Le racisme francophone anti-luxembourgeois en Belgique: histoire et actualités

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1 Analyses

Le racisme francophone au Pays d'Arlon : extraits

Histoire du génocide culturel luxembourgeois en Belgique

 

 extraits de :

Triffaux Jean-Marie, Combats pour la langue dans le pays d’Arlon aux XIXe et XXe siècles, Une minorité oubliée ?, in : Annales de l’Institut

Archéol. du Lux., T. CXXXI-CXXXII, 2000-2001

 

 (p.77) En 1846, la grande majorité de la population du pays d’Arlon (plus de 84 %) parle le luxembourgeois mais une partie d’entre elle connaît  également le français.

 

Evolution de la langue dans l’enseignement

Devant l’accroissement du nombre d’enfants wallons dans les écoles primaires d’Arlon, se pose un réel problème linguistique puisque l’enseignement y est dispensé uniquement en langue allemande, En conséquence, les instituteurs, tous originaires de la région, sont obligés d’introduire progressivement des cours en langue française. Cette évolution est grandement facilitée par le fait que beaucoup d’Arlonais et surtout d’Arlonaises délaissent le patois pour ne plus parler que la langue des nouveaux venus et cela, soit par snobisme, soit par intérêt.

Traditionnellement, les manuels scolaires sont en langue allemande mais depuis 1839, les livres français font timidement leur apparition. On les utilise davantage pour les leçons données en français. Vers le milieu du 19e siècle, le français est devenu une seconde langue dans l’enseignement primaire de la ville.

Godefroid Kurth, né en 1847 à Arlon, fait ses classes en allemand à l’école primaire de la ville haute:

«Naturellement, puisque nous étions tous Allemands, les leçons se donnaient en allemand… Je venais de passer de la troisième classe dans la seconde et, pour la première fois de ma vie, je trouvais dans mes mains un livre de lecture. Un vrai livre de lecture cette fois, et non plus un manuel pour apprendre à lire. Le livre, il est vrai était en français, et nous ne savions que l’allemand mais on commençait cette année l’étude de la langue française et ma soif de lire était si grande qu’au bout d’un an je fus en état de commencer; à très petites journées, un voyage dans mon «Ami des écoliers»… Je me voyais arrêté plus d’une fois dans mes lectures par mon insuffisante connaissance du français. Heureusement, j’avais pour voisin un camarade qui était wallon, et qui m’expliquait volontiers, quand il le pouvait les mots et les tournures qui m’embarrassaient» (Souvenirs de Godefroid Kurth, in : Fernand Neuray, Une grrnde figure nationale : Godefroid Kurth, Bruxelles, 1931, p.20))

 

(p.79) Au niveau de la formation des instituteurs, il n’existe aucune école normale possédant une section allemande. (Une section allemande est créée à l’Ecole normale pour jeunes filles d’Arlon, au début du XX. siècle. En 1931, elle est fermée par manque d’élèves.)

C’est probablement le principal obstacle que rencontre l’enseignement primaire allemand dans le pays d’Arlon au milieu du siècle. Cela s’explique par une méconnaissance à Bruxelles des besoins locaux et le dédain régnant à Arlon envers l’idiome gennanique. Tout le monde préfère apprendre le français plutôt que l’allemand. Mais dans les campagnes où les enfants ne fréquentent plus l’école après le niveau primaire, la carence de bons instituteurs allemands pose de graves problèmes. L’allemand est pour les patoisants une langue étrangère qu’ils doivent apprendre à l’école. C’est la seule solution pour eux car elle est proche du luxembourgeois tandis que le français leur est encore totalement étranger. Le 1er décembre 1846, l’inspecteur provincial de l’enseignement primaire écrit à son ministre:

«La séparation politique de la province et l’espèce d’isolement dans lequel se trouvent les populations allemandes, expliquent à la vérité jusqu’à un certain point le peu d’empressement que montrent les jeunes gens à se fonner aux études qu’exige la carrière de l’enseignement mais je n’hésite pas à dire que cette circonstance est due également à l’absence d’une école nomlale placée à proximité du quartier allemand et dans laquelle on s’occuperait tout particulièrement à fomler des instituteurs pour ce quartier. Je reconnais volontiers que les 25.000 allemands et les 55 instituteurs qui nous restent ne valent pas la peine qu’on crée à leur profit une école normale spéciale…»

(Rapport sur l’état de 1’instruction primaire dans le Luxembourg pendant l’année 1846, par l’inspecteur provincial de l’enseignement primaire Tandel, in Registre des rappolts annuels des inspecteurs provinciaux pour les provinces de Limbourg. Luxembourg et Namur, 1846-1848 (AG.R). )

L’inspecteur Tandel demande tout de même au ministre de remédier à cet état de choses en ouvrant au plus tôt des cours permanents d’allemand à l’école nonnale de Virton. Ce projet ne peut pas rencontrer d’obstacle sérieux et améliorera la condition des patoisants.

 

(p.89) Le déclin du patois germanique

Alors que jadis le français était une simple langue administrative, on le voit devenir petit à petit dans la seconde moitié du XIXe siècle, la langue usuelle de toute la bourgeoisie arlonaise et finalement d’une partie notable du peuple.

Outre l’invasion massive d’ employés wallons, d’ autres facteurs doivent être pris en considération pour expliquer le phénomène.

Pour entreprendre des études secondaires, pour travailler ensuite dans l’ administration, bref pour faire canière, la connaissance de la langue française est devenue indispensable depuis la séparation de 1839. La langue allemande ne mène nulle part dans l’Etat belge. Or, par tradition dans les familles aisées de la campagne, on élève le deuxième des fils et ceux qui suivent, en vue d’occuper des emplois de fonctionnaires. On peut ajouter que parler le français donne pleinement l’impression d’être «Belge», C’est une preuve de patriotisme national aux dépens de la mentalité et de la langue allemandes. Enfin, l’inévitable se produit : des w allons épousent des Arlonaises et des Arlonais épousent des Wallonnes.

Avant l’ arrivée des Wallons, des mariages mixtes ne se produisaient jamais. même dans les villages situés sur la frontière linguistique. Lorsque dans un de ces villages. une fête réunissait des membres des deux communautés, à la moindre bagarre, on voyait Wallons et Allemands se rassembler chacun de son côté. Au fil des ans, tout cela est profondément modifié et le mélange s’opère. Le plus souvent , les enfants issus de mariages mixtes adoptent la langue française.

(p.90) Le français se répand également beaucoup par snobisme. Parler le français pour un Arlonais revient à se présenter comme une personne distinguée appartenant à la bonne société. Le dimanche après-midi, lorsque les Arlonaises se promènent dans la rue, elles s’entretiennent en patois allemand mais quand deux groupes se croisent et échangent des formules de politesse, elles s’expriment toutes en français. Dans un hôtel d’ Arlon, tout le monde parle le patois dans le salon privé mais dans le hall et dans la salle publique de l’établissement, les mêmes personnes utilisent le français entre elles. Dans le train vicinal d’Arlon à Attert, deux locataires de chasse assis côte à côte parlent le français mais lorsqu’ils s’adressent à un paysan assis en face d’eux, ils lui parlent le plus naturellement du monde en patois.

Dans le même ordre d’idées, on préfère acheter un journal en langue française, quitte à devoir tout traduire à la maison pour sa femme et ses enfants. Cela « fait mieux».

Les germanophones de la ville se retirent progressivement de la vie publique avec leur patois pour le réserver uniquement à la maison et à la vie familiale. Cela se fait volontairement et sans aucune contrainte. Il n’existe aucune attitude combative pour protéger sa langue maternelle et se préserver de la romanisation.

