porter à Bruges le fier perron de la cité mosane.

La République française avait choisi pour emblème le bonnet phrygien surmontant un faisceau de licteur, mais aussi l’arbre de ‘la liberté. Un des premiers soins des révolutionnaires était de détruire les emblèmes de l’Ancien Régime, mais aussi de planter sur une place publique l’arbre de la liberté. Par contre, les partisans de l’An­cien Régime s’empressaient d’abattre ce dernier dès qu’ils prenaient le pouvoir, ne fût-ce que momentanément.

En voici quelques exemples :

Le 10 décembre 1792, 150 dragons français arrivèrent à Malmedy, venant de Stavelot. Le lendemain déjà, vers midi, on procéda sur la place du marché à la plan­tation de l’arbre de la liberté qui était surmonté d’un bonnet rouge et enjolivé de rubans tricolores. En même temps, on mit bas ie double aigle doré dont le perron était surmonté ‘.

Le 2 mars 1793, l’armée républicaine évacuait le territoire stavelotain et deux jours plus tard, vers midi, un détachement de cavalerie impériale pénétrait dans la ville de Malmedy. Le premier soin de son commandant fut de faire arracher l’arbre de la (liberté 2.

A Spa, les troupes impériales arrivées le 4 mars firent aussitôt couper l’arbre de la liberté. Quinze jours après, uni dimanche, on dressa un bûcher devant l’hôtel de ville, on y plaça l’ambre de la liberté et le bonnet rouge au sommet, et on alluma le bûcher autour duquel on dansa en sonnant les cloches 3.

 

1 Chronique Servais, in Folklore Stavelot-Malmedy-Saint-Vith, t. XXXIII, 1969, p. 28.

2 G. HANSOTTE, Histoire de la révolution dans la Principauté de Stavelot-Malmedy in Bull, de l’Institut archéol. liégeois, t.LXIX, 1952, p. 99.

3 Albin BODY, Chronique d’Antoine Houyon, in Bull, des Bibliophiles liégeois, 1882, p. 213.

 

(p.47) Lors du retour des Français, après la victoire de Fleurus et la bataille ‘de Sprimont, l’arbre de la liberté fut replanté à Malmedy le 2 octobre 1794, et le lendemain, on inhuma au pied de cet arbre le cadavre d’un habitant de Lorcé qui avait été pendu le 9 juillet et était resté jusque là accroché au gibet. Ce malheureux avait été fausse­ment accusé du meurtre d’un habitant de Creppe, garde-chasse du prince de Liège, qui avait servi de guide aux impériaux lors d’un raid exécuté ‘près de Stoumont le 4 juin 1794 4.

Selon un témoignage du temps, lors de la Guerre des Paysans, les insurgés entrèrent à Reuland le 27 octobre 1798. Ils obligèrent les membres du directoire exé­cutif à porter « des coops sacrilèges au tronc sacré » de l’arbre de la liberté 5.

A Saint-Vith, on obligea même le président Dhane à couper l’arbre de la liberté 6. A Vielsalm, le 30 octobre, ce fut le greffier de la justice de paix et le secrétaire de la municipalité qui durent porter des coups de ‘hache au symbole républicain 7. Les rebelles étant entrés à Stavelot, l’arbre de la liberté fut abattu ainsi que la balustrade qui l’entourait 8. Quand les Français revinrent à Saint-Vith le 3 novembre, les auto­rités firent replanter aussitôt l’arbre de la liberté. M en fut de même dans les autres localités, Stavelot, Vielsalm et Reuland.

Si nous avons rapporté ces faits survenus en Haute-Ardenne ainsi que dans l’an­cienne principauté de Stavelot-Malmedy et Is Marquisat de Franchimont, c’est qu’ils montrent l’importance que ‘les gens de ce temps attachaient à ce symbole qu’était l’arbre de ‘la liberté, pour les uns symbole d’une révolution exécrée qui voulait faire table rase de toutes les institutions du passé, pour les autres symbole d’un idéal exprimé par ‘la devise : Liberté, Egalité, Fraternité.

En ce qui concerne La Roche-en-Ardenne, nous ne connaissons pas de document attestant qu’un arbre de la ‘liberté ait été planté lors de la première occupation fran­çaise.

Par contre, pour l’année 1794, un texte d’archivé, que nous allons reproduire, montre que l’arbre clé la liberté fut planté le 24 novembre 1794 à l’initiative de l’admi­nistration provisoire venue de Stavelot.

Voici ce texte extrait d’un registre conservé aux Archives de l’Etat à Saint-Hu­bert 9 :

 

4      G. HANSOTTE, op. cit., pp. 106-107.

5      Albert WARNOTTE, La Guerre des paysans ou « Klëppelkrich » en Haute-Ardenne, in Glain et Sa/m, Haute-Ardenne, n° 9, déc. 1978, p. 152.

6      Id., p. 156.

7      Id., p. 159.

8      Id., p. 163.

9        Arch. de l’Etat à St-Hubert.  La Roche-en-Ardenne. Justice 1758-1795, fol. 52.

 

(p.48) « Cejourd’hui 4e frimaire fan 3e de la République française, nous les Maire el Eschevins du Magistrat de la ville de La Roche, ensuitte de la réquisition nous faite le jour d’hier au sujet de la plantation de l’arbre de la liberté en cette ditte ville par le commandant de la force armée de la ditte république à Malmedy arrivé en cette ditte ville assisté du chef de battaillon du 11e régiment des houssart, du commissaire de guère Caires le jeune, des cotoiens Huberty et Heyrnan administrateurs de l’admi­nistration centrale céant à Spa et du citoyen Bernardy, officier municipal de Malmedi, tous escortés d’un détachement des dits houssarts, la susdite réquisition affichée et publiée de fa manière ordinaire et accoutumée, déclarons qu’il a été procédé ce dit jour vers les dix heure[s] du matin à cette cérémonie, en présence des susnommés au son des cloches et des instrumens et aux acclamations du peuple assemblé à l’effet susdit, dont acte à La Roche ut supra.

 

Perin, M. Oasaquy, H.-J. Orban, J. Henry, Rigo, Jacqmin, Col’lart. » Le 4e frimaire de H’a.i III correspond au 24 novembre 1794.

 

Les citoyens Huberty et Heyman sont Ernest-Joseph Huberty et Ferdinend-Joseph Heyman, représentant la postelterie de Stavélot auprès de l’administration provisoire instituée par la République française pour la Principauté de Stavelot-Malmedy et le Marquisat de Franchimont. Cette administration provisoire, composée de 16 membres, s’était réunie pour Ja première fois le 3 vendémiaire an III (24 septembre 1794) dans les salons de la Redoute à Spa 10.

 

Un peu plus d’un mois avant la plantation de l’arbre de la liberté à La Roche, le 19 octobre, le « citoien prévôt et maire de La Roche » avait été informé que :la pro­vince de Luxembourg avait été imposée à une somme de 400.000 livres par le repré­sentant du peuple Frecine en suite d’un arrêté daté de Liège du 18 vendémiaire an III (9 octobre 1794).

Le maire avait dû se rendre à Bastogne où on lui avait fait savoir que la contri­bution de la ville et prévôté de La Roche se montait à 9.622 livres 18 sols 4 deniers argent de France, faisant 1603 couronnes et demi de France et 12 sols 4 deniers de Luxembourg « . Cette somme devait être versée le 26 du courant à l’abbaye de Saint-Hubert.

En ce qui concerne l’arbre de la liberté, on lit dans le livre de Henri Bourguignon, Marche-en-Famenne et sa région sous la domination française (1794-1814), qu’en 1797, deux habitants de La Roche, Georges Fetenine, tisserand, et Joseph Alvice, tailleur, ont été arrêtés par le juge de paix sous l’inculpation d’avoir parcouru la ville la nuit en état d’ivresse en criant : « Vive l’Empereur et les Kaiserlicks, -M… pour la Républi­que », de d’être rendus près de Tarbrede la liberté planté sur la place et d’avoir dit qu’il fallait l’abattre ou l’arracher, en faisant à cet effet les signes d’usage, soit en frappant

 

10  G. HANSOTTE, op. cit., p. 112.

11 Loc. cit., Justice 1758-1795, fol. 50 v° et 51.

 

(p.49) l’arbre avec un petit bâton ou en grattant la terre au pied 12.

Le président du tribunal correctionnel de Marche, jacobin notoire, qualifia cet acte de crime de lèse-république et de lèse-majesté, et tes deux inculpés payèrent leur témérité d’une peine sévère d’emprisonnement.

Il est encore question de l’arbre de la liberté dans un arrêté de l’administration municipale du canton de La Roche en date du 22 fructidor An V de la République (vendredi 8 septembre 1797).

Nous avons publié cet arrêté dans Curia Arduennae (n° 17-18, 1954) dans un arti­cle intitulé : La fête de la fondation de la République à La Roche en 1797.

Lors de cette fête, le président de l’administration <fit ‘lecture de la déclaration des droits et devoirs du citoyen et de l’article 1 de la constitution de l’an I, et cela sur la place publique, près de l’arbre de la liberté. Des chants patriotiques furent c’hantés au pied de l’autil de la patrie, et on lut des discours sur la morale du ci­toyen. Les instituteurs avec leurs élèves faisaient partie du cortège et prononcèrent des discours « analogues à la fête ». Les festivités comportaient des danses sur la place publique et une course à pied dans la Petite Rompre. Le vainqueur recevait comme récompense « un très beau chapeau ». Enfin, l’article 10 déclare : « Il sera latte une coupe d’oy ».

Il s’agit d’un jeu populaire ancien, consistant à décapiter une oie, le plus souvent à l’aide d’un bâton ou d’une barre de fer lancée avec force. Ce jeu s’appelait « djèter à l’ êwe » ou « taper à l’ âwe » 13.

L’arbre de fla liberté se dressait encore sur ‘la place du marché de La Roche en 1843. Dans la relation de ‘la visite du roi Léopold I et de la reine le 23 mai de cette année, on lit que, sur ile marché près de l’hôtel de ville, une colonne remarquable par son élévation, revêtue d’étoffes aux trois couleurs et surmontée de quatre dra­peaux, entourait l’arbre de la liberté ‘4.

 

L. MARQUET

 

12    Op. cit., p. 95.

13    Voir Bull. Enqu. ‘Musée Vie wall., n°8, oct. 1025, pp. 241-256, La décapitation de l’oie.

25    Am. de LEUZE, Laroche et son Comté, 4e éd., Namur, 1907, p. 116.

 

 

Jean Gilloteaux, Histoire de Warquignies, Cercle d’Histoire et d’Archéologie de St-Ghislain et de sa région, n°6, 1988

 

(p.222) La commune de Warquignies faisait partie du département de Jemappes.

“Les premières années de l’occupation française furent particulièrement rudes: on était au bord de la famine.  (…) Les localités voisines /Dour, …/ n’étaient guère mieux loties (…).  Les transports de grains étaient pillés ou saisis en cours de route (…).

Les rares cultivateurs et commerçants de Warquignies n’échappaient pas aux réquisitions. (…)

(p.223) Entretemps, l’assignat s’était complètement dévalué.”

 

 

 

Jean-Pierre Mandy, 7 siècles d’histoire au pays d’Arlon, 1998

 

(p.101) Le 17 avril 1794, les Français commandés par le général Jourdan contournent le bois de Vance, menacent la droite autrichienne en passant par Heinsch et reprennent le Hirtzenberg, ils bombardent l’armée autrichienne qui doit à nouveau se replier. Dans la nuit du 29 au 30 avril 1794, de Beaulieu prend sa revanche, les Français se retirent sur Longwy. Le 21 mai, Jourdan revient et bat les Autrichiens qui une fois de plus se retirent sur Luxembourg. (…)

Après la victoire de Fleurus, remportée par Jourdan, le 26 juin 1794, nous sommes définitivement occupés par les Français: (14) Le beau plateau côté sud-ouest de Heinsch où vous jouissez d’un splendide panorama, traversé par la route de l’Etat que je voudrais voir plantée de cerisiers pour la rendre encore plus attrayante et poétique, fut le camp de l’armée française en 1794 d’après le manuscrit conservé au gouvernement dont copie fut adressée au gouvernement français par le général. »

 

PILLAGES PAR L’ARMEE FRANÇAISE Pillages de 1793 à 1795

 

Le 30 octobre 1793, le curé Kairis de Freylange commence un nouveau registre de baptêmes, mariages et décès. Il écrit (15) .Baptême de Nicolas, fils de Jean BRICKELS et de Marguerite LEONARD de Heinsch, né trois mois après la mort de son père. Nicolas BRICKELS et baptisé à Freylange comme écrit aux registres mentionnés qui ont été égarés hors de l’armoire fracassée de la cure. (…)

 

En 1794, les soldats français pillent le village de Freylange et mettent le feu à l’église. Ils volent les cloches qui doivent être dirigées sur Luxembourg et converties en canons. Ils font sauter la Loeserkapelle en bourrant les statues des saints avec de la poudre à canon (16). Le curé assure qu’il a été pillé à plusieurs reprises et qu ‘il est dans l’impossibilité de payer ses impôts.

 

(15) Registre paroissial de Freylange, registre des baptêmes, commencé le 30 octobre 1793, p. 1, A.E.A. (13)

(16) Lettre du 11 octobre 1888, du secrétaire communal de la commune de Heinsch, Dominique RIX, au Commissaire d’arron­dissement Tandel, feuille volante, A.C.H. aux A.E.A.

 

(p.111) La fête de la jeunesse : le 10 germinal (30 mars 1799), les jeunes ont distribué des lauriers aux défenseurs de la patrie, en reconnaissance de leur bravoure.

La fête de l’agriculture : Cette fête est célébrée avec pompe le 10 messidor.

Les fonctionnaires, les instituteurs et élèves de toutes les écoles du district suivent les hussards de la garnison d’Arlon, les jeunes défilent avec les instruments du jardinage. Un char représentant l’abondance des récoltes et tiré par trois chevaux précède les agriculteurs qui défilent avec leurs chevaux parés de feuillage.

Le 28 juin 1799, le cortège se termine dans un champ de terre situé proche du centre d’Arlon. Là, Henri Elsen, président de l’administration centrale du canton d’Arlon s’arme d’une charrue et trace plusieurs sillons au son d’une musique champêtre et républicaine.

Les citoyens Richard de Steinfort, Mathey de Buvange, J-B Hesse de Metzert, époux de Anne Reischling et Martin Huberty de Lottert, qui se sont distingués par leurs travaux ruraux sont cités à haute voix et reçoivent de Henri Elsen, l’accolade fraternelle devant l’autel de la patrie.

 

CULTE DECADAIRE. Le dixième jour de la décade républicaine, le décadi, est un jour chômé remplaçant le dimanche, en vertu de la loi du 9 septembre 1798. Ce j our-là, les textes des lois sont lus publiquement devant les enfants des écoles. Les mariages ne peuvent être célébrés que le décadi. Cette obligation est supprimée le 26 juillet 1800.

 

CULTE DE L’ETRE SUPREME. On fait graver au fronton des anciennes églises : Temple de la Raison – Le peuple français connaît l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’âme.

La chapelle Sainte Rosalie de Heinsch a été convertie en Temple de la Raison et des cérémonies républicaines s’y sont déroulées. (Voir p. 115 du présent ouvrage)

 

ARBRE DE LA LIBERTE. Symbole de la Révolution française, il est planté dans toutes les localités de la commune. A Freylange, le maire Elsen le fait planter aux environs de la fontaine publique située le long de l’actuelle avenue de Pfortzheim, près de l’actuelle école communale (voir p.330 du présent ouvrage).

A Heinsch il est planté devant la maison communale.

 

L’ESPRIT PUBLIC SOUS L’OCCUPATION FRANÇAISE

 

Les habitants ne sont vraiment pas enthousiastes face aux changements obligatoires de leurs us et coutumes.

Les conscrits ne montrent pas beaucoup de bonne volonté et ne se rendent que très lentement à leur devoir.

Le 29 floréal an 7, sur 50 jeunes tombés au sort à Arlon, 14 seulement se sont présentés. Des prêtres réfractaires se cachent constamment dans les bois, ils sont soutenus par les habitants de la campagne. Des quêtes clandestines ont lieu pour les soutenir.

L’édifice commence à craquer de toutes parts. On est fatigué de l’anarchie gouvernementale.

 

KLËPPELKRICH (Guerre des gourdins)

 

Les paysans en colère commencent à s’agiter. Poussés à bout par les différentes tracasseries administratives, puis par la conscription des Luxembourgeois, ils se rendent aux chefs-lieux cantonaux où la jeunesse doit s’inscrire pour le service militaire.

L’arrêt d’application de l’administration du département des Forêts, daté du 15 vendémiaire, an VII (5) ordonnant le départ immédiat de 200.000 hommes fait « déborder le vase ».

Le 30 octobre 1798, armés de gourdins et de fourches, les paysans se rassemblent à Clervaux. L’armée française intervient et une confrontation a lieu, cette révolte est connue sous le nom de Klëppelkrich (guerre des gourdins). Deux cent Luxembourgeois sont tués et cinquante sont blessés ou arrêtés.

 

(5) 6 octobre 1798

 

P. et L. Maréchal La vie wallonne, 1921-22, p. 567-577

 

(p.574) (Les armées au Pays de Namur)

 

En 1790, Namur vit la formation de la petite armée des Etats Belgiques; elle envoya ses valeureux volontaires : » Les Canaris”, mais bientôt la désunion des patriotes amena la réaction autrichienne. Deux ans plus tard, la République française nous envoyait ses légions improvisées qui, sous prétexte de nous faire partager leur liberté tant vantée, nous réduisirent à un esclavage que plus d’un régime autocratique nous avait laissé ignorer.

 

L’esprit religieux de nos populations fut foulé aux pieds, les autels profanés et nos magistrats obligés de participer à des cérémonies qui froissaient vivement nos traditions les plus chères.  Malgré notre profonde sympathie actuelle pour la France, nous devons constater, en toute sincérité historique, que ce régime a laissé longtemps dans le peuple wallon, un souvenir détestable. Nous en trouvons également l’expression dans la littérature populaire.

 

Dans ses récits de “Autoû d’ l’ aîstréye”, l’excellent conteur namurois J. Lambillion rapporte que sa grand-mère se souvenait d’avoir été à la messe, la nuit, dans les granges et les étables, par crainte des républicains. “C’ èst dins one grègne qu’ èlle aveûve faît sès paukes èt loyî s’ bindia, aviès 1′ âdje di iût-ans.  » Nous apprenons aussi comment, pour sauver de la cupidité des Français le trésor de l’abbaye de Malonne et les reliques de St Berthuin, son bisaïeul les amena la nuit, dans trois grands coffres de fer et les emmura dans le fournil de sa petite maison campagnarde où jamais personne ne songea à les chercher.  L’époque française connut le régime des réquisitions et des billets de logement, elle nous amena la terrible conscription; mais heureusement, notre pays ne revit la guerre qu’à la fin de l’époque impériale.

En 1814, les alliés, se ruant à la curée, traversèrent Namur qui eut la surprise, après avoir vu défiler des troupes de tant de nations, d’assister au passage des Cosaques, ces terribles sauvages de l’Est, qui avaient la réputation de couper les oreilles aux filles pour leur prendre leurs pendants d’or. De vieux Namurois se souvenaient de leur avoir vu administrer le knout, sous l’oeil amusé de leur colonel. La vue de ces cavaliers émérites fit sans doute une vive impression sur nos grands-pères, car, en 1830, la première cavalerie belge se para du titre de « Cosaques de la Meuse ».

Au lendemain de Waterloo, une bonne partie de l’armée de Grouchy, poursuivie par les Prussiens, leur résista pendant quelques heures à l’abri de nos remparts.  Plusieurs maisons de la ville (p.575) gardent encore, encastrés dans leurs murs, des boulets de canons de cette époque.

 

Voici, d’après J. Lambillion, comment se comportèrent les soudards dans la banlieue de Namur. C’est le récit fidèle de son grand-père:

“Li 19 di jun, tot-au matin, totes lès djins èstin.n su pîd, lès djon.nes omes èt lès gamins courin.n dins tot l’ viladje po-z-anoncî l’ aproche dès Prussyins.  Su one eûre di timps, totes lès coméres èt lès p’titès bauchèles èstin.n coureuwes o bwès d’ Flawène avou leûs vatches èt tot ç’ qu’ èlle avin.n di pus précieûs, po s’ catchî dès sôdârts. On saveûve par èspéryince qui, quand’ lès-ârméyes passin.n dins on viladje, lès sôdârts, morant d’ fwin, ni lèyin.n pus one bièsse su pîd: vatches, pourcias, pouyes, tot î passeûve. »

 

I n’ èsteûve nin pus d’ noûf eûres quand volà one masse di sôdârts qu’ arivenut come dès-afamés dins l’ viladje. Tot d’ swîte, is-ont moussî dins lès maujones po-z-awè à mougnî, èt, come lès trwès-quârts do timps, is n’ si savin.n nin fé comprinde, is d’foncin.n d’ on côp d’ pîd lès-ârmwêres po prinde tot ç’ qu’ i gn-aveûve didins: pwin, bûre, laurd, sé, etc. Is-atrapin.n lès sayas, brokin.n è l’ cauve, arachin.n lès robinèts d’tonias d’bîre, rimplichin.n leûs sayas èt lèyin.n couru l’rèsse didins l’ cauve.  Maîs ç’ qu’ is waîtin.n li pus après, c’ èsteûve dè l’ gote: “Schnap, schnap” dijin.n-t-is en-z-intrant …

En passant d’lé lès maujones, nos vèyin.n dès bindes di sôdârts qui fyin.n cûre leûs gamèles.  Is-avin.n cochèté dès tchiyêres, dès tauves, dès bèrwètes èt totes sôrtes d’ afaîres po fé leûs feus.  Quand nos-avans stî d’lé l’ cinse, nos-avans vèyu dès sôdârts qui discopècin.n one vatche qu’ is v’nin.n do touwer; dès-ôtes plumin.n dès poyes voléyes su leû tch’min.  Is-avin.n cochèté on tchaur po fé leû feu; is-avin.n mètu lès reuwes ètîres didins èt leûs mârmites cûjin.n dissus lès mouyous.”

