1800-1899

Histoires de Belgique : 1800-1899

 

Par ordre chronologique

1800-1815

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1814-1830

Charles Terlinden, Histoire militaire des Belges, T II, p.281-302, …

 

SOUS LA COCARDE ORANGE (1814-1830)

 

(p.281) La popularité toute personnelle dont avait joui en Belgique le Premier Consul, au lendemain de la pacification intérieure, s’évanouit dès que s’appesantit sur nos provinces la formidable armature du pouvoir impérial. Parmi les nom­breuses causes qui rendirent le régime impopu­laire, figurent certes au premier rang les exigences sans cesse croissantes de la conscription qui, de 1798 à 1814, coûta la vie à 51.000 jeunes Belges. Aussi, lorsque parvint la nouvelle des terribles revers de la campagne de Russie, l’espoir d’une prompte délivrance ranima une opposition générale qui, à vrai dire, n’avait jamais complè­tement désarmé.

Les mesures de salut public, décrétées par l’Empereur dès le début de 1813, accrurent encore l’animosité. L’appel anticipé des jeunes classes, l’augmentation formidable du contingent porté à près de 10.000 hommes pour une population de moins de trois millions d’âmes, l’enrôlement forcé d’enfants de seize ans, l’incorporation dans les régiments de Gardes d’Honneur des jeunes gens de famille aisée s’étant libérés de la  milice, (p.282) l’arrestation des séminaristes de Gand pour les incorporer dans un régiment d’artillerie, l’emploi de garnisaires vivant à discrétion dans les familles dont les fils ne répondaient pas à l’appel, les excès des colonnes mobiles, parcourant les campagnes pour faire la chasse aux réfractaires de plus en plus nombreux, les réquisitions de denrées, de chevaux et de bétail eurent pour résultat de pousser à l’extrême la haine de tous les Belges contre la domination étrangère.

Cependant, dès que les jeunes gens ainsi arrachés de force à leur famille avaient revêtu l’uniforme, l’honneur militaire les portait à faire bravement leur devoir. Les Gardes d’Honneur, en dépit de leur inexpérience, se conduisirent bravement au cours de la campagne de Saxe, spécialement à Hanau et au siège de Mayence. Plusieurs même, comme le jeune baron Lambert de Baré de Comogne, mort à Ingolstadt de ses blessures, versèrent leur sang pour une cause qui n’avait pas leur sympathie. Semblable esprit animait les jeunes mili­ciens de la levée de 1813. C’est presque uniquement avec des conscrits belges, dressés par quelques semaines d’instruction intensive et aidés par une poignée de marins, que le général Bizanet repoussa, les 8 et 9 mars 1814, une attaque anglaise contre Berg-op-Zoom, dernière ville occupée par les Français en Hollande, causant à l’assaillant une perte de 4.000 hommes, faisant prisonniers deux généraux et prenant quatre drapeaux.

C’était avec allégresse, qu’en dépit des efforts de la censure, on avait appris en Belgique le désastre de Leipzig, puis le passage du Rhin par les Alliés. La frontière de l’Empire avait craqué de toutes parts. Le 21 janvier 1814, les soldats de la coalition étaient entrés à Liège, et le 1″ février, de grand matin, le général Maison et les dernières troupes françaises avaient évacué Bruxelles où, quelques instants après, les Cosaques avaient pénétré par la porte de Louvain.

L’arrivée de ces hardis batteurs d’estrade, sales, dégue­nillés, barbus et hirsutes, armés de longues lances et de fouets et montés sur de nerveux petits chevaux à tous crins, suscite dans la population un enthousiasme indescriptible. On se dispute l’honneur de leur fournir (p.283) l’hospitalité, de leur apporter des rafraîchissements. Tout le monde saluait en eux les précurseurs de la délivrance.

On sait combien ces espérances devaient être déçues. En dépit de l’accueil enthousiaste fait aux armées victorieuses, les Alliés traitèrent la Belgique en « pays conquis ». Des agents orangistes avaient exploité dans les chancelleries le fait que les Belges n’avaient pu suivre l’exemple de leurs voisins du Nord et ne s’étaient pas soulevés pour chasser eux-mêmes les Français. Ils se gardaient de laisser voir que notre situation était bien différente de celle de la Hollande, presque entièrement évacuée, dès 1813, par les garnisons françaises, tandis que les départements belges avaient été, jusqu’au dernier moment, tenus en respect par l’armée du général Mai­son, par une partie de la Garde impériale, infanterie et cavalerie, sous les ordres du duc de Trévise, et par la forteresse d’Anvers, confiée à l’énergique Carnot. Tandis que les Hollandais avaient pu immédiatement se grouper autour du prince d’Orange, continuateur de leurs anciens Stadhouders et représentant la tradition nationale, les Belges n’avaient trouvé aucun chef assez influent pour prendre la tête d’un mouvement général. C’est pour cette raison qu’un vaste complot, étendant ses ramifications jusque dans la Flandre française, n’avait pas eu l’occasion d’éclater pour hâter la chute du régime impérial.

 

Déjà, avant de passer le Rhin, les Alliés s’étaient mis d’accord concernant l’organisation provisoire des terri­toires qu’ils allaient envahir et les avaient divisés en « gouvernements ». Après quelques modifications, les départements belges situés sur la rive droite de la Meuse furent placés sous le contrôle de la Prusse, ceux de la rive gauche sous celui de l’Autriche.

