1,001 ways to destroy nature ...

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1 Analyses

années 1980 / EXPLOSIONS NUCLEAIRES SOUTERRAINES SOVIETIQUES nuisibles jusque dans le sud de l’Europe, en Asie Mineure et en Afrique du Nord

 

Séisme en Turquie: les loups s’ en mêlent, LB, …/11/1983

 

“Selon le professseur Heinz Kaminski, les centres d’expérimentation nucléaires soviétiques de Semipalatinsk et au nord de la mer Caspienne sont situés dans une zone d’instabilité tectonique, et l’URSS a procédé les 23 et 26 octobre, à des tests dans la région.  Il est certain, d’après lui, que la dernière explosion a provoqué le tremblement de terre du 30 octobre.

Le professeur Kaminsky (de l’Observatoire privé de Bochum (Ruhr)) a rappelé qu il avait déjà, en 1979, attiré l’attention sur la liaison entre les explosions nucléaires souterraines soviétiques et les tremblements de terre en Iran, en Turquie, en Grèce, en Algérie et dans le sud de l’Italie.”

1993

Washington licht sluier van kernproeven in Nevada, DS, 09/12/1993

 

‘De Amerikaanse regering kondigde aan dat gegevens over stralingsproeven  op ongeveer 800 mensen in de jaren veertig en vijftig zullen worden bekendgemaakt.’

Proeven over de effekten van plutonium op het menselijk lichaam.

 

1994

La 25e heure: victimes du vent, AL, 18/06/1994, France 2, 0.10

 

“Dès 1946, les îles Marshall sont choisies pour effectuer un test atmosphérique.  Pour l’ expérience, 42.000 soldats américains sont exposés aux radiations …  Plus tard, dans le camp de Desert Rock dans le Nevada, treize essais atmosphériques sont menés et 250.000 soldats irradiés.

 

1996

Jean-Paul Doeraene, Le risque zéro n’existe pas, LB 18/05/1996

 

Réaction à certaines affirmations contenues dans « L’énergie nucléaire à l’aube du 21e siècle » (entrée libre n°82) :

1 Partant des installations nucléaires, l’auteur affirme qu’il faudra bien les remplacer d’ici le siècle prochain.  Et même d’ajouter : il ne s’agira pas d’un simple remplacement mais aussi d’une relance de grands programmes d’équipe­ments nouveaux.  Rien n’est moins sûr.  Il existe actuelle­ment un moratoire sur la construction de nouvelles cen­trales nucléaires.  De plus, selon l’étude du Studiecentrum voor Technologie, Energie en Milieu, réalisée à la demande de Greenpeace, il est possible, grâce à une utilisation ration­nelle de l’énergie, de fermer toutes les centrales nucléaires belges à l’horizon 2010.  Bien sûr, cette conclusion peut être contestée, mais on ne peut pas ‘affirmer le contraire comme seule perspective envisa­geable !

 

2. L’auteur affirme que les besoins énergétiques ne feront que croître au fil des années.  C’est une idée préconçue : à l’ouest, la courbe de la de­mande énergétique a cessé de suivre les prévisions alarmistes dès la crise pétrolière de 1973, tandis qu’à l’est, elle a même diminué au cours des dix dernières années !

 

3. L’auteur lie la diminution, de la production de COI au seul usage du nucléaire, alors que le même résultat peut être ob­tenu par les économies d’éner­gie, le recours aux énergies douces, le recyclag6, et les nou­velles technologies rendant les outils industriels ou privés (comme la voiture) à la fois moins consommateurs d’éner­gie et moins polluants.

 

4. Enfin, le clou de l’article: les déchets de faible radioacti­vité peuvent être stockés en toute sécurité dans des installa­tions de surface (1) tandis que ceux de haute activité dans des formations géologiques souter­raines parfaitement imper­méables. Et de conclure: le pro­blème du stockage des déchets radioactifs est, en Belgique, parfaitement maîtrisé, mais il se heurte à un obstacle poli­tique.  Les sites de surfaces ont pourtant déjà prouvé leurs la­cunes: ainsi ceux des Etats-­Unis (West Valley, Sheffield, Maxey Flats, Barnwell, Beatty et Hanford) dont certains sont déjà fermés pour problèmes en­vironnementaux, ou ceux de France. (La Manche et Sou­laines) dont le premier accuse aux alentours un niveau de ra­dioactivité largement – supé­rieur à la normale.  Quant aux formations souterraines, elles ne sont pas parfaitement imperméables: l’argile est certainement un facteur très limitatif  de la propagation de l’eau ou de la radioactive tà, mais au cune formation géologique n’est parfaite: l’organisme na­tionale des déchets radioactifs et des matières fissiles met d’ailleurs lui-même en doute la qualité de la couche argile de Boom, et envisage l’argile dYpres comme alternative Aucun scientifique sérieux n’oserait affirmer qu’il maî­trise parfaitement un pro­blème : le risque zéro n’existe pas.  Enfin, si obstacle politique il y a, c’est que les hommes politiques se font relais des craintes de la population; on ne peut que se réjouir d’en être entendu !!

 

Pour le Comité de Défense des Col­lines,

Jean-Paul DOERAENE.

 

(1) (Soigneusement contrôlées !)… Comment admettre que ceux qui nous suivront seront obligés de contrôler soigneusement nos dé­chets ? Et qui oserait garantir que ce contrôle sera fait durant trois cents ans ? Cela nous paraît totale­ment aberrant !

 

1998

Les voisins des centrales en danger, LB 30/09/1998

 

Le quotidien The Tennessean affirme que plusieurs centaines de personnes qui vivent à proximité d’installations nucléaires américaines ou y travaillent souffrent d’affections respiratoires, neurologiques et du système immunitaire d’origine inconnue.  Le DOE, Dépt américain de l’Energie a répondu qu’il n’existait pour l’heure aucune preuve scientifique.

 

2000

Groth Claus, Kelkeim / Zu Kernkraftwerken Schweigen auf der Klimakonferenz, FAZ 5/12/00

 

« Bei der Erzeugung einer Kilowattstunde Strom in mit fossilen Brennstoffen befeuerten Kraftwerken fällt zwangsläufig im Durchschnitt ein Kilogramm Kohlendioxyd an. Ein neues Kraftwerk – etwa Mülheim-Kärlich – mit einer Kapazität von 1000 Megawatt würde bei Volllast (etwa 8000 Betriebsstunden) pro Jahr den Ausstoss von rund acht Millionen Tonnen Kohlendioxyd verhindern. Gleichzeitig würden etwa zwei Millionen Tonnen Heizöl respektive drei Millionen Tonnen Kohle oder etwa 2,3 Milliarden Kubikmeter Erdgas für eine bessere Wertschöpfung als die Verbrennung freigesetzt.

 

2006

Ackerman Galia, Grandazzi Guillaume, Lemarchand Frédérick, éd., Les silences de Tchernobyl, L’avenir contaminé, éd. Autrement / Frontières, 2006

 

(p.7) L’événement, c’est d’abord la vie quotidienne et le fait d’être brutalement plongé dans un monde doté de nouvelles règles, de nouveaux interdits. La vie quotidienne devient un événement par la nouveauté qu’elle recèle. L’évé­nement inaugural, à un second niveau, a pu être constitué par la politique de relogement des populations, d’abord près de la centrale, puis dans des zones de plus en plus éloignées, ce qui a unanimement été vécu comme un traumatisme de déracinement. Mais Tchernobyl n’est pas événement, acci­dent, mais plutôt la nouvelle condition humaine des millions de survivants condamnés à vivre dans des territoires durablement contaminés. Puissions-nous convaincre le lecteur, comme nous en sommes convaincus, que la catas­trophe est désormais devant nous, alors même que la fermeture – symbolique – de la centrale en décembre 2000 nous inciterait à croire qu’il s’agit d’un événement appartenant au passé. Puisse cet ouvrage, que nous avons le plaisir de rééditer dans une version augmentée et actualisée, guider notre imagina­tion et en élargir les limites jusqu’aux confins des régions inexplorées du désastre, jusque dans son intimité secrète, jusque dans sa nouveauté radicale. Alors la catastrophe pourra-t-elle peut-être nous délivrer une connaissance pour notre avenir à l’« âge atomique ».

 

D’Hiroshima à Tchernobyl : comment vivre à l’âge atomique ?

Nous sommes, depuis 1945, confrontés à la production d’un homme nouveau, non seulement en tant que genre humain – ce que toutes les formes de la modernité ont tenté, avec plus ou moins de chance, de fabriquer, et tout particulièrement le système soviétique -, mais aussi et surtout en tant qu’espèce (menacée). S’agissant de l’espèce humaine, cette grande mutation a commencé il y a plusieurs décennies avec la réalisation des essais nucléaires dans l’atmosphère. Lesdits « essais » ont déjà commencé à produire leurs effets, depuis l’irradiation du pêcheur japonais Atichimi Kuboyama, première, victime civile de l’expérimentation en plein air, jusqu’à la mise en évidence récente, au Canada et en Russie notamment, de leurs conséquences sanitaires. On peut considérer que, peu ou prou, 150 millions de Soviétiques et autant d’Américains ont subi à différents niveaux les retombées des essais atmosphériques entre 1946 et 1963 (année du traité d’interdiction des essais aériens), soit 300 millions de personnes. On a libéré durant cette période l’équivalent de 10 000 bombes d’Hiroshima, à quoi se sont ajoutés ensuite les dégage­ments de rejets radioactifs gazeux dus aux essais souterrains. Les rejets radioac­tifs libérés dans l’atmosphère par les explosions (70 % du total), qui devaient théoriquement se répartir de manière égale sur toute la planète, furent aspirés par des courants de haute altitude et se sont, en réalité, concentrés autour du 40e parallèle avant de retomber.