 

 

Pierre Israël, Verviers – Vingt ans sous la République et l’Empire, Dison, 1996, Extrait du Bulletin de la Société Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, Vol. LXIX

 

(p.32) Les francophiles prétendent que Grégoire Chapuis a voté la réunion à la France. Il n’est pourtant pas difficile de constater qu’à la date où la municipalité s’est déclarée pour le rattachement à ce pays, en clair le 1er janvier 1793, c’est son frère Jacques-Hubert qui en faisait partie, alors que lui n’y entrera pas avant cinq ou six semaines. Quant à son éventuelle participation à la consultation populaire du 6 janvier, personne n’est en mesure de la prouver.

D’autant moins que l’abstention concerne, dans sa circonscription, 59 % des électeurs inscrits.

Quoiqu’il en soit, l’attitude matamoresque du Chapuis statufié en 1880 sur la place du Martyr n’a rien de commun avec la réalité du personnage. On a voulu en faire l’agitateur, le révolutionnaire, le champion de la laïcité qu’il n’était pas. Que ceux qui en doutent lisent la lettre d’adieu qu’il adresse à ses proches le jour de sa mort.

– J.-H. DE LA CROIX, I, p.48

– En réalité, il n’a été qu’un homme foncièrement bon, désintéressé, parfois jusqu’ à la naïveté, modeste, dévoué à ses concitoyens les plus défavorisés. Aujourd’hui heureusement, le bon sens a pris le dessus et la plupart des outrances passées ont été abandonnées. Les diverses déclarations prononcées à l’occasion du 200e anniversaire de sa mort se sont révélées bien plus respectueuses de la vérité.

 

(p.49) (1794) En un peu moins d’un mois, l’arrondissement de Spa est sommé de livrer le 6e, puis le 5eet finalement le 8e de son bétail, soit près de 42 % du total.

 

(p.51) Le 24 ventôse – 14 mars 1795 -, l’administration de Spa enjoint aux municipalités de réquisitionner tous les chevaux de l’arrondissement pour hâter le transfert des fourrages vers les magasins militaires de Juliers. Même les chevaux de luxe sont concernés et le docteur Grosfils, malgré ses réclamations, fera ses tournées à pied pendant une quinzaine de jours. (…)

Dès les premières semaines de la présence française, les représentants du peuple en mission dans les pays conquis étaient conscients des nombreux abus liés aux réquisitions, qu’ils soient commis au profit de l’armée, parfois, ou des commissaires et préposés, souvent. Dans un arrêté publié à Bruxelles le 28 vendémiaire an III – 19 octobre 1794 -, les représentants Gilet et Briez exigent que seuls les excédents soient

mis en réquisition et qu’ils soient obligatoirement payés au prix du maximum. Est-il besoin d’ajouter que ces bienfaisantes intentions resteront lettre morte, face aux énormes besoins de l’armée et à la cupidité des préposés. Pressés par les militaires, les commissaires aux réquisitions se montrent intransigeants face aux populations accablées par les prélèvements. Ils refusent toute observation qui, à leurs yeux, ne serait pas totalement fondée et, selon leurs propres termes, « appuyée par des preuves légales » « Vous devez vous attendre aux mesures de rigueur les plus extrêmes Si vous ne vous empressez pas d’effectuer ces livraisons avec exactitude. Les ordres que nous recevons à cet égard sont sans réplique et la force armée est déjà mise à notre disposition pour vous y contraindre et faire arrêter tous ceux qui y apporteraient le moindre retard… »

(Note des commissaires Perret, Tampier et Pequereau du 22 nivôse an III – 11 anvier

1795 – adressé aux officiers municipaux de la commune de Verviers au sujet des réquisitions de bétail et de fourrage. F.F.A.C. 455.)

 

(p.52) Alors que la réunion à la France – 9 vendémiaire an IV, 1er octobre 1795 – était censée mettre fin aux réquisitions militaires, on parle encore, en pluviôse an V – février 1797 – de réquisitions au profit des dragons du 1 le régiment cantonné en ville et, à la mi-floréal – début mai 1797 -, de livraisons de foin et d’avoine à déposer aux magasins de Düren. Contrainte de participer à l’effort de guerre de l’armée de Sambre-et-Meuse, la commune de Verviers a, pour ce faire, d’autres ressources que le bétail, le fourrage, le bois de chauffage, le charroi ou même les contributions en espèces. Ville manufacturière, elle recèle dans ses fabriques des quantités encore importantes de draps qui peuvent convenir à l’habillement des militaires. Le procédé le plus efficace est de mettre la main sur les produits finis dans les fabriques des émigrés. On s’inquiétera plus tard du payement qui, de toute manière, s’effectuera en

assignats. Des assignats sans grande valeur qui viendront gonfler inutilement le contenu des coffres des fabricants.

 

(p.55) Par les réquisitions militaires et diverses impositions en argent, la république avait fait supporter les frais de ses conquêtes par les habitants des pays « libérés » Il s’agit là d’un comportement relativement courant, mais la Convention thermidorienne, sur les traces des gouvernements précédents, ira bien au-delà en soumettant ces pays à un véritable pillage.

 

(p. 57) Après la campagne de 1794, la Convention a décrété que, «  pour l’honneur et le progrès des Arts, les productions du génie doivent, pour briller de tout leur éclat, être déposées dans le séjour et sous la main des hommes libres » Entendez par là dans la France républicaine. Aussi, une commission temporaire des Arts reçoit comme tâche de visiter les pays conquis et d’y recenser les oeuvres dignes de figurer dans les collections de la république. C’est ainsi qu’on voit arriver à Paris, parmi tant

d’autres joyaux, les milliers de livres les plus précieux de la bibliothèque

universitaire de Louvain et le triptyque de la Crucifixion de Rubens. C’est à cette époque que l’ abbé Grégoire, député et récent évêque constitutionnel peut s’écrier . « L’école flamande se lève en masse pour venir orner nos musées ».

Si le renflouement des finances de l’Etat est espéré, par la vente à des amateurs racolés par voie d’affiches ou de presse à travers l’Europe entière, de bijoux, de services de table en or et en argent, de bronzes d’art, de tapisseries et autres ornements confisqués dans les pays conquis, l’opération a un second but tout aussi important. Une phrase prononcée par le représentant du peuple Lesage-Sénault nous révèle l’autre motivation du Comité de Salut public . « Il faut traiter ces contrées

en pays conquis, l’épuiser absolument avant que nous puissions prendre d’arrangement amiable avec elles ; alors, épuisées de leur suc, elles se jetteront sincèrement dans nos bras ».

 

NB : La création du musée du Louvre avait été décidée par l’Assemblée nationale pour y recueillir les chefs-d’oeuvre confisqués aux émigrés et aux institutions religieuses. On lui trouve aujourd’hui une affectation supplémentaire.

 

–  Parmi les objets de science enlevés dans l’ancienne principauté de Liège, figure la

tête fossilisée d’un mosasaure, découverte en 1780 dans les sédiments crayeux de la

Montagne St-Pierre, entre Visé et Maestricht. – Le mosasaure est un reptile marin vivant au crétacé. Long de 10 à 18 mètres selon les espèces, il ressemble à un crocodile géant dont les pattes sont encore à l’état de nageoires. Ses longues mâchoires aux dents acérées en font un prédateur particulièrement redoutable -. La découverte de ces ossements qui appartiennent au chanoine Godin, est connue des milieux scientifiques, jusqu’en France et en Angleterre.

 

(p.58) Lorsqu’ en 1794, les armées françaises mettent le siège devant Maestricht, elles sont accompagnées d’un  » commissaire pour les Sciences « , un certain Faujas de St-Fond qui a, entre autres missions, l’ordre de ramener ces restes à Paris où le savant Cuvier les attend avec impatience. – Faujas lui-même est un scientifique qui a poussé ses recherches jusque dans nos régions puisqu’il a publié à Paris, en 1779. » L’histoire naturelle de la Montagne St-Pierre de Maestricht  » -.

Les premières investigations des militaires, même s’ils font appel au civisme des habitants, sont infructueuses. Mais lorsque Faujas promet à celui qui permettra de les découvrir 600 bouteilles de vin saisies dans les caves des émigrés de la région, les langues se délient.

Et c’est ainsi qu’aujourd’hui encore, les restes du mosasaure du chanoine Godin sont

offerts à l’ admiration des visiteurs du Museum d’Histoire naturelle à Paris.

 

Claude PUTZ, I, p.39

 

(p.58) Même après la réunion à la France qui entre en vigueur le 9 vendémiaire an IV, la cupidité des autorités françaises n’est pas éteinte. Le 2 brumaire – 24 octobre 1795 -, le Conseil de gouvernement des représentants du peuple à Bruxelles, s’appuyant sur l’ arrêté du 22 vendémiaire précédent – 14 octobre – pris par le Comité de Salut public, (p.59) s’adresse aux administrations centrales : « Vous veillerez que tous les corps et établissements ecclésiastiques séculiers et réguliers fournissent le catalogue  des livres et manuscrits composant leurs bibliothèques … en prenant des mesures conservatoires pour qu’il n’arrive aucun dommage aux livres … Vous aurez soin surtout de vous faire représenter les livres précieux comme le sont les manuscrits, les éditions du XVe siècle ou celles sorties des presses des imprimeurs renommés, qui souvent se trouvent déposés dans les archives ou cachettes des chapitres ou corporations ecclésiastiques ».

 

(p.59) Il est vrai que le Verviers de l’époque n’est pas une ville très importante et que les nantis qui l’habitent ne doivent pas avoir de grandes préoccupations culturelles. Bien que les villes de Stavelot et de Malmedy soient encore plus modestes, leurs monastères sont nettement mieux fournis, aussi bien en livres précieux qu’en tableaux et en argenterie. On pourrait davantage encore parler des prélèvements fructueux opérés à Liège où, avant la démolition de la cathédrale St-Lambert, – une des plus riches d’Europe – toutes les oeuvres qu’elle contenait ont pris le chemin de la France. Par la suite, ses splendides colonnes de marbre ont suivi la même voie. A Liège toujours où deux fontaines de Delcour, celles de Hors-Château et du Vinâve d’Ile ont failli passer à la fonderie pour y être transformées en canons. Mais le profit est autrement considérable dans les villes où fleurissent les arts, comme à Bruxelles et dans les cités flamandes.

A Verviers, il ne semble pas que des ventes forcées aient concerné les biens des particuliers émigrés. Tout au plus peut-on mentionner la saisie d’outils et de matières enlevées dans les ateliers ou quelques mobiliers prélevés « pour le service de la république ».

Il est vrai, pour être objectif, de signaler qu’en 1802, à l’occasion de la création du Musée des Beaux-Arts de Bruxelles, la république a autorisé le retour de certaines oeuvres d’art. Napoléon, en 1811, en a renvoyé d’autres et, en 1815, à la disparition de l’Empire, d’autres pièces ont encore été restituées. Mais aujourd’hui, il reste encore en France, notamment dans les musées de Lorraine, de Bretagne, à Lyon, à

Marseille … d’innombrables pièces enlevées chez nous dans les années 1794-95.

 

(p.60) Dès l’émigration des fabricants, le marasme économique, en privant les ouvriers de travail, précipite les familles dans la misère. La situation, déjà pénible, est aggravée par une importante disette alimentaire. La pénurie de grains est particulièrement sévère. Le pain est rare et forcément cher.

Comment en est-on arrivé là ? Les réquisitions militaires, mises en application dès l’établissement des administrations locales, ont eu notamment pour effet d’amputer sérieusement les stocks de céréales.

 

(p.66) Si les familles verviétoises souffrent de la faim, que dire des privations endurées par les malheureux hébergés dans les hospices de la ville, trop souvent abandonnés à eux-mêmes et au dévouement de quelques religieuses ? (…)

La faim jette les gens sur les chemins des campagnes environnantes, à la recherche de quelque nourriture. Et Dieu sait qu’ils ne sont pas regardants sur la qualité et la fraîcheur des aliments qui leur tombe sous la main. Ils ne trouvent souvent que des déchets qu’ils ne peuvent se permettre de délaisser. Ces Verviétois méritent bien le sobriquet que leur donnent les paysans des alentours, « magneus d’ pèlotes » – mangeurs d’épluchures – qui leur collera longtemps à la peau.

 

(p.67) Pour les treize ou quatorze mois qui suivent l’arrivée des Français à Verviers, on parle – mais comment le vérifier ? – de 3.000 et même 4.000 morts. Ce qui est certain, c’est que le chiffre de la population qui approchait les 14.000 unités avant les événements, est tombé largement sous les 9.000.

 

(p.68) On gardera longtemps le souvenir de cette « måle an.nêye ».

 

(p.70) Certains s’imaginaient que la réunion aurait pour effet d’annuler les contributions extraordinaires précédemment imposées à ces pays. La magnanimité de la Convention ne va pas jusque là. Bien au contraire : les représentants du peuple veilleront plutôt à un prompt recouvrement des contingents assignés « dans les frais de la guerre de la Liberté ».

 

(p.79) Voilà donc les habitants des neuf départements, et parmi eux les Verviétois, avertis de la réunion à la France. Mais ils ne savent pas encore qu’ils ne sont que des Français de seconde zone. La loi du 3 brumaire – 25 octobre 1795 – précise en effet que les lois françaises, dont celles sur le droit de vote, n’entreront en vigueur que progressivement, par crainte, semble-t-il, de l’influence des nostalgiques de l’Ancien Régime.

 

(p.83) Seuls 381 électeurs sont repris au registre civique et reçoivent en échange un certificat d’inscription. C’est peu pour une commune dont la population approche les 9.000 habitants.

Le jour venu, l’électeur se rend au bureau de vote de sa section. Il y reçoit un billet sur lequel il écrit le nom de son ou de ses candidats, cinq au maximum. Il plie ce billet et le glisse dans l’urne. Il mentionne ensuite son nom sur un second billet qu’il dépose dans un carton ouvert.

Ainsi, on pourra savoir qui a participé au vote.

 

(p.92) Le 9 novembre 1799 – le Conseil des Anciens vote la dissolution du Directoire. Un projet de Constitution est élaboré ; soumis à la sanction des urnes, il est approuvé par un score pour le moins suspect : 99,95 % des électeurs sont favorables au « oui ».

 

(p.109) Après l’an XI, l’empereur avait décidé de porter de deux à cinq ans l’intervalle qui sépare les élections, pourtant déjà vidées de leur sens. Le prochain « renouvellement » est donc programmé pour 1808. Une heureuse modification toutefois : on multiplie le nombre des bureaux de vote pour faciliter la démarche des électeurs. Une section est créée dans chacune des communes du canton. Il y en aura même deux à Olne et sept à Verviers, au rez-de-chaussée de l’hôtel de ville, aux églises des ex-sépulcrines, des ex-carmes, des ex-récollets, des ex-récollectines, de la paroisse et à la chapelle de l’hôpital des vieillards226

 

(p.121) La ville possédait 6 couvents.

 

(p.184) Même si la population verviétoise, au contraire des habitants de l’ex-duché de Limbourg, peut être taxée de francophilie, les jeunes de la commune apprécient de moins en moins les contraintes de la conscription. Les appelés des familles aisées se désistent par le remplacement.

Les autres n’ont d’autre alternative que d’accepter ou de braver la loi.

Dans ce dernier cas, ce sont des réfractaires que plus tard – serait-ce par pudeur ? – on appelle aussi retardataires. Ceux qui ont été enrôlés peuvent, les circonstances aidant, faire défection. Ils deviennent alors déserteurs ou fuyards. Les uns et les autres sont aussi traités d’insoumis.

Au fil du temps, le refus de la conscription prend, aux yeux des autorités, des proportions inquiétantes. L’administration, tant civile que militaire, adopte des mesures pour enrayer le fléau. Le nom des réfractaires et des déserteurs est affiché à la maison commune et aux « autres endroits accoutumés ». Une récompense en argent est offerte à ceux qui permettent l’arrestation d’un insoumis. Le commissaire Jardon et ses agents visitent régulièrement les auberges, les chambres et les garnis. Dès l’an XII, la surveillance des ateliers et des fabriques est facilitée par le contrôle des livrets ouvriers. La recherche des déserteurs constitue l’activité prioritaire des gendarmes et les brigades implantées sur les grands-routes sont renforcées.

 

(p.190) 774 militaires décédés et domiciliés dans le département. Ce relevé, où figure le nom de 18 Verviétois, est évidemment très incomplet, mais il a le mérite de nous renseigner sur le lieu et la cause des décès.

L’autre source est un fichier établi par E. Fairon 419, au moyen de documents divers, mais plus spécialement des lettres de grognards 420. Les recherches de Fairon ont été nettement plus fructueuses, reprenant les noms de 166 conscrits domiciliés dans notre ville. Mais ce relevé, lui aussi, est loin d’être complet. Trois des 18 Verviétois de la première liste, soit 16 %, n’y figurent pas. On n’y relève , par ailleurs, aucun soldat mort pendant la campagne de Russie qui a duré six mois et qui a vu fondre les effectifs de la Grande Armée. Il ne serait pas insensé d’imaginer que ce nombre dépasse, et peut-être de beaucoup, 200 morts.

 

(p.323) A l’entrée des Français à Verviers, en septembre 1794, ceux qui craignaient la République – et parmi eux la majorité des fabricants avaient fui. Tous les autres, le peuple et les bourgeois patriotes – contrairement aux populations de l’ancien duché de Limbourg qui regrettaient l’administration autrichienne – se réjouissaient de goûter une plus grande liberté.

Ils attendaient des libérateurs. Les vainqueurs se sont conduits en occupants. A de rares exceptions près – Gilet, Bouteville -, les représentants du peuple, investis par la Convention de l’autorité dans les pays conquis, ont multiplié les attitudes arrogantes et abusé d’un pouvoir sans réplique. Ils ont imposé à nos pays des réquisitions militaires et des contributions financières disproportionnées, pour soutenir l’effort de

guerre et, davantage encore, pour contraindre les habitants à une plus grande soumission.

Après quinze mois de privations inimaginables dues aux nombreux prélèvements, à la rareté et donc à la cherté des vivres et des combustibles et plus encore au manque de travail, après un hiver des plus rigoureux, le bilan s’est avéré bien lourd : plus de 3.000 Verviétois, un quart au moins de la population, avaient péri.

 

(p.324) Dès le début, la République parlait non seulement de liberté mais aussi d’égalité. Les habitants des départements réunis ont pourtant dû attendre 30 mois – 14 mars 1797 – pour participer aux premières élections ; des élections censitaires qui éloignaient des urnes une forte majorité de Verviétois en âge de voter. Lorsque, aux niveaux départemental et national, les résultats de ces votes déplaisaient au pouvoir, les membres du Comité de Salut public les annulaient et procédaient aux

nominations selon leur bon vouloir. Bien plus, les responsables du Directoire n’hésitèrent pas à fomenter un coup d’Etat pour éliminer des candidats légalement élus et ainsi conserver leur poste. Il y avait alors un abîme entre les mots du discours officiel et la réalité des faits.

Cette marche vers la démocratie s’est révélée fort hésitante avant de connaître le retour en arrière imposé par le Premier consul. Si, à l’avènement du Consulat, les conditions de participation au scrutin s’étaient adoucies, les citoyens ne pouvaient plus désigner que des candidats parmi lesquels Bonaparte, le gouvernement ou le préfet, selon les cas, nommait aux postes à pourvoir.

 

Le sort de l’ouvrier n’était guère enviable. Première victime des pénuries de l’an III, il fut aussi le premier concerné par la loi du 22 germinal an XI qui supprimait les droits de grève et de coalition, et par l’arrêté du 9 frimaire an XII qui imposait l’usage des livrets ouvriers. Si l’on se souvient qu’en 1789, les tisserands et les tondeurs avaient obtenu du patronat ce qu’on appelle aujourd’hui une convention collective, on

peut mesurer l’ampleur de la régression. Les ouvriers ne seraient plus guère que des instruments de production.

 

La conscription fut une autre raison de contester les autorités françaises, même si à Verviers, dans un premier temps du moins, les appelés obtempérèrent de meilleure grâce que leurs voisins des ci-devant duchés de Limbourg et de Luxembourg. Mais plus tard, après que les conscrits eurent éprouvé les aléas de la vie militaire, on trouva à Verviers autant de déserteurs et de réfractaires qu’ailleurs.