On aime la langue française et on dédaigne le dialecte. Ce serait une erreur de chercher dans le chef des autorités belges une politique de «dégermanisation» ou une volonté de tuer le patois allemand. Le vent souffle en faveur de la langue française et les Wallons se font plus nombreux. Ils n’ ont aucun intérêt à apprendre le dialecte local mais les patoisants, eux, ont tout à gagner à connaître le français.

Pendant les années trente et durant la seconde guerre mondiale, certains Arlonais, intéressés, décrivent cette situation de manière excessive. Leurs propos sont à dénoncer et à rejeter. Les écrits du gestapiste Maurice Krier sont de ceux-là :

«Ces fonctionnaires venaient à Arlon dans un but de colonisation dont plus d’un s’est vanté et considéraientles Arlonais et encore plus les habitants des villages environnants, en indigènes de pays conquis… On ne peut d’ailleurs les appeler des Wallons, ils sont et étaient avant tout des fonctionnaires, des employés et des ouvriers belges francophones, sans la moindre tradition populaire… Sous leur influence et par leur volonté disparurentlentementles traditionspopulaires d’Arlon et la langue allemande qui, pour les nouveaux Messieurs, était une langue étrangère, par conséquent de bas étage et de valeur moindre, Elle fut reléguée à l’usage domestique.» (Maurice Krier, La question linguistique dans la régiond ‘Arlon, in : Cahiers de la Communauté Culturelle Wallonne, n°5, mai 1943, p.34)

On remarque que l’auteur, écrivant en 1943 dans les Cahiers de la Communauté culturelle wallonne, veille tout particulièrement à ne pas assimiler les colonisateurs du pays d’Arlon à des Wallons.

Outre ce recul du luxembourgeois dans la région arlonaise, on assiste à son appauvrissement lexical. Les termes français utilisés dans la conversation des patoisants deviennent nombreux . Suite à l’influence romane et probablement au manque de pratique. Les jeunes gens ont de plus en plus de mal à s’exprimer avec leur dialecte et on les voit passer au français en plein milieu de la conversation dès qu’ils rencontrent la moindre difficulté. Parallèlement à cette attitude, leur connaissance du français s’améliore. Alors que par le passé, l’Arlonais s’exprimant en français avait un accent tout à fait caractéristique, celui-ci disparaît peu à peu :

«Alors que jadis la prononciation se distinguait parla force de l’aspiration, la prédominance des sons gutturaux, le ton rude et chantant, ce qui faisait sourire les Wallons, nos jeunes bourgeois prononcent nonmalement et même nos ouvriers francisent en singeant l’accent boulevardier rapporté de la Villette ou d’autres coins populaires de Paris…»

(Alfred Bertrang, Le patois allemand de la région d’Arlon, notes inédites (Institut Archéologique du Luxembourg))

Alfred Bertrang décrit le déclin du patois arlonais, particulièrement parmi les étudiants fréquentant l’athénée royal d’Arlon :

«Vers 1880, les familles bourgeoises délaissent peu à peu lepatois. On commence par ne plus le parler avec les enfants. Déjà à la veille de la guerre, beaucoup de jeunes gens d’origine locale ignoraient l’idiome du cru et se fâchaient quand un professeur leur reprochait de ne plus connaître leur langue ma temelle. Plus d’un protesta en déclarantque sa langue matemelle était le français…

«A l’athénée, nous constatons cette décadence du patois même chez nos campagnards. Que de mots, que j’ai appris dans mon enfance à Arlon, en ville par conséquent, sont inconnus (p.92)

des jeunes villageois. Leur vocabulaire se restreint de plus en plus. Le séjour des jeunesgens en ville contribue largement à cet appauvrissement . Ils partent de chez eux à six ou sept heures du matin suivent de 8 à 12h, et de 14 à 16h, des cours tous faits en français. Pendant la récréation et au réfectoire à midi, on leur interdit l’usage du patois. Ils rentrent à la maison vers 5 ou 6 heures pour s’y occuper de leurs tâches à domicile. Ils ne sont donc presque pas en contact avecles leurs. Ils vivent pour ainsi dire à l’écart dela communauté villageoise. Quoi d’étonnant que loin d’enrichirleur connaissance de la langue maternelle, ils désaprennentleur dialecte. Il en va de même de leur connaissance de l’allemand littéraire. Soumis à une étude intensive du français à l’athénée, n’ayant que trois malheureuses leçons d’allemand par semaine, tous les autres cours se faisant en français, comment voulez-vous qu’ils puissent s’exprimer librement en allemand ? A leur entrée à l’athénée, leur vocabulaire était plus

ou moins en rapport avec leurs connaissances. Au fur et à mesure qu’ils avancent, ils acquièrent de nouvelles notions en histoire. en géographie, en ma théma tiques, en sciences naturelles, en religion en morale et que sais-je encore, qu’il leur est impossible de faire valoir au moyen de la langue allemande puisqu’ils n’ontappris ces notions qu’en français ; de sorte que leur facilité d’élocution en allemand s’en trouve réduite et que proportionnellement ils connaissent moins d’allemand en sortant de l’athénée qu’au moment deleur entrée en septième.

«Malgré cette éducation purement française, la majeure partie de nos jeunes gens de la campagne ne possèdent le français qu’imparfaitement, le manient gauchement et lourdement, se trouveront longtemps dans une réelle infériorité. Ce sont des hybrides connaissant malle français et plus mal encore l’allemand et leur langue maternelle, des déshérités, comme a été

forcé de le reconnaître un directeur pourtant hostile à une meilleure organisation des cours d’allemand.»

 

La langue utilisée par le clergé

Si la langue française ne cesse de gagner du terrain et si le nombre de bilingues est continuellement en hausse, l’idiome germanique reste tout de même la langue utilisée familièrement (p.93) à Arlon. Dans les campagnes. le luxembourgeois enregistre un recul beaucoup moins important car l’Eglise veille.

Depuis 1823. un bref de Pie VII réunit les communes des arrondissements de Luxembourg. Neufchâteau et Diekirch au diocèse de Namur. La séparation de 1839 ne change rien pour les cantons d’Arlon et de Messancy tandis que le Grand-Duché est détaché de l’ évêché de Namur pour être érigé en vicariat apostolique.

Les membres du clergé sont en général originaires de la région où ils sont nommés. Il n’y a donc pas de problème au niveau linguistique. Les curés du pays parlent tous l’idiome germanique et la langue allemande. La plupart des lettres pastorales et des mandements de l’évêque leur parviennent en langue allemande. Les textes sont d’ abord envoyés en français à Arlon où ils sont traduits en bon allemand, puis imprimés et distribués dans les paroisses pour être lus en chaire, le dimanche à la messe.

L’impression de ces documents ne peut se faire directement à Namur, car on ne trouve pas dans cette ville d’imprimerie utilisant des caractères gothiques.

Le mandement en langue allemande le plus ancien que nous avons découvert dans les archives de l’évêché de Namur date du 5 janvier 1837. Il s’agit d’un mandement de Mgr Dehesselle sur la nécessité des bonnes oeuvres et sur la manière dont elles doivent être faites. Il sort des presses de l’imprimerie arlonaise Pierre-André Brück.

Lettres pastorales et mandements de l’évêque de Namur, en allemand, sont maintenus durant tout le XIXe siècle, spécialement pour le pays d’ Arlon, Ils se font pourtant de plus en plus rares. On peut supposer que les curés se contentent des textes en français et les traduisent dans les villages où l’allemand est nécessaire pour se faire comprendre des fidèles. Vers 1880, les quelques textes traduits en allemand chaque année proviennent de l’imprimerie Saint-Paul de Luxembourg.