Un des premiers soins du pouvoir occupant fut de lever des troupes. Dès qu’il eut constitué le Gouvernement provisoire de la Belgique, le duc Charles-Auguste de Saxe-Weimar décréta la formation immédiate, sous les couleurs brabançonnes, d’une Légion belge, composée des régiments de Brabant, de Flandre, de Hainaut et de ‘ Namur et de deux régiments de cavalerie : les (p.284) chevau-légers, levés à Malines par le comte van der Burch, et les hussards levés à Tervueren par le prince de Croy. Un corps d’artillerie, fort d’un bataillon à pied et de deux compagnies montées, complétait cet embryon d’armée belge. On y joignit peu après, un régiment de Volontaires des Flandres, recrutés à Bruges par le comte de Puckler-Muskau, aide de camp du duc de Saxe-Weimar, un régiment d’infanterie légère, sous les ordres du prince E. d’Arenberg, un bataillon de chasseurs, levé dans le pays de Chimay et appelé chasseurs Le Loup, en souvenir de l’ancien corps national du même nom, et un autre régiment d’infanterie légère, recruté sur la rive gauche de la Meuse par les soins du comte de Murray. Toutes ces formations, sur lesquelles on ne possède que peu de documents, intéressent au plus haut point les origines de notre armée, plusieurs de nos unités actuelles en descendent par une filiation inin­terrompue.

En même temps, les Provinces-Unies des Pays-Bas, assurées de leur indépendance dès la fin de 1813, faisaient recruter dans notre territoire un bataillon de chasseurs, organisé à Bréda par le major Perez, Belge d’origine, et deux bataillons liégeois levés par le colonel van der Maesen, sous le nom de Légion du Bas-Rhin.

Alors qu’elles commençaient à peine à s’organiser, les troupes de la Légion belge étaient intervenues à côté des Alliés, en mars 1814, contre un retour offensif des Français. Quelques volontaires du régiment de Flandre, unis à deux cents Cosaques, tentèrent de défendre Gand contre toutes les forces du général Maison et les artilleurs belges brisèrent net, par la vigueur et la précision de leur feu, une attaque de vive force de la division Roguet contre Tournai.

Malheureusement, les Alliés renoncèrent à leur projet initial de constituer, au moyen des départements belges et de quelques territoires rhénans un « Etat barrière », sous le sceptre de notre dernier gouvernement général, l’archiduc Charles, et ils se rallièrent à l’idée, mise en avant par l’Angleterre, d’amalgamer la Belgique et la Hollande en un seul royaume. En conséquence, Guil­laume d’Orange, déjà Prince Souverain des Pays-Bas, (p.284) fut investi par le traité de Paris du pouvoir sur nos provinces. Il y activa le recrutement des troupes, et au début de 1815, les forces belges comportaient deux bataillons de chasseurs, quatre bataillons d’infanterie de ligne, plus vingt-cinq bataillons de milices en formation, un régiment de hussards, un régiment de chevau-Iégers, un régiment de grosse cavalerie, levé à Bruxelles, sous le nom de carabiniers belges, un corps d’artillerie à cheval de deux compagnies, un bataillon d’artillerie à pied, trois bataillons d’artillerie de milice en formation, deux compagnies du train et sept compagnies de maré­chaussée. A partir du 21 avril 1815, ces troupes furent incorporées à l’armée néerlandaise, avec un numérotage unique pour les deux pays.

 

Au mois de juin toutes les forces mobiles des pro­vinces méridionales, soit 5.500 hommes, entrèrent, avec celles des provinces du Nord, dans l’armée très disparate confiée au duc de Wellington pour arrêter la marche de Napoléon. Dans la division de cavalerie, forte de 3.600 sabres, mise à la disposition des Alliés par le roi Guillaume, les Belges étaient en majorité. Le com­mandant de la division, le lieutenant général de Collaert et deux généraux de brigade sur trois, de Ghigny et van Merlen, étaient Belges; était Belge également le com­mandant de la 2e brigade de la division d’infanterie Chassé, le général d’Aubremé, ancien volontaire de la Révolution brabançonne, devenu colonel du 136e de ligne après avoir fait toutes les campagnes de la Répu­blique et de l’Empire. A Lutzen, il avait reçu pour son régiment, qui s’était comporté d’une façon admirable, quarante-deux croix de la Légion d’honneur, ne s’en réservant pas pour lui et gagnant la sienne à Bautzen, quelques semaines plus tard, par de nouveaux exploits.

La méfiance et la suspicion injustifiées du haut état-major allié à l’égard des officiers et soldats issus des armées de l’Empire et passés au service des Pays-Bas, eurent pour résultat l’établissement dans l’armée de Wellington d’un amalgame néfaste, qui rend difficile la détermination exacte de la part prise par chaque corps dans les opérations de juin 1815. Cette circonstance a (p.286) permis la création de légendes outrageantes pour la réputation des troupes des Pays-Bas.

 

Les solides réfutations publiées par les généraux Eenens, Renard, Brialmont, de t’Serclaes de Wommerson, de Bas et d’autres auteurs encore, ont réduit à néant ces calomnies et ont confirmé l’hommage publiquement rendu aux Hollando-Belges, immédiatement après Water­loo, par Wellington, Bliicher et par l’unanimité des contemporains.

Il a été établi d’une manière irréfutable que c’est aux Hollando-Belges qu’est dû en grande partie le succès des Alliés aux Quatre-Bras, où les jeunes troupes de la division Perponcher, avec 16 canons, tinrent tête, pendant trois heures à deux corps d’armée, commandés par Ney et soutenus par une nombreuse cavalerie et 62 canons. Cette héroïque résistance donna aux Anglais le temps d’accourir et permit d’éluder les conséquences fâcheuses de l’erreur stratégique de Wellington, qui s’était complètement trompé sur la ligne d’opérations des Français. Il avait cru que l’attaque serait dirigée contre lui par Mons et Nivelles et, nonobstant le passage de la Sambre par Napoléon, il avait prescrit d’abandonner les Quatre-Bras et de concentrer toutes les troupes sur Nivelles. Si ces ordres avaient été exécutés, remarque Henri Houssaye, une trouée large de quatre lieues, eût été ouverte entre Nivelles et la Haute-Dyle trouée par laquelle Ney aurait pu s’avancer, sans devoir tirer un coup de fusil, jusqu’à mi-chemin de Bruxelles.