 

(p.81) Il y a bien là du nouveau…

Youri Bandajevsky établit un rapport de cause à effet entre l’incorpo­ration du césium 137 à partir de la nourriture et les symptômes anormaux chez les enfants. Il met l’accent sur le danger des faibles doses et sur une contamination interne – différente de la contamination externe au moment d’un accident nucléaire – étudiée jusque-là sur les bases de l’expérience d’Hiroshima. Au-delà d’un certain seuil (50 becquerels par kilo de poids), il observe que les troubles deviennent irréversibles. Mais une nourriture pauvre en césium 137, doublée de cures de pectine (un additif alimentaire utilisé par les Ukrainiens qui permet l’élimination partielle du césium), permet de faire baisser le taux de radioactivité et de faire régresser les symp­tômes. D’où l’importance de prévenir les populations concernées qui ont à faire face à la contamination par l’alimentation. C’est là une question de santé publique à un moment où l’on parle de réhabiliter les zones contaminées.

C’est dans cette optique qu’il accepte, en janvier 1999, de participer à une série d’émissions télévisées sur les recherches de l’institut. Dans le même esprit, en avril, il fait partie, avec le professeur Nesterenko3, d’une commis­sion de contrôle chargée de vérifier le registre des doses et l’utilisation, par un institut de médecine radiologique dépendant du ministère de la Santé, des fonds de l’État alloués aux conséquences de Tchernobyl. Leur rapport est très sévère. De plus, dans une lettre envoyée au président Loukachenko, Bandajevsky critique l’orientation des travaux du ministère de la Santé et montre qu’en 1998, sur 17 milliards de roubles dépensés, un seul l’a été à bon escient.

Il se fait alors beaucoup d’ennemis et la réaction ne tarde pas : en mai 1999, trois commissions viennent contrôler l’institut du point de vue de

 

3. Vassili Nesterenko, physicien nucléaire, académicien, directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de l’Académie des sciences de Biélorussie, limogé de son poste en juillet 1987 comme alarmiste, quitte définitivement cet institut d’État en 1990 et crée, avec le soutien d’Andreï Sakharov et d’Anatoli Karpov, l’Institut de radioprotec-tion indépendant Belrad.

 

(p.82) l’enseignement, de la recherche et de la gestion. On ne trouve rien à lui reprocher. Au mois de juin, les examens se passent sans difficulté, mais des lettres anonymes circulent sur le thème : « Bandajevsky a un compte en devises avec lequel il soutient l’opposition. » Le seul argument qui fasse peur au président, dit un observateur…

Le 13 juillet 1999, quinze policiers viennent mettre à sac son apparte­ment ainsi que son laboratoire, et s’emparent de tout ce qui a trait à ses recherches : ordinateur, fichiers, etc. Sous le coup d’un « décret présidentiel contre le terrorisme », il est jeté en prison et mis au secret pendant vingt-deux jours dans des conditions abominables4, sans même voir son avocat. Il n’en ressortira que le 27 décembre sous la pression internationale et compte tenu de son état de santé alarmant.

En fait de terrorisme, il est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin pour l’admission d’étudiants dans son institut. Son principal accusateur, le vice-président de l’institut – Ravkov -, inculpé lui aussi de corruption, s’est rétracté avant et après le procès, disant que c’est sous la contrainte qu’il l’a accusé. Aucune trace d’enrichissement n’a pu être trouvée. Néanmoins, dans un procès où les observateurs ont pu relever huit infractions au code de procédure de la Biélorussie, le professeur Youri Bandajevsky est condamné par un tribunal militaire5 à huit ans de prison à régime sévère, avec inter­diction pendant cinq ans d’occuper un poste à responsabilités dans des ins­tituts d’État. Et ce, le 18 juin 2001, soit dix jours après la fin de la conférence de Kiev que nous avons évoquée plus haut. On peut supposer que la recon­naissance officielle et médiatisée des découvertes de Bandajevsky dans une conférence internationale de i’oms aurait pu changer l’épilogue de ce procès qui s’est déroulé sans aucune couverture médiatique. Les irrégularités de ce procès n’ont fait que s’ajouter à celles de son arrestation et de son premier emprisonnement : ce sont elles qui l’ont fait adopter immédiatement par Amnesty International comme prisonnier d’opinion.

Or, au cours de cette conférence, quel a été l’argument qui a permis de s’opposer à toute reconnaissance des découvertes de Bandajevsky ? Précisément celui avancé par Gonzales, à savoir qu’« on ne peut considérer comme réels des effets non détectables ». Mais non détectables par qui ? À partir de quelles normes ? À partir de quels instruments de mesure ? Et de quelles expériences ? Et puisque Gonzales fait pompeusement référence à

 

4.  Ces conditions sont racontées par Galina Bandajevskaya dans une interview, « Poli­tique et psychiatrie », Revue Sud/Nord, n° 19, Éditions Ères, 2003.

5.  Ce qui interdit toute procédure d’appel.

 

(p.83) l’épistémologie, faisons un bref rappel d’un épisode de l’histoire de la méde­cine qui, par son côté sinistre, induit la comparaison.

Semmelweis et la découverte de la contagion

Semmelweis, médecin hongrois (1818-1865), découvre, quarante ans avant Pasteur, le phénomène de la contagion responsable de la fièvre puer­pérale qui sévissait alors dans les hôpitaux d’Europe et entraînait une forte mortalité des femmes en couches. À l’hôpital général de Vienne dirigé par le professeur Klein, où il est assistant, il remarque que dans ce service où les accouchements sont faits par les étudiants en médecine, on meurt quatre fois plus que dans celui du docteur Bartch, où ils sont effectués par des sages-femmes.

Semmelweis n’accepte pas comme une fatalité cette mort de femmes en couches et, après une série d’observations et de déductions, il émet l’hypothèse que ce sont les « exsudats prélevés sur les cadavres qu’on doit incriminer dans le phénomène de contagion. Ce sont les doigts des étu­diants souillés au cours des récentes dissections qui vont porter les fatales particules cadavériques dans les organes génitaux des femmes enceintes6 ». Il rencontre beaucoup d’entraves pour vérifier cette hypothèse. Il inverse sages-femmes et étudiants et fait ainsi la preuve que la mort suit les étu­diants. Il propose alors de faire se laver les mains au chlorure de chaux à tous ceux qui dissèquent des cadavres dans les quarante-huit heures précé­dant l’accouchement.

Nous sommes en 1846. On ignore tout des microbes. Le jour où il demande à Klein de mettre en place cette mesure d’hygiène, celui-ci refuse tout net et, après une altercation, Semmelweis est mis à la porte de l’hôpital. On lui conseille de s’éloigner quelque temps. Il reviendra à Vienne et pourra expérimenter son hypothèse dans le service de Bartch, en 1847, avec des résultats significatifs: le taux de mortalité tombe de 18 à 1,20%7. Néan­moins, il se heurte à une cabale orchestrée par Klein, unissant médecins et étudiants qui se refusent à se livrer à cette pratique contraignante qu’ils jugent inutile.

Seuls cinq médecins viennois, dont ses deux maîtres, vont croire à la découverte de Semmelweis – il est vrai desservie par son auteur qui n’a pas l’art de la « communiquer ». Au terme d’une bataille acharnée entre ces

 

6.  Cité dans Louis-Ferdinand Céline, Semmelweis, Paris, Gallimard, 1977, p. 70.

7.  Chiffres donnés par l’Encydopœdia universalis. Céline donne 0,28 %.

L’ACCIDENT : UNE AFFAIRE SCIENTIFIQUE OU POLITIQUE • 83

 

(p.84) quelques-uns qui le soutiennent et la majorité qui le conspue, Semmelweis est purement et simplement chassé de Vienne en mars 1849. Le ministre de la Santé a refusé de constituer une commission d’experts qui pourrait statuer en toute indépendance.

Tous les espoirs de Semmelweis et de ses amis sont mis dans une recon­naissance de sa découverte à l’étranger, « loin des jalousies et des rancunes locales ». Ils mettent tout en œuvre pour la faire connaître, mais ne rencon­trent qu’indifférence, mépris ou déni. Hébra, l’un de ses défenseurs, dit à l’époque : « Quand on fera l’histoire des erreurs humaines, on trouvera dif­ficilement des exemples de cette force et on restera étonné que des hommes aussi compétents, aussi spécialistes, puissent, dans leur propre science, demeurer aussi aveugles, aussi stupides8. »

 

8. L.-F. Céline, Semmelweis, op. cit., p. 76.

 

(p.87) Bandajevsky en prison, une recherche à enterrer…

Semmelweis est mort fou. Les geôliers de Bandajevsky, formés par le kgb, ont tout fait pour détruire l’homme et le scientifique. De juillet à décembre 1999, traité comme un grand criminel, Bandajevsky a connu une véritable descente aux enfers15. Par tous les moyens, mauvais traitements physiques et tortures psychiques, chantage à propos de sa famille16, on a essayé de lui faire avouer une faute qu’il n’avait pas commise. De ces six mois de prison préventive, il ressort meurtri et humilié.

 

14.  Soumis à des tracasseries administratives, Vassili Nesterenko est aux prises avec des difficultés matérielles pour maintenir l’activité de son institut indépendant financé en grande partie par les ong occidentales.

15.  Cf. « La descente aux enfers du professeur Bandajevsky », Revue Sud/Nord, op. cit.

16.  Lorsqu’il rencontre son avocat vingt-deux jours après son arrestation, les policiers qui l’interrogent lui font croire que sa mère est mourante et sa femme à l’hôpital. « II était prêt à signer alors n’importe quoi », dit l’avocat. Celui-ci proteste face à ces mensonges et permet ainsi à Bandajevsky de reprendre pied.

L’ACCIDENT : UNE AFFAIRE SCIENTIFIQUE OU POLITIQUE • 87

 

 

(p.91) Youri bandajevsky :

“La vérité doit être entendue. Selon moi, là est la tâche principale des hommes qui ne sont pas indifférents au destin de l’humanité tout entière ».