Avec la consécration épiscopale de Mgr Heylen en 1889, la traduction quasi systématique des lettres en langue allemande reprend pour le pays d’ Arlon, Elle est interrompue de 1913 à 1919, époque durant laquelle Arlon ne reçoit que des textes français, L’ évêché ne veut pas appuyer ou encourager une politique de germanisation entamée par l’occupant. Après la guerre, on en (p.95) revient au système antérieur et la toute demière lettre pastorale en langue allemande, rédigée par Mgr Charue, date du 27 janvier 1950.

A la messe, le sermon du curé et les prières se font en allemand. De la même manière, le catéchisme est enseigné également en allemand. Les curés ont recours à la bible allemande de Schmitt et au catéchisme allemand de Scouville. Dans les relations journalières avec leurs paroissiens, ils utilisent naturellement le patois. La langue maternelle et l’allemand sont les meilleurs garants de la religion, quand bien même les paysans ne comprennent pas toujours les prières qu’ils récitent machinalement ou la signification des lettres pastorales.

Afin de faire face à l’arrivée de nombreux Wallons dans les communes d’Aubange et d’ Arlon. les curés sont bien obligés de recourir à la langue française. Ils utilisent la bible et le catéchisme de l’abbé Martin de Noirlieu. Le français s’introduit progressivement dans la vie religieuse.

Avec l’évolution, les recrues allemandes du clergé commencent à faire défaut. tout comme les instituteurs dans l’enseignement. Il faut demander aux prêtres d’apprendre l’allemand et l’idiome local.

«Vous êtes insuffisamment versés dans la langue allemande.  Ceux qui seront convoqués à vos conférences rurales ne sont pas des érudits: ce sont de braves ouvriers et cultivateurs. Il vous suffira d’étudier davantage cette langue, tout en vous appliquant à rester bien à la portée de l’auditoire, au besoin en empruntant 1’idiome populaire. Vous vous exercerez à ce genre de conférences, simples et d’autant plus fructueuses.»

 

Les langues dans la presse

Tous les journaux édités à Arlon depus 1831 sont en langue française. Il faut attendre 1859 pour voir paraître pendant deux années l’Arloner Zeitung, un petit hebdomadaire catholique. De 1872 à 1876, il y a encore Der Alte Ackersman, de tendance chrétienne et à périodicité variable. Mais le premier journal en langue (p.96) allemande ayant une certaine importance est Die Wahrheit un mensuel libéral fondé par le ministre Victor Tesch, originaire de Messancy. Il paraît de 1876 à 1889. Les libéraux ont réussi à voler aux catholiques une de leur meilleure arme : la langue allemande.

Ceux-ci la reprennent rapidement en main avec la création du mensuel Der Katholik, qui paraît de 1879 à 1887 En 1887. Der Katholik, qui subsiste difficilement. cède la place à un hebdomadaire d’informations locales, le Deutsche Arloner Zeitung. Ce sont les frères Willems, originaires d’Aubel et installés depuis peu à Arlon, qui le fondent C’est la seule feuille allemande qui parvient à se maintenir pendant plusieurs décennies.

L’Arloner Zeitung publie quatre pages d’un caractère typographique très dense. Il n’offre d’intérêt que pour les agriculteurs des villages et adapte ses rubriques aux exigences de sa clientèle. Les annonces, les faits divers, le résumé de conférences agronomiques, les relevés de l’ activité de l’ abattoir communal et la mercuriale des grains en constituent les éléments. Quelques années après sa fondation, il est déjà en difficulté.

Tous les quotidiens arlonais sont édités en langue française et on peut observer que l’allemand littéraire ne réussit jamais à s’imposer dans le monde de la presse régionale. La population

lit essentiellement les organes catholiques et libéraux tels L’Echo du Luxembourg (bihebdomadaire libéral devenu quotidien, de 1836 à 1920), Le Journal d’Arlon et de la province de Luxembourg (bi-hebdomadaire libéral, de 1848 à 1850), L’Indépendant du Luxembourg(quotidien catholique, de 1848 à 1863), La Voix du Luxembourg(quotidien catholique, de 1863 à 1888), L’Indépendant du Luxembourg (hebdomadaire neutre, de 1865 à 1893), Le Luxembourg (quotidien catholique, de 1888 à 1884), L’Avenir du Luxembourg (quotidien catholique fondé en 1893, qui paraît toujours actuellement), Les Nouvelles (quotidien libéral, de 1914 à 1960), Le Journal d’Arlon (hebdomadaire libéral, de 1921 à 1939).

Toute cette presse arlonaise n’ exclut pas les publicités occasionnelles en allemand. De même, à l’approche des élections, les appels en langue allemande se multiplient y compris dans

les organes libéraux.

 

(p.103) (Recensements) Ce tableau présente les données linguistiques en chiffres absolus et en pourcentages pour toutes les communes de l’ arrondissement d’Arlon et deux communes de l’arrondissement de Bastogne (Fauvillers et Tintange). Précisons qu’Athus est séparé de la commune d’Aubange et érigé en commune distincte en 1878. De même, Sélange est détaché de la commune de Messancy en 1889. Ajoutons que le recensement général de la population au 31 décembre 1866 est le seul qui demande aux gens s’ils parlent le luxembourgeois. Le bulletin à remplir par chaque ménage donne le choix entre trois possibilités : français ou wallon, néerlandais ou flamand, allemand ou luxembourgeois. Les personnes parlant le flamand ou aucune des trois langues nationales ne sont pas reprises dans le tableau.

La comparaison des résultats des deux recensements montre que la proportion d’habitants connaissant le français dans la ville d’Arlon passe de 59 % en 1866 à 70 % en 1890, et pour l’ensemble des communes, de 34 % à 55 %. Ceux connaissant l’allemand passent de 85 % en 1866 à 77 % en 1890 à Arlon et de 86 % à 82 % dans l’ensemble des communes.

Pour Alfred Bertrang, les chiffres des recensements décennaux sont sujets à caution. A la question «quelle langue parlez-vous habituellement ?», Bertrang pense que nombre de citoyens ont hésité à mentionner le patois comme de l’allemand et ont donc indiqué le français.

On peut raisonnablement en douter pour cette période car la plupart des Arlonais considèrent que leur patois est un dialecte allemand et ont l’habitude qu’ on les appelle «des Allemands».

Enfin. il n’existe aucune hostilité envers l’ Allemagne qui ne s’intéresse d’ ailleurs jamais à cette région au XIXe siècle.

Cela n’enlève rien au fait que la population autochtone parle encore de préférence son dialecte francique mosellan dans les relations de famille et d’ amitié. Le déclin du patois est amorcé.

Quant à l’allemand littéraire, il est la langue d’ enseignement dans toutes les écoles du niveau primaire en dehors d’ Arlon et le clergé l’utilise encore largement Mais le bilinguisme est en passe de triompher.

 

(p.120-123) Godefroid KURTH (1847-1916)

Godefroid Kurth est né dans une maison de la Grand-Rue d’ Arlon, à l’ ombre de l’ église Saint-Martin, le 11 mai 1847, Ancien militaire originaire de Cologne, son père exerçait la fonction de commissaire de police dans le nouveau chef-lieu de la province de Luxembourg. Il meurt en1850 etsafemme,Jeanne Erpelding, s’installe rue de Mersch (aujourd’hui : rue Godefroid Kurth), où la culture d’un potager, l’ élevage d’une vache et la location de deux pièces à un pensionnaire, permettent à la famille de joindre les deux bouts.