Heureusement, le chef d’état-major du prince d’Orange, le baron de Constant-Rebecque, voyant plus clair que le générallissime, avait pris sur lui de porter aux Quatre-Bras la brigade du prince de Saxe-Weimar, ordon­né au général Chassé de concentrer sa division à Fay et prescrit au général de Collaert de rassembler sa cavalerie derrière la Haine et à Perponcher de rejoindre Saxe-Weimar aux Quatre-Bras. La petite armée hollando-belge formait ainsi, au point le plus menacé, l’avant-garde des Alliés.

 

Les généraux hollando-belges firent preuve du même esprit d’initiative. Quand arriva l’ordre de repli sur Nivelles, « le lieutenant général de Perponcher, écrit Gneisenau,  (p.287) chef d’état-major de Blûcher, sentit que le duc avait donné cet ordre sans se rendre un compte bien exact de la situation de l’armée. Il comprit le danger qu’il y aurait si l’ennemi, trouvant les routes de Bruxelles et de Namur libres, se portait en avant et séparait les deux armées. Il assuma la responsabilité de la résistance et demeura dans sa position des Quatre-Bras. Le lendemain, il fut attaqué par des forces supérieures; il perdit un tiers de son monde et se maintint jusqu’à l’arrivée des soutiens. Si le lieutenant général de Per-poncher avait suivi l’ordre du duc de Wellington, s’il avait marché sur Nivelles et n’avait pas fait une aussi bonne résistance, le maréchal Ney, atteignant les Quatre-Bras, aurait pu tourner à droite, arriver sur le derrière de l’armée qui combattait à Ligny, sous le comman­dement du prince Blücher, et causer ainsi sa destruction totale ».

 

Dans cette lutte énergique pour la défense des Quatre-Bras, plusieurs corps belges se distinguèrent particu­lièrement. Le 7e bataillon de ligne, sous les ordres du lieutenant-colonel Van de Sanden, ancien chasseur de Le Loup, puis capitaine au 112e, blessé à Raab, arriva sur le champ de bataille vers trois heures de l’après-midi, au moment où les troupes de la brigade Saxe-Weimar, accablées sous le nombre, cédaient peu à peu le terrain. Le bataillon belge fut chargé de tenir à tout prix dans le bois de Boussu, clef de la position. Il s’y maintint jusqu’au soir, perdant 92 hommes, dont deux officiers. Il repoussa toutes les attaques, ce qui permit l’arrivée du prince d’Orange avec des renforts et, à la fin de la journée, chassa d’un suprême effort les soldats de Ney de leurs dernières positions. En tête des renforts amenés par le prince d’Orange galopaient les hussards hollandais de Boreel et les chevau-légers belges de van der Burch, devenus les dragons légers n° 5, formant la brigade van Merlen. Ils venaient de faire neuf lieues d’une traite. Le prince les lance immédiatement contre la colonne française du général Foy, qui menaçait de percer le centre des Alliés. Les hussards, vivement rame­nés par la cavalerie de Pire, sont dégagés par nos dragons légers, qui, non loin de la ferme de Gemioncourt, foncent

(p.288) sur le 6e chasseurs à cheval français, commandé par le colonel de Fodoas. Les deux régiments se compénètrent et se mêlent pour se sabrer. « Plusieurs de nos braves, écrit le général Renard, furent soumis à une pénible épreuve; ils se trouvèrent en présence de camarades avec lesquels, quelques mois auparavant, ils bravaient les mêmes dangers. Ceux-ci appelaient les nôtres par leurs noms, en les engageant à rejoindre leur drapeau. De cet appel infructueux on en vint aux coups. Le capitaine Delenne se trouva en face de Devielle, son frère d’armée de France. Le capitaine Van Remoortere reçut un coup de pointe dans le ventre d’un de ses anciens sous-officiers. Le maréchal des logis Beauce se sabrait avec un des maréchaux de logis chefs de son ancien escadron ».

 

Le colonel belge Courtin, qui avait servi dans les chasseurs de la Garde, déclarait plus tard : « J’ai fait bien des charges, mais je n’en ai exécuté aucune où nous ayons été mêlés si longtemps avec l’ennemi ».

Au cours de cette lutte, qui demeurera un éternel titre de gloire pour notre cavalerie, le lieutenant colonel Ed. de Mercx est renversé d’un coup de sabre. Le major qui le remplace, voyant arriver un régiment de lanciers en soutien des chasseurs à cheval français, fait sonner la retraite et indique comme point de ralliement la ferme de Gémioncourt. Nos dragons légers, reformés en ordre parfait, approchaient du but lorsque soudain une ligne rouge se dresse devant eux et les fusille presque à bout portant. C’était un bataillon de la division Picton, fraîchement arrivé sur le champ de bataille et abrité dans le fossé d’accotement de la grand-route de Char-leroi. Trompé par la ressemblance entre l’uniforme des chasseurs à cheval français et nos dragons légers (veste verte et collet jaune), il avait accueilli par une décharge meurtrière nos cavaliers déjà si durement éprouvés par l’ennemi. Cette méprise, qui nous coûta 40 hommes, ne provoqua qu’un désordre passager, nos dragons légers, rapidement ralliés, occupèrent leurs positions jusqu’à la fin de la journée. Sur les 400 hommes que comportait le régiment, 157 officiers, sous-officiers et soldats avaient été tués ou blessés.

 

(p.289) La batterie d’artillerie belge du capitaine Stévenart prit part également à cette mémorable journée. Six de ses pièces étaient en position en avant de la ferme de Gémioncourt; les deux autres, sous les ordres du lieutenant Winssinger, plus tard général au service belge, étaient placées entre la ferme du Grand-Pierrepont et le bois de Boussu.