 

(p.96) Aucune dose de rayonnements ionisants artificiels n’est inoffensive, même si les processus de réparation existent (2). Ces altérations génomiques vont d’aberrations grossières des chromosomes à des substitutions de bases, des ruptures ou des modifications dans les chaînes d’ADN, ces altérations pouvant être isolées ou multiples, réparables ou irréparables. Elles peuvent aussi être d’abord inapparentes, survenant après de nombreuses divisions cellulaires, voire dans les générations suivantes (3, 1).

Lorsque la cellule endommagée survit, l’anomalie non réparée persiste après division cellulaire, ce qui peut conduire à des troubles fonctionnels de l’organe, ou à un cancer. Des cancers des adultes surviennent ainsi « trop tôt », voire dès l’enfance, comme celui de la thyroïde (4) ou les leucémies du nourrisson irradié in utero (5, 6).

L’instabilité génomique étudiée par l’équipe du professeur Goncha-rova chez des rongeurs forestiers de Biélorussie, dont le cycle de reproduc­tion est rapide, a montré que le taux de mutations augmente encore après plus de vingt générations. Les altérations chromosomiques s’aggravent de génération en génération avec comme conséquence pathologique mesu­rable une augmentation de la mortalité fœtale, dans des régions éloignées de 40 à 300 kilomètres de Tchernobyl, alors que la contamination des sols par le radiocésium (Csl37) baisse d’année en année (7, 8, 9, 10).

La très haute sensibilité aux rayonnements des cellules qui se divisent explique la fragilité très grande du fœtus et de l’enfant pendant sa croissance en présence de rayonnements ionisants. L’altération du génome des cellules germinales, responsables de la reproduction, conduit à des stérilités, à des malformations congénitales ou à des maladies génétiques transmissibles de génération en génération.

Dans la première génération, seules des mutations à caractère dominant peuvent se manifester de novo : doigts supplémentaires (polydactylies), absence ou raccourcissement des membres et malformations multiples. La grande majo­rité des mutations dominantes sont incompatibles avec la survie, d’où avorte-ments précoces ou stérilité. Sloukvine (11) signale que chez les carpes d’élevage, à 200 kilomètres de Tchernobyl, où la vase des étangs est contaminée par 1 Ci3

 

3. Abréviation de curie.

 

(p.97) de Csl37 au kilomètre carré, 70 % des œufs fécondés ne donnent plus naissance à une larve viable. Les alevins survivants sont souvent méconnaissables : absence de nageoires, d’opercules, voire de bouche, ou pigmentation anormale. Cet élevage dispose d’une eau de qualité, sans polluant chimique. À 400 kilo­mètres de Tchernobyl, Sloukvine trouve un élevage resté normal (11).

Dubrova et ses collaborateurs démontrent l’effet mutagène de la radioactivité des retombées de Tchernobyl (12). Ce généticien travaille sur le terrain et dans le service du professeur Jeffreys de l’université de Leicester, en Grande-Bretagne (13). Il étudie des familles vivant dans des zones conta­minées par le Csl37, en Biélorussie, à 260 kilomètres de Tchernobyl. Les altérations des chaînes de dna des minisatellites doublent chez les enfants de parents vivant dans un environnement contaminé (14).

Dubrova trouve la même corrélation dans des familles d’Ukraine, en comparant les enfants du même père, les uns nés avant Tchernobyl, les autres après. Il montre ainsi la responsabilité des retombées radioactives pour la genèse de ces anomalies. À Semipalatinsk, site d’essais atomiques soviétiques responsables de l’irradiation répétée des populations il y a cin­quante ans, Dubrova constate que l’augmentation des mutations s’accentue encore dans la deuxième génération ; ce sont les grands-parents qui furent irradiés (14).

Ellegren et son équipe décrivent les altérations de i’adn chez les hiron­delles de cheminée de Tchernobyl, associées à des taches blanches, anoma­lies génétiques récessives, qui permettent de les reconnaître. Ces hirondelles tachetées (et baguées) ne reviennent pas dans le lieu où elles sont nées pour se reproduire, contrairement à leurs congénères également baguées (15). La mortalité chez ces hirondelles peut être la conséquence de maladies géné­tiques associées.

Malformations congénitales et fertilité

En 2001, un représentant du gouvernement de Biélorussie (16) montre que dans les zones contaminées par plus de 555 kBq de Csl37 au mètre carré, les polydactylies surviennent dans 1,04 %o des naissances, contre dix fois moins (0,1 %o) dans l’ensemble de la population du pays. Les anomalies ou absences des bras ou des jambes touchent 0,53 %o des nouveau-nés des zones contaminées, contre 0,15 %o dans l’ensemble du pays. Les malforma­tions multiples atteignent 2,32 %o des enfants des zones fortement conta­minées, contre 1,04 %o pour l’ensemble de la population (tableau 1). Ces malformations sont le plus souvent d’origine génétique.

 

(p.99) l’oms a appris à ses dépens combien un lobby, celui du tabac (très modeste à côté de celui de l’atome), peut réussir pendant des décennies à tromper un organisme international. Il a fallu finalement mettre en place une commission d’enquête, conduite par le professeur Zeltner de Berne, pour démontrer que des professeurs et chercheurs d’universités riches et réputées d’Occident pro­duisaient des faux, financés par le lobby, sur les effets de la fumée passive du tabac sur la santé. Il fallait bloquer la campagne anti-fumée (23, 24).

 

(p.100) l’aiea aura attendu cinq ans entre 1991 et 1996 pour admettre la responsabilité des retombées de Tchernobyl dans l’augmentation dramatique des cancers de la thyroïde de l’enfant (26), ce qui a empêché d’apporter une aide internationale à ces enfants qui devaient subir des traitements coûteux. L’agence continue à refuser de rapporter l’augmentation évidente et significative de ces cancers chez les adultes (qui n’étaient pas des enfants en 1986) aux retombées de Tchernobyl, alors que les études fondées sur le registre des cancers et le suivi des « liquidateurs » ont parfaitement démontré cette épidémie nouvelle.

Les 600 000 à 800 000 liquidateurs aujourd’hui disséminés sur l’ensemble des territoires de l’ex-URSS étaient pour moitié des militaires, pour moitié des techniciens, des pilotes, des mineurs dont l’âge moyen était de 33, 34 ans. Ils ont décontaminé la zone des 30 kilomètres autour de la cen­trale, construit le sarcophage. Toute étude épidémiologique doit les étudier séparément.

Le 24 avril 2005, dans un communiqué de presse, l’ambassade d’Ukraine à Paris indiquait qu’en 2004 94 % des liquidateurs étaient malades. Un tiers seraient déjà invalides, leur état de santé se dégradant rapidement. Parmi les maladies dégénératives dont souffrent ces jeunes adultes figurent sept localisations de cancers, significativement plus fré­quents que dans le reste de la population, les maladies cardiovasculaires représentant la première cause de mort. Les enfants des liquidateurs présen­tent une augmentation significative d’anomalies congénitales par rapport aux enfants de familles dont les parents n’ont pas travaillé autour du réac­teur détruit (27).

 

5. L’Alsace, 27 octobre 2005.

 

(p.101) Les épidémiologistes de Suisse, de France et d’Italie ont ignoré l’impact de Tchernobyl sur la mortalité périnatale, contrairement à Scherb et à son équipe (29) en Allemagne, qui montrent que, après Tchernobyl, cette mor­talité a augmenté de 4,8 % dans une population de 80 millions d’habitants. L’augmentation est de 8 % en Allemagne de l’Est et dans les Alpes, avec des retombées plus importantes, comparables à celles des Alpes françaises, suisses et italiennes, et de certains versants de Corse. Körblein (30) observe en Bavière une augmentation significative des malformations congénitales dans les vallées avec fortes retombées radioactives, suite à Tchernobyl.

 

(p.102) l’aiea n’a pas tenu compte des données de Genève dont les actes furent censurés. En 2001, Nakajima précise dans un entretien devant la Télévision suisse-italienne (31) que «les liens juridiques entre taiea et i’oms sont la cause de la non-publication des actes de la conférence oms sur les consé­quences de Tchernobyl sur la santé de 1995. »

 

 

(p.105) Bandajevsky décrit ainsi la cardiomyopathie8 du césium, qu’il repro­duit en administrant du Csl37 au rat. Il observe la dégénérescence du muscle cardiaque chez l’animal, comme chez les hommes, en particulier ceux vic­times d’une mort subite. Dans ces cas, la charge en Csl37 dans le cœur est très élevée.

Dans des régions contaminées par plus de 5 Ci de Csl37 au kilomètre carré, les enfants sont apathiques, fatigués, et présentent des troubles fonction­nels cardiaques : une tension artérielle anormale, souvent trop basse, et, dans près de 50 % des cas avec plus de 100 Bq/kg, excessive après un effort minime (dix flexions des genoux). Cette hypertension peut provoquer des atteintes cérébrales avec paralysies, des infarctus, voire une mort subite (43,44).

Chez les enfants, les troubles cardiaques et les altérations à l’électrocardiogramme (ecg) sont proportionnels à la charge en Csl37 mesurée dans leur organisme entier. Bandajevsky et sa femme démontrent le rôle du Csl37 dans les pathologies cardiaques, l’hypertension artérielle, les troubles de conduc­tion et de repolarisation à i’ecg (39). Une cure de pectine de pomme de seize jours réduit la charge de Csl37 et une partie des anomalies de i’ecg (43).

L’atteinte du système immunitaire a été précoce après l’explosion du réac­teur, avec des altérations des globules blancs et des anticorps (40). L’atteinte des lymphocytes persiste aujourd’hui dans les territoires contaminés et chez les « liquidateurs ». Chez l’enfant, le thymus (à l’origine des lymphocytes T) est l’un des organes qui accumule le plus de Csl37 (45).