L’ allemand est la langue maternelle de Godefroid Kurth.

C’est seulement à l’âge de 8 ans qu’il commence à apprendre le français à l’école primaire de la ville haute. Fils de bourgeois et d’ ouvriers, Arlonais de souche, Wallons et Allemands y sont mélangés. « Kurth est un Allemand instruit et élevé en français », écrit son ami Fernand Neuray.

L’enfant est doué. A 11 ans, il entre à l’athénée et entame un brillant parcours. Dans toutes les branches, ses succès scolaires sont impressionnants. En 3e gréco-latine, le collégien signe un poème intitulé «Paul et Virginie », qui est couronné par la classe des Beaux-Arts de l’Académie de Belgique. Deux ans plus tard, au concours général entre les athénées du royaume, Godefroid Kurth obtient chose remarquable, trois premiers prix (composition française, histoire, latin). Au total des points, il apparaît comme le meilleur étudiant de Belgique et la population arlonaise est à la gare,le 27 septembre 1865, pour l’ acclamer à son retour de la capitale où le roi Léopold Ier et le duc de Brabant ont présidé la cérémonie de distribution des prix.

Kurth entre à l’Ecole Normale des Humanités, annexée à l’université de Liège, et y fait des études de lettres. Son coeur balance entre la poésie et l’histoire. C’ est cette dernière qui l’emporte. Il débute sa carrière professorale à l’athénée de Liège. Le 7 juin 1872, il obtient le titre de docteur spécial en sciences historiques à l’université de Liège, après avoir défendu avec brio des thèses sur Caton l’ Ancien et sur l’histoire politique des ducs de Bourgogne. A la rentrée académique, l’université de Liège lui confie la chaire d’histoire du Moyen Age et d’histoire de littérature moderne.

Dans l’enseignement universitaire, Godefroid Kurth va faire oeuvre de pionnier. Non seulement, il instaure des cours novateurs comme l’ épigraphie ou l’ archéologie mais il crée le premier séminaire de recherche historique tel qu’il a pu le voir fonctionner en Allemagne. Toutes les universités belges lui emboîtent le pas. Kurth a réussi à donner une impulsion des plus bénéfiques pour la critique historique et l’ épanouissement d’une l’ école historique belge.

En 1874, il épouse Eva Lavaux, fille d’un industriel de Saint-Léger. La jeune femme apprend le latin et le grec pour aider son mari dans ses travaux et l’ accompagne dans ses voyages et ses randonnées scientifiques.  Godefroid Kurth laisse une oeuvre diversifiée. Parmi ses principaux ouvrages : Les origines de la civilisation moderne (1886), Histoire poétique des Mérovingiens (1893), Clovis (1896), La frontière linguistique en Belgique et dans le nord de la France (1895-97), L’Eglise aux tournants de l’histoire (1900), Notger de Liège (1905), La cité de Liège au Moyen Age (1910), La nationalité belge (1913).

Dès sa plus tendre enfance, Godefroid Kurth se signale par son fervent catholicisme, Il se considère comme un enfant de l’Eglise, persuadé d’être né dans une maison érigée sur l’emplacement de l’ ancienne église médiévale  (p.123) Sainte-catherine qui s’élevait jadis dans la rue Basse d’Arlon. A l’université, son cléricalisme marqué ne lui vaut pas que des amitiés et plus d’un le juge inapte à enseigner. En pleine guerre scolaire. il frôle la destitution lorsqu’il prend nettement position, en 1879, contre le gouvernement libéral qui veut déchristianiser l’école en Belgique. En 1893, en pleine explosion de la question sociale, il se rallie publiquement à la démocratie chrétienne par une lettre adressée à l’abbé Pottier, ce qui lui vaut l’inimitié de la frange conservatrice du parti catholique.

L’historien qui n’hésite pas à haranguer des milliers d’ ouvriers chrétiens à Charleroi devient une personnalité de premier plan en Belgique. A la même époque, il crée le Deutscher Verein afin de défendre et promouvoir la langue allemande en Belgique.

En 1906, ce professeur à la réputation internationale obtient l’éméritat et s’établit à Assche, aux portes de Bruxelles. Le gouvernement le nomme directeur de l’Institut historique belge de Rome, un titre qui s’ajoute à ceux de membre de l’Académie royale de Belgique, de la

Commission royale d’Histoire, ou encore docteur honoris causa de l’université de Louvain.

Grand admirateur de l’ Allemagne et de la culture germanique, Kurth est surpris par l’invasion allemande de 1914. Les atrocités commises en territoire belge par les armées du Keiser le perturbent au point de le briser. Il s’ éteint à Assche, le 4 janvier 1916. après avoir signé un violent réquisitoire qui paraît après-guerre : Le Guet-Apens prussien en Belgique (1919). Le 25 septembre 1921, ses cendres sont transférées au cimetière de Frassem (Arlon) lors d’une imposante cérémonie présidée par le cardinal Mercier.

 

(p.125) Les principales revendications du Deutscher Verein

Dans l’ enseignement

Quand ils sont chez eux, les enfants du pays d’Arlon parlent exclusivement le patois. Lorsqu’ils entrent à l’ école primaire, libre ou officielle, ils reçoivent un enseignement de base en français, Kurth le déplore vivement mais ses justifications sont ambiguës, D’une part, il affirme que la transition est tellement brutale que les enfants ne comprennent rien ou presque à ce qui leur est enseigné. D’ autre part, il déclare que les écoliers sont alors soumis à l’influence malsaine de brochures immorales que des librairies parisiennes répandent à profusion dans le sud de la Belgique. De cette dernière plainte, on peut déduire que les jeunes Arlonais savent lire et comprennent le français, ce qui est en contradiction avec son premier argument.

Dans les villages, les résultats sont encore plus désastreux, nous dit Kurth. L’ enseignement de base se donne d’ abord en allemand et en français durant les dernières années. Les quelques notions d’ allemand sont aussitôt oubliées et celles de français se réduisent à très peu. Les enfants quittent l’école à 11 ans sans connaître aucune des deux langues. S’ils arrêtent là leurs études, ils reprennent chez eux l’utilisation exclusive du patois et tout est perdu.

Dans un cas comme dans l’ autre, il est impossible de leur enseigner les principes de la religion ou de la morale par la parole ou les écrits allemands. De plus, les Belges de langue allemande ne sortent pas de l’ enseignernent primaire avec les mêmes chances que les autres Belges. Kurth juge cette situation contraire à la constitution déclarant que tous les Belges sont égaux devant la loi. En conclusion, les Belges germanophones sont condamnés à «passer leur vie en tière à creuser des sillons, à faire inconsciemment le geste auguste du semeur: parle fait même de cette éducation défectueuse, tout horizon intellectuel leur est fermé sans retour.»

La solution préconisée par le Deutscher Verein est l’instauration de l’ allemand comme langue véhiculaire officielle dans (p.126) l’ enseignement primaire des régions allemandes de Belgique.  Mais là, nouvelle contradiction puisque Kurth affirme également ne pas combattre le français et vouloir le bilinguisme dans l’ enseignement.

A l’ administration communale d’ Arlon, il n’ est pas question d’ accepter l’ élimination du fIançais ou la prépondérance de l’allemand, Paul Reuter, échevin de l’Instruction publique, ne nie pas pour autant l’insuffisance relative de l’enseignement de la langue allemande. En 1899, dans une lettre destinée à l’inspecteur des écoles de.l’enseignement primaire, il l’explique de deux manières.