Après un long duel d’artillerie contre les pièces plus nombreuses de la division Foy, les trois premières sec­tions se rapprochèrent du bois de Boussu, de manière à prendre la chaussée en écharpe. Le brave capitaine Stévenart est tué et une de ses pièces démontée. La place n’étant plus tenable, les cinq pièces restantes prennent une nouvelle position plus près des Quatre-Bras et appuient de leur feu la charge de la brigade van Merlen. Mais les hussards hollandais n° 6, vivement ramenés comme nous l’avons dit, par la cavalerie de Pire, se replient sur nos pièces et entravent leur tir. Les Français, poursuivant les Hollandais, arrivent avec eux au milieu des canons. Paralysés dans leur action, nos artilleurs se défendent, comme ils le peuvent, à l’arme blanche et à coups d’écouvillons. Officiers et soldats sont hachés sur leurs pièces, deux de celles-ci restent aux mains des Français, et lorsqu’un retour offensif des Alliés dégage les trois autres, tous les officiers et servants étaient morts en braves ou griève­ment blessés. Seule la section de Winssinger qui, pendant toute la bataille, avait appuyé de son feu la vaillante infanterie de Nassau, défendit jusqu’au bout avec avantage la lisière du bois de Boussu.

 

Le surlendemain, les Belges se battirent tout aussi héroïquement à Waterloo. Les trois bataillons belges de la division Chassé : 35e chasseurs, lieutenant-colonel Ar-nould; 36e chasseurs, lieutenant-colonel Goethals; 3e de ligne, lieutenant-colonel L’Honneux, lui aussi un ancien du 112e, après avoir escarmouche pendant toute la matinée du côté de Braine-l’Alleud avec les patrouilles françaises, se portèrent en avant pour appuyer la droite de Wellington. Vers 5 heures, au moment des grandes charges de la cavalerie française, ils se formèrent en carrés et subirent sans broncher le choc des escadrons (p.290) français. Vers 7 heures, lors de la fameuse attaque de la Garde impériale, lord Hill fit remplacer ses bataillons épuisés par des troupes hollando-belges, parmi lesquelles figuraient le 35e chasseurs et le groupe d’artillerie du major van der Smissen (batteries Lux et Krahmer). Le rôle de ces troupes fut brillant : le 36e chasseurs prit une part glorieuse à la charge à la baïonnette qui rejeta du plateau les grenadiers français. Le 35e chas­seurs et le 3e de ligne, restés d’abord en seconde ligne, participèrent avec vaillance à l’attaque générale, où tombèrent le capitaine Guyot et le lieutenant Roberti, et qui décida du sort de la bataille. Dans toute cette journée, les fantassins de la division Chassé, bien que, pour la plupart, de récente levée, encadrés, il est vrai, par des vétérans de l’Empire, avaient dépassé l’attente de Wellington. « Dans la position défensive où ils furent placés pendant la première partie de la bataille, ils avaient supporté avec une solidité remar­quable un feu d’artillerie dépassant en intensité celui des plus grandes batailles de l’Empire; lorsqu’ils furent directement abordés par l’avalanche formidable des escadrons français, ils se formèrent en carré avec le sang-froid et la précision d’une vieille troupe; enfin, à l’approche du moment décisif, ils se portèrent en avant avec tout l’élan dont une jeune troupe est susceptible», et le général baron van Rode, ancien officier du 35e chasseurs, écrivait : « les bataillons belges de la division Chassé étaient superbes, bien disciplinés, leur conduite a été irréprochable, étonnante même pour des troupes qui voyaient le feu pour la première fois ».

Plus importante encore fut la part prise à l’échec de la Garde impériale par le groupe d’artillerie belge du major van der Smissen. Les auteurs anglais sont unani­mes à faire l’éloge de l’aide « très efficace et très opportune, prêtée par les artilleurs belges aux 30e et 70e régiments britanniques pour repousser l’attaque des grenadiers français ». Le groupe van der Smissen avait été placé d’une façon si judicieuse et ouvrit un feu si bien dirigé et si décisif que les Français faits prisonniers se plaignaient d’avoir été victimes de « batteries mas­quées ».

 

(p.291) Tandis que les Belges de la division Chassé se couvraient ainsi de gloire à l’aile droite, à l’aile gauche ceux de la brigade de Bylandt se tiraient à leur honneur des plus rudes épreuves. Le 7e bataillon de ligne avait été placé dans l’ordre de bataille à l’Est de la route, vers Papelotte, sur le grand chemin de terre conduisant à Ohain, non loin de l’endroit où se dresse actuellement le monument commémoratif belge. C’était la position la plus exposée de la première ligne, étant la plus rapprochée des Français, au point même où l’Em­pereur avait massé six divisions pour percer le centre britannique. Cette attaque fut longuement préparée par le feu d’une batterie de 80 pièces de gros calibre, placée en avant de la Belle-Alliance. Cette pluie de fer s’abattait sur la brigade hollando-belge de Bylandt, seule exposée à découvert, tandis que les masses anglaises, plus en arrière, étaient abritées par la crête de Mont-Saint-Jean. Pendant deux heures, le 7e de ligne, couché le long du chemin, avec sa compagnie de voltigeurs déployée en tirailleurs, subit une effroyable canonnade. Lorsque l’empereur put croire, comme il l’écrit dans ses Mé­moires, que la seule troupe qu’il voyait devant lui, sur le plateau, était détruite par les boulets et la mitraille, il lança sur la gauche de Wellington trois colonnes fortes chacune de deux divisions. Placée en avant-ligne, comme sur un promontoire, la brigade de Bylandt supporte seule le premier choc. Sous l’avalanche, le bataillon de chasseurs hollandais n° 27 recule de quelques mètres pour se reformer sur la crête. Le 7e de ligne belge reste couché jusqu’au moment où la tête de colonne française est à portée de pistolet, puis, se levant comme un seul homme, il ouvre le feu. Les premiers rangs français commettent la faute de s’arrêter pour y répon­dre. « Nous tirions de si près, écrit le colonel Scheltens, que le capitaine l’Olivier reçut la bourre d’une cartou­che, avec la balle, dans la blessure ». Cet arrêt momen­tané de la colonne française, qui cherche à se déployer au lieu de pousser en avant, permet à Wellington de lancer contre elle la cavalerie de lord Uxbridge. La fameuse charge des Scots Greys et des Inniskilings passe comme un ouragan sur les ailes du 7e de ligne, (p.292) dont quelques hommes sont même bousculés. Le batail­lon, qui a cessé le feu pour laisser passer la cavalerie anglaise, franchit le chemin, se porte en avant et se joint aux régiments de Picton pour exploiter le succès de la charge triomphale d’Uxbridge. Cette vaine tenta­tive pour conquérir le plateau coûtait aux Français les Aigles du 45e et du 105e, 3.000 tués, blessés et prisonniers et de la désorganisation de toute l’artillerie de leur aile droite. Cet échec, auquel le 7e de ligne avait pris une part si importante, fut décisif au point de vue du résultat de la journée. Le brave bataillon retourna pren­dre sa position première, harcelant par le feu de ses tirailleurs le flanc droit des grandes charges de la cavalerie française, et prit part à l’attaque finale.