 

(p.326) En bref, ces vingt années ont connu bien des agitations, des bouleversements, des injustices, des drames, mais elles ont conduit à l’enfantement de la société que nous connaissons aujourd’hui en introduisant ou en amplifiant, notamment par la publication des Droits de l’Homme, un certain nombre de libertés fondamentales au premier rang desquels figure la liberté d’expression.

 

 

in : Kenmerk – L’Accent, 126, 1997

 

(p.12-13) Un de nos fidèles abonnés, Monsieur R. Viroux de Fosses-la-ville nous écrivit avoir eu connaissance par la presse de l’interview d’un valet de Chirac, cité par notre collaborateur A. Delrivière dans l’article ci-dessus, et dans laquelle il disait: « Avant Waterloo, nous étions Français, c’était tout de même autre chose! ». N’ayant jusqu’à ce jour pas vu sa réponse dans le journal dont question dans l’article de notre collaborateur A. Delrivière, il nous l’envoya. La voici.

 

REVISIONNISME PAS MORT

 

Dans LA LIBRE BELGIQUE du 18 novembre 1997, j’ai lu une phrase où manquent trois mots; voici le texte: « Avant Waterloo, nous étions OCCUPÉS PAR LES Français. C’est tout de même autre chose! » Oh, oui, que c’était autre chose! Les 20 ans d’occupation ont été, avec les occupations récentes: 1914-1918 et 1940-1944, parmi les plus noirs de notre histoire.

 

Le but de l’envahissement de la Belgique n’était pas de nous apporter la liberté, l’égalité et la fraternité: c’était de nous piller! « Un des premiers actes du gouvernement de Paris, après leur victoire de Fleurus, fut de lever en Belgique une contribution de soixante millions ». « Dignes héritiers des dévastateurs du Palatinat », dit M. Verhaegen, les Conventionnels taxèrent, le 14 juillet 1794, la ville de Tournai à 10 millions, Bruxelles à 50 millions et ordonnèrent d’enlever six cents otages dans cette dernière ville. Ils prescrivirent de prendre les cuirs, charbons, fers, bois, bestiaux, chevaux, céréales, fourrages, et de les expédier en France. Carnot recommande particulièrement de « dépouiller le Brabant ».1

« Tandis qu’elle permettait aux Français de payer l’impôt forcé … au moyen d’assignats, la Convention obligeait les Belges de fournir leur part en espèces… La France … commettait, à l’égard de la Belgique, un acte de rapine en même temps qu’un acte de malhonnêteté et d’hypocrisie, en faisant semblant de payer en assignats ce qu’elle payait… Le système ne peut se qualifier que par un mot: « pillage »: « Pillons, disaient-ils, ce pays qui est à notre merci! »

 

Les Comités d’Extraction s’appliquèrent à détruire les monuments artistiques de notre pays et à piller nos oeuvrs d’art.2 Nos oeuvres d’art qu’ils ne pouvaient emporter, ils les détruisirent, mais ils volèrent d’énormes quantités d’oeuvres d’art. En 1818, après la victoire de Waterloo, 180 diligences vinrent en cortège de Paris à Bruxelles pour nous restituer nos tableaux, orfèvreries, etc. La fameuse Bibliothèque des Ducs de Bourgogne n’a jamais été restituée et se trouve toujours à Paris!

Les biens de l’Eglise et des communautés religieuses furent confisqués au profit de la France et vendus à des particuliers, faisant de ceux-ci, ipso facto, des kollabos. Les nobles virent aussi leurs propriétés volées.

La déportation des prêtres refusant de prêter serment de haine à la royauté et des fonctionnaires refusant de collaborer avec l’occupant pour les enfermer dans les camps de concentation de l’Ile de Ré ou en Guyane suivit. Or, « Au mois d’août 1795, dans le Brabant seul, plusieurs centaines de détenus languissaient depuis, six, huit, dix mois dans la misère, la pourriture et le désespoir, sans parvenir à être mis en jugement. »3

Des comités de Surveillance surveillaient et dénonçaient les Belges. Ils avaient le pouvoir de faire des perquisitions et d’arrêter ceux qui leur paraissaient suspects. Le commissaire de Jemappes écrivait au ministre de la police: « J’ai confronté deux espions qui servent merveilleusement la République: l’un est déserteur d’un régiment français et l’autre un … émigré et voleur? Je les emploie. »4

 

Viennent encore les assassinats: « Le prêtre Martin, né en Belgique, mais ayant exercé des fonctions pastorales à Cambrai était revenu en Belgique. On le fusilla à Bruxelles, le 25 juillet 1 794, en l’accusant d’émigration… Avant de le tuer, on le promena avec une barbarie abominable, durant toute une matinée, dans les rues de la capitale. »5

 

La guerre des Paysans, menée par des réfractaires au service militaire pour l’ennemi, fut l’occasion de massacres: « Devenus maîtres de Diest, les Français imposèrent aux habitants une amende de quarante mille francs et le général Collaud accorde deux heures à ses soldats pour piller la malheureuse cité. Ils ne se le firent pas dire deux fois! Maisons saccagées, douze habitants massacrés. Le siège d’Herentals dura 24 heures: les Paysans laissèrent 600 morts dans les rues de cette ville. Les pertes des Français avaient été considérables aussi, l’ennemi s’en vengea en brûlant une grande partie de la ville, refoulant à la baïonnette les habitants qui essayaient d’échapper à l’incendie et massacrant tous ceux qu’ils rencontraient. »

 

« Une nombreuse troupe de jeunes Wallons, qui allait se joindre aux compagnons flamands retranchés à Meensel, rencontra les soldats français. Le choc eut lieu sur le territoire de Hamme-Mille, près de Louvain. La bataille, longue et acharnée, demeura indécise. »6

Les Wallons, sous la conduite de Constant de Roux-Miroir, rejoignirent alors les patriotes flamands et, ensemble, s’emparèrent dejodoigne d’abord, de Hasselt ensuite. Attaqués par les Français, qui disposaient de canons et de cavalerie, les Belges résistèrent jusqu’à quatre heures de l’après-midi. Alors commença le massacre, qui a duré jusqu’à 10 heures du soir.

Constant de Roux-Miroir, fait prisonnier avec vingt-et-un jeunes résistants, fut amené à Bruxelles. Tous furent condamnés à mort par le Tribunal Révolutionnaire de l’occupant et ils furent fusillés à Bruxelles.7

Un peu partout dans notre pays, des gens furent assassinés par les occupants: en 1 793, dix Belges sont fusillés à la Place Royale à Bruxelles, deux religieuses à Namur, le chanoine Rutten à Otrange, l’instituteur de Florenville… Le 30 juin 1794, seize prêtres et religieuses, emmenés à Arras, sont décapités, un cordonnier de Limelette est fusillé, parce qu’on trouve chez lui des armes.

On ne peut pas dire que Napoléon ait changé cela radicalement: II a fait abattre quatre cents gros chênes de la forêt de Wauhu, près de Binche et fait condamner Werbrouck, qui osait le critiquer ouvertement. Il le fit accuser injustement. Acquitté par un tribunal de Bruxelles, un cortège se forma dans les rues de la ville pour narguer l’occupant. Napoléon le fit de nouveau arrêter. Emmené à Douai, il fut condamné et mourut en prison, victime de mauvais traitements.

Quand on lit tout ceci, on se croirait au temps des SS! Oui; c’est vaiment vrai: c’était autre chose!

 

Roger VIROUX

 

1        Mille ans de l’histoire des Belges, par Franz NEVE, I 926, p. 302.

2 id.

3 id. p. 306.

4 id.

5 id.

6 id. p. 346.

7 id. pp. 346-347.

 

(p.14-15) Een trouwe abonnee, de heer R. Viroux las ook in de krant het « interview van een knecht van Chirac, luidende: « Avant Waterloo, nous étions Français, c’était tout de même autre chose! », dat door onze medewerker A. Delrivière in bovenstaand artikel aangehaald wordt. Hij schreef een lezersbrief maar is bevreesd dat zijn brief niet gepubliceerd zou worden. Hij bezorgde ons een afschrift dat wij graag ietwat verkort publiceren.

 

 

HET REVISIONNISME IS NIET DOOD

 

In LA LIBRE BELGIQUE van 18 november 1997, las ik een zin waarin drie woorden ontbreken: « Voor Waterloo, waren wij DOOR DE Fransen BEZET. Dat was nogal wat anders! ».

 

Inderdaad. Het doel van de verovering van België was niet ons vrijheid, gelijkheid en broederlijkheid te brengen maar om ons te plunderen. Onmiddellijk werd een heffing van zestig miljoen opgelegd. In 1794 werd Doornik beboet met tien miljoen, Brussel met 50 miljoen en zeshonderd gegijzelden.

Leder, kolen, ijzer, hout, vee, paarden, graan, hooi, werden naar Frankrijk vervoerd. Carnot drong er speciaal op aan « Brabant te plunderen ».1

De Fransen mochten de gedwongen belasting in assignaten betalen, de Belgen alleen in baar geld. « Laten wij dit land dat wij veroverden plunderen! »

Roofcomités verwoestten de kunstwerken en stalen ze. Wat zij niet konden meenemen vernielden zij. Na Waterloo reed een konvooi van 180 diligences van Parijs naar Brussel om onze kunstschatten terug te brengen. Maar niet allé. De vermaarde bibliotheek van de Hertogen van Bourgondië berust nog steeds in Parijs.

 

Goederen van Kerk en kloostergemeenschappen werden aangeslagen en aan particulieren verkocht, eigenlijk collaborateurs. De adel zag zijn bezit ook geplunderd.

Deportatie van priesters die weigerden de eed van haat tegen het koningschap af te leggen of die weigerden met de bezetter mee te werken, werden op het eiland Ré of naar Guyana verbannen. In augustus 1995 lagen alleen al in Brabant honderden gevangenen maandenlang in de miserie en de vuilnis en met grote wanhoop in de gevangenissen zonder berecht te worden.

Bewakingscomités bespiedden en verklikten de Belgen.

Er werd gemoord: Priester Martin, in België geboren, had pastoraal werk in Kamerijk en was naar België teruggekeerd.

Hij werd beschuldigd van emigratie en op 25 juli 1794 te Brussel gefusilleerd …

De Boerenkrijg was aanleiding tot slachtingen. Na de inname van Diest legden de Fransen de inwoners een boete van veertig miljoen frank op en generaal Collaud gunde de soldaten twee uren om te plunderen. Wat zij duchtig deden. Het beleg van Herentals duurde 24 uren: de Boeren lieten er 600 doden achter. De Fransen leden ook zware verliezen en legden een groot deel van de stad in de as.

 

In Hamme-Mille had een botsing plaats tussen jonge Walen op weg naar hun Vlaamse makkers, en Franse soldaten. De strijd bleef onbeslecht.

Onder leiding van Constant de Roux-Miroir, bereikten zij hun Vlaamse strijdgenoten en veroverden Geldenaken, en later Hasselt. De Belgen die tot vier uur in de namiddag weerstand boden, werden daarna tot 10 uur ‘s avonds uitgemoord door de Fransen die over kanonnen en paarden beschikten.

Constant de Roux-Miroir en eenentwintig jonge verzetslui werden gevangen genomen en naar Brussel gebracht. Allen ter dood veroordeeld en te Brussel gefusilleerd.

In 1793 worden tien Belgen op het Koningsplein te Brussel gefusilleerd, twee geestelijken te Namen, kanunnik Rutten te Otrange, de onderwijzer van Florenville…Op 30 juni 1794 worden zestien priesters en geestelijken naar Atrecht vervoerd om daar onthoofd te worden…

 

 

En Napoleon veranderde er niet veel aan: vierhonderd dikke eiken uit het bos van Wauhu bij Binche moesten er aan geloven. Hij veroordeelt Werbrouck die openlijk kritiek op hem had uitgebracht. Wanneer de rechtbank hem toch vrijspreekt, gaat een stoet door de hoofdstad om de bezetter te tergen. Opnieuw wordt hij opgepakt en naar Dowaai gevoerd waar hij van ontbering en slechte behandeling in de gevangenis stierf.

Wie dit alles leest, meent de SS-tijd opnieuw te beleven!

Inderdaad: Dat was nogal wat anders!

 

Roger VIROUX

 

Bronnen : nl. Mille ans de l’histoire des Belges, par Franz NEVE, 1926, p. 302.

 

 

Jo Gérard, La dramatique occupation française de la Belgique, s.d., 1, Les “grands principes” de 1789

 

“Pendant que les collabos des Français s’enrichissent sans vergogne, une misère atroce s’abat sur la Belgique rançonnée.”

“A Tournai, la remarquable fabrique de porcelaine de M. Peterinck, qui employait 200 ouvriers, doit fermer ses portes.”

“Dans le Namurois et au Luxembourg, 50.000 ouvriers occupés dans les clouteries et les forges sont vouées au chômage.  A Liège, où pourtant l’annexion à la France avait déchaîné tant d’espérance, 15.000 houilleurs crèvent littéralement de faim.”

“Les ateliers de textile de Verviers sont fermés et à Eupen, 7000 drapiers s’organisent en bandes pour piller les fermes afin de nourrir les enfants.”

“A Spa, dont les hôtels recevaient plus de 1500 familles de riches étrangers, on n’en voit plus qu’une trentaine à peine, en 1797.”

“En Flandre, depuis 1794, les 180 brasseries régionales sont fermées par décret.”

“A Bruxelles, les conseillers municipaux affirment que 20.000 habitants ont quitté la ville et que 50.000 grosses maisons de commerce ont cessé toute activité.”

“Les Liégeois déclarent que 15.000 habitants de la Cité ardente sont partis, faute de trouver encore du travail”…

“La politique financière de la Frace républicaine était odieuse.”

Ainsi, selon l’historien Paul Verhaegen, on alla de dévaluation en dévaluation. (cf texte)

 

BANDITISME: ‘Les bandits jouissaient de la plus totale impunité car les autorités françaises n’osaient ni armer la population ni créer des gardes nationales.’

 

 

Jo Gérard, La dramatique occupation française de la Belgique, 2. la révolte, LB, s.d. – GUERRE SUBVERSIVE

 

La propagande politique menée par un audacieux journal: “Le Lion Belge” qu’ion se distribue sous le manteau.

“L’Autriche et l’Angleterre financent la rébellion.  Charles de Loupoigne est l’homme de Vienne…. Emmanuel-Benoît Rollier, lui, est l’agent numéro 1 de Londres.”

“Contre la conscription, la révolte gronde durant la semaine du 12 au 18 octobre 1798 dans toute la Belgique, mais l’insurrection elle-même se déchaîna du 18 au 30 octobre.”

Partout se déroule le même scénario: on ouvre l’église fermée en vertu des lois républicaines.  On récupère le curé qui se cachait dans l’une ou l’autre grange, on lui fait chanter un “Te Deum”, on déracine l’Arbre de la Liberté et après les avoir piétinées, on exécute généralement sur ses branches les besoins les plus naturels;  ainsi soulagé, on se rue à la municipalité et on y brûle les listes de conscription ainsi que les rôles de contributions.

Si les gendarmes ou les autorités civiles tentent de s’opposer à ces bacchanales rustiques et patriotiques, malheur à eux.  Ils sont rossés, fusillés, lardés de coups de hache ou de fourche et leur cadavre, pendu au milieu des hurlements, servira d’avertissement aux rares collabos.

 

En 1798:

“A Namur éclatent des émeutes; à Durbuy et à Evrehaille, c’est la rébellion ouverte.”

A Daelhem, à Fléron, à Hodimont, à Fouron-le-Comte.  A Bastogne, à Neufchâteau, à Arlon.

 

 

Retour d’une tapisserie / Gand, LB 23/04/1988

 

“Le gouvernement français a renoncé à exercer son droit de préemption pour retenir une tapisserie rachetée par la ville de Gand.  Celle-ci a fait valoir des arguments historiques pour récupérer une des dix tapisseries commandées au XVIe siècle par l’abbaye St-Pierre, spoliée à la révolution française.”

 

 

 

 

de Maesschalck Edward (doctor in de geschiedenis), Overleven in de revolutietijd, Een ooggetuige over het Franse bewind (1792-1815), Davidsfonds Leuven, 2003

 

(p.11) Er zijn over deze jaren duizenden boeken geschreven, die telkens weer proberen deze verbluffende periode samen te vatten en te verklaren. Maar het thema is zo oeverloos en de historische werkelijkheid zo veelzijdig dat de meesten zich noodgedwongen beperken tot een brede schets van opeenvolgende regimes en regeringen (Monarchie, Conventie, Directoire, Consulaat, Keizerrijk).

Om de lezer de kans te geven zich enigszins in dit tijdvak in te leven, concen-treren we ons bewust op het verhaal van één ooggetuige, namelijk Jan-Baptist Hous (1756-1830), geboren en getogen in Leuven.

 

26/11/92 

 

 

6/12/92  23/12/92

15/1/93            

18/1/93

 

30/1/93                                               

(p.26) In het begin staan nogal wat Leuvenaars, vooral uit progressieve kringen, erg positief tegenover de Franse invallers. Generaal Dumouriez belooft immers vrijheid, wat de bevolking vertaalt als onafhankelijkheid. Op de Grote Markt verrijst een vrijheidsboom. Onder toezicht van honderden bewapende soldaten met op elke straathoek een kanon mogen de Vonckisten – zo noemt Hous de lokale aanhangers van het nieuwe bewind – een rondedans maken. Later verschijnen aanplakbiljetten om verkiezingen aan te kondigen, met daaronder de onheilspellende leuze ‘Vrij of dood!’. De sfeer wordt geleidelijk grimmiger. De parochiekerk van

Sint-Jacob wordt ingericht als kruitmagazijn, met alle gevaren van dien. Niet lang daarna zal immers een gelijksoortig magazijn in het kartuizerklooster in de lucht vliegen, met drie doden tot gevolg. Dan arriveren uit Parijs commissarissen die inventaris beginnen te maken van de bezittingen van diverse abdijen, kloosters, collèges, ambachten, gilden en van de handelskamer. Een onheilspellend vooruitzicht dat weinig aan de verbeelding overlaat! Voorts worden alle bestaande voorrechten uit het verleden afgeschaft. De wisseling van stemming heeft alles te maken met een politieke koerswijziging in Frankrijk.

 

 

22/1/93

2/3/93

 

 

10/2/93

9/3/93 

9/4/93                         

 

Op 15 december 1792 beslist de regering in Parijs om de Zuidelijke Nederlanden op termijn bij Frankrijk in te lijven. Sindsdien drijven de veroverde gewesten mee op de golfslag van de Franse politiek, waar een krachtmeting plaatsvindt tussen een meer gematigde vleugel (de Girondijnen) en de ultra’s (de Montagnards). De laatsten winnen het pleit en installeren weldra een régime van terreur. Het startsein vormt de onthoofding van koning Lodewijk XIV in januari 1793. Ook in Leuven treden nu de meer rabiate republikeinen op de voorgrond, die ijveren voor de aanhechting bij het revolutionaire Frankrijk. Hous beschrijft een feest van Franse aanhangers die een soort van processie houden, waarin ze het borstbeeld meezeulen van Van der Meersch, de vroegere overwinnaar op de gehate Oostenrijkers. Ze drijven de spot met het verleden: ‘Ze sleepten ook enige kronen mee, het beeld van prins Karel en enige boeken die onze oude constitutie moesten verbeelden.’ Op straat worden geestelijken lastig gevallen, beschimpt en geslagen. Een van hen, een augustijnerpater, zal later aan zijn verwondingen overlijden. Uit pure angst verkiezen de meeste geestelijken zich voortaan wereldlijk te kleden, als ze zich tenminste nog op straat durven vertonen. Maar de bevrijding is nabij!

 

24/7/94

 

 

           17/7/94           

(p.31) Enkele dagen later noteert Hous dat een meisje in de buurt waar hij woont, wordt berecht. Zij was door Franse soldaten neergeschoten ‘omdat zij met haar hun wil niet konden doen . Zij zal nog dezelfde dag overlijden! Ondertussen rijst op de Grote Markt de vrijheidsboom en moet iedereen van klein tot groot de kokarde dragen. Wie weigert, wordt aangehouden en naar Maubeuge afgevoerd! De toestand lijkt hopeloos. Leuven is een overwonnen en bezette stad, overgeleverd aan een onverzoenlijk regime. De instructies van de regering winden er geen doekjes om en roepen op om het land stelselmatig leeg te roven en elke oogst voor de republiek binnen te halen. De stijl van de Fransen is alleszins niet veranderd. ‘ Vrijheid, gelijkheid of de dood’, zo luidt de aanhef van de allereerste ordonnantie: binnen de 24 uren moeten alle wapens ingeleverd en alle verborgen emigranten uitgeleverd worden!

 

17/7/94 e.v.