La première raison est que les écoles reçoivent une propor tion considérable d’ enfants d’origine wallonne (enfants de fonctionnaires, d’employés et d’ouvriers des ateliers du chemin de fer). Ces élèves n’ont, en arrivant, aucune notion d’allemand et se trouvent néanmoins appelés à concourir avec des condisciples ayant déjà suivi des cours d’allemand depuis plusieurs années. L’ organisation des classes au niveau primaire ne permettant pas une subdivision qui n’est d’ ailleurs pas souhaitable, l’ensemble des élèves est placé dans de mauvaises conditions pour l’étude de l’ allemand, la présence des W allons compliquant sérieusement l’exécution du programme.

La seconde raison est l’éloignement du patois par rapport à la langue allemande. Sur ce point les propos de Reuter sont excessifs:

«On aurait tort de croire que la connaissance et la pratique du patois allemand qui estl’idiome local, constituent une facilité pour l’étude de la langue allemande, Le contraire parait démontré. En effet, notre patois n’admet ni les déclinaisons, ni la grande majorité des terminaisons de l’allemand littéraire : aussi, la plupart des élèves originaires d’Arlon ont-ils grand mal à s’assimiler les règles premières de la déclinaison et de la conjugaison allemandes. C’est dans ce double ordre d’idées qu’il faut voir, monsieurl’inspecteur,la raison des critiques dirigées contre l’enseignement del’allemand dans nos écoles. Je n’ai pas besoin d’ajouter que nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour remédier à cette cause d’infériorité.» (Lettre de Paul Reuter. échevin de l’Instruction publique d’Arlon. à l’inspecteur principal de l’enseignement primaire Domaine Arlon. le 16 août 1899)

 (p.127) De toute façon, l’instauration de l’allemand comme langue véhiculaire dans l’enseignement primaire se heurte à un obstacle de taille : le manque d’instituteurs capables d’enseigner convenablement l’ allemand. En effet, il n’existe pas de sections allemandes dans les écoles normales de la province de Luxembourg. Et on voit les élèves instituteurs revenir de l’école normale en ayant perdu leurs notions d’ allemand et la pratique de leur langue matemelle, Dans sa brochure intitulée «Allemands de Belgique», René Henry dénonce le fait :

«Il y a quelques semaines à Habergy, commune allemande, cinq candidats se disputaient la place d’instituteur. Les concurrents obtinrent de trois à cinq points sur vingt pour la langue allemande ! A Arlon, ville essentiellement allemande, on a adopté le français comme langue véhiculaire dans l’enseignement élémentaire et plusieurs classes sont dirigées par des maîtres ne connaissant que le français. Comment peuvent-ils s’entretenir avec les élèves qui comprennent seulement le patois allemand ? L’administration conmmunale a soin d’ailleurs de fermer impitoyablement ses écoles aux jeunes instituteurs allemands sortant d’une école normale agréée.» (René HENRY Allemands de Belgique, op. cit. p, 11)

Grâce aux parlementaires catholiques du Luxembourg, le Deutscher Verein intervient auprès des chambres et du Gouvernement afin de modifier la situation dans l’enseignement. En 1897, le docteur Winand Heynen, quoique député du Luxembourg wallon, intervient auprès de Schollaert, ministre catho1ique de l’Instruction publique, afin d’obtenir que l’ allemand devienne la langue de base dans les écoles de l’enseignement primaire des régions germanophones. Cela lui est promis mais le manque d’enseignants capables de donner cours en allemand ne permet pas la réalisation de ce projet . Des demandes régulières afin que les écoles normales d’Arlon et de Verviers créent des sections allemandes pour la formation des instituteurs et des institutrices se destinant à enseigner en pays allemand n’ont pas plus d’écho.

Le Deutscher Verein tente alors d’ organiser lui-même des cours d’allemand gratuits pour les instituteurs et met sur pied une formation le samedi après-midi à Arlon et à Messancy. Mais ce (p.128) projet avorte car, le 19 septembre 1900, le ministre fait savoir qu’il était pleinement d’ accord mais que trop d’enseignants ne le sont pas et que la plupart des communes concernées ont refusé de leur donner congé le sarnedi après-midi. Cette tentative résulte pourtant d’une pétition signée par 55 enseignants. S’ agissait-il des enseignants déjà membres du Verein ? Les véritables intéressés ont-il manqué d’intérêt pour l’ offre qui leur était faite ou les a-t-on découragés de suivre cette formation supplémentaire ?

Le Deutscher Verein revendique encore l’ organisation à l’ athénée royal d’Arlon d’un régime allemand similaire au régime flamand dans les régions flamandes. Il propose notamment de consacrer suffisamment d’heures à l’ étude de l’ allemand dans les classes du degré inférieur pour pouvoir faire de l’ allemand la première langue durantles trois dernières années du cycle supérieur. Cela pourrait facilement se faire aux dépens du grec mais aucune suite n’ est réservée à cette proposition.

Chaque fois qu’une décision doit être prise au niveau national en matière d’enseignement, le Deutscher Verein se manifeste sans grand succès tant auprès du ministre qu’ auprès des

Chambres. choisi parmi d’ autres, l’ exemple qui suit date du 11 mars 1910 :

«Messieurs,

«A l’occasion de la discussion prochaine du projet de loi sur l’emploi du flamand dans l’enseignement moyen nous venons vousprier. au nom du « Deutscher Verein» de bien vouloir rendre justice aux Belges de langue allemande en votant, quelle que soitla solution qui intervienne, un article additionnel ainsi conçu :

« Les prescriptions de la présente loi sont également applicables à la langue allemande dans la partie allemande du pays, arrondissements d’Arlon de Bastogne et de Verviers.»

«Confiant dans votre esprit de justice, nous vous prions, Messieurs, d’agréer l’hommage de nos sentiments respectueux.

« Au nom du Deutscher Verein :

« Le secrétaire : N. Warker – Le 1er  vice-président : N. Lecler.»

(Jahrbuch des Deutschen Vereins. Arel, 1902, pp. 17-18)

 

(p.129) Donnez-nous des fonctionnaires de langue allemande !

Le problème le plus épineux et le plus important pour le Deutscher Verein concerne la nomination des fonctionnaires. C’ est lui qui fait l’ objet du plus grand nombre d’interventions et peut-être du plus de résultats quoique impossibles à mesurer.

Le Deutscher Verein demande que «l’on confie les fonctions exigeant des relations fréquentes avec le public à des personnes capables de s’exprimer en langue allemande» car la grande majorité de la population connaît l’allemand seul, les autres ayant une connaissance très imparfaite du français. Une démarche auprès du ministre des Chemins de Fer, des Postes et Télégraphes porte ses fruits. Jules Vandenpeereboom promet formellement de ne nommer aux postes supposant des rapports entre les agents et le public en pays allemand que des candidats parlant la langue du pays. Cependant l’administration est réduite à donner la préférence aux candidats allemands pour autant qu’il s’en présente. Mais après le départ de Vandenpeereboom, en 1899, cette mesure qui touche essentiellement les guichetiers et

 les gardes-convois, est abandonnée, ce qui vaut une lettre du Deutscher Verein au nouveau ministre Julien Liebaert, le 12 septembre 1900, avec une revendication supplémentaire :

 «De plus, dans bon nombre de gares, de postes et le long des  lignes de chemin de fer dans notre partie allemande, les avis concernant le public qui souvent ne connaît que sa langue ma-

 temelle, ne son t qu’en français et en flamand, ou en français seulement. Pour que ces avis aient leur entière utilité, il faudrait qu’ils fussent rédigés en langue allemande.»