Les glandes endocrines lésées par le Csl37 libèrent dans le sang des fragments d’un excès d’antigènes, que le système immunitaire prend pour des corps étrangers. Des troubles de la régulation des réactions immunitaires suite à l’irradiation font que les lymphocytes se trompent durablement de cibles (normalement des virus, bactéries et cellules cancéreuses) et détrui­sent les cellules des glandes endocrines altérées qui accumulent le césium. Cela explique l’augmentation des maladies auto-immunes après Tchernobyl (46), comme la thyroïdite d’Hashimoto et le diabète sucré grave insulino-dépendant de l’enfant, devenu trois fois plus fréquent à Gomel suite à Tcher­nobyl (47, 48).

 

8. Nom donné à certaines maladies du muscle cardiaque, comportant une dilatation du cœur ou un épaississement de ses parois (définition Petit Larousse). (Note de l’éditeur.)

 

(p.106) Les allergies chez l’enfant, en particulier alimentaires, augmentent en fonction de la charge radioactive de l’organisme. Le système immunitaire irradié défend moins bien l’organisme contre les cellules cancéreuses qui se développent trop tôt. Les maladies infectieuses de l’enfant irradié ont aussi une évolution plus chronique et plus maligne que dans des zones moins contaminées : le rhume évolue en sinusite, et la sinusite provoque trop sou­vent un abcès cérébral. Les bronchites de l’enfant conduisent à des bron­chites chroniques, comme chez des fumeurs.

Dans les régions contaminées, à côté d’atteintes de la rétine, on note une opacification du cristallin conduisant à une cataracte. Ceci ne se produit pas à 70 ans, mais dans l’enfance. Le pourcentage des enfants atteints est directement proportionnel à la charge en Csl37 (49).

Le système digestif est touché chez un fort pourcentage d’enfants, avec des gastrites et des duodénites chroniques. Si l’irradiation a eu lieu très tôt dans la vie, on note une atrophie de la muqueuse avec précancérose.

 

Les cancers de Tchernobyl

 

Pour être détectées, les leucémies des nourrissons ou des jeunes enfants doivent être recherchées chez ceux qui ont subi le choc d’iode in utero. Suite à Tchernobyl, l’augmentation du nombre de cas a été détectée au pays de Galles, en Ecosse et en Grèce (5, 6).

 

(p.107) Okeanov ajoute que dans la région contaminée de Gomel, ces cancers solides ont aussi augmenté, ainsi que les cancers du rectum, du poumon et, chez la femme, ceux du sein. À Gomel, le cancer de sein survient quinze années plus tôt chez les femmes des régions irradiées que chez celles des zones « propres ». L’épidémie de cancers, en particulier chez les plus jeunes liquidateurs, explose depuis 2002 et est statistiquement significative.

Au nord de la Suède, à une distance de Tchernobyl égale à celle de la France et où furent signalées les premières retombées radioactives après l’explosion du réacteur, les épidémiologistes ont constaté une augmentation significative des cancers. Ils ont dû se battre pendant cinq ans pour que leur étude soit enfin publiée. Les experts ne voulaient pas tenir compte des faits, (p.108) car leurs calculs – comme pour le cancer de la thyroïde en Biélorussie -« interdisaient » aux cancers de se multiplier. L’observation était juste alors que le calcul reposait sur des hypothèses fausses (51).

 

Maladies du système nerveux central

 

«   Les 600 000 à 800 000 hommes et femmes venus de toutes les républiques

de l’ex-URSS ont dû travailler autour du réacteur détruit par l’explosion. Ces liqui­dateurs étaient des adultes jeunes et en bonne santé. Dix-sept ans plus tard, un tiers d’entre eux souffrent de maladies ayant conduit à une invalidité totale. Un ministre d’Ukraine, à la conférence de Vienne, parle de 150 000 liquidateurs de son pays en 1995, dont 10% étaient invalides en 1996 (52).

 

(p.147) Ce qui s’est produit et continue de se passer là-bas ne peut être ignoré, en particulier dans notre pays. Rappelons que la France exploite cinquante-huit réacteurs répartis sur le territoire. La tragédie de Tchernobyl nous enseigne que nous sommes tous riverains d’une installation nucléaire. L’ampleur de l’impact tant sur le plan géographique que temporel conduit à interroger la notion de proximité.

 

(p.149) avec Adrien Grodzinski (académicien)

 

Plusieurs témoins parlent du phénomène de gigantisme dans les premiers mois après la catastrophe. Au juste, qu’avez-vous trouvé dans les territoires très contaminés autour de la centrale ?

On a en effet constaté des changements cytogénétiques énormes, pro­voqués par une multitude d’aberrations et de détériorations chromosomi­ques. Nous avons observé comment ces changements affectaient l’activité vitale des cellules, en particulier la vitesse et le caractère même de la crois­sance. On a découvert des effets totalement nouveaux : soumises à l’irradia­tion, les cellules perdent leur capacité de réaction adéquate. Je m’explique : normalement, une cellule qui se trouve à l’endroit précis de l’organisme sait exactement ce qu’elle doit faire, mais quand elle est irradiée, elle perd sa capacité d’orientation, elle ne sait plus ce qu’elle doit faire et commence à se comporter de façon aberrante. D’où le gigantisme ou, autre exemple, des ramifications là où il ne devait pas y en avoir. Les arbres produisaient une quantité effroyable de bourgeons supplémentaires ; les sapins faisaient pousser des aiguilles jusqu’à dix fois plus longues que la norme ; les chênes avaient des feuilles géantes ; les bardanes avaient des feuilles d’un mètre de long. À côté des feuilles géantes, la même plante pouvait aussi produire des feuilles naines. On pouvait constater beaucoup d’autres anomalies : par exemple, les tiges de certaines plantes n’étaient pas rondes à la section, mais tortillées, etc. En un mot, on observait des phénomènes de morphogenèse et l’on en étudiait les mécanismes moléculaires.

(p.150) Une grave question se pose : quel effet l’induction de l’instabilité du génome aurait-elle sur l’homme ? D’emblée, on peut présumer que ce n’est pas une bonne chose. Nous cherchons donc, dans ce qui arrive aux plantes, des mécanismes qui pourraient servir aux humains pour éviter ce genre de développement, pour se régénérer plus rapidement après une irradiation. Car les organismes vivants ont des capacités pour se débarrasser des effets d’une irradiation : les cellules qui ont subi trop de changements génétiques négatifs se tuent elles-mêmes. Cette élimination du fardeau génétique est très importante, mais il faut que nous apprenions à la déclencher et à la diriger. Finalement, tous les organismes vivants obéissent aux mêmes lois biologiques fondamentales et peut-être que le travail de mon équipe contri­buera à aider les humains à survivre dans un environnement de plus en plus hostile.

 

(p.151) Quelle impression vous donnait le fait de vous retrouver là-bas ?

C’était une impression terrible. Car ce n’était pas simplement une forêt brûlée, mais une forêt véritablement morte. Il n’y avait plus d’oiseaux, et même les fourmilières étaient mortes. Cette cessation de vie n’a pas été causée seulement par la radiation, mais aussi par la rupture de chaînes trophiques, car. dans n’importe quelle communauté du monde végétal et animal (cela s’appelle la biocénose), il existe des liens trophiques très complexes : si un organisme disparaît, l’équilibre est rompu et la commu­nauté peut éventuellement périr. D’ailleurs, c’est une partie très importante de notre recherche : comment la biocénose, qui inclut des plantes et des animaux à résistance très différente face à la radioactivité, change-t-elle sous l’effet de la radiation ? Lorsque les plantes et les animaux les plus sensibles périssent à cause des rayonnements ionisants, d’autres changements se pro­duisent qui sont liés à la rupture de chaînes trophiques. L’extinction d’une ou de plusieurs espèces de la biocénose peut provoquer le remaniement catastrophique de tout un écosystème.

 

(p.154) Les virologues affirment que la zone est aussi la source de virus nouveaux, très agressifs et résistants. À cause des mutations de virus, facilitées par la radiation, certains d’entre eux, qui n’avaient jamais causé de maladie chez les humains, sont désormais capables de le faire. C’est pourquoi on est obligé de créer des objets de monitoring totalement nou­veaux, car la zone est en passe de devenir une source d’infections inédites.

 

Cet entretien a été réalisé à Kiev, le 31 août 2005.

 

 

(p.155) LE NUAGE QUI S’EST ARRÊTÉ À LA FRONTIÈRE Jean-Michel lacquemin-Raffestin

 

Vingt ans déjà et toujours l’omerta sur ce sujet, devenu un des plus célèbres mensonges d’État de notre pays… Quelles sont les conséquences sanitaires et écologiques de cette catastrophe en France, vingt ans après ? Les connais­sons-nous exactement ? Comme beaucoup de mes compatriotes, je croyais que ce « fameux nuage » était resté à la frontière de notre pays, maintenu par un anticyclone venu des Açores, comme on nous l’avait rabâché à lon­gueur de journaux télévisés. Puis, au fil de mes enquêtes, j’ai découvert que l’information avait été dissimulée ou falsifiée, que même les bulletins météo de la télévision d’État, annoncés par Brigitte Simonetta, avaient été mani­pulés, comme le révèlent aujourd’hui Jean-Pierre Pernaut1, journaliste à tfi, ou Laurent Cabrol2, journaliste à Europe 1. À partir de 1996, et surtout de 1997, on nous apprend alors que le nuage de Tchernobyl a bien contaminé le sol français… Enfin un début de vérité ?