 

 

 

 

 

 

 

18/1/95           

 

(p.32) De opeisingen en afpersingen worden dagelijkse kost. Eerst gaat het om 3000 ossen, een ton bier per brouwer en bergen tarwe, haveren hooi. Ook zout wordt in grote partijen gevorderd en op de duur zelfs de lege vaten om het zout in te verzamelen. Dan volgen watten, lijnwaad en

windsels voor de overvolle hospitalen, want de zieken en gewonden komen massaal in Leuven terecht. Dan is het de beurt aan de paarden:  eerst de ‘luxe’-paarden met hun getuig, daarna de boerenpaarden en ten slotte ook de meeste wagens en karren. En dat terwijl de oogst op het land te wachten staat! Een ordonnance heeft het over alle woldragende dieren, verf, leder, lakens, hoeden, gemalen schors, roet, olie en wol. Daarna volgen ijzer, lood, koper, tin, potas, steenkool, sulfer en timmerhout. Dan is er weer een opeising van allé mogelijke dranken. suiker, laarzen en schoenen. Op de duur volgen zelfs nagels, schoppen, bijlen, hakmessen en zagen, dan weer bedden en fluweel of goud en zilver. Op zeker ogenblik wordt zomaar eventjes de helft van de moeizaam ingehaalde oogst opgeëist. En als toemaatje: allé weiden en beemden om de gestolen kuddes te laten grazen. In oktober 1794 schrijft Hous: ‘Er zijn 213 artikels in requisitie gesteld, tot de paarden en de ezels toe die de goederen moeten vervoeren.’ Hij geeft het op allés nog te noteren en beperkt zich tot de meest pakkende zaken zoals ‘ De schoenmakers zijn in requisitie gesteld tot het maken van 300.000 paar schoenen voor het Franse léger’. De cijfers tarten elke verbeelding.

 

25/7/94

30/8/94

11/10/94

 

 

27/11/94

6/2/95              

20/9/94              

(p.33) Soms gebeurt de opeising op een vriendelijke manier. Een bode of belleman, geflankeerd door twee Fransen, roept in de straten om dat hij voor de avond 300 hemden nodig heeft. Achter hem volgt dan de stadskar waarop de gevraagde hemden worden ingezameld. Als goederen echter massaal verduisterd worden, zoals de wijnvoorraden uit abdijen, kloosters en colleges, worden drastischere maatregelen genomen. Dan worden soldaten ingezet om de huizen te doorzoeken of er wordt gedreigd troepen bij moedwillige burgers in te kwartieren. Dreigen is meestal al voldoende, want het regime is immers van alles op de hoogte. Van meet af aan worden nauwkeurige lijsten aangelegd van graangewassen bij bakkers en brouwers, van broodovens en molens, van beesten en koetsen, van inkomsten en goederen, zowel van instellingen als van particulieren. De schepenen slaan hun tricolore sjerp om, trekken van huis tot huis en informeren reikhalzend naar het aantal bewoners, de kinderen, de dienstboden, de voorraden graan en meel, de inkomsten en goederen. Ook in de dorpen rond Leuven gaat een legertje jonge klerken aan het werk om lijsten op te stellen van alle bestaande voorraden graan, haver, hooi en stro. En bij elke molen in de wijde omgeving houdt een soldaat de wacht. Het regime is alomtegenwoordig!

 

21/1/95

19/2/95

 

15/10/95           

 

 

20/3/96           

 

 

(p.34) Als eindelijk het ergste leed geleden is, heffen de Fransen in januari 1795 gewoon een nieuwe contributie, ditmaal voor de ronde som van 100.000 Franse kronen (of 600.000 pond), andermaal in klinkende munt. Maar omdat het bezit van de rijken al sterk geslonken is, mogen ze op de duur de helft in assignaten of papieren geld betalen. De burgers snakken nu naar het einde van deze beproeving en stellen al hun hoop op een inlijving van de Zuidelijke Nederlanden bij Frankrijk. In oktober 1795 is het eindelijk zover. Leuven wordt een stukje van Frankrijk en viert uitbundig feest met klokgelui, muziek en een feeërieke verlichting van het stadhuis. Om de stemming erin te houden, geeft het stadsbestuur bovendien vijf tonnen hier weg aan het garnizoen. Maar voor de rijken wordt het een maat voor niets. Enkele maanden later, op Palmzondag, krijgen de rijkste burgers een brief thuis besteld waarin sprake is van een (gedwongen) lening aan de Republiek, waarbij elk gezin 1200 pond mag ophoesten. Minder bemiddelden worden belast voor 600 en 700 pond. En Hous vervolgt: ‘Nu is er zelfs sprake van een nieuwe contributie die iedereen zal moeten betalen. Wat denkt u van die woorden: vrijheid, gelijkheid en broederschap?’ En het ergste van allés! De nieuwe belasting moet betaald worden ‘in klinkende blinkende (munt), want het papieren geld heeft long afgedaan’.

 

18/7/94

 

25/7/94

 

 

 

28/7/94                                      

HOOFDSTUK  5

De gehate assignaten

Meteen na de intocht van de Fransen wordt in Leuven het papieren geld, de

zogenaamde assignaten, ingevoerd. In principe hebben ze dezelfde nominale waarde aïs klinkende munt en wie ze weigert, wordt dan ook aanzien als vijand van de republiek, met allé gevolgen van dien. Een week later wordt gepreciseerd: wie weigert, krijgt de doodstraf! Maar zo’n vaart zal het niet lopen. In de Nederlanden is de bevolking helemaal niet met het systeem vertrouwd en is de argwaan tegenover het papieren geld bijzonder groot. Het feit dat ze gewaarborgd zijn door de kerkelijke bezittingen en de geconfisqueerde goederen van de emigranten, is niet van aard om het vertrouwen te vergroten. Wel integendeel.

Bovendien zijn er algauw valse briefjes in omloop. Notaris Wagemans laat zich door bedriegers dergelijke biljetten aansmeren en wordt opgepakt. Aïs blijkt dat hij onschuldig is, wordt hij meteen weer vrijgelaten, maar de toon is gezet. De ‘vérificateurs’ hebben voortaan hun handen vol, want er zijn algauw veel valse briefjes in omloop.

 

 

 

24/7/94  8/8/94

 

 12/8/94

17/9/94                         

 

Ondertussen raakt het dagelijks leven onder invloed van de voortdurende opeisingen en de vlucht van talrijke personen geleidelijk in de knoop. De gedwongen invoering van assignaten maakt het allemaal nog erger. De prijzen beginnen te stijgen en er ontstaat een chronisch voedseltekort. In het Klein Heilige-Geestcollege worden alvast 3000 broden aan de armen uitgedeeld. De Fransen laten ook zes grote broodovens bouwen in de voormalige kerk van de kartuizers en dat is nog maar het begin. Later wordt er ook brood gebakken in de pedagogieën het Castrum (Mechelsestraat) en de Valk (Tiensestraat), in de abdij van Sint-Geertrui en in het Trilinguecollege (Vismarkt). Bovendien worden opkopers van groenten en andere eetwaren met strenge straffen bedreigd.

Half september krijgen de belangrijkste levensmiddelen een maximumprijs opgelegd, waarboven niet verkocht mag worden. Het gaat daarbij vooral om granen, boter, bier, vlees, gevogelte, eieren en brood. Meteen ontstaat een zwart circuit dat uitsluitend werkt met klinkende munt.

 

16/4/95

(p.37) Voortdurend heerst er een sfeer van twist rond de betaalmiddelen. In de herbergen willen de soldaten voor hun geld meer hier, bij de bakkers meer brood. Uiteindelijk nemen ze wat ze niet krijgen en geven ze de arme handelaar nog een pak slaag op de koop toe.

De duurte van het graan is het gespreksonderwerp van de dag. De republiek heeft de helft van de oogst al ingepalmd, maar eist bovendien nog een achtste deel van het overschot, zij het tegen de maximumprijs… in assignaten! Omdat het papieren geld zo goed als waardeloos is, komt dit in feite neer op een inbeslagname. Het graan blijft dus zorgvuldig verborgen op zolders en in kelders, maar de Fransen zijn voortdurend op zoek naar het kostbare goedje, vooral in kloosters, bij brouwers en bij stokers van brandewijn. Als er wat gevonden wordt, komt het terecht in het centrale magazijn in het Craenendonckcollege. In mei 1795 wordt het openbaar verkocht tegen een flinke prijs, ‘en nog blij dat wij het hebben’, schrijft Hous. Kort daarop arriveert op de vaart een schip vol koren, dat beneden de prijs verkoopt: ‘Het volk dat ernaanoe loopt, dat is onge-lofelijk. Men zou zeggen dat het voor niets is.’

 

25/7/94

 

5/8/94

31/8/94

 

 

4/3/95

(p.45) Maar in 1794 houden de revolutionairen zich nog even in, op bevel van hogerhand. Eerst moet het land immers vakkundig leeggeroofd worden, zonder de bevolking al te zeer op te schrikken met anti-klericale propaganda. De overheid concentreert zich dus op de contributies in geld en laat tussendoor de kostbaarste schilderijen weghalen, die bestemd zijn voor de musea van Parijs. In Leuven gaat het om een schilderij van Carolus Borromeus door Caspar de Craeyer en het Sint-Anna-triptiek door Quinten Metsys, beide uit de Sint-Pieterskerk. Aïs die buit binnen is, laat de overheid zonder verpinken ‘een gebod aflezen om de godsdienst te eren en te respecteren op straffe van dood’.

Ondertussen gaat de roof door de overheid gewoon verder. De meeste religieuze ornamenten, zelfs van grote artistieke waarde, beschouwen de Fransen aïs waardeloos, maar ze zijn wel gevoelig voor allés wat past in hun classicistisch wereldbeeld. Zo laat het Leuvense stadsbestuur zijn oog vallen op het witmarmeren borstbeeld van de humanist Justus Lipsius dat opgesteld staat in de minderbroederskerk. Op een mooie dag wandelen een Franse officier en enkele werklieden de kerk binnen, plaatsen een ladder tegen de muur, halen het borst­beeld naar beneden, kappen het zwartmarmeren grafschrift uit de muur, leggen beide stukken op een berrie en verlaten doodgemoedereerd de kerk. Tegen dergelijke praktijken hebben de kloosterlingen geen enkel verhaal.

 

 

26-27/9/94 23-24/10/94

3/12/94           

24-25/9/95

13-14/11/95

 

       25/9/95

 

 

(p.46) Leuven raakt stilaan in de greep van Fransgezinde heethoofden die een ware beeldenstorm ontketenen en nachtelijke raids houden op religieuze beelden. Ze slaan de calvarie onder de Mechelse binnenpoort aan stukken. Ze dumpen het Mariabeeld op de Hooimarkt (nu Fochplein) en het Christusbeeld bij het oratorianenklooster (Mechelsestraat) in het water. De straffeloze brutaliteit van dergelijke vandalenstreken schokt de kroniekschrijver en niet enkel als het om kerkelijke symbolen gaat. Bij een grote schoonmaak van het stadhuis wordt ‘het arsenaal dat op de zolder misschien wel over de 200jaar bewaard bleef, door de vensters naar beneden gegooid, tôt zelfs het hoofd van de reus!’ Weldra sneuvelen nog meer Christusbeelden: één in de grote zaal van het stadhuis, één in de Naamsestraat en nog één op de Drie Engelenberg. Het laatste beeld belandt in de waterput van de dominicanen. Enkel de linkerarm hangt nog aan de gevel als een troosteloos restant. ‘Wat een schelmen’, besluit Hous.

 

Hous is vooral ontsteld als hij merkt dat stadsgenoten de Franse dweepzucht goedpraten of er zelfs aan meewerken. Hij getuigt daarvan voor het eerst in september 1795, als de vrouw van de bode van Mechelen wordt berecht. In het huis van Hous in Leuven wordt daarover nagepraat, waarbij ‘burger Van Dyck, die ook Fransgezind was, tegen mijn vrouw zei: dit is de laatste keer dat die pastoor uitgaat om te berechten. Hous is van de hand Gods geslagen en richt zich zelfs tot de lezer: Wat denkt u daarvan, burgers, dat zijn kinderen van christelijke ouders?’ Voor een gelovig mens betekent de berechting of het toedienen van de laatste sacramenten de ultieme troost in het smartelijke lijden van zieken en stervenden en waarborgt bovendien een plek in het hiernamaals. Daar kan volgens Hous onder geen beding mee gespot worden. Maar helaas voor de man, zal burger Van Dyck algauw gelijk krijgen.

 

 

 

25/4/96

1/6/96

 

16/5/96

22/5/96

 

(p.47) Ondertussen worden ook de eerste officiële maatregelen tegen de kerk van kracht. De kruisen mogen de kerk niet meer verlaten. Christus- en Mariabeelden worden uit het straatbeeld ver­wijderd. Voorts wordt de publieke berechting verboden, dat is de berechting in de vorm van een processie met flambouwen, kruisen, koorknapen, baldakijn en rinkelende bellen. Vooral de scherpe toon treft Hous, want er is in de brieven sprake van ‘de zogenaam-den goeden God aïs hij gedragen wordt bij de zieken’ en van ‘verstoring van de publieke orde. Sindsdien gaat de priester uit in stilte, met het allerheiligste onder zijn mantel, naast hem de koster en achter hem een sliert biddende vrouwen. De toon van de bevelschriften wordt steeds botter. De pastoor van de Sint-Michielskerk is al anderhalf jaar uit zijn kerk gezet (voor de vestiging van een ‘Tempel van de Rede’), maar krijgt nu een brief thuis bezorgd waarin staat ‘dat hij de oude meubelen van zijn afgoderij naar huis kan halen ofdat ze ze in stukken slaan’. Het gaat nota bene om de prachtig gebeeldhouwde biechtstoelen die vandaag de trots uitmaken van het Leuvense kunstpatrimonium.

 

 

2/9/98             

(p.61) Het verzet

De Fransen willen het Leuvense Hoogfeest inpassen in hun republikeinse kalender: ‘ Vandaag, 2 september, is het gewoonlijk Kermisdag, maar de datum is verschoven naar 7 september of 21 fructidor. Nergens mag er bal zijn, noch mogen er muzikanten spelen in de herbergen, tenzij met toelating van het stadsbestuur. Deze kermis leek meer op een Goede Vrijdag, in vergelijking met voorgaande jaren. We staan dan aan de vooravond van de Boerenkrijg!

 

21/3/97

(p.66) Het isolement van het Franse bestuur is hartverscheurend, toch zeker voor een regime dat zich graag beroept op de volkssouvereiniteit!

 

 

28/6/98           

 

2/7/98            

 

27/7/98

 

 

 

19/10/96

29/12/97

 

8/7/98 

 

 

 

 

 

27/6/98                         

 

 

 

26/8/98

        24/11/98           

(p.71) De incidenten nemen hand over hand toe. De visverkopers houden zich niet aan de voorgeschreven marktdagen en bieden hun waren aan op vrijdag, toevallig een Franse rustdag: ‘ Vandaag, op 10 messidor, worden allé visverkopers door Vanderbuecken van de markt gejaagd en de nachtsoldaten hebben sommigen zelfs hun vis afgenomen.’ Twee dagen later is het verplichte marktdag, maar dan is het zondag en komt er dus niemand opdagen. Daags daarop komt hetbuitenvolk aïs vanouds naar Leuven om er vis te kopen, maar ‘ Vanderbuecken met zijn nachtsoldaten en de gendarmes begaven zich naar de Mechelse poort en hebben al het buitenvolk dat ze tegenkwamen, weer de poort uitgedreven, omdat zij gisteren (op zondag) niet présent waren. De marktdagen zullen moeite kosten’. Het kat- en muisspel gaat zo nog een tijdje door tôt de arme boeren en boerinnen ten einde raad zijn. Zo is 9 thermidor een door de Fransen opgelegde marktdag, maar ‘om negen uur werden de groenteverkoopsters vande markt gejaagd samen met al het buitenvolk’. Dezelfde dag blijkt immers toe­vallig een officiële Franse feestdag want ‘vandaag wordt de dood van Ro­bespierre gevierd’. Men kan zich gemakkelijk de woede en de frustratie inbeelden van de bevolking en men hoort hun vloeken en verwensingen in de herbergen en de huizen van de omliggende dorpen.

De Fransen proberen ondertussen met allé mogelijke middelen de décade tot een echte rustdag te maken. Op bevel van hogerhand krijgen de universiteitsstuden-

ten een vrije dag en mag niemand ze verplichten om naar de mis, lof, sermoen of vespers te gaan, ook en vooral aïs de décade op een zondag valt. Daarna komen ook de scholieren aan de beurt. De gendarmes vallen op een decade de scholen binnen en jagen de kinderen naar buiten. Een andere keer nemen ze preventief karren in beslag om het werken te beletten. Het fanatisme is zo buitensporig dat de Fransen zelfs ingrijpen als de mensen op een decade wel feestvieren, maar om de verkeerde redenen: ‘Op 8 juli of 20 messidor, dus op decade of de Franse zondag, hebben Vanderbuecken en Landeloos met hun nachtsoldaten de stad doorkruist, niet om te zien of de mensen werken – want deze keer waren ze daarvan bevrijd, het was immers een christelijke zondag en wel het feest van O.L V.-Belegering – maar om al de kronen te verwijderen die de mensen hadden opgehangen  (p.72) om er ‘s avonds onder te dansen. zoals vanouds gebruikelijk. Bij verschillende herbergen hebben de mensen dan bomen geplant en daaromheen gedanst. Het stadsbestuur wi lgeen kronen, omdat dat nog tekenen zijn van het koningschap, al hebben ze nog gehangen op Sint-Jans- en Sint-Pietersdag. Wij waren beter af in de tijd van de slavernij dan nu in de tijd van de vrijheid!’

Maar het kan nog erger. In de loop van 1798 belemmeren de Fransen ook het werk binnenshuis en gaan daarmee in feite buiten hun boekje. In juni worden op het stadhuis een twintigtal ambachtslieden gedagvaard omdat ze gewerkt hebben op een decade. Ze krijgen allen een effectieve gevangenisstraf van drie dagen. De negen brouwers in het gezelschap betwisten echter het verdict op juridische gronden en gaan in beroep. Het stadsbestuur gaat daarop zelf in de aanval en laat met slaande trom op allé straathoeken afkondigen dat er in het geheel niet meer gewerkt mag worden op een décade en dat alle winkels gesloten moeten blijven. Nog dezelfde dag worden aïs voorbeeld vier mensen opgepakt en veroordeeld tot drie dagen gevangenis: twee brouwers, een koorddraaier en de knecht van een wijnsteker, ‘omdat hij met zijn stootwagen had gereden’. De Leuvenaars wachten nu gespannen af hoe het beroep van de brouwers zal aflopen. Op 21 november wordt het vonnis van Leuven door het Hof van Cassatie in Parijs bevestigd en zelfs verzwaard: de brouwers krijgen niet enkel drie dagen gevangenis, maar elk bovendien een boete van 160 pond!

 

 

(p.73) De Fransen schaffen niet enkel de zondag af, maar proberen bovendien het dagelijks leven in al zijn facetten te stroomlijnen door een niet-aflatende reeks nieuwe instructies, orders en besluiten. Hoofddoel is een rationeel doordachte maatschappij, die bewust breekt met de vertrouwde, dikwijls irrationele gebruiken en tradities. Omdat de bevolking duidelijk dwarsligt, kunnen ze niet anders dan hun nieuwe wetten en voorschriften van boven af uitvaardigen en met geweld doordrukken. Zo sturen ze aan op een praktische, beheersbare wereld waarin een verlicht, maar tegelijk autoritair régime kan gedijen. Voorbij zijn het oeverloos overleg en het immobilisme van het ancien régime, waarin rechten, plichten en privileges in eindeloze processen worden afgewogen op grond van een ondoorzichtige wetgeving. Voorbij is het respect voor de machtigen en de oude dignitarissen, maar tegelijk ook voor veel diepmenselijke aspecten en gevoeligheden van het verleden.

 

10/10/94 en 4/1/95

9/11/94

27/3/95

 

 

Net al de verlichte en onpopulaire Oostenrijkse vorst Jozef II, bevelen de Fran­sen om de doden voortaan buiten de stad te begraven, meer bepaald op het nieuw stedelijk kerkhof buiten de Tiense poort. Aan de basis van deze maatregel ligt de bekommernis voor meer hygiene, maar bij de Fransen speelt ook het misprijzen tegenover de religie een roi. Daarom zullen ze zo gauw mogelijk de bestaande kerkhoven profaneren. Al in november 1794 beginnen stadswerklieden het Sint-Pieterskerkhof af te graven met de bedoeling er de botermarkt aan te leggen. Later wordt de plek geplaveid en met lindebomen beplant. De gruwelen die met de aanleg gepaard gingen, leren we kennen uit de mémoires van Pelckmans. ‘Het was vreselijk om te zien, schreef de man. Hij vertelt hoe de opgegraven lijken niet eens vergaan waren en hoe de resten gedumpt werden op een stuk land buiten de Diestse poort, waar de volgende zomer geen graan wou groeien. De stad liep uit om ernaar te kijken en beschouwde het als een straf van God. De haast van de Fransen is stuitend en verraadt een gebrek aan respect dat haaks staat op de traditie. Eeuwen voordien werd een ander deel van het Sint-Pieterskerkhof geprofaneerd voor de aanleg van de Grote Markt, maar (p.74) toen moesten eerst alle getuigen van eerdere begrafenissen overleden zijn. Dat vertegenwoordigde toen een wachttijd van tientallen jaren!