(Jahrbuch des Deutschen Vereinis, Arel, 1902, p.11)

Les choses n’évoluant guère à Bruxelles, le Deutscher Verein envoie une nouvelle pétition aux Chambres le 31 octobre 1902. Il y est demandé au ministre des Chemins de Fer de reprendre la tradition de son prédécesseur et aux ministres de la Justice et de la Guerre d’ agir de la même manière envers leurs fonctionnaires.

Le 17 décembre, le rapporteur Colfs déclare à ses collègues députés :

«Les pétitionnaires affirment que le nombre des fonctionnaires ignorant complètement la langue de leur population (p.130) augmente constamment et les renseignements que nous avons pris auprès de personnes dignes de foi confirment leurs affirmations.

«Cet état de choses est extrêmement dangereux, particulièrement en ce qui concerne les magistrats etles gendarmes. L’honneur ou la liberté d’un citoyen peuvent dépendre de l’interprétation d’un mot ou de la rédaction d’un procès-verbal, et les erreurs d’appréciation, les interprétations erronées sont faciles entre des personnes qui ne comprennent pas la langue de leur interlocuteur.» (Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, Séance du 17 décembre 1902, p.268)

Le comte de Limburg-Stirum appuie de tout son poids les pétitionnaires et conclut lors de la séance de la Chambre du 6 février 1903 :

« Je le répète, tous nous avons été unanimes ou presque à rendre aux populations flamandes la justice qui leur était due. Dans ces conditions, j’espère que, dans la limite où une moindre importance de la population peut-être l’exige, que vous serez aussi unanimes à rendre justice aux populations allemandes de Belgique et à appuyer la pétition auprès de MM. les ministres auxquels elle est renvoyée.» (Annales Parlementaires, Chambre des Représentants, Séance du 6 février 1903, p.437)

Dans le courant de l’ année 1903,les inscriptions sur les quais des gares du pays d’ Arlon sont indiquées dans les deux langues et un certain nombre de candidats douaniers et gendarmes originaires de la région sont nommés à ces fonctions. Malgré ses succès, l’ association allemande doit constamment maintenir la pression sur les pouvoirs publics afin que l’administration continue une politique allant dans le même sens. Rien n’est acquis et rien ne se fait automatiquement Les résultats s’ obtiennent à coup de pétitions, de protestations et de campagnes dans la presse. Citons encore un extrait de lettre du Deutscher Verein au ministre de la Guerre le 28 novembre 1911 :

«Les usines d’Athus et de Rodange ont été considérablement agrandies cette année-ci. Il y a, de ce chef, un accroissement d’un millier d’ouvriers qui s’établissent tous à Athus, même ceux de Rodange, parce que la vie est moins chère en Belgique que dans le Grand-Duché. Or cette population ouvrière est en majeure partie composée de gens venant du fond de l’Allemagne qui ne (p.131) comprennent pas un mot de français. Comme ce ne sont pas toujours des sujets de choix, il arrive presque journellement des rixes et des batailles dans lesquelles la  gendarmerie doit intervenir.

 «La brigade d’Athus est composée de sis hommes, dont deux Allemands et quatre Wallons. Dorénavant c’est insuffisant pour la langue allemande. Pour que le service soit bien fait, il faudrait surtout que le commandant connût parfaitement le français et l’allemand pour prendre connaissance des faits et pour la rédaction des procès-verbaux.» (Jahrbuch des Deutschen Vereins, Arel,  1912, p.17-18)

Godefroid Kurth préconise encore le déplacement vers les régions germanophones de tous les fonctionnaires allemands originaires du pays que l’Etat a envoyés loin en Wallonie ou en Flandre en raison de leurs aptitudes linguistiques.

 

La traduction des actes officiels

Un autre cheval de bataille du Deutscher Verein est la traduction des actes officiels en langue allemande. En effet, l’article 2  de la loi du 19 septembre 1831 prévoit que les lois sont insérées au Bulletin 0fficie1 aussitôt après leur promulgation, avec une traduction flamande ou allemande pour les communes où l’ on parle ces langues. Cette disposition légale n’ a jamais été abrogée et pourtant elle n’est plus appliquée depuis 1840, c’est-à-dire depuis la cession effective du Grand-Duché de Luxembourg au Roi des Pays-Bas. Apparemment on s’est persuadé à cette époque qu’il n’ existe plus de régions allemandes en Belgique.

Godefroid Kurth demande que cet article tombé en désuétude soit à nouveau appliqué.

En 1896, le comte de Limburg-Stirum, Alphonse Nothomb, Camille Ozeray et Georges Lorand, tous quatre députés, demandent à la chambre que l’allemand soit désormais mis sur pied d’égalité, au point de vue administratif, avec le flamand, afin d’ avoir à l’ avenir une version allemande officielle de chaque texte de loi. A ce moment, on discute les projets de loi relatifs à l’emploi de la langue flamande dans les publications officielles.

Lorand, député libéral de l’ arrondissement de Virton, dépose un amendement en faveur de l’aIlemand et c’ est bien la seule fois que des libéraux apportent de l’eau au moulin des Luxembourgeois (p.132) allemands et du comte de Limburg-Stirum. Le rapporteur de la commission, Van Cauwenbergh, propose un travail législatif totalement bilingue. La discussion sur les articles du projet ou de la proposition de loi s’ouvrirait tant sur le texte français que sur le texte flamand, L’un des secrétaires donnerait lecture du texte français et un autre secrétaire lirait le texte flamand, etc. En fait, il n’y aurait pas deux lois, une française et une flamande, mais une seule loi, qui serait bilingue. Van Cauwenbergh, député catholique flamand, ne veut pas de l’allemand qui complique une situation suffisamme)  délicate :

« Je voudrais bien me rallier à l’amendement de M, Lorand, mais je crains qu’il ait pour effet de rendre la procédure non pas diffici1e, mais tout simplement impossible, parce qu’il n ‘y pas un assez grand nombre de membres de la Chambre qui comprennentla langue allemande…

« Les habitants parlant allemand dans notre pays se trouvent dans un seul arrondissement qui est représenté ici par un seul député. Maintenant, pourfaire rédigerles rapports en allemand

pour faire la lecture des textes en allemand il n’y a pas assez de membres de la Chambre des Représentants qui soient en état de le faire. Le tra vaillégislatif, sous ce rapport, se trouverait donc entravé, et il faudrait avoir recours à des traducteurs. Or, ce n’est pas ce que nous voulons.» (Annales parlementaires, Chambre des Représentants, Sénace du 19 nov. 1896, p.41)

L’ amendement Lorand est rejeté par la Chambre. Lors d’ autres discussions, de Limburg-Stirum revient à la charge, rappelant qu’une loi du 16 novembre 1830 prévoit que dans les parties du pays où les langues flamande ou allemande sont utilisées, le gouvemeur de la province doit faire paraître dans le Mémorial administratifune traduction flamande ou allemande des règlements particuliers ou applicables seulement à ces parties du pays

C’ est peine perdue, Aucun résultat n’ est obtenu dans ce domaine

 

(p.133) La campagne de 1906 et les réponses des partisans de la langue française

En 1906, Godefroid Kurthmonte personnellement en première ligne afin d’alerter l’opinion publique sur la situation faite aux «60.000 Belges dont l’allemand est la langue maternelle». Le secrétaire de la Commission d’Histoire se lance corps et âme dans le combat et signe une série d’articles intitulés «Les Belges de langue allemande», parus dans Le Vingtième Siècle, d’août à décembre de la même année. La direction de l’équipe rédactionnelle de ce grand quotidien catholique fondé en 1895, est assurée depuis 1898 par Fernand Neuray, l’ancien rédacteur en chef de L’Avenir du Luxembourg et ami intime de Kurth. Parallèlement à cette campagne, Henri Bischoff redouble d’efforts et fonde à Montzen un Schillerverein organisé selon un modèle identique à celui d’ Arlon.