 

Le sol français contaminé

 

L’Institut de protection et de sûreté nucléaire (ipsn) a donc bien reconnu que notre territoire était fortement contaminé dans certaines régions : la Corse, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les Vosges, l’Alsace, etc. et que certains sites l’étaient encore plus du fait de l’écoulement des eaux de pluie ou de la fonte des neiges : certains endroits, plus particulièrement, comme la station de sports

 

1.  Interview, Paris-Match, 17 janvier 2002.

2.  Europe Santé, 24 avril 2004.

 

(p.156) d’hiver Isola 2000, où i’ipsn a mesuré dans un lieu situé à 2 200 mètres d’altitud une contamination de 314 000 Bq/kg en césium 137, ce qui signifie une conta mination surfacique supérieure à 800 000 Bq/mz. De tels taux sont rarissime chez nous et, pour donner un ordre d’idée, la zone interdite autour de la central de Tchernobyl commence à 555 000 Bq/m2. Les analyses effectuées dans le par-national des Écrins par le laboratoire de i’ipsn de Cadarache en mai et juin 198< ont révélé une contamination très forte, certains lichens et mousses affichant di 10 000 Bq/kg à 125 210 Bq/kg, dans la commune de Saint-Michel-de-Chaillo en particulier. Il aura donc fallu attendre plus de dix ans pour connaître cetti information. On constate également dans le Boréon que l’activité des mâts de prairie est plus faible que celle provenant des sols forestiers – entre 25 000 e 65 000 Bq/mz en césium 137, selon le même phénomène que celui constaté à Tchernobyl. Le rapport de l’ipsn  indique une nette prédominance de la radioactivité due à l’accident de Tchernobyl. En 1997 toujours, c’est dans la vallée de la Moselle et dans les Vosges que les analyses ont eu lieu. Il faut dire que les 47 prélèvements effectués après l’accident en 1986 indiquaient une concentra­tion en césium 137 allant de 2 500 à 6 000 Bq/m2, avec une valeur moyenne de 5 300 Bq/m2. Comme ailleurs, les sols les moins contaminés sont les surfaces cultivées et les plus contaminés sont les sols des forêts. Après l’annonce des taux élevés relevés dans le Mercantour et les Vosges, nous apprenons en 2000 que dans un ensemble de communes près de Vaison-la-Romaine les dépôts ont pu théoriquement dépasser 20 000 Bq/m2. À Vinsobres, les analyses révèlent un taux de contamination de 40 000 Bq/m2. Philippe Renaud, de i’ipsn, pense que « compte tenu de ce que l’on peut voir comme contamination dans le sol, il est très probable que les productions agricoles, ici, dans les trois ou quatre pre­mières semaines de mai 1986, ont pu dépasser les normes de commercialisation éditées à l’époque. Néanmoins, la consommation de ces produits ne permettrait pas d’étudier un risque sanitaire observable!. »

II est plus que probable que le potager situé à cinquante mètres de l’endroit où la terre a été analysée est lui aussi contaminé de la même façon. Attendons qu’un spécialiste vienne confirmer qu’une personne qui consomme (en pensant manger bio) les produits cultivés dans son potager contaminé à 40 000 Bq/m2 depuis vingt ans n’est pas en droit d’imputer, au moins partielle­ment, son cancer du côlon, du foie, du pancréas ou des voies urinaires à son alimentation contaminée. Il s’agit là pour de nombreux spécialistes que j’ai rencontrés – cancérologues, endocrinologues – d’une évidence.

 

3. S. Graziani et J.-C. Chattard, Tchernobyl : autopsie d’un nuage, Presse Corse tv/ Galaxie Presse/France 3, France, 2000.

 

(p.157) Le gouvernement savait

 

Trois mois après la catastrophe, en septembre 1986, l’Union interna­tionale des radioécologistes (uir) s’est réunie à Madrid. Les Français, pré­sents, étaient représentés par Luc Foulquier du Laboratoire de radioecologie des eaux continentales4. C’est à cette occasion que fut présenté le rapport français qui nous apprend que :

Aussitôt que nous avons été informés de l’accident de Tchernobyl, nous avons organisé une campagne afin de récolter plusieurs échantillons variés dans diffé­rentes rivières françaises, telles que le Rhône, la Garonne, la Moselle, des petites rivières dans le Massif central et en Corse. […] En l’espace de quelques jours, les poissons et plantes aquatiques furent contaminés par les retombées de Tcher­nobyl à un niveau équivalent ou plus élevé qu’ils ne le furent sur plusieurs années par les déchets de nos usines nucléaires.[…] Les échantillons d’air, dans l’est du pays durant les premiers jours de mai, montrent la présence de plutonium 239+240 d’air et de plutonium 238. Dans les régions à l’ouest du pays, les valeurs sont basses. À l’est, elles augmentent de 5,1CT4 Bq/m2 avec une valeur maximale de 10 000 Bq/m2 pour le ruthénium 103, 7 800 Bq/m2 pour le ruthénium 106, de 8 900 Bq/m2 pour le césium 134 et de 24 000 Bq/m2 pour le césium 137. Dépôts sur les plantes : l’activité varie de 10 à 6 000 Bq/kg. Dans certaines plantes, les valeurs vont de 10 000 à 20 000 Bq/kg en forêt. Le thym est une plante très cou­rante dans la région de Cadarache, qui constitue un excellent bio-indicateur. Il concentre le K40 (potassium). Avant Tchernobyl, son activité était voisine de 200 Bq/kg. Il monte à 4 000 Bq/kg le 13 mai et retombe à 2 000 Bq/kg le 3 juin, et 1 600 Bq/kg le 1er juillet – il s’agit de valeurs moyennes. Une grande différence a été observée dépendant des précipitations. Dans une grappe de raisin, nous avons trouvé 443 Bq/kg de césium 137, 293 Bq/kg de césium 134, 254 Bq/kg de ruthénium 106 et 670 Bq/kg de ruthénium 103. Programme radioécologique : nous avons l’intention d’étudier le transfert des mécanismes et d’enregistrer la validité des résultats. […] À chaque endroit, nous considérerons tous les compor­tements et les effets sur l’agriculture, l’alimentation, l’hydrologie, les popula­tions… Les études seront faites d’après le dépôt initial au sol. Nous projetons d’étudier l’évolution de l’activité afin d’en évaluer les coefficients de transfert. Une telle étude sera d’un grand intérêt pour la radioecologie.

 

Cette annonce faite en septembre 1986 à Madrid prouve donc que le gouvernement connaissait parfaitement la contamination du pays, bien que le ministre de l’Agriculture, François Guillaume, ait déclaré trois mois plus tôt que

 

4. DERS/SERE/CEN/Cadarache, Saint-Paul-lès-Durance, France.

 

(p.158) notre territoire avait été totalement épargné par les retombées du nuage. Une question se pose : l’État français a-t-il délibérément caché les informations rela­tives à la radioactivité qui s’est déposée sur le territoire français, émise par l’acci­dent de Tchernobyl? Cela n’est plus un secret, les responsables de l’État savaient. Comment le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (scpri) a-t-il pu annoncer, par la voix du professeur Pellerin, un chiffre moyen de contamination de 4 500 Bq/m2 aux instances européennes ? Comment ce dernier peut-il encore aujourd’hui ne pas être entendu par la justice de notre pays sur son comportement de l’époque ?

Les registres des cancers

Lors du dixième anniversaire de la catastrophe, en 1996, on a appris qu’il y aurait une augmentation importante de cancers de la thyroïde chez les enfants, en région paca et en Lorraine notamment, d’après les chiffres des registres du cancer de ces régions. Mais l’information est bien vite démentie : il y aurait eu une mauvaise comptabilisation de ces cancers par année… Et pourtant.

Lorsque j’ai commencé mon enquête sur les conséquences sanitaires du nuage, j’ai très vite découvert les chiffres du registre des cancers de la thyroïde du docteur Marie-Joëlle Delisle en Champagne-Ardennes. Seul registre exhaustif, puisque commencé en 1966, il était de vingt ans antérieur au moment de la catastrophe. Le résultat pour la décennie 1986-1996 fait appa­raître une nette augmentation des pathologies, comme le précise le docteur Delisle dans le reportage Tchernobyl : autopsie d’un nuage diffusé sur France 3 : « Pour les hommes, l’incidence est multipliée par deux ; pour les femmes, une augmentation de 30 % ; et pour les enfants, elle est multipliée par trois5. »

 

5 Voir Annales d’endocrinologie, n°57, Paris, masson, 1996, p.41-49

 

(p.159) Les chiffres du registre des cancers du Haut-Rhin sont encore plus alarmants pour la période 1988-1996. Comme me l’indique le responsable, Antoine Buémi, chez l’homme, les cancers du côlon et des poumons augmentent de 24 %, les cancers du foie de 89 %. Chez la femme, les cancers du pancréas augmentent de 200 %, les cancers du foie de 228 %, les cancers des poumons de 280 %. Ce registre, qui contrairement à d’autres donne ses chiffres6 en toute franchise, confirme les prédictions du rapport n° 1 de l’Observatoire régional de la santé (ors) de Corse intitulé « Exposition supplémentaire de la région corse aux rayonnements ionisants suite à l’accident de Tchernobyl », qui fut adressé au professeur Pellerin en sep­tembre 1986 (notons que ce rapport a désormais mystérieusement disparu des archives du scpri). Lorsque je l’ai présenté à son successeur, ce dernier n’en n’avait jamais entendu parler. Ce rapport de tors de Corse réalisé par son directeur, Jean Arrighi, et son président, le docteur Paul Combette, indique en page 14 :

Les conséquences d’une irradiation à faible dose sont préoccupantes. Plus l’exposition aux radiations a été longue et plus le risque est important de voir apparaître des cancers au bout de quelques dizaines d’années, en particulier des cancers des poumons et des leucémies. […] L’aérosol (le césium) qui va attaquer tout de suite les poumons a pour conséquence d’entraîner, plus particulière­ment chez l’adulte, un nombre excessif de cancers du poumon. […] Il va y avoir, chez les gens qui ont inhalé cet aérosol, un risque accru de cancer du foie dans les trente ans à venir, et l’existence d’antécédents d’hépatite virale est là un facteur particulièrement favorisant.