 

14/9/99

16/12/99

 

2/7/98

23/10/94

20/12/94

 

27/10/94           

 

 

Geen enkel kerkhof in Leuven blijft gespaard. Hous meldt dat het kerkhof van zijn eigen parochie Sint-Geertrui begraven wordt onder de kasseien en hij merkt bovendien op dat de zerken gebruikt worden voor openbare werken. Zo herstellen de stadswerklieden de pui van het stadhuis met zerken van Sint-Geertrui en Sint-Jacob. Over het algemeen munten de Fransen trouwens uit door afbraakwerken, onder meer van kloosterpanden en overbodige vestingwerken, en creëren aldus ruimte voor nieuwe straten en pleinen. Het ontlokt Hous de schampere opmerking: ‘De Fransen zijn brekers en geen makers.’ In elk geval scheppen ze orde in de chaos en spijkeren op alle hoeken van de straten bordjes met de straatnaam erop ‘in het Vlaams en in het Frans’. Meteen maken ze van de gelegenheid gebruik om enkele storende namen te herdopen, zoals de Minderbroedersstraat in Rue des sans culottes, de Dekenstraat in Rue de la Fraternité, de Capucijnenvoer in Rue de la liberté, de Heilige Geeststraat in Rue de la victoire of het plein waar eens het clarissenklooster stond in Place du peuple.

Alle handelaars zijn verplicht een uithangbord te plaatsen of met grote letters boven hun deur hun nering te vermelden, op straffe van 200 pond. Bovendien krijgen allé huizen een nummer, ongetwijfeld een nuttige maatregel, maar de eerste bedoeling van de Fransen is toch vooral om greep te krijgen op de stad en zijn bewoners.

 

 

 

 

 

10/5/98

2/6/98            

 

 

 

(p.77) In hun hervormingsdrift verbieden de Fransen ten slotte het onderwijs door religieuze orden, wat in de praktijk neerkomt op de sluiting van nagenoeg alle middelbare scholen. Weldra sluiten ook de lagere schooltjes hun deuren en dat zijn er in Leuven niet minder dan tachtig! In de plaats strijken enkele publieke schooltjes neer in de voormalige pastorijen, waar beëdigde onderwijzers naast lezen en schrijven ook de republikeinse kalender en de Rechten van de Mens moeten aanleren. Alle religieuze onderwerpen en het gebruik van de Vlaamse taal zijn uitdrukkelijk verboden. Aanvankelijk toont slechts één schoolmeester zich in Leuven bereid tot een dergelijke opdracht: ‘Op 10 mei (1798) is burger

Davidts als schoolmeester geïnstalleerd in de pastorij van Sint-Jacob om de

lering te doceren die de Fransen hem zullen voorschrijven.’ Weldra zullen enkele anderen hem schoorvoetend volgen: ‘De schoolmeesters hebben verbod gekregen om school te houden, omdat zij de eed niet willen afleggen. Er zijn er maar drie die de eed wel hebben afgelegd, dat is Davidts en nog twee anderen.’ Een jaar later worden in Leuven vijf schooltjes geteld met in totaal 70 leerlingen, en dat op een bevolking van 20.000 inwoners. Pas na 1800 zal de toestand zich stilaan normaliseren, maar aan het einde van de Franse periode is het analfabetisme in Leuven nog even groot als voor de komst van de Fransen.

 

3/10/98

          16/10/98         

22/10/98          

 

 

 

 

 

 

 

 

22/10/98         

 

 

 

 

 

 

26/10/98

 

3/10/98           

 

 

 

27/10/98

 

 

 

26/10/98

 

 

 

28/10/98

 

 

30/10/98 e.v.

 

8/11/98

7/11/98

 

19/11/98 en 23-24/11/98

 

30/11/98

 

De Boerenkrijg

 

Begin oktober 1798 wordt in Leuven de verplichte dienstplicht of de ‘conscriptie’ voor jongens vanaf 20jaar afgekondigd. De maatregel wordt nog tweemaal onder tromgeroffel herhaald, de laatste keer op 16 oktober. Hous geeft daarbij volgend commentaar: ‘Men zegt dat het moeite zal kosten. De boeren willen er niet over horen spreken. Zij zeggen dat zij liever sterven in hun vaderland dan voor het vaderland!’ Op 22 oktober bereiken Leuven de eerste berichten van de Boerenkrijg. Over de aanleiding van deze rebellie kan dan ook geen twijfel bestaan. Gedurende vier jaar werden de boeren op allé mogelijke manieren getergd en onder druk gezet: opeising van paarden, vee, voedsel en wagens, de gehate assignaten, nieuwe belastingen, inkwartiering van troepen, sluiting van kerken en kapellen, de priesterjacht, de verplichte decaden, de gewijzigde marktdagen, de paspoorten, maar nooit werd er gedurende al die tijd meer geweld gesignaleerd dan kermisruzies, bedevaarten of het bidden van de rozenkrans. Deze keer ging het echter om jonge mannen, die in naam van de gehate republiek op verre slagvelden hun leven op het spel moesten zetten, terwijl ondertussen hun familieleden het moesten rooien zonder de nodige werkkrachten of inkomsten. Nooit tevoren in de geschiedenis van de Nederlanden had de overheid een dergelijke afschuwelijke eis gesteld en zelfs Hous is helemaal van de kaart: ‘Dit is nog het droevigste van al wat ons is overkomen. zowel voor de ouders als voor de kinderen. want niet iedereen is geboren om soldaat te zijn.’

De Boerenkrijg begint op 12 oktober in Overmere bij Dendermonde. Vandaar verspreidt de rebellie zich aïs een lopend vuur in allé richtingen, onder meer naar Brabant, waar het zwaartepunt ligt in de streek tussen Aarschot, Diest en Mechelen: ‘Op 22 oktober hoorden we hier te Leuven zeggen dat het huis van agent Marmillon in Werchter geplunderd is en tôt in de grand afgebroken. Dit allés gebeurde door een bende boeren die uit Vlaanderen kwam, de meesten gewapend. Van Werchter zijn ze getrokken naar de dorpen in de omgeving aïs Haacht. Rotselaar, Wespelaar en zo naar Aarschot. Daar hebben ze de boom van vrijheid omgehakt en alle papieren verbrand en de agenten in dienst van de (p.97) Republiek vervolgd en hun huizen geplunderd en afgebroken. In Mechelen hebben zij stevig tegen de Fransen gevochten en waren op de duur meester van de stad. Zij hebben de boom van vrijheid omgehakt en allé papieren op het stadhuis verbrand.’ Hoofddoel van de actie is duidelijk de conscriptielijsten te vernietigen en en passant de symbolen van het gehate régime neer te halen. Overigens moet onderstreept worden dat deze ‘boeren’, zoals Hous ze noemt, in werkelijkheid vooral dagloners waren en niet de gezeten landbouwers, waarmee de Boerenkrijg dikwijls ten onrechte wordt geassocieerd.

Algauw proberen de opstandelingen het Franse bolwerk Leuven te veroveren. Op 26 oktober staan zij voor de stadswallen: ‘De boeren waren aan verschillende poorten van de stad. Aan de vaartpoort vond een hevig vuurgevecht plaats, waar enkele boeren in gebleven zijn. Een jongetje dat in een visserskar zat nabij het huis van Waegemans kreeg een kogel van de boeren in zijn been.’ De volgende dag wordt er gevochten in het Lovens Broeck langs de Dijle ter hoogte van Wilsele. Verschillende Franse gendarmes laten er het leven en ‘het paard van de kapitein-commandant is met vijfschoten in zijn lijfkomen lopen tôt in de stad en is daar plotseling doodgevallen’ . Als de jagers te paard naar Leuven terugkeren, hebben zij enkele trofeeën bij: ‘Zij hebben de boeren een piek afgenomen en een trommel met een kruisbeeld eraan gebonden. De piek heeft op de pui van het stadhuis ten won gestaan.’ Door de dreiging van een inval raakt de stad in rep en roer: ‘ Terwijl ik bezig ben te schrijven, zijn de mensen bezig met deuren en vensters toe te spijkeren en houden de vrienden van vrij­heid en gelijkheid de wacht.’ Kort daarop neemt het gehele stadsbestuur van Leuven de wijk naar Brussel ‘en de vrienden van vrijheid en gelijkheid zijn mee vertrokken. Zij laten de stad aan haar lot over’.

Van dat ogenblik af is Leuven in staat van beleg en zijn de militairen heer en meester. De poorten worden gesloten, de avondklok ingesteld en een burgerwacht samengesteld om ‘s nachts door de stad te patrouilleren. Amper 50 mensen melden zich vrijwillig en de Fransen zijn daarover zo verbolgen dat zij alle publieke functionarissen met ontslag bedreigen aïs ze niet aansluiten. Ondertussen worden in ijltempo verse troepen uit Brussel aangevoerd, die aïs eerste taak ‘de vrienden van vrijheid en gelijkheid mogen begeleiden ‘om in de dorpen allé klokken die nog in de torens hangen in stukken te slaan, zodat de boeren geen alarm meer kunnen kleppen. Zij zijn vertrokken met hamers en haken en een hoop ander gereedschap, met de grootste wreedheid van de wereld’. Weldra arriveren de brokstukken in Leuven. In de loop van november telt Hous samen (p.98) 14 karren vol. Als de dorpelingen het wagen zich te verzetten, nemen de Fransen gijzelaars, die via Leuven naar de Hallepoort in Brussel worden afgevoerd. Eind november zitten er daar volgens Hous al 240 opgesloten. De gijzelneming spaart bovendien heel wat werk: ‘Nu hebben de Fransen een slimme vondst gedaan. Zij houden de gijzelaars zo lang vast tot de boeren de klokken op eigen kosten naar Brussel brengen.’

 

11/11/98

 

12-13/11/98

 

15/11/98

 

25/11/98

 

 

26/11/98

 

 

1/12/98

 

1/12/98

 

6/3/99

3/12/98

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8/12/98

3+15+18/12/98

 

15/12/98 en 19/1/99

 

24/2/99       

8/11/98     

17/11/98   

 

19/11/98

 

30/11/98

 

 

 24/1/99            

 

 

 

 

 

29/7/99             

 

Op 11 november wordt de staat van beleg in Leuven tijdelijk opgeheven, maar de stad blijft wel een uitvalsbasis tegen de opstand, die zich langzaam maar zeker naar de Kempen verplaatst. Op 12 november rukt het Leuvense garnizoen uit naar Diest, maar het moet terugkeren, ‘want in Diest was het hen te heet. Enkele dagen later weten troepen uit Leuven toch Diest te heroveren en brengen vandaar talrijke gijzelaars mee, met in hun kielzog allé Fransgezinden uit de Demerstad. Eind no­vember komt er versterking uit Brussel en rukken de militairen weer uit. Weldra wordt de eerste grote overwinning op de boeren met slaande trom geproclameerd: ‘De republikeinen hebben 500 boeren gedood in Meerhout, in Mol en in Geel en aïs bewijs van de waarheid zullen de lijken naar Leuven gebracht worden.’ Op 22 en 23 november vonden inderdaad slachtpartijen plaats in Mol en Geel, maar van het macabere plan komt gelukkig (p.99) niets in huis. Op 1 december wordt er hard gevochten in Kapellen (halverwege Tienen en Diest) en lijden de Fransen weer zware verliezen: ‘De twee Fransen die bij mij gebilleteerd zijn, vertelden mij ’s middags dat er 17 van hun compag­nie naar Kapellen zijn vertrokken en er niet één is teruggekomen.’

Het is ondertussen voor de Fransen duidelijk geworden dat de verspreide opstandelingen tot een geducht leger zijn uitgegroeid. Om erger te voorkomen,

nemen ze alvast voormalige leiders van de Brabantse Revolutie (uit 1789) die in Leuven wonen, preventief in hechtenis en voeren ze naar Brussel af. Enkele maanden later zullen ze trouwens weer vrijgelaten worden, met aïs enige verantwoording dat ‘zy niet akkoordgingen met het republikeins systeem’. Op 3 december 1798 vinden in Leuven onderhandelingen plaats tussen gezanten van de opstandelingen en de Franse militairen: ‘Er zijn twee trompetters van de zogenaamde brigands in Leuven gekomen langs de Diestse poort om een briefte bezorgen aan de commandant. Die was gelogeerd In den Engel op de markt. Vandaar zijn ze gereden naar de brigadegeneraal Jardon, die logeerde bij brouwer Janssens in (het huis) Breda. Na een krijgsraad zijn de twee trompetters weer ver­trokken. Men denkt dat het ging om wederzijdse uitwisseling van gevangenen. Toen de twee trompetters de Diestse poort uitreden, zei de schildwacht « a sackri brigands », waarop een van hen de schildwacht een Franse kroon of pond toe –Verhaegen nl.,  wierp met de woorden « Drink op de gezondheid van de brigands ».’ Het wordt grotendeels bevestigd door officiële rapporten, behalve dat à la santé des brigands zou geluid hebben à la santé de Brabant. Hoe dan ook wijst deze anekdote erop hoe de opstand stilaan tot de volksverbeelding begint te spreken.

Ongeveer 3500 boeren plooien zich terug van Kapellen in het Hageland naar Hasselt, waar priesters hen op 5 december de algemene absolutie verlenen. Dezelfde dag bestoken Fransen de stad met zwaar geschut en richten een bloedbad aan. De val van Hasselt bezegelt het einde van de Boerenkrijg. In Leuven worden een honderdtal overlevenden onder escorte door de stad geloodst op weg naar Brussel: ‘Bij het binnenkomen daagden duizenden mensen op om ze te zien. Achter de gevangenen waren er nog vijfwagens en een kar met Franse gewonden.’ Tijdens de komende maanden zullen er nog honderden boeren door Leuven passeren, altijd uit de richting van Diest en doorgaans ‘twee aan twee aan elkaar vastgebonden. (p.100) Het is tegenwoordig niet goed om boer te zijn!’ Hous noteert ook nog 16 wagens met klokken en 2 karren met kerksieraden. Tegelijkertijd worden enkele Franse slachtoffers aïs martelaars begraven ‘met voile spel het garnizoen in de wapens, de municipaliteit erbij en op de kist een hoed met pluimen’. Pas in februari 1799 wordt in Leuven de staat van beleg helemaal opgeheven: ‘De militairen hebben order gekregen om iedereen in en uit de stad te laten zonder naar hun paspoort te vragen. Nu gaan wij weer de stad uit aïs wij willen. Wij hebben aïs het ware in een gevangenis gezeten.’

Het is niet duidelijk of Hous al dan niet met de opstandelingen sympathiseert.

De Fransen noemen de boeren wel ‘moordenaars’, maar Hous onthoudt zich daarbij van commentaar. Elders merkt hij op: ‘De Fransen zeggen dat het de schuld van de priesters is dat de boeren gerebelleerd hebben’, maar daar is hij het niet mee eens: ‘Het is tegenwoordig al op de hals van de arme priesters’ De genadeloze repressie keurt hij in elk geval af, aangezien er zoveel onschuldigen moeten boeten: ‘De stad Diest moet 50.000 pond en 600 paar schoenen en 600 paar kousen geven omdat de boeren in Diest geweest zijn. Het zal de Diestenaars heugen dat de boeren in Diest geweest zijn.’ Een dergelijke opeising is vooral bedoeld om de mensen te intimideren, want er komt doorgaans weinig van terecht. Erger zijn dan ook de individuele slachtoffers: ‘ Voet- en paardenvolk is naar Bertem gegaan, een dorp buiten de Oude Brusselse poort. Ze zijn daar het pachthof binnengevallen van een zekere Stroobants, onder voorwendsel dat zij op zoek waren naar brigands. Zij hebben er alles geplunderd en de mensen zijn nog op hun knieën moeten vallen om hun leven te redden. Verschrikkelijke tijden! Het zal vandaag of morgen ongelofelijk toeschijnen.’ En Hous geeft zich helemaal bloot aïs er in Leuven een (p.101) eerbaar burger door een Frans militair wordt vermoord: ‘De Fransen spreken altijd maar van de brigands, maar het zijn brigands die de mensen doodschieten in hun eigen huis.’

Het ultieme oordeel van Hous valt pas op het moment dat de Fransen de

rebellenleider Charles de Loupoigne bij de lurven kunnen vatten. Tijdens de gehele Boerenkrijg had deze zelfverklaarde ‘commandant van het Belgische léger’ zich afzijdig gehouden en wachtte hij tevergeefs op bevelen van de Oostenrijkse keizer. De man verloor steeds meer krediet bij de bevolking, temeer daar zijn bende nogal wat ordinaire struikrovers telde en hij mensen onder dwang inlijfde. In dat opzicht was hij dus geen haar beter dan de Fransen. Net zoals jaren tevoren in Leuven, zal een van die gedwongen rekruten de ronselaar bij de Franse overheid verklikken. Een klopjacht leidt uiteindelijk tot zijn dood: ‘Men zegt dat het hier gaat om (…) brigands, die niets doen dan stelen en roven en plunderen. Aan hun hoofd staat een zekere Charles de Loupoigne alias Jack-min, dezelfde waarze in 1796 (in Leuven naargezocht hebben. Op 30 juli is hij in het bas van Loonbeek door de Fransen doodgeschoten. Zij hebben zijn hoofd afgesneden, het naar Brussel gebracht en het dan op de markt drie uur long op een pin tentoon gezet.’ Hous vindt het duidelijk een gerechte straf en maakt meteen het onderscheid tussen de zogenaamde brigands van de Boerenkrijg en de écrite brigands.

 

 

3/10/98

 

 

 

16/5/99            

 

 

22/10/98          

 

24/10/98

 

 

 

 

 

5/11/98        

 

 

 23/1/99    

 

 

 

 

 

 

 

 

27/11/98

20/1/99

 

25/4/99

 

 

 

27/4/99

 

 

 

 

 

29/4/99  

 

 

 

 

9/4/00   

 

 

 

 

 

 

 

 

16/5/99  

 

 

 

 

6/6/99    

 

 

2/9/99         

 

6/5/00  

 

1/6/99            

 

 

 

7/1/00    

 

 

 

10/2/00          

 

 

 

 

5/8/02           

De gedwongen militaire dienst

 

De gedwongen oproeping tot de militaire dienst noemen de Fransen ‘requisitie’ en ze gebruiken daarmee dezelfde term aïs voor de opeising van goud en zilver, voedselvoorraden, lijnwaad, steenkool, paarden en karren. Het is maar een détail, maar toch is het de tijdgenoten niet ontgaan. Hous schrijft: ‘Na geld en goed, vragen ze lijfen bloed.’ Het gaat immers niet langer om goederen, maar om mensen, meer bepaald om jonge mannen tussen 20 en 25 jaar oud, verdeeld in vijf klassen. De eerste klas vormt de mannelijke jeugd van 20 tot 21 jaar en die zal het eerst marcheren. Samen gaat het in Leuven om 200 manschappen, die op 22 oktober 1998 om 9 uur verwacht worden op het stadhuis. Op het afgesproken uur ‘was de markt vol volk. maar men zegt dat er zich maar 20 van de eerste klas aangeboden hebben . Een nieuwe oproep heeft nog minder succes: ‘Op 3 brumaire (24 oktober) s morgens om 6 uur stond de markt opnieuw vol volk, maar geen jonge mannen van de eerste klas. ‘ Rond dezelfde tijd begint de Boerenkrijg en worden de plannen voor de conscriptie tijdelijk opgeborgen.

Hous schrijft: ‘Tegenwoordig is het stil rond de requisitie van de jeugd wegens die affaire met de boeren. ‘

(…)

In januari noteert hij er 200 uit Vlaanderen: ‘Het waren al jongelingen die

met geweld waren weggevoerd, er waren er bij die weenden als kinderen.’ Hous (p.103) heeft medelijden met hen, vooral in de winter: ‘Omstreeks 150 requisitionnairen

zijn in Leuven aangekomen en werden gelogeerd in het klooster van Sint-Maarten, waar ze op stro moesten slapen. Het is droevig. er waren misschien jongelui bij die zo rijk waren als hier een burger in de stad. Van de requisitionnairen zal ik niet meer schrijven, want er komen er dagelijks door Leuven. ‘

Sinds het einde van de Boerenkrijg is de jacht op onderduikers definitief ingezet. De overheid stelt de ouders verantwoordelijk voor hun voortvluchtige kinderen en dwingt ze tot verklikking. Dat levert 33 verstekelingen op die in j’anu-ari 1799 hun tocht naar het slagveld beginnen. In april worden razzia’s gehouden om de overblijvenden te strikken: ‘ Vandaag zijn er verschillende jongens van de eerste requisitie door de nachtsoldaten opgepakt: jongens die van hun werk kwamen of ernaar toe gingen, tot zelfs jongens die in hun winkel stonden… Door de gendarmes zijn ze naar Brussel afgevoerd, met hun handen op de rug en bovendien aan elkaar gebonden. Vivat de vrijheid. ‘ De gevreesde huzaren uit Chambéry (in Savoye) worden speciaal naar Leuven gehaald om boerenjongens op te sporen. Ondertussen worden ook de tweede en derde klas opgeroepen (leeftijd 21 tot 23 jaar), maar tegelijkertijd wordt de loting ingevoerd en een eerste bres geslagen in het gelijkheidsbeginsel: ‘De tweede en de derde klas mochten andere mannen in hun plaats stellen. Leuven moest maar 28 man leveren en in Brussel is de loting gedaan en het viel juist al op de rijken, (p.104) dat wilde lukken. Daar is niemand van hen vertrokken. Zij hebben allemaal andere mannen in hun plaats gesteld en dat heeft hun veel geld gekost.’ De prijs wordt later vastgelegd op 300 pond per vervanger met daarbovenop de verplichting de man van kop tot teen in het nieuw te zetten.