La démonstration de Kurth fait avant tout appel à l’histoire en reprenant les grandes lignes développées dans «La Frontière linguistique en Belgique». Kurth y rappelle que les souverains des Belges, tant bourguignons qu’ espagnols, ont toujours fait preuve d’une largeur de vue remarquable en matière linguistique, malgré une puérile légende qui les a transformés en persécuteurs de la «moedertaal». Plus tard, sous Marie-Thérèse et Joseph II, les Etats de Luxembourg ont eu recours aussi bien à la langue française qu’ à la langue allemande tandis que le conseil de Luxembourg jugeait en allemand les causes des villages de langue allemande.

Par contre, le régime français passe très mal chez Kurth qui parle carrément du «principe antinational de la domination exclusive d’une seule langue». Après une évocation très brève du régime hollandais, des colonnes entières du journal narrent la mise sur pied d’égalité du français, du flamand et de l’allemand en 1830. Citant tous les décrets qui prévoient la publication en allemand des textes officiels, des affiches, etc. dans les provinces concernées, l’historien en arrive à la mutilation du Luxembourg (p.134) en 1839 et à la loi du 28 février 1845 qui, par omission, frappe de mort civileune des trois langues nationales . Le «scandale» que s’efforce de dénoncer Godefroid Kurth à travers sa campagne est l’ absence à Arlon de fonctionnaires maîtrisant la langue de la population. Pourtant les Belges de langue allemande ont, de par la constitution, les mêmes droits que leurs compatriotes wallons et flamands. Os paient leurs contributions, craignent Dieu, respectent l’ autorité, ne font guère d’ émeutes et fournissent nombre de bons serviteurs à l’Etat dans tous les domaines. Malgré cela, on les traite dans leur propre patrie comme des Belges de seconde catégorie tandis que les W allons bénéficient d’une nette supériorité grâce à l’universalité du français et que les Flamands obtiennent graduellement, grâce à des mesures législatives, le libre usage de leur langue et l’égalité dans les textes officiels avec le français.

Kurth explique que les Belges de langue allemande attendent le jour de la justice et de la réparation mais que, pour l’instant, ils demeurent administrés et jugés par des fonctionnaires et des magistrats qui ne savent pas leur langue. Tels peuvent se résumer très brièvement les propos de l’historien au travers de cette vaste offensive. Les généralités qu’ils développent sont illustrés par des exemples concrets. L’ un d’eux, largement inspiré de l’ affaire coecke et Goethals, revient fréquemment : un malheureux patoisant, ne comprenant pas un mot de la langue de Voltaire, a été traduit en justice et condamné sans réaliser ce qui lui arrivait Kurth date ce scandale du tribunal d’ Arlon, du 1 1 septembre 1903 :

«Pendant ma jeunesse, les journaux flamingants protestaient avec indignation contre des scandales de cegenre, qui alors éclataient de temps à autre au pays flamand. Sont-ils moins révoltants parce qu’ils se produisent aujourd’hui dans la partie allemande du pays, et les flamingants toléreront-ils qu’on réserve à leurs compatriotes allemands un traitement contre lequel ils se sont insurgés ?» (Le Vingtième Siècle, lundi 13 août 1906, n° 225, p. 1)

A la suite de la parution de ces articles, une vive réaction se (p.136) manifeste à Arlon dans les rangs francophones. C’en est vraiment assez ! La coupe déborde et la mauvaise publicité nationale faite par les catholiques au chef-lieu du Luxembourg ne fait plus rire personne. plusieurs périodiques belges – et plus seulement d’obédience catholique – font écho à cette propagande sans parler de L’Avenir du Luxembourg qui reproduit systématiquement les textes de Kurth. A partir de la fin août 1906, on voit paraître à Arlon, en réponse aux attaques du Vingtième Siècle, des brochures anonymes défendant les intérêts francophones de la région .

Cette réaction porte d’ abord sur le « soi-disant scandale du tribunal d’Arlon». L’ auteur a procédé à une petite enquête à ce sujet. Les résultats sont surprenants. Non seulement on ne trouve pas trace de l’affaire mais en plus, l’audience du 11 septembre 1903, incriminée par Kurth, était présidée par le juge Jungers, un magistrat originaire du Grand-Duché de Luxembourg et naturalisé belge, qui préside également aux destinées du Deutscher Verein depuis 1901. Dès lors, c’est plutôt la légèreté, les inventions et les contre-vérités du savant à la réputation internationale, qui constituent le scandale. Quant aux autres anecdotes du Jahrbuch des Deutschen Vereins, déjà négligeables auparavant leur authenticité est maintenant très sérieusement ébranlée. Ce n’est pas la première aventure, peut-on lire, dans laquelle l’historien arlonais jette, sans réflexion suffisante et sans mesure, l’ autorité de son talent et l’ abus de sa haute situation.

Le ou les auteurs anonymes se livrent ensuite à une profonde réflexion remettant en cause le bien-fondé de toute l’action du Deutscher Verein et des publications de Kurth ou de René Henry au cours des dernières années.

« La question allemande que M Kurth essaye de susciter… n’est en définitive qu ‘une pastiche dérisoire de la déplorable question flamande, particulièrement dominée par des considérations d’amour-propre et des intérêts secondaires.» (Réponse à M Godefroid Kurth, 1906, op. cit. p.5)

(p.137) La thèse développée dans ces brochures ne manque pas d’intérêt L’explication de toutes ces revendications «prétendument linguistiques» serait en réalité une question de collation et de chasse aux emplois. Par leur action, les catholiques allemands manoeuvrent afin d’ obtenir le monopole des places rémunérées par l’Etat dans l’ administration et la magistrature tant à Arlon qu’à Liège et à Verviers, L’opération vise les wallons, les francophones et à travers eux, la gauche anti-cléricale et surtout les libéraux. L’ affaire est politique, le prétexte est linguistique, Voilà une théorie qui rejoint étonnamment l’ allusion de Godefroid Kurth à son ami Femand Neuray neufans plus tôt : le Deutscher Verein sera une citadelle catholique défiant libéraux et socialistes .

Pour les opposants au cercle allemand, la tactique de Kurth et de ses amis est claire. En exigeant des mesures législatives excluant des emplois publics les Belges ne parlant pas l’allemand, toutes ces places sont réservées à des membres de l’élite catholique regroupée au sein du Deutscher Verein. En effet, tous les Allemands quelque peu instruits connaissent le français en raison de son universalité et de son importance dans l’Etat belge.

Par contre, tous les jeunes gens de langue française ou wallonne ne connaissent pas l’allemand. C’est pourquoi Kurth revendique que tous les gendarmes, gardes-convois, magistrats et employés à la disposition du public sachent l’allemand. Les francophones jugent cela inacceptable. Le tribunal d’un arrondissement, au sein duquel les W allons prédominent, doit sans doute compter dans ses rangs des magistrats comprenant et parlant l’allemand mais il n’est pas question d’exclure dans le futur tous ceux qui ne le parlent pas. Kurth lui-même reconnaît que sur sept juges de paix à Arlon. deux au moins sont d’ origine patoisante et pratiquent couramment l’allemand. Partout, des gendarmes, des notaires, des greffiers, des douaniers, des employés d’administration. même s’ils ne sont pas les plus nombreux, connaissent la langue du peuple. Il n’y a pas de véritables plaintes ou de récriminations vraies de la population allemande mais seulement de sombres manoeuvres de l’ élite catholique s’inscrivant dans un contexte d’opposition politique et religieuse.

