Europe : conflit Strasbourg – Bruxelles

 

 

STRASBOURG OU BRUXELLES: UN CONFLIT DE SYMBOLES

 

 

Ni Strasbourg ni Bruxelles n’est le centre géographique de l’ Europe. Aucun d’eux ne peut se targuer d’en être ou d’en avoir été le principal pôle d’attraction économique. Le choix actuel d’une de ces deux grandes villes comme capitale politique de la Communauté est renforcé par la détermination d’un symbole. Toutes deux semblent a priori symboliser l’unification européenne mais si Strasbourg devenait effectivement l’élue de nos parlementaires européens, nous nous trouverions devant un grave problème de représentation .

 

En effet, l’amalgame des cultures germanique et romane ne fut pas harmonieux comme on le prétend souvent.  Il s’ est fait au détriment de la culture alsacienne.

Du Saint-Empire germanique qui respectait la diversité des lois et des coutumes locales, ignorant de ce fait l’étatisme centralisateur, les Alsaciens (et les Lorrains) ont connu une période très trouble de 1870 à 1945, méconnue volontairement ou non rien que par les nombreuses sociétés d’ histoire alsaciennes. « C’est le silence, un silence voulu ou imposé; le silence du refoulement », dira Pierri Zind, un des rares historiens spécialistes de cette époque.

Durant cette période, le désir profond de l’Alsace-Lorraine de devenir un état fédéré allemand de plein droit se heurta à l’opposition de la France assimilatrice, et de l’Allemagne, méfiante. Divide ut imperes ! Au lendemain de la première guerre mondiale, le gouvernement français répartit même les Alsaciens-Lorrains en 4 ‘races’… Chacun devait posséder un des 4 modèles de carte d’identité correspondant au degré d’appartenance à la communauté française et alsacienne-lorraine. Des régions furent ainsi divisées, des familles disloquées.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’était reconnu valable que s’il jouait en faveur des intérêts français. Suite au traité de Versailles, des plébiscites d’auto-détermination furent notamment organisés dans les cantons de Sankt Vith, Malmedy et Eupen, dans le Schleswig à la frontière danoise mais pas en Alsace-Lorraine. Impressionné par la politique d’assimilation orchestrée par Georges Clémenceau, Adolf Hitler en personne ne reconnaissait-il pas qu’ il n’aurait pas agi autrement que lui ?

 

Dans l’entre-deux-guerres , on se mit ainsi à débaptiser les rues et les places publiques en les affublant de noms choisis sur la liste des nouveaux vainqueurs ou de traductions stupides . A Strasbourg, ignore-t-on que la rue Knobloch, du nom de la célèbre famille d’imprimeurs strasbourgeois aux XVe et XVIe siècles, est devenue la rue de l’Ail ? Du jour au lendemain, les jeunes Alsaciens-Lorrains durent subir les cours en français alors que, selon le journal socialiste « Die freie Presse » en 1920, pour 90 % d’entre eux, la langue française était complètement étrangère. On eut aussi tôt fait de parachuter de l’intérieur de nombreux fonctionnaires, ignorant l’allemand.  Ces derniers se voyaient attribuer de confortables indemnités de séjour, de logement, de fonction, etc., à l’instar de ce qui se pratiquait pour les fonctionnaires coloniaux d’Afrique ou d’Asie. Au niveau politique, on réalisa le voeu de l’abbé Wetterlé, activiste français en 14-18: “Que l’ Alsace disparaisse pour se transformer en 3 départements qui ne se distingueront en aucune manière des 36 autres . » De même, les évêques de Strasbourg et de Metz condamnèrent ouvertement les revendications ethniques de cette région.

 

Les tribunaux de la république française se sont également mis au service de sa politique nationaliste, cherchant au moyen de verdicts démesurés à extirper jusqu’ à la racine les journaux qui, notamment. refusaient de cautionner le grand mensonge d’une Alsace originellement français . Ne point aimer la France, c’était une faute, un délit justiciable devant un tribunal. Les autorités gouvernementales françaises, leur police spéciale et leurs journalistes nationalistes s’affairaient à fabriquer laborieusement un ‘complot contre la Sûreté de l’Etat’ qui aurait été fomenté par les autonomises mais aucune preuve indubitable ne fut jamais apportée pour justifier la condamnation de leurs principaux dirigeants. Avant l’arrivée des Nazis et leur régime tant abhorré, n’oublions pas enfin la construction de la ligne Maginot. Elle a entraîné une multitude d’expropriations, dont les indemnités furent payées avec beaucoup de retard, et les déplacements des populations villageoises des alentours dans des conditions ignobles.

 

Dans un pays toujours libéré pour être sans cesse opprimé sous la botte de Paris ou de Berlin, dans cette nation interdite où les cultures qui la composent restent sur un pied d’inégalité, Strasbourg ne peut être choisie comme capitale de l’ Europe, qu’en minimisant, voire niant cette histoire douloureuse.  On adopterait alors une position révisionniste, lourde de conséquences. Toute argumentation déformant l’histoire au nom de la raison d’Etat y trouverait son fondement . Elle serait le symbole anti-démocratique de la raison du plus fort sur le faible, l’antichambre d’ une Europe des inégalités.

 

L’Europe du droit à la différence, la seule garante des Droits de l’Homme, se cherche encore une capitale. Peut-elle élire Bruxelles ? Aux confins des deux principaux courants culturels de notre continent, vu l’évolution politique et économique de notre pays, elle semble mériter ce couronnement.

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