Des te onrechtvaardiger lijkt dan ook de hardnekkigheid waarmee de overheid de onderduikers van de eerste klas blijft achtervolgen. Waarschijnlijk beschouwen de Fransen ze zonder uitzondering als brigands. De ouders worden meedogenloos geterroriseerd en dat met een beproefde maatregel, die teruggaat tot de tijd van Lodewijk XIV. Om de hugenoten het leven onmogelijk te maken, gaf de koning toen het bevel dragonders in te kwartieren. De Franse republikeinen passen nu dezelfde methode toe in Leuven: ‘In verschillende huizen zijn er grenadiers geplaatst, in het ene huis vier en in het andere twee, en elke logé kreeg kost en inwoon en bovendien nog een pond per dag, en dat zo long tot hun zoon zich onder de vaandels van de republiek zou begeven… Vreselijke wetten, vervloekte vrijheid!’ En Hous somt de slachtoffers van deze maatregel op, onder wie zelfs de weduwe van een leidekker. De heer Talion, chirurgijn in de Parijsstraat, geeft het al na een halve maand op: ‘Hij heeft s nachts zijn beste meubelen naar buiten gesleept, zijn huis verlaten en de soldaten in plan gelaten.’

Een ander slachtoffer wordt de oudkleerkoper Simon Dehé op de Oude

Markt. De man raakt failliet en moet het meemaken dat zijn meubelen open

baar verkocht worden. In mei 1800 worden de onderduikers officieel gelijkgesteld met déserteurs.

Desertie is een ware plaag in het Franse léger, wat moeilijk kan verbazen in deze oorlogsjaren met enorm verlies aan mensenlevens. Om de desertie binnen redelijke banen te houden, worden de rekruten in Leuven al meteen opgesloten in het witvrouwenklooster. Maar velen ontsnappen later tijdens hun verplaatsingen, zoals Hous geregeld vermeldt: ‘200 man voetvolk is in Leuven uit Brussel toegekomen en s anderendaags naar Tienen vertrokken. Toen het appel werd geblazen, waren er 8 manschappen te kort, gedeserteerd tussen Brussel en Leu­ven. Dan kunt ge denken hoe het er aan toe zal gaan op weg naar de Rijn!’ Op de duur gebeuren allé militaire verplaatsingen onder zware bewaking: ‘800 man voetvolk is uit Mechelen in Leuven aangekomen, met achter hen zes gen­darmes te paard tegen het deserteren, want de desertie was groot onder hen.’ Desertie is een vorm van rebellie en dus een zeer ernstig misdrijf in militaire kringen. Het verjaart ook niet, zoals blijkt uit volgende notitie: ‘In de nacht van3 op 4 augustus 1802 zijn er zevenjonge Leuvenaars door de gendarmes en de (p.105) nachtsoldaten van hun bed gelicht en s morgens allé zeven met een koets naar Brussel gevoerd, geëscorteerd door vijf gendarmes. Zij waren déserteurs van de Franse dienst. Er waren drie getrouwde mannen bij, te weten Ertvelt, Kelecom en Confier, die getrouwd waren na hun desertie. Toch zijn er hun nog veel ontlopen. ‘

 

 

21/7/99     

 

9/3/00   

 

9/4/00 

 

21/4/00     

 

 

                 27/3/00          

De eeuwige dreiging van de gedwongen dienstplicht ontwricht het dagelijks leven: ‘Dezer dagen ziet men weinig jonkheid van 20 tot 25 jaar op de straten of in de herbergen, want men zegt dat weldra de requisitie van de 5 klassen afgelezen zal worden.’ En het zal niet beteren, want in 1800 wordt een reserveleger van 60.000 man gevormd onder commando van Bonaparte en dus een nieuwe conscriptie uitgevaardigd. In Leuven wordt een dertigtal jongeren van 20jaar opgeroepen, van wie er maar 13 zullen opdagen en vertrekken: drie voor eigen rekening en tien vervangers. Een massa ongeletterde paupers stroomt het Franse leger binnen, maar voor kanonnenvlees kan de Franse republiek niet al te kieskeurig zijn. Alles wat lijf en leden heeft, is welkom, zoals ook Hous met eigen ogen kan vaststellen: ‘Omtrent 200 keizerlijke troepen zijn in Leuven aangekomen, van allé regimenten onder mekaar. Zij zijn krijgsgevangen geweest en

nu in Franse dienst. Ze zijn ‘s anderendaags vertrokken naar de Rijn. Ge kunt denken wat die soldaten waard zullen zijn voor de Franse Republiek.’ Die Franse Republiek is en blijft een onverzadigbare moloch.

 

 

(p.118) In april 1802 komt eindelijk het bevrijdende nieuws dat Napoleon een concordaat heeft gesloten met paus Pius VII. Dat gerucht deed al enkele maanden de ronde, maar in werkelijkheid is er meer dan een jaar aan de inhoud van het concordaat gesleuteld. Het resultaat is dan ook voor beide partijen een redelijk compromis. Zowel de vurige republikeinen aïs de harde ultramontanen (of pausgezinden) voelen zich gepakt. De eersten zien de verfoeide Kerk, die ze met bloed en tranen hebben bestreden, weer uit haar as herrijzen. De laatsten ergeren zich blauw aan het Napoleontische overwicht en nog meer aan de definitieve afstand van de genationaliseerde kerkelijke goederen. Er komt een nieuwe strakke kerkelijke indeling in bisdommen en parochies. Bonaparte benoemt de nieuwe bisschoppen, die hem trouw zullen beloven. Zij worden als het ware de ‘prefecten’ in geestelijke aangelegenheden. De bisschoppen benoemen hun pastoors, maar na goedkeuring door de regering. In ruil stelt de regering de nodige gebouwen ter beschikking en betaalt aan de bisschoppen en pastoors een passende bezoldiging. De regeling is min of meer van kracht tot op de huidige dag. De financiële tegemoetkoming beschouwt Bonaparte als een compensatie voor de geleden verliezen van de Kerk, maar ook en vooral als de noodzakelijke prijs voor het behoud van de sociale orde en het herstel van de zedelijke waarden. Voor de pragmatische Bonaparte is een maatschappij zonder godsdienst als een schip zonder kompas!

 

 

 

23/10/00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17/7/08

(p.130) In 1800 wijst Bonaparte alle goederen van de afgeschafte universiteit van Leuven toe aan het Prytanée Français, dat is de instelling van hoger onderwijs in Parijs. Tegelijkertijd wordt de druk om winst te maken opgevoerd. In oktober van dat jaar begint de Leuvense beheerder alvast met de uitverkoop van alle roerende goederen, zoals Hous getuigt: ‘Er is koopdag gehouden in het Hollands college van de goederen van alle colleges van onze opgeheven universiteit, zoals banken, stoelen, tafels, schilderijen, diverse misgewaden en nog veel andere dingen meer, en dat o.l.v. burger président Van Leempoel.’ In 1805 volgt het besluit om ook de gebouwen zelf openbaar te verkopen. Gelukkig blijven de colleges die bestemd waren voor de openbare dienst buiten schot, maar toch gaan er nog 22 colleges onder de hamer. De nieuwe eigenaars gebruiken ze voor allé mogelijke doeleinden, van opslagplaats tot statige herenwoning, maar de meesten zullen ze onderverdelen in verschillende particuliere huizen. Daarbij wordt nogal wat vertimmerd en gebroken, zodat Hous in 1808 al verzucht: ‘Binnen weinige jaren zullen er bijna geen colleges meer zijn, want ze breken ze meestal af of maken er huizen van.’ Twee gebouwen worden verkocht onder de uitdrukkelijke voorwaarde ze af te breken, ni. de pédagogie het Varken en het Standonckcollege, die plaats moeten maken voor een mooi rechthoekig plein (het huidige Hogeschoolplein) tegenover het Pauscollege. Ook hier worden de bewoners zonder pardon uitgedreven, in dit geval een troep vrouwen van lichte zeden. Van de colleges die in particuliere handen komen, zullen er tot op vandaag maar vijf de tand des tijds min of meer doorstaan, nl. het Malderuscollege, het Savoyecollege, het Atrechtcollege, het H. Drievuldigheidscollege en het Hollandcollege.

 

 

 

 

 

 

17/11/02  

 

 

 

 

 

 

 

        22/11/02

 

23/11/02

 

 

 

24/1/03                     

 

 

30/7/05 

 

 

 

 

 

 

 

8/7/03     

 

 

 

14/11-14/12/03 

30/7/05

16/10/05

14/10/08          

3/5/07             

 

 

 

 

 

12/6/07    

7/12/10            

 

 

 

 

 

 

 

 

14/9/08

 

 

 

 

18/2/11

 

 

27/2/11

 

 

12/3/11

 

 

20/3/11

 

 

 

 

28/3/11

 

 

 

 

 

9/8/09

 

 

 

 

 

 

11/8/09

 

 

 

20/8/09          

 

 

24/8/09

 

30/8/09

 

7/9/09            

 

 

 

 

 

 

 

 

26/10/09

Lotelingen en deserteurs

 

Het grote drama van de Napoleontische tijd is de haast permanente oorlogs-koorts en dus ook de onophoudelijke rekrutering van soldaten. Op de duur wordt de toestand onhoudbaar en verliest Napoléon geleidelijk zijn krediet bij de bevolking. Laten we overlopen hoe het ooit zover is kunnen komen. Na de eerste schok van de conscriptie, die zou leiden tot de Boerenkrijg, raakt de gedwongen inlijving bij het léger geleidelijk ingeburgerd. Elk jaar wordt een lichting bevolen van allé jongemannen die de leeftijd van 20 jaar hebben bereikt: ‘Door de belleman is op de voornaamste hoeken van de straten afgelezen en aangeplakt dat de jeugd van het requisitiejaar IX en X zich naar het stadhuis moet begeven om na tegaan wie van hen de vermoeienissen van de oorlog zou kunnen doorstaan.’ Zo’n oproep leidt meteen tot beroering in de stad, want iedereen wil zich uiteraard laten vervangen. In de straat verschijnen affiches met een dringende oproep naar vrijwilligers, terwijl ronselaars met veel vertoon de stad doorkruisen: ‘De conscrits van de basse classe zijn met groot muziek de stad rondgegaan om te werven. Het waren allemaal gekochte mannen.’ Bovendien worden notabelen en geestelijken ingeschakeld: ‘Op verzoek van de conscrits zijn enige heren samen met de pastoor van elke parochie van huis tot huis gegaan voor een omhaling om jongens te kopen, want er waren zoveel jongens opgeroepen die niet door hun ouders gemist konden worden en die onbemiddeld zijn.’ Daarna vindt de gevreesde loting plaats, waarbij de jongens uit een trommel een nummer trekken, dat bepaalt ‘wie meteen in actieve dienst moet, wie tot de reserve behoort en wie aan de dienstplicht ontsnapt’. Voor vele jongens en hun ouders zijn het vreselijke momenten die hun verdere leven zullen bepalen: ‘ Van de vier zonen van Petrus de Groodt, meester-metser, is er telkens één gedurende drie opeenvolgende jaren in de conscriptie gevallen en één eruit’

 

In 1802 heerst er vrede en is er niet veel weerstand tegen de conscriptie, maar dat verandert wanneer een jaar later de oorlog uitbreekt. Ook de reservisten worden dan opgeroepen en velen duiken onder. Onmiddellijk wordt de jacht op dienstweigeraars ingezet: ‘In de nacht van 7 op 8 juli (1803) zijn er zeven of acht jongens van hun bed gelicht, het waren reservisten die niet waren opgedaagd. Zij zijn nog dezelfde dag in twee berlines door de gen­darmes naar Brussel gevoerd.’ Bij de volgende lichting komen steeds minder jongens opdagen. Hous noemt Verhaegen iv, geen cijfers, maar in het hele departement ontbreekt de helft en meer van de opgeroepenen. Zelfs de rijken en kunnen op de duur de vervangers niet meer betalen. In 1805 verdubbelt de prijs in nauwelijks een half jaar tijd (van 100 naar 200 louis) ‘en nog zijn ze zeldzaam om vinden’. In 1808 blijkt de prijs voor een vervanger al gestegen tot 300 louis.

De reden voor deze inflatie is niet ver te zoeken: ‘Sinds het begin van de consriptie is er nog niet één jongen teruggekeerd. Als gij buiten op de dorpen zijt, ziet ge tien meisjes tegen één jongen. De jongens worden raar en duur.’ Velen zijn bereid zich te laten verminken, als ze maar niet moeten marcheren: ‘ Voor het tribunaal is een zekere Talon, meester chirurgijn, veroordeeld tot een jaar gevangenis en 500 frank boete, omdat hij veel boerenjongens de voorste vinger van hun rechterhand heeft afgesneden om hen zo te bevrijden van de conscriptie.’

Van de jongens die toch marcheren, deserteert na verloop van tijd meer dan de helft. Geregeld worden klopjachten ingezet in de dorpen rond Leuven: ‘Bijna dagelijks brengen de gendarmes déserteurs naar Leuven en die worden dan in de corps de garde onder het stadhuis opgesloten. Enkele groenwijven (= marktvrouwen) halen dan een aalmoes om en met da tgeld kopen zij hier, want die arme mensen krijgen niet anders dan water en brood. En zij koken voor hen (p.145) aardappelen met salade. Vandaag zijn er 34 binnengebracht, allemaal aan elkaar gebonden, en na daar soms vier dagen gezeten te hebben, worden zij door de gendarmes van brigade tot brigade naar het leger gebracht.’ De agitatie op het platteland neemt voortdurend toe en bij de lichting van 1808 ontstaan er overal rond Leuven en speciaal in het Hageland opstootjes, die met harde hand worden onderdrukt: ‘Bijna dagelijks komen er troepen in Leuven, volgens sommigen om het dorp Lovenjoul te straffen, want de boeren hebben daar onlangs naar de gendarmes geschoten en déserteurs bevrijd.’

De klopjachten worden in de loop der jaren steeds doeltreffender. In 1811 verschijnt in Leuven een mobiele kolonne die met harde hand de dienstplichtigen komt aanpakken. Allé middelen zijn voortaan geoorloofd: ‘Op 18 februari is er veel voet- en paardenvolk in Leuven gekomen en ‘s anderendaags vertrokken ze naar de kanten van Zoutleeuw om al de dienstweigeraars en déserteurs op te sporen en om de ouders te vervolgen, aïs zij hun kinderen niet te voorschijn brengen.’ Al na een week brengen de soldaten hun eerste buit naar Leuven, samen meer dan 100 man. Hoe ze het hebben klaargespeeld weet Hous niet, maar ‘zij houden lelijk huis in de dorpen waar ze komen’. Begin maart is de streek van Tienen opgeruimd en kammen ze de dorpen rond Leuven uit. Desnoods wordt een geheel dorp gegijzeld: ‘In allé dorpen waar de Force Armée komt, moet het dorp 1500 francs betalen, aïs de dienstweigeraars of déserteurs nog niet naar hun régiment vertrokken zijn.’ Hous klaagt openlijk de terreurpraktijken aan: ‘Dagelijks brengen de militairen de ouders of naaste vrienden de stad in, waar ze de gevangenis ingaan, en wel zo long tôt hun kinde­ren te voorschijn zullen komen. Daar zijn mensen in Leuven gebracht die al 14 dagen in Tienen hebben vastgezeten, oude mensen!’ Aïs ze de ouders niet te pakken krijgen, grijpen de soldaten een zus van de beklaagde of desnoods de rest van de familie: ‘Op 28 maart zijn Jan de Greef, meester schoenmaker, en zijn dochter opgepakt en gevangengezet, en verder Jan Ickx en zijn vrouw en de weduwe De Keyser, de vier eerste omdat de zoon van Jan Pauwels dienst weigert. Hij was de kozijn van Jan de Greef.’ Deze meedogenloze vervolging van déserteurs en dienstweigeraars heeft allés te maken met het permanente tekort aan manschappen voor Napoléons grootscheepse plannen. Aïs in 1809 de Engelse vloot plotseling Antwerpen bedreigt, gaan de Franse autoriteiten nog een stap verder en doen zij in paniek een beroep op de gehele bevolking: ‘Op de voornaamste hoeken van de straten werd aangeplakt dat iedereen verzocht wordt om te gaan vechten tegen de Engelsen en dat (p.146) zij de soldij van de militairen zouden krijgen.’ De Fransen willen een ‘garde nationale’ of nationale wacht in het leven roepen, die aïs één man het Franse vaderland tegen de vreemde indringers zal verdedigen. Dit drieste plan wordt een regelrecht fiasco. Tien dagen later schrijft Hous: ‘ Van de nationale wacht is alles nog stil. Zij meenden het hele volk op te roepen tussen 20 en 60jaar, van 20 tot 40 om te marcheren en van 40 tot 60 om de stad te bewaken.’ Omdat niemand beweegt, wordt de oproep tot uit den treure herhaald: ‘Er is weer een oproep aangeplakt voor de nationale wacht: al wie minder dan 40jaar oud is moet marcheren om de zeekusten te verdedigen. zoniet wacht hem een straf.’ Het e.v. is al boter aan de galg. Ten slotte besluit de overheid noodgedwongen dat de burgers ook vervangers mogen betalen, zodat de idée van een nationale wacht ontaardt in een verkapte belasting. Om de kapitaalkrachtigen onder druk te zetten bedreigt het bestuur hun kinderen: ‘Op 7 september dragen zij brieven rond aan de rijkste jongens van de stad (waarin staat) dat zij aangeduid zijn om te marcheren onder de nationale wacht: de gehele stad is in alarmtoestand.’

In heel het arrondissement Leuven zullen maar zeven vrijwilligers opdagen. De prefect van het Dijledepartement schrijft ter verontschuldiging aan zijn superieuren dat ‘niemand geraakt wordt door de motieven van roem en eer die ik naar voren breng’. Door dit voorval wordt het de gezagsdragers plotseling schrijnend duidelijk dat zelfs na 20 jaar verfransing bijna niemand in dit land bereid is voor het Franse vaderland zijn leven in gevaar te brengen. De nationale wacht wordt opgedoekt en Hous besluit nuchter: ‘Dezer dagen worden er brieven rondgedragen aan allen die hun persoonlijke bijdrage moeten betalen voor de nationale wacht, hoewel die in dit département zelfs nooit heeft bestaan. Aïs dat nog long duurt van dat geven en krijgen, kan de ene de andere niet meer betalen.’ Het verhaal krijgt echter een staartje dat Hous allerminst had verwacht. Wegens de mislukte oproep van een nationale wacht, wordt een ‘levée complémentaire’ of bijkomende lichting geheven van de conscriptiejaren 1806 tot 1810. Hous weet meteen hoe laat het is, want nu is zijn eigen zoon Hendrik aan de beurt.

 

 

 

2/4/12 

 

 

 

25/1/10-8/1/11

 

(over de zoon van Hous in Spanje)

 

‘Op 2 april is mijn zoon uit Spanje in Parijs gearriveerd, gezond en wel te

pas!’ Wat de jongen in Spanje heeft uitgevreten, blijft onbekend, vermoedelijk ook voor de vader, want alle brieven met nare berichten worden door de politie onderschept. En uit Spanje komen enkel nare berichten, want de Fransen vechten er uitzichtloos tegen een genadeloze guerilla die van geen wijken wil weten. Plaats van Hendrik: in Bordeaux, in Bayonne, in Logrono en in Burgos. Dan blijft het meer dan een jaar stil. Tot Hous in april 1812 eindelijk weer bericht ontvangt: De gruwelen tarten er elke verbeelding. De guerilleros snijden Fransen de keel over jukken hen de ogen uit en laten de lijken achter met de geslachtsdelen in hun mond. De Fransen van hun kant hangen de brigands op zonder vorm van proces, hakken ze soms met hun bajonet in stukken en vermoorden zelfs kinderen tot in de wieg. Ook de godvrezende en brave conscrits uit de Lage Landen worden algauw gevaarlijke vechtjassen en cynische veteranen.