 

Le soir, au bivouac, 300 hommes à peine répondirent à l’appel : c’était la moitié de l’effectif. Trois semaines plus tard, dans une revue passée au bois de Boulogne, Wellington s’arrêta devant le bataillon et le félicita de sa belle conduite à Waterloo. Ce corps conserva dans le pays et dans l’armée une renommée sans pareille. La ville de Tournai, où il tenait garnison, lui envoya un drapeau d’honneur; le peintre officiel Odevaere le repré­senta à côté des Ecossais au plus fort de l’action. La légende même s’en mêla, on racontait que les soldats du 7e étaient allés délivrer le prince d’Orange enveloppé par les cuirassiers français et que celui-ci, en igné d’admiration, avait attaché sa croix à leur drapeau. Cette légende, reprise par Lamartine dans son Histoire de la Restauration, suffit à prouver qu’à Waterloo le 7e de ligne belge fit plus que son devoir.

La section Winssinger de la batterie belge Stévenart, renforcée d’un obusier, dernier débris des trois autres sections, rendit également de grands services à Waterloo. Rattachée à la brigade de Nassau, elle resta toute la journée sur une éminence en arrière de la Haie-Sainte et contribua par son feu à retarder la conquête par les Français de cette position importante et à les empêcher d’en déboucher.

 

La cavalerie belge se montra à Waterloo digne des autres armes. Les chevau-légers n°5 fortement réduits par leur héroïque charge des Quatre-Bras, servirent pendant (p.293) toute la journée de soutien de batteries, opérèrent dans les intervalles des carrés, prirent part à l’offensive finale et poursuivirent l’ennemi jusqu’à la nuit tombante. Le brave général belge van Merlen, averti par un pressen­timent funeste, doit il avait fait part à ses camarades le matin même de la bataille, fut emporté en pleine victoire par un boulet.

Le régiment des hussards de Croy, devenu hussards, belges n° 8 et les dragons hollandais n° 4, formant brigade avec lui sous les ordres du général Ghigny, furent em­ployés pendant les premières heures de la bataille à empêcher les tirailleurs français et la cavalerie légère de Jacqueminot de prendre pied au bas du plateau, tandis que se déroulait l’attaque de Drouet d’Erlon sur la Haie-Sainte. Après l’échec de cette tentative, la brigade Ghigny reçut l’ordre de se déployer derrière la droite de la ligne de la bataille.

On conserve à Londres, dans une vitrine du palais d’Aspley House, un ordre crayonné en toute hâte, par Wellington au cours de l’action et prescrivant d’envoyer la cavalerie belge pour colmater une brèche dans la ligne de bataille entre les deux routes. C’est ainsi que dès que se dessinèrent les grandes charges de la cava­lerie française sur le centre, nos escadrons s’avancèrent, en colonne serrée, les hussards en tête pour rétablir la première ligne britannique.

 

Après avoir passé entre deux carrés, les hussards débouchent sur les pentes du plateau et s’y heurtent à plusieurs régiments ennemis, notamment aux grenadiers à cheval de la Garde, soutenus par une batterie, qui ouvre sur la tête de colonne un feu de mitraille. En un instant, presque tout le premier escadron, hommes et chevaux, gît dans la poussière. Le général Ghigny et: le colonel Louis Duvivier, le cadet des deux frères montois qui s’étaient couverts de gloire pendant toutes; les campagnes de l’Empire, ont leurs chevaux tués sous; eux. Ce feu terrible provoque un moment de désordre. Ghigny prescrit de faire déboîter le régiment pour le porter en arrière des dragons n° 4, mais cet ordre, donné en néerlandais, est mal compris par les hussards belges,, les escadrons de tête, au lieu de faire à gauche par(p.294) quatre, font demi-tour, se heurtent aux escadrons qui les suivent et les entraînent dans leur marche rétro­grade. Heureusement, avec des chefs aussi expérimentés que Ghigny et Duvivier, le désordre ne pouvait se prolonger; au bout de quelques instants, la colonne est arrêtée, reformée et reportée en avant. Cependant, de­vant l’attaque massive de toute la cavalerie française, les Alliés étaient réduits à la défensive. Les hussards n°8, ayant à leur droite les dragons n°4 et, à leur gauche, les hussards noirs de Brunswick, sont employés à repousser les escadrons français dans les intervalles des carrés et par leurs charges répétées empêchent l’ennemi d’utiliser ses avantages.

A la fin de la journée, nos hussards, réduits à là force d’un faible escadron, se joignirent à la charge de la cavalerie anglaise de Vivian et Vandeleur qui eut raison de la dernière résistance des Français. Fort de 400 hommes, au début de l’action, le régiment avait perdu, d’après les documents officiels, en tués et blessés, 8 officiers, 277 sous-officiers et soldats. Parmi les morts figuraient le major de Villers et le capitaine comte Camille du Chastel de la Howarderie, dont le frère Albéric, capitaine aux chevau-légers n° 5, avait été griève­ment blessé l’avant-veille aux Quatre-Bras.