 

6. Registre des cancers du Haut-Rhin, http://213.169.175.103 :55509.

 

(p.160) En novembre 2000, le président de la République Jacques Chirac décla­rait, en parlant des farines animales : « Dans cette crise, aucun impératif ne peut être placé plus haut que l’exigence de la santé publique. Aucune autre considération ne saurait inspirer l’action des pouvoirs publics7. » On ne peut que regretter que cette même exigence de la santé publique n’ait pas été respectée en 1986, lorsque M. Chirac était le Premier ministre du président Mitterrand. Aujourd’hui, le deuxième chantier du quinquennat du prési­dent Chirac est le cancer, et une commission de vingt-deux experts a été créée afin de préparer un rapport « Santé – Environnement » qui a été remis le jeudi 12 février 2005 au Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Les auteurs de ce rapport soulignent que « la mortalité par cancer est, en France, environ 20 % plus élevée que dans le reste de l’Europe » et déplorent que « 7 % à 20 % des décès par cancer seraient imputables à des facteurs environnemen­taux non liés à des comportements ». On apprend ainsi que l’incidence glo­bale des cancers a crû de 35 % en vingt ans depuis 1980, à « âge égal », sans que la consommation de tabac ou l’allongement de l’âge puisse l’expliquer. Depuis vingt ans, il est vrai que l’on évite d’aborder les conséquences sani­taires du nuage de Tchernobyl, en dehors des problèmes de thyroïde dans notre pays. Pourtant, la concentration du césium dans certaines régions, sa diffusion et son accumulation dans l’alimentation pourraient expliquer cette recrudescence de cancers dans certaines régions comme l’Est, la Corse et la région paca. Lors de mon enquête, j’ai découvert un document du laboratoire d’analyses médicales (lam) du cea de Marcoule, « Annexe X : information donnée au cours de la réunion plénière des chsct du 17 novembre 1986 ». On peut y lire, autre preuve du mensonge d’État, que les pouvoirs publics étaient bien informés et ont suivi les conséquences sur la population du passage du nuage radioactif sur notre pays. Les lam du groupe cea ont ainsi effectué certaines observations sur le personnel des différents cea, non pas au cours d’une campagne particulière d’examens déclenchés à la suite de l’accident de Tchernobyl, mais dans le cadre de la surveillance systématique quotidienne des personnels des établissements nucléaires. Ces observations, tant sur le plan national que sur le plan local, font état dans un premier temps d’une « incorporation par inhalation des radionucléides volatiles, de période effective courte » (p. 2) ; puis, fin mai, « chez la plupart des agents mesurés, des spectres dit « sales » en raison de la présence de traces non quantifiables de diverses retombées encore présentes à cette époque et bien identifiées par ailleurs. […] Les spectres témoignent

 

7. Libération du 8 novembre 2000.

 

(p.161) d’un début d’incorporation par ingestion » ; et enfin, de juin à mi-novembre, « apparition progressive d’une charge corporelle en césium 134 et en césium 137. D’une part, détectable sur une fraction du personnel mesuré, elle est à l’heure actuelle généralisée ; d’autre part, le niveau de cette charge a régulièrement été augmenté au cours du temps et semble avoir atteint actuellement un plateau (p. 3). Idem pour le césium 137 (p. 4). Les experts du gouvernement Raffarin reconnaissent que les preuves sont diffi­ciles à établir, tout comme dans le procès des victimes des malades de la thyroïde, car il s’agit de petites doses diffusées jour après jour, qui peuvent se combiner entre elles et provoquer in fine « des impacts sanitaires subs­tantiels sur le plan collectif ». Pourtant, comme je le révélais déjà dans Tcher­nobyl : aujourd’hui les Français malades8, certains cancérologues considèrent que dorénavant 80 % des cancers ont une cause environnementale. C’est le cas du professeur Dominique Belpomme, qui écrit :

On néglige la réalité des chiffres, le doublement des cancers du sein, le quadruplement du cancer de la prostate et l’augmentation de cancers de l’enfant au cours de ces vingt dernières années, parfois même le triplement des cancers du foie. […] En outre, l’augmentation du nombre de cancers du poumon coïn­cide, paradoxalement, avec une diminution de la consommation de tabac constatée dans notre pays depuis les dix dernières années9.

Nous comprenons donc mieux pourquoi le rapport de fors de Corse a été dissimulé aux Français. Vingt ans après Tchernobyl, ses conclusions prophétiques prennent toute leur réalité devant l’ampleur des dégâts sur la santé des Français vivant dans les régions contaminées. Le rapport de décembre 2000 de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (ipsn) et de l’Institut de veille sanitaire (ivs) se voulait rassurant et donnait un résultat de cancers potentiels de la thyroïde annulé par une marge d’erreur. Ce n’est pourtant absolument pas convaincant, comme le confirme le professeur Belpomme :

La méthode d’analyse utilisée n’est pas adéquate pour détecter un effet sanitaire, modeste aujourd’hui, mais peut-être grave demain, et il reste tout de même à expliquer globalement la fréquence croissante des cancers dans notre pays et celle constatée depuis l’accident de Tchernobyl dans d’autres pays : Pologne, Allemagne, Suisse, sud de la Grande-Bretagne…

8.  Editions du Rocher, 2001.

9.  Dominique Belpomme, Ces maladies créées par l’homme, Paris, Albin Michel, 2004.

 

(p.162) Quatre fois plus de cancers de la thyroïde en Corse que sur le continent!

Lors de la «Journée d’information scientifique sur les conséquences sanitaires de l’accident de Tchernobyl en Corse », le 31 janvier 2002, une information de toute première importance a été oubliée, même par certains participants qui se disent concernés au point de se porter partie civile dans le procès des malades de la thyroïde et par les journalistes présents. Les chiffres connus et annoncés par le directeur de i’ors, Jean Arrighi, indiquent «113 cancers de la thyroïde (39 hommes et 74 femmes) pour l’année 199813 ». Or l’incidence du cancer de la thyroïde est à présent de moins de 10 cas pour 100 000 habitants. La Corse comptant environ 260 000 habi­tants, le nombre de cancers devrait être voisin de 26 cas. Il est donc quatre fois plus élevé que la moyenne nationale.

L’affaire du sol contaminé

En 1999, un Français porte plainte contre l’Ukraine pour son cancer de la thyroïde. Défendu par maître Ludot, il est très vite débouté. La

 

13.  Ministère de la Santé, Journée d’information scientifique sur les conséquences sani­taires du nuage de Tchernobyl en Corse, 31 janvier 2002, p. 50.

 

(p.163) deuxième plainte est déposée par un jeune Français âgé de 32 ans, Yohann W., originaire de Reims. Son avocat, maître Ludot encore, dépose sa requête devant la Cour de justice de la République contre trois anciens ministres : Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur du premier gouvernement de coha­bitation dirigé par Jacques Chirac, Michèle Barzach, ministre déléguée à la Santé et à la Famille, et Alain Carignon, ministre de l’Environnement. Après plusieurs reports, la plainte est classée et le jeune Yohann est débouté. Une troisième plainte est déposée en 2001 par Josiane Tourou, qui habitait Dardilly au moment des faits et qui a vu arriver chez elle des membres de la sécurité civile venant prélever de la terre de son jardin – ce qui prouve une fois de plus que les autorités ont bien suivi la contamination radioactive du pays. J’ai rencontré, au cours de mes enquêtes, les mêmes versions, aussi bien en Alsace qu’en Corse. À la lecture de l’ouvrage Ce fameux nuage… Tchernobyl. La France contaminée1*, certains malades décident de créer une association des malades de la thyroïde. Le 1er mars 2001, l’avocat de l’asso­ciation dépose 53 plaintes : 51 représentant les malades, une représentant l’Association française des malades de la thyroïde (afmt) et une dernière représentant une association qui s’est portée partie civile. Ces plaintes sont suivies de 125 autres le 5 octobre 2001, puis de 214 supplémentaires le 25 avril 2002. L’instruction est menée consciencieusement par la juge d’ins­truction Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui n’hésitera pas à mener des per­quisitions dans les ministères concernés : Intérieur, Agriculture, Environne­ment, Santé, à Matignon, edf, au cea, à la Cogema. Seul l’Elysée refusera. Ces perquisitions révèlent des documents compromettants pour les respon­sables de l’époque. Ainsi, parmi les archives du cabinet de Jacques Chirac, le scellé n° 2 en date du 8 mai 1986 indique :

Ministère des Affaires étrangères, note pour le Ministre : A – L’accident de Tchernobyl n’a pas tardé à avoir des conséquences commu­nautaires : pour la France, ce sont les mesures prises par l’Italie qui sont les plus gênantes. Par ordonnance du 2 mai, le gouvernement italien a interdit pure­ment et simplement les importations de la plupart des pays tiers concernés ; B – Ces mesures ont provoqué dès le 3 mai un important ralentissement des exportations agricoles françaises vers l’Italie, source de pertes importantes pour les exportations françaises. Le solde annuel de la balance commerciale agroalimentaire vers l’Italie est de + 14 milliards de francs, ce qui représente à lui seul la moitié du solde positif de la balance agroalimentaire française ;

14. Éditions Sang de la terre, 1998.

 

(p.164) C – La France a, dès le 4 mai, saisi la Commission européenne, considérant que ces mesures constituaient une entrave aux échanges non justifiée.