 

 

 

30/5/17

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17-19/2/99

 

(p.150) Schrijnende armoede

 

De oorlog, de conscriptie en het tromgeroffel bepalen in hoge mate de sfeer in de Napoleontische période, maar ondertussen gaat het gewone leven zijn gang, in goede en kwade dagen. Kenmerkend voor deze woelige periode is de opkomst van nieuwe klassen, zowel arm als rijk. Hous, die het zelf niet erg breed heeft, sympathiseert met de armen en mijmert soms over het verleden: ‘In die tijd toen dit land nog aan Oostenrijk toebehoorde, ten tijde van Maria Theresia, waren er ook arme mensen, maar die waren arm in naam en niet metterdaad, want in alle kloosters gaven zij toen allé middagen potagie en in de abdijen om de twee dagen brood en dat aan al het arme volk dat zich vertoonde. Zelfs de kinderen die zij op de arm droegen, kregen een klomp brood.’ De afschaffing van de kerkelijke instellingen, de bestuurlijke en financiële ontreddering, de permanente oorlogstoestand en de economische crisis dwingen vele mensen tot bedelarij, landloperij en banditisme. Sinds 1796 bestaat er weliswaar een Commission de bienfaisance of Commissie van weldadigheid, maar het zal nog velejaren duren eer daar een behoorlijk bestuur van de grond komt. Ondertussen troepen de armen samen in leegstaande panden, zoals Hous terloops getuigt naar aanleiding van overstromingen in februari 1799. Het voormalige Craenendonck­college is door het water helemaal van de buitenwereld afgesloten:

‘In het Craenendonckcollege woonde enkel arm volk en die mensen zaten nu zonder eten, wat erg droevig was. Dan is er iemand rondgegaan voor aalmoezen, heeft daarmee brood gaan kopen en is te paard naar het genoemd college gereden. Ter hoogte van het huis van de weduwe Robijns, waar het water het diepst was, dachten we dat hij zou verdrinken met paard en al… Het arm volk van het Craenendonckcollege is met alle kinderen naar buiten gekomen en waadde door het water, vooraleer het nog hoger zou staan. In het voornoemde college wonen 29 huishoudens.’

 

 

(p.153) Ondertussen blijven horden bedelaars het normale leven verstoren. zodat in 1808 de bedelarij bij keizerlijk decreet andermaal verboden wordt. In elk departement wordt een centraal depot opgericht waar het arme volk zonder pardon wordt opgesloten. Het depot voor het département van de Dijle komt echter pas klaar eind 1811. Het gaat meer bepaald om de vroegere abdij van Terkameren in Elsene, waar plaats is voor 1200 personen. Ook hier komt echter niet veel van in huis. Hous vermeldt nog een nieuw keizerlijk decreet waarin sprake is van publieke soepbedeling voor de armen, maar voegt er ietwat sarcastisch aan toe: Tot nog toe heeft het arm volk geen soep gezien. En zo blijven vele goed bedoelde pogingen in de startblokken zitten. Van 1811 af heerst er immers in het land een ware crisissfeer ten gevolge van de stijgende graanprijzen, de aanslepende oorlog en de verpletterende belastingen, tot de industrie helemaal stilvalt: ‘Bij mensen gedenken heeft er nooit zo een tijd geweest. Bijna alleambachten staan stil. Voor niemand valit er iets te verdienen. Veel ambachtsmannen verlaten vrouw en kinderen en gaan voorgeld aïs vervanger in militaire dienst.’ Eer de mensen deze laatste stap zetten, moet de toestand wel heel ernstig zijn.

 

 

(p.154) De rijken

 

Aan de andere kant van het sociale spectrum kent de rijke burgerij een forse opgang. Hous heeft een grondige hekel aan deze nieuwe rijken, die dikwils hun fortuin gevestigd hebben op het aankopen van kerkelijke goederen en de collaboratie met de Franse bezetter.

 

 

 

 

 

29/10/06

 

 

 

 

24/1/07            

 

(p.156) Maar Napoléon haalt de hertog /van Arenberg/ niet terug om zijn landgoed te cultiveren. Hij wil de oude gloriën van het overwonnen Oostenrijkse regime ontwapenen en aan zich binden. Daarom verheft hij de hertog in 1806 tot senator en lokt hem zo naar Parijs. De zoon kan hij gebruiken om troepen te werven: ‘De zoon van de hertog van Arenberg heeft de toelating om een vrijcompagnie te werven en een menigtejongens engageert zich in dat corps. Jongens van 14, 15, 16, 17 jaar neemt hij aan. Hij is zelf maar 17 jaar oud en toch is hij al kolonel van het korps.’ Over de leeftijd van de jonge hertog worden blijkbaar verkeerde berichten verspreid, want in werkelijkheid is Prosper-Louis dan 21 jaar oud. Een jaar later trouwt hij met prinses Stéphanie Tascher de la Pagerie, een nicht van keizerin Joséphine. Het gaat om een gedwongen huwelijk, een van de vele die Napoleon heeft gearrangeerd, en het loopt niet goed af. Na de val van Napoleon zal de paus op verzoek van het echtpaar de scheiding toestaan.

 

 

(p.177) Frankrijk is echter niet enkel een rechtsstaat, maar ook een politiestaat. Naar mate het bewind van Napoleon vordert, wordt de sluipende dictatuur van de staat steeds duidelijker en arroganter. Overal opereren spionnen die zelfs de minste kritiek melden aan de hogere overheid.

 

(p.178) /20/08/09/ Ook onder de burgerbevolking groeit de onvrede en steeds meer maakt Hous melding van arrestaties om politieke redenen.

 

In tegenstelling tot het ancien régime, waarin criminelen foltering en lijfstraffen moesten ondergaan, worden in de Franse tijd veel meer mensen opgesloten. (p.179) (…) Nu blijven de gevangenen soms jaren opgesloten in ongezonde en vooral overbevolkte plaatsen. Voor de meesten is het een ware hel op aarde. In Leuven is er een gevangenis in de kelders onder het stadhuis en verder in de oude Brusselse binnenpoort. Volgens een officieel rapport uit 1807 is laatstgenoemde gevangenis zo ongezond dat de mensen er aan de koorts bezwijken en zo vervallen dat verbetering onmogelijk is. Veel mensen verkiezen liever de dood dan in dergelijke krochten te moeten leven: ‘Er is een vrouw un een van de hoge vensters van de gevangenis in de Brusselse binnenpoort gesprongen in de tuin van de heer Ducuper. Zij heeft haar been gebroken en is naar het gasthuis gedragen. waar ze de volgende nacht gestorven is.’

De overbevolking is het gevolg van een andere kwaal van de Franse tijd, namelijk de opsluiting zonder vorm van proces van grote groepen mensen – dikwijls onschuldigen – die verdacht worden van banditisme of complotteren tegen de staat. Soms wordt het zo erg dat de prefect ingrijpt en een aantal mensen vrijlaat, nog altijd zonder vorm van proces: ‘De heer de Chaban, prefect, heeft verleden week een bezoek gebracht aan het tuchthuis van Vilvoorde en heeft er in de vijftig verlost die daar zaten zonder termijn.’ In de loop van 1806 wordt in één keer de vrijlating bevolen van 480 mensen, van wie er ondertussen al 70 zijn overleden en dat na amper anderhalf jaar gevangenis. Hoevelen hebben niet gebeden en gehoopt dat de Engelsen zouden landen en de Fransen uit het land verdrijven!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17/1/13

 

 

 

 

 

(p.181) Het einde nadert

 

Als Napoleon in december 1812 terugkeert van zijn catastrofale krijgstocht in Rusland, is zijn macht danig aangetast. Zijn reusachtige léger is door de Russische winter gedecimeerd, maar hij laat zich niet uit het veld slaan en begint meteen een grootscheepse campagne om nieuwe troepen te werven. Op enkele maanden tijd worden meer dan 600.000 manschappen opgetrommeld, van wie bijna 45.000 uit de Belgische departementen. Bijna niemand glipt nog door de mazen van het net. Ook jongens onder de twintig jaar moeten nu marcheren, want de lichting van 1814 wordt voortijdig opgeroepen. Van de andere kant wordt ook een beroep gedaan op de garde nationale, dat zijn reservisten tussen 20 en 40 jaar, die eerder door loting aan de krijgsdienst zijn ontsnapt. Maar het gaat niet van harte: ‘Op 17

januari (1813) zijn de garnizoenen van Brussel en Mechelen, de gewezen Garde nationale, in Leuven aangekomen en s’ anderendaags vertrokken naar Tienen. Het heeft in Mechelen veel moeite gekost, want zij wilden niet vertrekken’

 

 

 

 

 

 

 

 

 

18/05/13

 

 

 

 

5/7/13

25/6/13

 

 

 

 

 

1/5/13

 

 

 

18/10/03

 

18/1/13

 

22/2/13

 

23/2/13

 

 

 

(p.181) Men zou verwachten dat de Fransen hun eigen functionarissen buiten schot houden, maar niets is minder waar. De druk van boven af is zo groot dat ze overgaan tot een maatregel die veel kwaad bloed zal zetten, namelijk de inlijving van de Garde d’honneur of de erewacht in het reguliere leger. Eerder waren al dergelijke erewachten opgericht, maar zij speelden altijd een paraderol, zoals bij het bezoek van Napoléon. Nu moesten deze jongemannen ook werkelijk gaan vechten in verre landen. Voor de Belgische departementen wordt een quotum bepaald van een duizendtal manschappen en de overheid mag naar eigen goeddunken jongens aanwijzen: ‘Deze stad’, schrijft Hous, ‘moet 24jongelingen leveren voor de Garde d’honneur. Vijf hebben zich vrijwillig aangemeld en negentien van de rijksten van de stad hebben een brief gekregen. Zij mogen zich niet laten vervangen en zij mogen niet getrouwd zijn.’ De overheid kiest bij voorkeur zonen van de eigen functionarissen en die voelen zich uiteraard diep gekwetst door deze botte en arbitraire maatregel, temeer daar ze persoonlijk opdraaien voor kleding en paard van hun eigen kind. Het afscheid is in elk geval erg pijnlijk: ‘Negen heren van de Garde d’honneur zijn naar Versailles vertrokken. hun plaats van bestemming. Zij hadden allemaal hun uniform aan. Er waren er drie bij die weenden als kinderen.’

Napoléon put alle middelen uit om weer een leger op de been te brengen en zet zelfs kindsoldaten in. Weesjongens worden ingelijfd in een régiment tirailleurs, samengesteld uit kinderen tussen 7 en 16 jaar. Niemand is nog veilig voor de militaire dienst: ‘Alle bakkersgasten kregen bevel om zich ‘s morgens om 7 uur naar het stadhuis te begeven en vandaar naar de prefectuur om te loten wie van hen naar Maagdenburg zou moeten om daar te bakken. Zij moesten er vijf hebben van deze stad en ze moesten ‘s anderendaags vertrekken.’ Later wordt in Leuven ook een apotheker opgevorderd om te vertrekken.

Het Stadsbestuur laat zich evenmin onbetuigd en biedt Napoleon (p.182) een geschenk aan in de vorm van 25 jagers te paard. Omdat Leuven dit ‘geschenk’ niet zelf kan betalen, rekent het de kosten gewoon door aan de inwoners: ‘Dezer dagen krijgen alle burgers van de stad een gedrukte brief om de betaling te eisen van de 25 man die de gemeenteraad heeft toegestaan aan de keizer aan te bieden. Het is altijd maar te geven en te krijgen.’ Het verzet is groot, maar de druk neemt nog toe: ‘ Veel burgers van de stad die niet willen betalen voor de gift van de 25 man. krijgen vier man soldaten in hun huis, zo long tot de bijdrage zal betaald zijn.’

 

 

 

 

 

 

 

 

10/11/13

 

 

10/12/13

 

15/12/13

 

27/1/4

In het najaar van 1813 worden nogmaals 580.000 manschappen opgeroepen, waaronder zelfs de lichting van 1815. Dat betekent dat voortaan ook jongens van 18 jaar moeten marcheren. Maar de meesten weigeren dienst en duiken onder of ze deserteren bij de eerste gelegenheid. De jacht op deze landverraders wordt nog opgevoerd. Hous noteert tussen september en december 1813 niet minder dan zeventien keer een doortocht van opgepakte deserteurs en dienstweigeraars, telkens in groepen van 100 tot 600, samen wel 4000 man: ‘Een menigte van hen is in Leuven toegekomen, geëscorteerd door paardenvolk. De lansiers liepen van voor, vanachter en opzij opdat ze niet zouden deserteren. Ze zijn ‘s anderendaags naar het léger vertrokken. De desertie is tegenwoordig groot onder de militairen.’ De deserteurs komen van overal: ‘Op 10 december (p.183) (1813) is er een menigte van déserteurs en dienstweigeraars in Leuven gebracht. Zij kwamen van diep uit Frankrijk en de meesten hadden strohoeden aan.’ Af en toe herkent Hous een ongelukkige: ‘Onder de deserteurs was de zoon van de Heer Finoelst uit Den Klynen Vogelsangh, die voorgeld vervanger is geworden, omdat hij niet mocht trouwen en zo zijn vader wilde kullen.’ De ouders krijgen het in die dagen alleszins zwaar te verduren: ‘In het huis van de Heer Meulemans in de Parijsstraat zijn er 24 à 25 militairen geplaatst omdat zijn zoon gedeserteerd was. Zij hebben allés opgegeten wat zij konden vinden. Er stond een schildwacht voor de deur en die dreigde al wie bleef staan met zijn bajonet door het lijf te steken. Deze militaire executie is nog dezelfde dag beëindigd, want de zoon is voor de daggekomen.’

 

 

 

22/11/13

 

10/12/13

 

 

11/12/13

 

12/12/13

 

 

 

Boven op al deze ellende leeft de bevolking ook en vooral in angst voor het naderende front. Het Franse bestuur tracht tevergeefs de geruchten de kop in te drukken: ‘Een zekere persoon die in de Valk werkte is door de gendarmes naar Brussel gebracht omdat hij in de herberg gezegd had dat de kozakken, dat zijn Russische soldaten, al in Keulen waren.’ Weldra arriveren in Leuven de eerste vluchtelingen: ‘Op 10 december (1813) is er een menigte van 400 commiezen in Leuven aangekomen met vrouw en kinderen. Zij waren gevlucht uit Holland. Ook de boeren uit de dorpen in de buurt vluchten met al hun beste meubelen naar de stad, uit vrees dat het léger in aantocht is.’ Hier en daar breken de eerste opstanden uit: ‘In de nacht van 8 op 9 december is een bende boeren van de dorpen Binkom en Kerkom naar Lubbeek gekomen en hebben daar de ramen uitgeslagen van de garde-champetter Sterckx.’ Allés wijst nu op een komende omwenteling. De militairen verlaten Leuven richting Antwerpen en rijden de vijand tegemoet.

 

 

31/12/13

6/1/14

5/12/92

13/5/99

1/1/14

 

21/12/13

23/12/13

 

5/1/14, 7/1/14

27/1/14

 

28/1/14

(p.188) Er vinden meerdere arrestaties plaats. De meest gezochte mannen zijn degenen die bij de inkomst van de kozakken voorop zijn gereden om de weg te wijzen. Eerst wordt visverkoper Francis Pauwels opgepakt en later is het de beurt aan Arts, de herbergier van de Korenbloem. Pauwels is voor de Fransen een oude bekende. Hij had eerder al twee keer in de gevangenis gezeten wegens vermeende spionage voor de Oostenrijkers. Ook de Heer Robijns, ontvanger van de domeinen, wordt om onbekende redenen gearresteerd en naar Brussel afgevoerd. Het Franse schrikbewind is op een minimum van tijd weer helemaal in voege. De gevangengenomen deserteurs sjokken weer door de straten en ‘op 23 december (1813) was het bureau van de Droits Réunis volop in gang, met al zijn commiezen. De Franse militairen gedragen zich nu openlijk als bezetters van een heroverd gebied en eisen met harde hand tal van goederen op, zoals vlees, bier en jenever, haver, hooi en stro, trekpaarden, rijpaarden en koetsen. Als laatste gebaar persen de Droits Réunis de brouwers van Leuven nog een belasting van 40.000 francs af, zo niet gaven ze de soldaten bevel om te plunderen .

 

 

 

 

 

De Vos, p.31

8/4/15

 

2/4/15   

 

14/5/15           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1/4/15  

 

 

 

24/4/15

 

 

 

28/4/15   

 

 

 

 

 

22/5/15

De slag van Waterloo

 

(p.200) Geheel nieuw is het gevoel van trots over het opmerkelijke feit dat er voortaan ook ‘Belgische’ soldaten bestaan. Er zijn natuurlijk altijd soldaten van eigen bodem geweest, maar die liepen verloren in het grote Franse leger. Nu krijgen de soldaten van de Zuidelijke Nederlanden hun eigen generaals, zoals Jean de Cobbart en Jean Baptiste van Merlen, zelf oudgedienden van het Franse leger.

Begin april 1815 maakt Hous voor het eerst melding van ‘de Belgen, Nederlandse troepen’. Het begrip ‘Nederlands’ is hier synoniem voor ‘Belgisch’, want als Hous het heeft over de Nederlanders uit het noorden, spreekt hij steevast over ‘Hollanders’. Dat Hous trots is op deze ontwikkeling, blijkt duidelijk uit volgend incident: ‘Op 14 met, op Sinksendag. is er ruzie geweest tussen de Belgen en de Pruisen. Aanstonds grepen al de Belgen naar hun wapens en daar was meteen een menigte volk op de markt. De Pruisen hebben van de Belgen veel slaag gekregen met de kolf van het geweer. De burgers van de stad waren allemaal tegen de Pruisen. Zij die woonden aan de kant van de markt sloegen al hun deuren en vensters toe, want de Belgen kregen op de markt poeder en lood.

De kanonniers kregen het bevel hun kanon te laden. Het is er zo erg aan toe gegaan dat de generaal van de Belgen, de Heer Van Merlen, en de commandant van de Pruisische troepen zijn moeten tussenkomen om ze te bedaren.’

(p.201) Er is nog een belangrijke wijziging die Hous met verbazing gadeslaat. Een nieuwe lichting van 25.000 man wordt uitgeschreven, van wie 4160 voor rekening van het Dijledepartement. Het gaat om de mannen tussen 18 en 35 jaar, inclusief de weduwnaars zonder kinderen. Maar terwijl vroeger zo’n tijding meteen leidde tot onderduiking of zelfs rebellie, is de sfeer nu helemaal omgeslagen: ‘Op 24 april is er op het stadhuis en de voormalige prefectuur loting geweest van de dorpen Heverlee, Oud-Heverlee en Bertem. Ook alle andere dorpen moeten dat lot ondergaan. De boeren van Bertem die moesten loten kwamen in massa (zij waren in de 70 sterk en het dorp moest er maar 11 leveren), met het vaandel voorop en de maire, de Heer Stroobants, aan het hoofd. Ook de volgende dagen blijven zich dergelijke patriottische taferelen afspelen:

‘Het is wonderlijk en bijna ongelofelijk hoe dat de boeren naar de stad komen om te loten, nu met slaande trommel het vaandel voorop en de oranje cocarde op de hoed. Vroeger bij het loten van de Fransen werd alle mogelijke geweld gebruikt door de gendarmes.’ Algauw krijgt Leuven echter ook te maken met typisch ‘Belgische’ toestanden: ‘De loting van de stad Leuven is geannuleerd en moet overgedaan worden, omdat er iets niet in orde was. De schrijver van de onderintendant, de Heer Hambroeck, is gevangen gezet omdat hij, naar men zegt, de briefjes van de hoge nummers groter gevouwen heeft dan de andere en dat aan heel wat personen heeft gezegd.

 

 

 

21/8/16 e.v.

 

 

19/8/17 e.v.

 

1/1/16    

 

 

 

6/7/21            

 

(p.207) De Hollandse période heeft natuurlijk ook wel haar goede kanten. Met groot genoegen ziet Hous hoe de schilderijen en andere kostbaarheden, die door de Fransen gestolen waren, naar Leuven terugkeren. Met enige trots kondigt hij ook aan dat Leuven weer zijn eigen universiteit krijgt en dat Brussel de zijne verliest. En omdat er vrede heerst, hebben de Leuvenaars ook minder last van de militairen. Minder, want af en toe laaien de ruzies toch hoog op: ‘Op januari (1816) heeft een bataljon Hollanders tegen de Belgische militairen gevochten en in verschillende huizen de vensters uitgeslagen, maar zij hebben van de Belgen terdege op hun kop gekregen ‘ De Hollanders zijn alleszins weinig populair. Als koning Willem I door Leuven passeert, wacht hem een koel onthaal: ‘De koning der Nederlanden is op weg naar Spa door Leuven gereden. Hij werd zodanig door het volk begroet dat er bijna niemand was die zijn hoed afnam. De man had het verdiend, want hij had deze week weer een grote last gelegd op de schouwen en op het malen, op deuren en vensters, op dienstboden, luxepaarden en op het slachten van beesten’.

 

 

(p.212) Wat Hous echt verfoeit is het blinde fanatisme van de revolutionairen, die alles op hun weg lijken te vernietigen. ‘De Fransen zijn brekers, geen makers’, schrijft hij. De puinhoop die ze achterlaten vindt Hous verschrikkelijk: de scholen gesloten, de universiteit opgeheven, de colleges verkocht, de kerken afgebroken, het meubilair aan stukken geslagen, de priesters vervolgd, de boeren mishandeld… ‘ We waren beter af in de tijd van de slavernij dan nu in de tijd van de vrijheid.’ Wat hem het meest schokt in deze zee van ellende is de opkomst van de nieuwe rijken, ‘republikein geworden om hun interest’, die gewetenloos kerkelijke goederen inkopen en collaboreren met de vijand: ‘Mocht dit allemaal gebeuren door toedoen van de Fransen, zou ik er niet over willen spreken, maar het gebeurt door volk van onze eigen stad.’ Met de jaren wordt hij echter milder, als hij merkt dat er zich onder de Franse medestanders en logebroeders ook ernstige en sociaal bewogen mensen bevinden.