 

C’est ce régiment, dont les pertes énormes prouvent, mieux que les meilleurs arguments, la part importante dans la lutte, que le pseudo-historien anglais Siborne, repris par le romancier Thackeray dans Vanity Fair, a dépeint comme fuyant le champ de bataille, à toutes brides, et semant la panique jusqu’à Bruxelles. L’histoire à eu raison de ces calomnies et si, un moment, un •ordre donné dans une langue incomprise de la plupart des cavaliers provoqua quelque désordre, il est injuste de parler de fuite. Sans vouloir ouvrir des polémiques, depuis longtemps apaisées, rappelons qu’un seul régi­ment de l’armée alliée fut pris d’une de ces paniques inexplicables, comme on en constate même dans les troupes les plus braves et les plus aguerries… Ce fut le régiment des hussards hanovriens de Cumberland qui, voyant les cuirassiers français prendre pied sur le (p.295) plateau, s’engouffra ventre à terre sur la route de Bruxelles, son colonel von Hacke-Ohr en tête.

 

Le troisième régiment de cavalerie belge engagé à Waterloo était celui des carabiniers n°2; il était com­mandé par le colonel J.B. Debruyn, dont la carrière aventureuse et en grande partie énigmatique a été récemment retracée par M. W. Aerts, attaché au Musée royal de l’Armée. Ce régiment formait brigade, sous les ordres du général Trip, avec les carabiniers hollandais nos 1 et 3. Ces cavaliers, se substituant aux escadrons fatigués de Somerset, chargèrent à plusieurs reprises, avec succès, les cuirassiers de Milhaud et la cavalerie légère de la Garde, lancés en avant pour amorcer la grande attaque de toute la cavalerie française.

Au cours de cette lutte, rapporte le général Renard, passa un incident remarquable : « Un capitaine de cui­rassiers français, se portant en avant de ses lignes, appela un des officiers ennemis en combat singulier. Un de nos Belges se détacha des rangs et répondit à son appel. C’était un officier sortant du 27e chasseurs à cheval français, commandé par notre brave duc d’Arenberg, que les Anglais ont bien connu en Espagne. Les deux antagonistes se blessèrent mutuellement». La présence de trois anciens officiers du 27e chasseurs à cheval dans les cadres de nos carabiniers n°2 nous empêche malheureusement de préciser quel fut le héros de cette lutte inégale contre un adversaire protégé par une cuirasse.

 

Lors des grandes charges contre les carrés, les carabiniers, en déblayant les intervalles, jouèrent un rôle important dans cette lutte héroïque, où, dit Renard, «la première cavalerie du monde, abandonnée à ses seules ressources contre toute une armée en position, trouva son glorieux tombeau ». Ils prirent part à la charge finale, au cours de laquelle fut blessé le lieutenant géné­ral de Collaert, et lancés dans la poursuite ne s’arrêtèrent que vers minuit près de Genappe. Leurs pertes avaient été lourdes : 87 tués, 56 blessés. Le lieutenant J.J. Henry était parmi les morts, le major Maurice de Mercx, frère du lieutenant-colonel commandant des chevau-légers n° 5, le major Bouwens van der Boyen, les capitaines James-Bernard (p.296) de Liedekerke de Pailhe et van der Duyn, l’adjudant-major Anoul, les lieutenants Majoie, Arnould, d’Astier, Charles-Louis de Macar, Louis-Jérôme de Woor de Trixhe, qui sortait des lanciers rouges de la Garde impériale, Delobel, plus tard général au service belge, de Goldstein, Prudent-Joseph de Ladrière, François van der Veken Hacquart, Pierre-Jacques Rodenbach étaient blessés.

 

Cette longue liste suffit à prouver que, quoi qu’en aient dit certains écrivains anglais, désireux de monopo­liser pour leurs compatriotes la gloire de la bataille, les carabiniers belges n° 2 méritèrent largement les vingt croix de l’Ordre militaire de Guillaume attribuées au régiment pour sa belle conduite à Waterloo.

Les chiffres parlent un langage plus sincère que certains historiens. Aux Quatre-Bras, sur 1.313 soldats belges engagés, plus de 200 sont tués ou blessés; à Waterloo, sur un total d’environ 4.000 hommes, les pertes se montent à plus de 800!

 

 

Charles Terlinden, Histoire militaire des Belges, T II, p.281-302, …

 

(p.297) Pourtant le roi Guillaume ne pouvait ignorer que ses sujets du midi étaient capables de faire de bons marins. Il lui aurait suffi de relire les exploits des Gueux de Mer, fondateurs de l’indépendance des Provinces-Unies; il aurait dû se rappeler également que le célèbre navi­gateur « hollandais » Lemaire, qui découvrit, en 1615, entre la Terre de Feu et l’île des Etats, le détroit qui porte son nom, était un Wallon de Tournai.

Presque seul, un Namurois, Paul Crombet, après s’être distingué à la flottille de Boulogne en 1804 et avoir servi comme enseigne de vaisseau dans la marine impé­riale, avait été admis dans la marine des Pays-Bas. Comme nous l’avons dit, Crombet avait gagné la croix de la Légion d’honneur pour avoir, le 8 mars 1814, défendu, pendant plusieurs heures, avec 70 marins, le fort de l’Eau à Berg-op-Zoom, contre une colonne anglaise de 700 à 800 hommes et avoir repris cet ouvrage le lende­main, en enlevant le drapeau du 1″ régiment de la garde écossaise. Lieutenant de vaisseau de 2e classe en 1815, il fut, après plusieurs croisières et un important voyage d’ordre scientifique en Russie, retiré du service de mer en 1828 pour devenir professeur de mathématiques et de navigation à l’Institut Royal de la Marine de Medemblik. Resté fidèle au roi Guillaume après la Révolution, il devint, en 1844, commandant de l’Ecole de Marine, avec rang de capitaine de vaisseau. Mis à la retraite, avec le grade de contre-amiral, en 1850, il rentra en Belgique en 1859 et mourut à Liège en 1861.