Après avoir eu connaissance de ces documents, la présidente de l’asso­ciation des malades témoigne :

Sur les graphiques que nous a montrés la juge, le pic représentant en image trois fois la hauteur du mont Blanc sur une plaine, et ce pendant deux jours pendant lesquels la population a respiré les iodes, le tellure, le césium, sans protection aucune. Sur une carte détaillée de i’edf où chaque centrale a sa propre couleur, le pic le plus haut était celui de la centrale de Chooz dans les Ardennes. Des documents ont été falsifiés, le juge en a la preuve. Le scpri a

« dilué les doses » en mélangeant volontairement les régions pour faire une moyenne et ce même scpri aurait poussé la Météo à faire des faux en écriture à l’annonce du passage du nuage. Certains documents montreraient la liaison financière entre edf et le scpri. D’autres documents compromettraient certains grands scientifiques, membres de l’Académie des sciences. Lors des perquisitions effec­tuées chez les trois secrétaires du professeur Pellerin, dans leurs résidences secondaires, on a retrouvé de nombreux documents. Le juge a ordonné de recal­culer les chiffres de la radioactivité par rapport aux données actuelles. Son tra­vail n’est pas facile, on lui laisse peu de moyens… pour ne pas dire rien15

L’un de ces documents, classé « confidentiel », rédigé le 16 mai 1986 par un haut fonctionnaire lors d’une réunion de crise tenue au ministère de l’Intérieur, révèle : « Nous avons des chiffres qui ne peuvent être diffusés. » Cette note relevait, entre autres, la présence dans du lait de brebis corse d’une contamination par l’iode 131 de plus de 10 000 becquerels par litre. La note mentionne, comme le confirme l’article du Figaro du 1er février 2002 : « accord entre le scpri et i’ipsn pour ne pas sortir ces chiffres ». D’autres pièces révèlent que le scpri a menti sur les chiffres. « Les experts expliquent que les autorités de l’époque avaient connaissance des mesures de contami­nation, qu’elles ont falsifié les chiffres et n’ont pas alerté les populations concernées des risques encourus », déclare maître Christian Curtil, avocat des malades. Le rapport met en cause le scpri, l’autorité decisionnaire, qui aurait eu connaissance des taux de contamination largement supérieurs aux taux autorisés. « Certains documents révèlent que dans un premier temps, on n’a pas voulu alarmer la population, puis que l’on a cherché à couvrir les négligences », déclare encore l’avocat. Il est important de souligner que

 

15. Lettre de la présidente de i’aftm aux adhérents, 29 janvier 2004.

 

(p.165) dans cette affaire, le directeur général de la Santé, Didier Houssin, n’a plus aucun droit de regard sur le nucléaire. Ce droit a été supprimé à l’un de ses prédécesseurs, Lucien Abenhaïm, qui n’a pu exercer aucune influence poli­tique dans la réforme sur le nucléaire qui a créé i’irsn (regroupant l’ancien scpri, rebaptisé opri en 1992, et i’ipsn), ni même avoir la possibilité d’exprimer son opinion à ce sujet. Cela n’est-il pas sans rappeler le contrôle exercé par l’Agence internationale pour l’énergie atomique sur l’Organisation mon­diale de la santé au sein de l’onu ?

 

(p.194) L’ATOME EN HERITAGE Guillaume Grandazzi

 

Tchernobyl est le lieu de deux désastres, remarque l’écrivain allemand Lothar Baier. En effet, c’était le nom d’un village juif d’Ukraine qui fut anéanti avec ses habitants pendant la Seconde Guerre mondiale par l’armée allemande. Finalement, quelque quarante ans plus tard, même son nom lui aura été enlevé, qui n’évoque plus désormais que la catastrophe survenue en 1986. « C’est ainsi que Tchernobyl symbolise à sa manière cet âge des extrêmes que représente, pour l’historien Eric Hobsbawm, le xxe siècle, siècle du génocide et de l’allumage du feu atomique1. »

En Biélorussie, les troupes hitlériennes incendièrent 619 villages et exterminèrent leur population ; plus de 400 de ces villages furent recons­truits après la guerre, mais 186 ont définitivement disparu. À une cinquan­taine de kilomètres de Minsk, la capitale, sur le site de la petite localité de Khatyn, dont les 161 habitants furent brûlés vifs avec leur village un jour de mars 1943, un mémorial a été aménagé afin de perpétuer le souvenir de ce massacre, dont un unique survivant put témoigner. Au-delà de cette tra­gédie emblématique, c’est en mémoire des centaines de villages détruits par le feu, des milliers d’autres rasés par les bombes et des 2 200 000 victimes biélorusses du nazisme – soit un quart de la population de la République -qu’ont été érigés les monuments qui composent le mémorial de Khatyn.

 

1. Lothar Baier, « L’après-Tchernobyl. Approche d’un état des lieux », Agone, n° 15, 1996, p. 155-160. Eric Hobsbawm est l’auteur de L’Âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, Paris, Complexe, 1999.

 

(p.211) LE FUTUR POUR MEMOIRE Frederick Lemarchand

 

L’organisation internationale du silence

 

J’entends poser, en guise d’introduction, une question relative à ce point saillant de l’historiographie contemporaine communément nommé « révisionnisme » ou encore « négationnisme ». On a coutume de définir ces deux termes par la position intellectuelle qui consiste à minimiser l’impor­tance du génocide perpétré par les nazis contre les communautés juive et tzigane et, plus fréquemment, à contester l’existence même des chambres à gaz installées dans les camps d’extermination durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui a conduit nombre de défenseurs de cette thèse à nier l’exis­tence même des crimes contre l’humanité commis contre ces communautés par l’Allemagne nazie. Plus largement, si l’on peut s’entendre sur le fait que toute écriture de l’histoire, au sens de l’histoire moderne, est une révision des faits ayant réellement eu lieu et une réinterprétation des idées et des valeurs de l’époque, la stratégie développée par de nombreux organismes en charge de la gestion de la catastrophe de Tchernobyl, et en premier lieu taiea (Agence internationale pour l’énergie atomique), qui a inventé et sou­tenu la « thèse officielle » selon laquelle l’accident aurait provoqué 32 morts, constitue une forme avérée de négationnisme de l’holocauste nucléaire. Un texte de loi européen contre le révisionnisme a été approuvé en mars 1995. Il prévoit des sanctions relativement sévères (jusqu’à un an de prison) pour toute personne qui nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou à approuver le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est à noter que la loi Gayssot a (p.212) modifié la loi sur la presse pour y introduire un article punissant « ceux qui auront contesté l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité ». Or un crime contre l’humanité appartient à la catégorie d’infractions crimi­nelles englobant l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile avant ou pendant la guerre, ainsi que les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux – que ces actes ou persécutions aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été per­pétrés. Cette définition a été donnée par l’article 6, alinéa c, du statut du tribunal de Nuremberg, le tribunal militaire international chargé de juger les criminels de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Nous sommes donc en mesure de nous interroger sur les raisons pour lesquelles les positions résolument négationnistes défendues par faiea et différentes composantes du lobby nucléaire à l’égard des conséquences sanitaires et sociales de la première catastrophe nucléaire civile sont jusqu’à ce jour restées impunies. N’y a-t-il à cela que des raisons strictement politiques de la dissimulation d’un crime d’État de plus, dont l’histoire du xxe siècle est pavée ?

Hannah Arendt écrivait dans La Crise de la culture qu’il n’y aurait pas de héros à l’âge atomique1, voulant ainsi mettre en évidence le lien qui existe entre la montée en puissance de la technique et l’augmentation cor­rélative de l’impuissance de l’homme par la réduction progressive du monde commun politique et de ses marges de liberté pratique. C’était sans parier toutefois sur la capacité développée par quelques hommes et femmes de science dont nous devons saluer ici le courage et la ténacité dont ils ont su faire preuve dans leur tentative d’approcher au plus près la réalité physique et biologique du nouveau Nouveau Monde contaminé. Persécutés, menacés, interdits – Youri Bandajevsky torturé -, celles et ceux qui n’ont pas souhaité se faire trop rapidement oublieux de l’homme, en tentant de placer la science à son service et non l’inverse, ont dû comprendre très vite que la science en laquelle ils continuent de croire est désormais inféodée à des intérêts économiques et stratégiques qui nient précisément toute humanité de l’homme. La répression scientifique dont ils continuent de faire l’objet et dont ils témoignent dans cet ouvrage n’est qu’une facette de l’organisa­tion criminelle du mensonge sur les conséquences de la première catas­trophe nucléaire civile. L’Organisation mondiale de la santé une fois

 

1. Voir Frederick Lemarchand, « Âge atomique », in Yves Dupont (dir.), Dictionnaire des risques, Paris, Armand Colin, 2003, p. 14-20.

 

(p.213) muselée2, celle en charge de la promotion de l’énergie atomique a pu béné­ficier du soutien du complexe militaro-industriel des États concernés et à la solde desquels travaillent des centaines d’« experts » de toutes disciplines (physique nucléaire, biologie, médecine…)- Cette gigantesque organisation née dans les années 1950, organisation phare du lobby nucléaire, possède encore aujourd’hui le pouvoir de peser lourdement sur la gestion de la santé publique, et plus particulièrement celui de contrôler l’information officielle – dans laquelle à vrai dire plus personne n’a confiance – et de fixer les normes de radioprotection. On pourra se demander comment il est possible que de grandes organisations internationales ayant pignon sur rue continuent à nier la réalité de la majeure partie des conséquences de la catastrophe. C’est qu’elles sont trop énormes pour être acceptées, même partiellement, et les responsabilités sont trop pesantes pour être endossées.

 

(p.298) 2.  Un accord datant de 1959 lie les mains de l’Organisation mondiale de la santé pour tout ce qui relève de l’étude des effets néfastes de l’industrie nucléaire sur la santé. L’année précédente, un rapport de i’oms prônait la genèse d’une nouvelle géné­ration « qui aurait appris à s’accommoder de l’ignorance et de l’incertitude ».

