1938 / in: Husserl, RBA, 2016

(p.139) LA FONDATION DES ARCHIVES HUSSERL

En août 1938, quelques mois seulement après le décès de Husserl, un jeune frère franciscain arriva à Fribourg avec l’intention de poursuivre ses recherches, dans le cadre d’une thèse doctorale sur le philosophe et la doctrine de la réduction phénoménologique. Le père Hermann Léo Van Breda (1911-1974) n’avait alors que 27 ans. Il venait d’ob­tenir sa maîtrise de philosophie à l’université de Louvain en Belgique grâce à un mémoire consacré aux écrits de Hus­serl autour de l’année 1914. Au cours de ses recherches, il constata que dans ses publications les plus récentes, Husserl ne cessait de faire référence à des « manuscrits inédits ». Van Breda contacta Malvine Husserl, la veuve du philosophe. Son intention n’était de rester que brièvement à Fribourg pour étudier les manuscrits et proposer à Malvine d’éditer ces textes.

Van Breda imaginait qu’une poignée de volumes suffirait, mais à son arrivée à Fribourg, il découvrit à son plus grand étonnement plus de 40 000 pages manuscrites en écriture sténographique et quelque 10 000 autres retrans­crites par ses assistants en orthographe allemande conven­tionnelle.

Van Breda comprit immédiatement que ces documents étaient en péril s’ils étaient conservés à Fribourg, où ils se trouvaient à la merci d’une décision arbitraire du Troi­sième Reich. Les tensions diplomatiques croissantes entre la France et l’Allemagne ne laissaient guère d’espoir : un conflit semblait de plus en plus inévitable en Europe. Proche de la frontière, Fribourg risquait d’être l’une des premières cibles militaires. Van Breda et Malvine Husserl estimèrent qu’il fal­lait avant tout transporter les caisses en lieu sûr. La chance leur sourit. Elle avait le visage d’Adelgundis Jägerschmidt (1895-1996), une moniale bénédictine qui, avant de se