Les nombreux passe-droits et les vexations dont les officiers belges étaient victimes avaient dégoûté nombre de ceux-ci de la carrière militaire. Ceux d’entre eux dont la vocation était inébranlable cherchèrent aux Indes néerlandaises, en même temps qu’un dérivatif aux ennuis et aux mesquineries de la vie de garnison, un nouveau théâtre pour leur bravoure et leur activité.

Dès 1815, le bataillon belge de flanqueurs n° 1, fort de 536 hommes, sous les ordres du colonel Schenk, avait fait partie de la « brigade indienne » qui, après avoir participé à la campagne de Belgique, s’embarqua, en (p.298) octobre, pour les Indes orientales. Ce n’était qu’un pre­mier contingent; nombreux furent les Belges qui aidèrent la Hollande à consolider et à étendre son empire colonial.

 

Un Namurois, le chevalier Alfred de la Fontaine, vétéran de l’Empire, porté à l’ordre du jour de l’armée pour sa conduite héroïque à Talavera de la Reyna en 1809 et nommé colonel d’Etat-Major, à la fin des Cent ‘ Jours, pour avoir, en commandant l’arrière-garde de Grouchy, défendu Namur contre les Prussiens, s’em­barqua en 1818, battit le Sultan Aboe-Bakar, farouche ennemi de l’autorité néerlandaise dans l’île de Célèbes et y rétablit l’ordre. En 1819 et 1821, il prit part aux expéditions de Palembamg, dans l’île de Sumatra, devint successivement chef d’Etat-Major du général de Kock, commandant de l’armée coloniale, puis colonel du régi­ment des hussards n° 7, enfin gouverneur de l’île de Banka et mourut, en 1823, âgé de 36 ans à peine.

La soumission de Palembamg n’avait pas mis fin aux difficultés à Sumatra, la région de Padang restait un important centre de rébellion. Une colonne de 6.000 hom­mes, européens et indigènes, y fut envoyée sous les ordres du capitaine Nicolas Goffinet, d’Izel (prov. de Luxembourg), dont nous avons signalé plus haut les exploits en Espagne, où il s’était particulièrement dis­tingué à la prise de Salamanque. A deux reprises, Goffinet battit complètement les insurgés et il achevait la pacification de toute la région, lorsque, blessé dans une embuscade par une flèche empoisonnée, il mourut après six semaines de souffrances. Dans cette rude cam­pagne s’étaient distingués d’autres Belges, parmi lesquels il nous faut citer les frères Joseph et Pierre de Lieser, natifs d’Anvers, le lieutenant d’artillerie van Geen, fils du général dont nous aurons à reparler, le sergent d’Union et le flanqueur Coels.

 

Sur ces entrefaites, les troubles avaient repris dans l’île de Célèbes. Un corps expéditionnaire y fut envoyé sous les ordres du général van Geen. Né à Gand en 1775, et engagé à 15 ans dans l’armée de la Révolution brabançonne, van Geen était devenu, par sa vaillance au cours des guerres de la République et de l’Empire, (p.299) colonel du 126e de ligne. Il s’était particulièrement dis­tingué en Espagne, et, en 1814, avait tenu tête pendant quatre jours, sous les murs de Bayonne, aux forces anglo-espagnoles. Après 1830, il allait rester fidèle au roi de Hollande et combattre ses compatriotes au cours de la campagne des Dix Jours. Van Geen avait sous ses ordres deux autres vétérans de l’Empire : le capitaine de Bast, lui aussi originaire de Gand, ancien officier de la Garde impériale et capitaine au 7e bataillon de Ligne à Waterloo, où sa conduite lui avait valu l’ordre militaire de Guillaume, et Léonard Sollewyn, de Saint-Nicolas, ancien vannier-colporteur, engagé volon­taire, instructeur au 112e de ligne, blessé à Austerlitz, à Raab, à Wagram, à Hanau, promu capitaine sur le champ de bataille de Sweveghem, près de Courtrai, par le lieutenant général Maison, le 1″ janvier 1814, et passé, avec son grade, au service des Pays-Bas, quelques mois plus tard.

 

Van Geen porta ses efforts contre l’Etat de Boni, dont la reine Arae-Datoe était l’âme de la résistance à la domination hollandaise. Le 11 mars 1825, eut lieu, à Mangara, une bataille décisive, dont le succès fut assuré par Sollewyn, commandant de la réserve. Au cours de cette bataille, un maréchal des logis des hussards n° 7, Corneille Lahure, neveu du héros du Helder et de la Trebbia, se distingua particulièrement en sauvant son chef le lieutenant van Leusden entouré par les rebelles. C’était le point de départ d’une carrière magnifique terminée au service belge, comme lieutenant général et aide de camp du Roi. Le capitaine belge Jean-François Bourdon s’empara au cours de cette campagne du fort de Badjoa.

L’année suivante, dans une expédition contre les princi­pautés occidentales de Célèbes, Lahure conquit l’épau-lette de lieutenant en enlevant au cours d’une mêlée acharnée et meurtrière l’étendard du Prophète, emblème sacré d’Alita. Au cours de cette campagne, le capitaine belge, Louis-Charles du Bus, et ses compatriotes le caporal Molle et l’enseigne A.-D. Kluyskens se signalèrent aussi par leurs actions d’éclat.