3.  Gunther Anders, L’Obsolescence de l’homme, Paris, Encyclopédie des nuisances, 2002 (publication originale 1956).

 

Vassili Nesterenko est membre de l’Académie des sciences de Biélo­russie, physicien de renommée internationale. Dès les premières heures après l’explosion de Tchernobyl, il a compris la gravité de l’accident et a demandé au Soviet suprême l’évacuation immédiate de la population dans un rayon de cent kilomètres. En conséquence de ce comportement coura­geux, il a été limogé de son poste de directeur de l’Institut de l’énergie nucléaire de Minsk. Avec un groupe de spécialistes, il a fondé alors l’Institut de radioprotection indépendant Belrad. Il assure depuis seize ans la gestion de nombreux centres d’information et de contrôle au service de la popula­tion des territoires contaminés, mesure les taux d’accumulation des radio-nucléides chez les enfants et a mis au point des techniques de prévention et de décontamination de l’organisme humain (notamment par l’administration de pectine). Ces activités lui ont valu des problèmes avec les autorités biélorusses. Plus grave encore, il a échappé à deux attentats. Plusieurs fois irradié, sa santé est aujourd’hui très incertaine.

 

2007

in : EPS, April 2007

Luz sobre Palomares, p.30-34

 

Cuatro bomber atómicas cayeron sobre la costa asturiente en 1966. El régimen franquista silenció los efeciós del accidente en la población de una de las zonas mai pobres y aisladas de España! Hambre, incertidumbre, terror. Un documental ofrece testimonios e imágines inéditas del desastre. Por Miguel Olid.

 

Pierre OZER Chargé de recherche au Département des sciences et gestion de l’environnement, Université de Liège,

Dominique PERRIN Chercheur à la Faculté universi­taire des Sciences agronomiques de Gembloux,

Au menu : entrée exotique, plats du bout du monde, vins lointains, dessert des Tropiques. Et avec ça, je vous mets encore un petit supplément de CO2?, in : LB 30/01/2007

 

La place du réchauffement cli­matique dans les médias, dans les préoccupations des citoyens et dans le débat politique est sans cesse croissante, tout comme l’est la concentration en dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère.

La semaine précédant Noël, j’ai décor­tiqué les publicités de mon hypermarché le plus proche pour préparer le repas fa­milial tant attendu. Et voici ce que j’ai pu concocter pour huit personnes avec, entre parenthèses, les kilomè­tres parcourus entre le pays de production et la Belgique ainsi que les kilogrammes de CO2 émis uniquement pour le transport aérien intercon­tinental de ces produits achetés. L’analyse se focalise sur le trans­port par voie aé­rienne   puisque celui-ci   émet, en moyenne, 60 fois plus de CO2 que le transport par voie ma­ritime.

D’abord, pour faire joli, je fais trôner un magnifique bouquet de vingt rosés au  centre  de  la table  des grands jours. La provenance de ces magnifiques fleurs est kenyane et le mode de transport est aérien (6 550 km, 5,2 kg de CO2).

Le décorum bien planté, commençons donc par un velouté d’asperges aux lan­goustines. Le légume vert nous vient di­rectement du Pérou par avion (10 500km, 12,5 kg de CO2) et les langoustines ont été acheminées, une fois décortiquées et con­gelées, par bateau depuis l’Indonésie (14 000 km). Remarquez que, du point de vue des émissions de CO2, il est encore préférable d’acheter des langoustines éle­vées en Asie du Sud-Est plutôt que ce même crustacé péché en Ecosse – quel paradoxe ! En effet, ce der­nier, une fois attrapé dans les eaux euro­péennes, va faire un périple extraordinaire par bateau jus­qu’en Thaïlande d’où, une fois décortiqué, il retournera sur le marché

européen (22 000km). Une délocalisation due au fait que je préfère, en cette veille de Noël tout comme les 364 autres jours de l’année, acheter des crustacés décorti­qués. Et comme 70 pc des consommateurs ont opté pour ce gain de temps…

Après deux bonnes bouteilles de Sauvignon blanc chilien (11900 km) à la robe jaune  pâle, nous attaquons le plat de consistance. Bien décidé à offrir un mets exotique à mes chers convives, j’ai longtemps hésité entre le springbok – cette belle an­tilope – de Namibie (8 300 km), le kangou­rou  australien (16700km),  l’autruche d’Afrique du Sud (8 900 km), la biche de Nouvelle-Zélande (18 700 km) et le bison canadien (5 600 km), Un peu perdu, je me suis finalement engagé à faire un simple steak-frites-salade bien de chez nous.

 

SI NOUS, CONSOMMATEURS, N’ACHETONS PLUS DE CERISES D’ARGENTINE, DE FRAISES D’ISRAËL OU DE MYRTILLES DU CHILI EN HIVER, ILS N’EN PROPOSERONT PLUS. ENSEMBLE, NOUS POUVONS FORCER LE CHANGEMENT.

 

Sous le titre peut-être rigolo « on en a pour son argentin’, mon hypermarché m’offre un steak de bœuf argentin venu par  avion (11300km, 14,5 kg de C02) à un prix 30 pc inférieur  au Blanc-Bleu-Belge … Comment résister ? Pour les fri­tes faites maison, j’achète des pommes de terre labellisées « bio » qui viennent du Sud de la France par camion. Quant à la sa­lade, elle vient d’Espagne. Alors, l’espace d’un instant, je m’interroge… Pourquoi dit-on que c’est le plat traditionnel belge par excellence ? Mais ce questionnement futile    se dissipe  ra­pidement car je    dois    vite

ouvrir les bouteilles de Cabernet  Sauvignon californien(8 900 km), une vraie merveille dont l’at­taque en bouche est ronde et corsée.

Et c’est mon épouse qui se charge du dessert tant attendu. Une salade de fruits réalisée exclusivement avec les fruits frais en promotion trouvés au magasin. Tenez-vous bien, il s’agit de poires nashi de Corée du Sud, de mangues, papayes, fi­gues et melons charentais du Brésil, de fruits de la passion de Colombie, de grena­des des Etats-Unis, de fraises d’Israël, d’ananas d’Amérique centrale, de cerises d’Argentine et de caramboles de Malaisie. Nous décidons d’y ajouter deux kiwis de Nouvelle-Zélande, une orange d’Afrique du Sud et une pomme belge pour que tous les continents soient représentés dans le même récipient. Evidemment, alors que nous approchons des douze coups de mi­nuit, qu’il fait toujours 10°C dehors et que mon fils de trois ans me répète que ce n’est pas Noël puisqu’il n’y a pas encore eu de neige, un tel dessert a un coût : une dis­tance cumulée de 126 000 kilomètres et une facture approximative de 9 kg de C02 émis. Là-dessus, je débouche une bou­teille de mousseux blanc de Tasmanie, une île au sud de l’Australie (17100 km).

In fine, fleurs et vins compris, la distance totale parcourue par ces produits est de 209 000 kilo­mètres, plus de cinq tours du monde, avec les émissions de 41,3kg  de  CO2.  Cela équivaut aux émissions de C02 d’un véhicule ordi­naire parcourant la distance de 258 kilomètres, soit approxi­mativement 15 litres d’essence pour moins de six kilogrammes de nourriture !

Pourtant, avec un joli bouquet de houx au centre de la table, une déli­cieuse soupe au potiron en entrée, suivie du même steak-frites-salade à base de produits locaux, une salade de fruits sans fraises, cerises… venues par avion et des vins français nous permettraient de dimi­nuer de plus de 80 pc les émissions de CO2 dues au transport.

Veiller à ce que nous mettons dans no­tre assiette fait partie des multiples petits actes citoyens que nous pouvons poser pour diminuer notre empreinte écologi­que. Le transport de marchandises par voie aérienne était de 2 milliards de ton­nes/kilomètres transportées ‘ » en 1960. En 2006, ce chiffre est passé à 150 mil­liards. Et la part des émissions de CO2 due aux transports aériens s’accroît chaque année.

Un supermarché scande « Vivez comme vous voulez », un autre clame « Et tout de­vient possible ». Nous en sommes intime­ment convaincus. Et si nous, consomma­teurs, n’achetons plus de cerises d’Argen­tine, de fraises d’Israël ou de myrtilles du Chili en hiver, ils n’en proposeront plus. Ensemble, nous pouvons forcer le change­ment. Et tout cela sans réellement perdre de notre confortable qualité de vie.

Mais pour que le consommateur s’y re­trouve, il faut l’aider à faire son choix en connaissance de cause. Nous en appelons donc au politique pour qu’il légifère en la matière et impose aux distributeurs l’ap­plication de logos (un avion rouge et un bateau bleu, par exemple) indiquant sys­tématiquement et clairement le mode de transport utilisé pour le transport inter­continental de ces marchandises. •

1(1) Charge transportée exprimée en tonne multipliée par la distance exprimée en kilomètres. » info            web            http://pierreozer.blog4ever.com;

http ://avionrouge.blogspot.com.

2 Documents

Espagne - 1933-1944 - expérimentations chimiques et bactériologiques

(EP, 13/12/2009)

the Galapagos Islands / Tourists destroy nature

(The Economist, 05/06/2010)

Palomares (Almeria) / Radioactieve erfenis

(DS, 07/04/2011)

Duitsland / Bruinkool

(De Telegraaf, 07/03/2012)

Internet pollutes

(IHT, 24/09/2012)

JO 2020 au Japon

(UBU, 12/09/2013)

1993 - Paul Staes (Agalev): Seveso, usine secrète d'armes chimiques

(in: LB, 1993)

Découvertes en bord de route

(VA, 31/03/2009)

Easter Island / Tourism threatens to trigger another ecological disaster

(in: The Economist, 10/10/2009)

Marc Liégeois (Vedrin), Les lâchers de ballons gonflables sont polluants

(VA, 06/03/2009)

La Belgique, 5e pays le plus cancérigène: notamment à cause des centrales nucléaires (Chooz, Cattenom, non loin de la frontière belge afin de nous contaminer; ...)

(VA, 26/01/2011)

Sind wir zu viele für die Erde ? (Reiner Klingholz)

(Focus, 13, 2010, S.56)

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