De jaren na 1800 vormen een duidelijke breuk met het verleden. Ook Hous juicht Bonaparte toe omdat die een concordaat sluit met de paus en omdat hij rust en vrede belooft, maar de nieuwe keizer kan het niet waarmaken. Onder zijn bewind vallen uiteindelijk nog meer slachtoffers dan in de revolutietijd: piepjonge soldaten die wenend in dienst gaan en nooit meer terugkeren, déserteurs of hun gegijzelde familieleden die wegrotten in gevangenissen, stervende gewonden en (p.213) uitgemergelde krijgsgevangenen: ‘Hei zal vandaag of morgen ongelofelijk schijnen’, herhaalt Hous keer op keer. Maar aïs het Franse bewind voorbij is, herinnert Hous zich ook de positieve kanten, zoals de toename van de welvaart onder Napoleon. Hij begint zelfs te beseffen dat sommige revolutionaire idealen een kern van waarheid bevatten. Ondertussen voelt hij steeds meer sympathie voor de Belgen, de bewoners van het ‘Nederland’, die blijkbaar noch bij Oostenrijk noch bij Frankrijk noch bij Holland thuishoren. De Belgische Revolutie van 1830 heeft hij echter niet meer mogen meemaken. Hous sterft enkele maanden voordien in een tehuis voor ouderlingen en wezen.

 

1792

Vèrvî / Verviers - statue Chapuis

Sous la coupe des Sans-Culottes de Givet (Joseph Chot)

Joseph Chot, Sous la coupe des sans-culottes de Givet (1792-1794), En marge de l’histoire de Belgique, s.d.

 

Etude sur l’histoire révolutionnaire de Givet et sur les effets de la Terreur dans le sud de la principauté de Liège.

 

(p.23) GIVET qui, le 23 juin 1763, avait vu naître le musicien Méhul dont le Chant du départ, composé en pleine Terreur, allait bientôt vibrer dans la bouche des sol­dats de l’An III, paraît avoir hésité tout d’abord à se prononcer en faveur des idées qui enfiévraient la France et qui servirent de prélude à la Révolution. Ayant changé de nationalité depuis l’an 1679, (*) trop éloignés de Paris, mal renseignés à l’origine

 

(1)   C’est en 1679, par le traité de Nimègue, que Givet est devenu fran­çais. Plus tard, en 1772, le traité des Limites conclu entre le prince-évêque de Liège et Louis XV partagera définitivement en deux l’ancien comté d’Agi-mont. Givet resta à la France, et la nouvelle frontière fut celle qui sépare encore aujourd’hui la province de Namur de notre grande voisine du sud.

 

(p.24) sur ce qui se passait en la capitale, plus Wallons en somme, plus gens du Pays de Liège que Français, les Givetois de 1789, au même titre que les habitants d’outre frontière, ont accueilli avec réserve les premières nouvelles relatives au grand mouve­ment de rénovation qui s’annonçait. Sans doute n’auraient-ils jamais songé à s’insurger contre l’ancien régime si, par con­tagion, la fièvre révolutionnaire ne les avait gagnés à leur tour. Du fait qu’ils bornaient leur idéal au maintien de la vitalité de leur modeste industrie et de leur petit commerce, du fait aussi qu’ils étaient, comme nous allons le démontrer, moins accablés d’impôts que leurs compatriotes du sud, et qu’ils ne connaissaient plus les obligations féodales, la plu­part d’entre eux se trouvaient satisfaits de leur sort. Leur ville cernée par les terres liégeoises, ne communiquant avec la France que par un mauvais couloir sans route pratica­ble et par des plateaux sylvestres aux chemins détestables, fut comme oubliée, délaissée au début, alors que les premiers nuages de la terrible tourmente qui allait gronder, s’amassaient dans le sud. Comme par le passé, la cité continuait à mener l’existence calme qui était sienne au temps où elle faisait encore partie du comté d’Agimont. Mais un siècle s’était écoulé de­puis. Pour que les habitants de Givet et de Charlemont accep­tassent avec plus de spontanéité et d’enthousiasme dès l’abord les nouvelles des premières victoires populaires, il eût fallu qu’ils fussent par l’âme, les mœurs et l’intérêt, foncièrement Français, ce qu’ils n’étaient pas alors, et pour cause. Avant le traité de Nimègue (1679), la ville, avec Charlemont, était incorporée au comté d’Agimont et était réunie de ce fait, pour l’administration politique et pour la police générale, au Département et Pays de (p.25) Luxembourg dont, en 1623, elle avait adopté les coutumes (1). Mais si, de tout temps, Givet et Charlemont furent considérés comme le chef-lieu du comté, la souveraineté réelle en apparte­nait au prince-évêque de Liège et, partant, les Givetois jouissaient des mêmes droits, des mêmes privilèges d’exemption que tous les habitants de la principauté. De plus, les incessantes relations commerciales que valait à la ville son important débouché vers le nord, avaient développé entre gens des frontières de puissants liens d’amitié, de solidarité, voire même de parenté. Tour à tour Charles-Quint, qui construisit la forteresse de Charlemont, et ses successeurs, avaient eu soin de respecter les privilèges des Givetois. Et les rois français, Louis XIV et Louis XV, en avaient fait autant. Dès lors, on s’explique parfaitement pour­quoi la ville et la région hésitèrent un instant à se rallier à la révolution. Ils n’avaient à protester ni contre des abus révol­tants, ni contre des droits féodaux et lourds impôts depuis long­temps supprimés, ni contre quelque tyrannie. Si, en 1788, à la nouvelle de la convocation des Etats généraux, ces Ardennais se décident, avec les habitants de Philippeville, Mariembourg, Revin et Fumay, villes françaises, à rédiger un cahier de doléances qui sera envoyé à Versailles ( ), ils seront uniquement guidés en la circonstance par le seul désir de sauvegarder leurs anciennes franchises liégeoises, lesquelles avaient fait d’eux des favorisés au regard des autres citoyens français. Et si, sous Louis XVI, ils se démènent, avec leurs frères des quatre villes précitées, pour ne point dépendre, quant à l’administration, de la Cour française du Hainaut siégeant à Valenciennes, c’est, encore une fois, pour ne rien perdre de leurs libertés.

 

(1-2) Lartigue. Id. p. 273 à 294.

 

(p.84) Quand les envahisseurs de 1914 passèrent par Hastière, pillant, incendiant, fusillant prêtres et civils, quels fauves n’étaient-ils donc pas en comparaison des sans-culottes et des soldats de Givet ?

 

(p.119) /en Belgique/

 

Si des culitivateurs, des fermiers fuient à l’approche des sans-culottes de Givet  , s’ils se réfugient dans les bois, avec leur famille, leur bétail, leur argent, il est des villageois qui attendent les intrus. Telle (p.120) localité, nettement révolutionnaire, comme Treignes, les reçoit même avec force manifestations de joie. Les harangueurs, les commissaires de la commune ou de l’armée sont arrivés les pre­miers, apportant aux populations convoquées sur les places pu­bliques, à ses nouveaux frères libérés, le salut de la République victorieuse. Procédé habile, insidieux, qui prépare le terrain, qui invite les auditeurs à sourire aux escouades qui vont se présenter dans un but inavoué, mais que les paysans soupçonnent parfaite­ment. A peine arrivés, les sans-culottes pénétrent en l’église du village, bien entendu. Si pauvre qu’elle soit, elle possède au moins un ciboire, un vase sacré, un ostensoir et une cloche… La popu­lation laisse faire. Le prêtre, les femmes ont fui ou se sont enfer­més chez eux. Les hommes regardent et ne disent rien. Quelques-uns fraternisent avec les pillards et participent parfois aux mêmes déprédations. Je sais par tradition qu’à Olloy, par exemple, à l’ar­rivée des brigands de Givet, deux paysans, deux frères, furent les premiers à enlever les statues_de_saints, taillées à même le bois, qui se trouvaient dans la vieille petite église, et à les~bruler sous les yeux des révolutionnaires réjouis. Malgré tout, l’élément pauvre de la population, celui qui n’avait rien à perdre et tout à gagner, fraternisait, à l’occasion, avec cette tourbe, soit par fai­blesse, par peur, par intérêt aussi. Le riche fermier, le commer­çant, le bourgeois cossu qu’une belle maison, qu’une mine floris­sante désignaient à l’attention de la bande de gerfauts, avaient surtout à subir l’épreuve, redoutable pour leur bourse, que leur ménageaient leurs nouveaux maîtres.

Delecolle et son frère opèrent de leur côté. En ces derniers temps, le maire, pour sa part, a laissé là les églises et s’est spé­cialisé en l’art de s’approprier pour le compte de la République (p.121) les objets en fer, en cuivre, en bronze et en plomb que réclament les arsenaux. Le papier aussi, voire même celui des livres de messe, est réquisitionné partout ; les cartoucheries en font une énorme consommation (1). La papeterie de Moulins, appartenant au sieur Queritet et à la veuve Keusters, a dû céder 7.191 livres de papier à Delecolle qui la visita en personne (2). Quelques jours après, le « délégué officiel » apparaissait à Evrehailles, pénétrait dans la brasserie Delandre et y enlevait toutes les pièces en cuivre et en fonte (3).

A cette date, Dinant eut beaucoup à souffrir de la tyrannie du « Vandale » Delecolle. Ayant appris que plusieurs habitants s’étaient enfuis, celui-ci se rendit aussitôt en cette cité avec sa garde de dragons, força les portes des maisons bourgeoises aban­données et en enleva tous les meubles que des chariots ramenè­rent à Givet. Revenu une seconde fois, en compagnie de Mune-ret, commissaire de guerre, il fit enlever les toitures de plomb qui couvraient certains couvents de religieuses ( ) et les fit met­tre en bateau. Puis il frappa tous les habitants de très fortes taxes. Du coup les sympathies des Dinantais pour la Révolution, se refroidirent.

Les entrepôts de Givet, les églises et les couvents furent, dès ce moment, remplis des objets les plus hétéroclites provenant sur­tout des maisons d’émigrés.

La ville de Chimay qui, dit une lettre de Behr à la Convention, « n’est qu’un ramassis d’aristocrates » est à son tour frappée de taxes nombreuses et imméritées. (5)

 

(1)  Antoine : Ham-sur-Meuse p. 147, en note.

(2)  Arch. du dép. S. et Meuse, (mai 1795).

(3)  id.

(4) Dossier crim. Déposit. du 68me témoin et de Jos. Quéritet, de Dinant.

(5) Arch. num. Reg. II-16 frimaire an 2.

 

(p.141) Il n’y eut que les châteaux de Hierges, de Beauraing et de Focant qui devinrent la proie des flammes ; mais nul n’a jamais pu compter combien de maisons furent pillées, combien d’habi­tants furent exploités, détroussés, brutalisés. Ajoutons le nombre incalculable d’amendes infligées aux récalcitrants, les taxes et les impôts tombant à tort et à travers sur la population, les réqui­sitions forcées et sans cesse renouvelées, l’effroi que répandaient dans le pays les bandes de gens armés, et l’on comprendra, par un tel bilan, quel malaise dut paralyser pendant deux ans les bonnes volontés des habitants de la région.

Quelques jours après l’exécution de l’ancien maire, dont le fils servait en ce moment sous les drapeaux et se trouvait à Maestricht, il advint que ce jeune soldat demanda à l’un de ses compatriotes, (p.142) soldat comme lui, qui venait de recevoir des nouvelles du pays :

— È bin, l’ ami, qué novèle à Djivèt ?

Et cet ami, hochant la tête, de lui répondre :

— Vos l’ v’loz sawè ?… E bin, fieus, on-z-a côpé l’ gueûye (sic) à vosse pa gn-a wit’ djoûs su l’ Place dè Mézières (1).

 

 (1)   Dr Beugnies, id., juin 1795

 

Ch. du Bus de Warnaffe, Un coin d’Ardenne: Roumont-sur-Ourthe, 1943

 

(p.101) « Dans le Luxembourg, l’envahisseur /français en 1792/ dévaste deux cents villages. »

 

F.de C., Bruges a rempli ses riches, LB 14/06/1988

 

« Il faudra plus de de deux siècles pour rendre à l’hôtel de ville toutes ses statues. » ‘Une à une, elles furent retirées et brisées par les jacobins en 1792.’

‘Quelques années plus tard allait disparâitre également la cathédrale St-Donat.’

 

Il y a 200 ans, les « sans-culottes »incendiaient le château de Hierges, VA, 10/11/1992

 

du Bus de Warnaffe, Un coin d’Ardenne: Roumont-sur-Ourthe, 1943

 

/1792/ (p.101) « Les instructions données aux armées de la république sont de faire converger immédiatement vers la France toutes les richesses du pays conquis.  Le pays le sait et résiste, l’envahisseur en devient plus sauvage: dans le Luxembourg, il dévaste deux cents villages.

 

Octave Aline, porte ouverte sur … Bourcy, 1973

 

(p.70) Sous le régime français (1792-1815)

« Ce fut pour le Luxembourg, une période de troubles et de persécutions religieuses. …

L’ abbaye d’ Orval fut pillée et incendiée, de même que celles de Saint-Hubert et de Clairefontaine. »

A partir du Directoire du 4 septembre 1797, une scission éclata parmi les prêtres: d’une part, les prêtres jureurs (jurant fidélité à la République, comme le décrétait un arrêté de cette époque) et les prêtres qui avaient refusé le serment.

 

 

Georges Krug s.j., Rassemblement Wallonie-France, LB 08/12/1999

 

Il faut prendre les auditeurs pour des ignares de l’ABC de notre histoire pour oser parler d’un ‘retour’ à une mère-patrie qui serait la france.

Sur un passé de plus deux mille ans, les Pays-bas du Sud ont été annexés par la force à la France de 1792 à 1815.  Ces 23 pauvres années furent marquées par le pillage de nos trésors d’art, la mise à sac de plusieurs sanctuaires, l’embrigadement forcé de toute une jeunesse dans les armées de la république, puis de l’empire …Waterloo fut un soulagement, mais la liberté ne nous échut que 15 ans après.

L’idolâtrie de la Nation-Etat est l’idéologie directement issue du jacobinisme post-révolutionnaire.  Nos séparatistes du Nord, comme ceux du Sud, s’en repaissent.  Aucune estime du composite, allergie au polymorphe, méconnaissance de l’esprit fédéral …

Alors que l’avenir est aux ensembles diversifiés, ils ne tolèrent que des monolithes.  Ils se prétendent l’avenir, ils s’y orientent à reculons …

Si, par malheur, ils réussissaient à dresser des barières là où jamais il n’en a existé la moindre, alors: de pomme de leur discorde, Bruxelles deviendrait un foyer de sicorde.  Le coeur même de l’Europe serait écartelé.  Cruelle victoire de l’intolérance sur l’ouverture du coeur et de l’esprit!

Un remake de l’Anschluss …  Moins barbare que celle 1936, cette annexion résulterait du même virus nationalitaire.

 

in : LB 06/01/1992

La dentelle de Marche-en-Famenne

 

Pratiqué depuis le 17e siècle, l’art marchois connaît un renouveau à Namur prometteur

 

Pour la première fois depuis qu’elle a renoué avec une activité artisanale pratiquée pendant quatre siècles avant de tomber en désuétude, Marche-en-Famenne expose ses réalisa­tions anciennes et contempo­raines hors les murs.

Jusqu’au 10 janvier, le Cer­cle historique marchois présen­te plus de 200 pièces de tous âges dans les locaux de la Géné­rale de Banque de Namur (1), où l’exposition est accessible du lundi au vendredi, de 8h30 à 16h et le vendredi jusqu’à 18h.

Les dentellières qui se re­laient à leur carreau chaque jour de 13 à 16h font l’admira­tion des visiteurs.

 

CENTRE   DENTELLIER.

 

Alors que Bruges, Bruxelles ou Malines ont assuré le renom de nos dentelles nationales, Bin-che et Marche-en-Famenne fu­rent aussi des centres dentel­liers très actifs dans le sud du pays et réputés pour la richesse du travail, le nombre de car­reaux mis en œuvre et la densi­té des ateliers.

Certains documents histori­ques évoquent le travail à Mar­che dès 1638 et confirment l’existence d’un réseau com­mercial un siècle plus tard. En 1738, quelque 250 femmes et filles s’adonnaient à cet artisa­nat en expansion jusqu’en 1784, où l’on recensa l’occupation de 7 à 800 ouvrières dans la région.  Considérée comme utilitaire   en   raison   de   son orientation  vers le  linge  de maison plutôt que vers le vête­ment,   la   dentelle   marchoise aux fuseaux fit cependant la conquête des marchés français, anglais, américain et cubain. La révolution française porta un premier coup de grâce à l’artisanat cependant remis en vigueur sous l’empire avant d’être concurrencé par les mé­tiers mécaniques.

 

RENOUVEAU. Une école dentellière communale fut même annexée à l’école des fil­les en 1849 et une dentellière anversoise y enseigna la prati­que plus aisée et plus rentable de la dentelle « torchon » au fil torsadé.

L’école disparut au début du siècle mais un atelier subsista à Aye, l’activité s’estompant défi­nitivement après la Deuxième Guerre mondiale. En 1978, il ne subsistait plus dans la région que cinq dentellières âgées, qui contribuèrent avec le Cercle historique local à la sauvegarde du savoir-faire grâce à des sta­ges d’initiation.

Plus de 300 dames belges et étrangères ont déjà suivi ces stages, qui débouchent sur des formations plus perfectionnées s’étalant sur plusieurs années. L’exposition permet aux ama­teurs de découvrir plus d’une centaine de pièces anciennes telles que bonnets de baptême, bavoirs, napperons, pochettes, linge d’église… remontant par­fois au début du siècle dernier. Les dentelles contemporaines qui leur font pendant ont été réalisées par les dentellières ayant fréquenté les stages et ayant acquis des qualifications allant de 2 à 10 ans de pratique.

 

M.Ti.

 

2l, rue des Carmes, à 5000 Namur. Rens. compl. : tél. 081/24.53.34.

 

Jacques Jeanmart, Musée diocésain et trésor de la cathédrale de Namur, Centre d’archéologie, d’art et d’histoire de Namur, 2006

 

(p.14) Le trésor de la cathédrale

Il est amputé de quantité d’œuvres qui furent soit volées, soit fondues ou vendues pour faire face aux exigences énormes des révolutionnaires français.

 

Clio, La vérité sur la révolution française en Belgique, PP? 08/12/1988, p.67-74

 

(p.67) “Jamais, dans l’Histoire, le pillage systématique de notre patrie ne fut mieux organisé qu’au nom de la Fraternité, de l’Egalité et de la Libezrté.”

“Les années 1793-1799 furent parmi les plus sombres de notre passé.”

(p.68) “En réalité, la Belgique n’avait nul besoin de la Révolution française mais la France de cette époque avait, elle, grand besoin de notre pays dont les richesses la fascinaient.”

 

3 textes à l’appui: notamment:

celui de Lazare Carnot: “Tout ce qui se trouvera en Belgique doit être amené en france.  Il faut dépouiller le pays.”

ces propos de Cambron à dumouriez: “Quand on aura ruiné les Belges, quand on les aura mis au même point de détresse que les Français, ils s’associeront nécessairement à leur sort.  Alors, on les admettra comme membres de la République.”

(p.69) ‘A l’invasion française de 1792, les Français sont 20.000 sous les ordres du général Dillon, nous opposions une armée austro-belge de 32.000 hommes dont 10.000 soldats wallons d’inifanterie et quelque 1300 dragons de latour.

Une bataille a eu lieu à marquain près de Tournai.  Les Français prennent la fuite et refluent vers Lille que nos soldats ne prendront pas.

Carnot dira à la Convention “N’attaquez jamais l’ennemi qu’avec une grande supériorité de forces et de corps de réserve.”

ce seront les défaites de Jemappes en 1792 et de Fleurus en 1794.

(p.72) “Dès qu’ils apprirent nos défaites de Jemappes, les habitants du Luxembourg et du comté de Rochefort s’armèrent pour repousser l’envahisseur.”

“Le bourgmestre de Chimay leva un corps de volontaires qui taillèrent des croupières aux Français” avant de s’enfuir devant ceux-ci, revenus en force.  Chimay fut pillée avec une barbare avidité.

Le 15 décembre 1792, Danton fait approuver par la Convention un décret ordonnant la “suppression radicale de toutes les autorités établies en Belgique, l’élimination de nos lois traditionnelles.”

Dumouriez va même critiquer les commissaires français chargés d’appliquer ce décret chez nous mais on ne l’écoute pas.  A Autreppe et à Furnes, c’est la révolte.

(p.72) ‘Danton exige à la Convention l’annexion de la Belgique à la France et fait envoyer des commissaires qui voleront et pilleront dans notre pays.’

(p.74) ‘L’armée austr-belge revient en 1793.  C’est la victoire à la bataille de Neerwinden, le 18 mars, où il y aura une “charge épique des grenadiers wallons commandés par le colonel Rousseau.”

 

De Kleyn, Le curieux destin de l’abbaye d’ Oignies, DW, 116, sept. 1995

 

(Incendiée en 1554 par Henri II,) la Révolution française met un terme à 6 siècles d’existence du monastère.

 

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