Ces expéditions à Sumatra et à Célèbes étaient à peine (p.300) terminées qu’éclatait à Java, au cœur même de l’empire colonial des Hollandais, la formidable insurrection fomentée par le prince Dipo Négoro, héros à la fois national et religieux. Cette révolte appelée par ‘les Hollandais la Guerre de Cinq ans, forme l’épisode le plus tragique de leur histoire coloniale. Au cours de cette lutte, menée à la fois contre les hommes et contre le climat, le lieutenant général de Kock n’eut pas de collaborateurs plus vaillants et plus tenaces que les Belges, dont nous avons rappelé les noms plus haut et auxquels se joignirent de nombreux compatriotes. Le lieutenant d’artillerie comte Maximilien-Ghislain de Fick-quelmont, les lieutenants de cavalerie Delattre et Louis de Burbure se couvrirent de gloire dans les opérations autour de Djokjokarta en octobre 1825.

Au cours de la campagne de 1826, particulièrement néfaste pour les Hollandais, le lieutenant Alexis Lahure, frère du héros de Mangara, fut tué; Van Geen subit un sanglant échec à Bedielan, près du mont Parée; Sollewyn fut obligé de se replier de Seralong sur Rrapiak et c’est un autre Belge, le capitaine Edouard Errembault de Dudzeele, qui couvrit la retraite. Sollewyn était, de nouveau, mis en échec à Kdjuvang et à Delangoë, où il était grièvement blessé; le lieutenant-colonel de Bast, contraint lui aussi à une pénible retraite, mourut des fatigues de la campagne. Mais d’autres Belges relevèrent le drapeau : le colonel Cleerens, né à Anvers, ancien officier des armées impériales en Espagne et en Russie et, plus tard, général au service de la Hollande et gou­verneur des îles Moluques, et le major van Ganzen amenèrent, à travers mille difficultés, des colonnes de renforts; le lieutenant comte Bernard-Charles van der Burch, déjà remarqué pour sa bravoure à Waterloo, remporta des succès dans la province de Kédoe; le lieutenant Petit, de Tournai, se distingua également dans divers combats.

La personnalité belge la plus caractéristique de la Guerre de Cinq ans fut incontestablement le Gantois François Delattre, dit le ritmeester Suske, dont la bra­voure était si réputée que chaque fois que Dipo Négoro le savait dans le voisinage, il se confinait dans une stricte (p.301) «défensive. « Beau et fier comme Lasalle, dit Cruyplants, l’historien de la Participation des Belges aux campagnes des Indes orientales néerlandaises, il conduisait, comme Murât, ses hussards à l’ennemi, une cravache à la main. »

 

Nombreux sont les autres Belges dont nous devrions rappeler les exploits dans ces régions lointaines. Les capitaines Anselme Morel de Tangry, Charles-Egide de Munck, Gillon, Mago, Louis-François Lhonneux, André Nothomb, Louis-Eugène de Waha, les lieutenants Charles van Cassel, plus tard lieutenant général au service de la Belgique; comte de Cuypers, Benoît Holvoet, Henri-François Renard, Junius, Moreau, Charles de Fraiture, Joseph Eisenloffel, de Liège, François Alestienne, Gaston Thiry, Bernard-Adrien de Gerlache, Vital Artan, ainsi que les sous-officiers Pierre Erpicum, Georges Gautier. Adolphe Lahure, troisième frère du futur lieutenant général, Hidulphe Longueville se distinguent tous, au cours des campagnes de 1827, de 1828 et de 1829, comme le prouvent leurs nombreuses citations à l’ordre du jour; ils sont parmi les premiers à assurer au général de Kock le triomphe final. L’arrivée d’un corps expéditionnaire, où les Belges étaient particulièrement nombreux, permît l’encerclement méthodique des princes rebelles et l’éta­blissement d’une zone de positions fortifiées, d’où partaient sans cesse des colonnes mobiles.

Le 7 août 1829, se livra à Seralong la bataille décisive. Après une charge conduite par les frères Corneille et Adolphe Lahure, l’ennemi fut dispersé. Puis commença, menée par Delattre et par le lieutenant Jaubert, plus tard colonel du premier régiment belge de lanciers, une poursuite endiablée; Dipo Négoro vaincu, abandonné de tous les princes et sachant sa tête mise à prix, mais non découragé, errait dans les montagnes de Sendoro et échappait, comme par miracle, à toutes les manœuvres tentées pour le capturer. Comprenant finalement que la prolongation de la lutte devenait impossible, il entra en négociations avec le colonel belge Cleerens, et, le 28 mars 1830, au cours d’une entrevue solennelle au quartier-général de Magelang, il faisait sa soumission au lieutenant général de Kock. Cette guerre avait coûté la vie à 160.000 hommes, dont 8.000 Européens et avait (p.302) entraîné une dépense de plus de 25 millions de florins, mais elle assurait à la Hollande, grâce au sang versé par nos compatriotes, la possession, pendant plus d’un siècle, d’un des plus riches empires coloniaux du monde.

 

 1830 : voir le dossier à ce sujet

 

1816-1918 – Moresnet

1816 - Neutral-Moresnet

(in: Der Spiegel, 17, 2017, S.1213-125)

1816 Wo lag Neutral-Moresnet ?

(in: F&A, s.n., 2018, S.26)

1835

la première locomotive en Belgique, appelée "Le Belge"

(Vresse / reconstitution)

 

1841

Lelewel, un grand Polonais de Belgique

(LB, 1985)

 

1860-1865 

1860-1865 - Belgen in de Amerikaanse Burgeroorlog

(Knack, 14/05/2008)

1864 : des belges au Mexique

L'épopée mexicaine de nos compatriotes

(in: LB, 23/11/1993)

1894 - les Belges de la Légion mexicaine à Tacambaro

(Michel Provost, Tacambaro, Les aventures de Remi Tambour, 2011, extraits)

1867

La mystérieuse coupe des élections communales

(Jo Gérard, in: LB, 1970s)

1885

Congo - Des belges contre les trafiquants d'esclaves arabo-musulmans

(Huens)

Sur le Congo belge: voir l’étude fournie sous Belgique > histoire > généralités

1894

La Charte de Quaregnon du P.O.B.

fin du 19e siècle – début du 20e – la contrebande transfrontalière

(LW, 14/12/2017)

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