La conclusion de cette réflexion est que le Deutscher Verein, à la tête duquel on trouve un Grand-Ducal naturalisé belge, (p.138) comprend une centaine de membres «triés surle volet dela haute bourgeoisie delangue allemande, apte aux emplois qu’elle réclamepourelle seule» . Il n’y a pas de mouvement allemand.

Après avoir exposé la position des francophones arlonais, il nous faut revenir sur cette affaire du tribunal d’Arlon et la commenter car elle a. en réalité. bien eu lieu. C’est à la suite d’une grave erreur que Godefroid Kurth a mentionné la date du 11 septembre 1903 à la place de celle du 19 septembre 1902. Manifestement l’historien arlonais s’est référé au Jahrbuch des Deutschen Vereins qui avait dénoncé en son temps le scandale en publiant un extrait du quotidien L’Echo du Luxembourg relatant l’audience.

L’ affaire s’est déroulée en septembre 1902 mais le Jahrbuch paraissant une fois par an, n’a pu en faire état avant 1903. De surcroît, l’Echo a rapporté des faits du 19 septembre dans son numéro du 21 du même mois. Mais à la suite d’ une coquille typographique, le Jahrbuch s’ est référé à l’Echo du 11 septembre au lieu de celui du 21. Il n’ en a pas fallu moins à Kurth pour transformer le 21 septembre 1902 en 11 septembre 1903, date historique du mouvement allemand. Plein de sincérité sur ce point, l’auteur de la brochure anonyme contestant Kurth n’a pas trouvé trace de cette affaire et l’a automatiquement attribuée à l’imagination ou à la mauvaise foi de l’historien.

Voyons maintenant de quoi il retourne exactement. Dans son édition du 21 septembre 1902, le quotidien libéral arlonais L’Echo du Luxembourg relate en ces ternIes l’audience du tribunal correctionnel d’Arlon :

« A l’audience de cejour, aucun des juges du siège, ni le substitut du procureur du Roi, ne parlant la langue allemande – situation vraiment bizarre – il a dû être procédé à l’interrogatoire des prévenus et des témoins assez nombreux, ne parlant pas le français, par voie d’interprète.»

Or. Godefroid Kurth. se référant à ce même article reproduit fidèlement par le Jahrbuch. rapporte quatre années plus tard ceci :

«Il y a quelques années, à Arlon, on a eu ce spectacle scandaleux d’un individu allemand qui ne savait pas un mot de français et qui fut jugé et condamné par des magistrats wallons sans rien comprendre à ce qui se passait autour de lui.»

(p.139) Une brève critique de l’ attitude de Godefroid Kurth s’impose. Il est indiscutable que l’historien arlonais passe volontairement sous silence la présence d’interprètes lors de la séance du tribunal. Il ne commence à en faire état que beaucoup plus tard lorsque celle-ci est dénoncée dans la seconde brochure anonyme. Naturellement, s’il avait dû y faire allusion dès le départ, cela annulait en grande partie le caractère scandaleux du fait. Mais rapporter, uniquement parce que cela sert son intérêt, que le prévenu a été jugé et condamné sans rien comprendre à ce qui se passait autour de lui, alors que l’on sait pertinemment qu’il a bénéficié d’un traducteur, est une attitude incompatible avec la démarche de l’historien à la recherche de la vérité.

Quand on suit le cheminement judiciaire de cette affaire, on s’aperçoit encore que le prévenu est acquitté parle tribunal d’Arlon et que ce sont les conseillers de la Cour d’ Appel de Liège qui réforment le jugement d’ Arlon et condamnent le prévenu à trois mois de prison. Il n’est pas précisé si ces conseillers parlaient l’allemand.

D’une manière générale, remarquons que le recours à un interprète en matière judiciaire est une procédure régulière prévue par le code pénal. Elle est d’ailleurs utilisée constamment dans la vie judiciaire arlonaise durant tout le XIXe siècle et une bonne partie du XXe siècle, depuis que le tribunal siège à Arlon et chaque fois que le magistrat ne comprend pas la langue d’un prévenu ou d’un témoin. De telles situations se produisent encore après la seconde guerre mondiale et le phénomène se caractérise par sa permanence et sa périodicité. A partir de 1830, on envoya à Arlon des magistrats wallons ignorant l’allemand qui, progressivement, devinrent majoritaires. Et jusqu’ en 1945, il y eut des patoisants luxembourgeois ayant besoin de traducteurs devant le tribunal.

En conclusion, on peut déplorer que des magistrats belges ne connaissent pas la langue de leurs justiciables, que ces derniers soient jugés dans une langue qu’ils ne comprennent pas et qu’il faille recourir à des interprètes. Remarquons toutefois que si des magistrats wallons avaient fait l’effort durant leurs études d’apprendre la langue allemande, leur nornination à Arlon n’aurait pas modifié fondamentalement la position des justiciables luxembourgeois car l’allemand et le luxembourgeois sont deux langues différentes, la compréhension de l’une n’entraînant pas la compréhension de l’autre. Les interprètes auxquels on recourt devant le tribunal d’Arlon, ne traduisent pas de l’allemand en (p.140) français mais bien du luxembourgeois en français. Pratiquant l’ allemand, ces magistrats wallons auraient eu de grandes facilités pour apprendre l’idiome local. mais à partir de ce moment on peut considérer que des problèmes similaires existaient partout en Belgique. notamment en Wallonie chaque fois que l’on jugeait en français un patoisant wallon. En fait. il n’ était pas possible d’ exiger des fonctionnaires de l’Etat la connaissance des dialectes locaux. La seule solution était de faire appel à des magistrats allemands originaires de la région ou du Grand-Duché de Luxembourg qui maîtrisaient le luxembourgeois.

Selon Kurth, en 1906, Arlon compte deux juges sur sept capables de parler le luxembourgeois.Les cinq autres recourent à des interprètes quand la nécessité s’en fait sentir car la majorité des gens concemés sont des francophones.

Précisons encore que l’utilisation d’interprètes lors d’un procès ne signifie pas que la justice soit mal rendue et qu’ elle trompe le prévenu. Il n’y a pas eu d’ affaire Coecke et Goethals à Arlon.

Le francophone désireux de rester dans l’anonymat ne mâche pas ses mots à propos de la tentative de Kurth d’exploiter l’affaire du tribunal d’Arlon. Il parle de «scandale inventé de toutes pièces, à l’aide de données mal interprétées, non suffisamment contrôlées, et avec la hâte maladroite de gens heureux de trouver l’occasion d’un mauvais coup à faire…». «D’étranges tripatouillages n’ayant que des rapports très éloignés avec l’histoire impartiale, la discussion sérieuse, la bonne foi, et même la plus vulgaire honnêteté.» (Deuxième réponse à M. Godefroid Kurth, 1906, op, cit, p, 6)

Outre cette polémique, son argumentation et la seconde enquête qu’il mène à propos de cette affaire révèlent certains détails intéressants, Nous n’avons pas pu vérifier ceux-ci. Ils doivent être considérés avec prudence.

D’ après lui, l’audience correctionnelle du 19 septembre 1902, présidée par un magistrat wallon assisté de deux assesseurs wallons, traita onze affaires. Huit d’entre elles concemaient uniquement des prévenus et des témoins wallons. Dans deux autres affaires, les prévenus ne se présentèrent pas et furent jugés par défaut. Le dernier était le prévenu allemand mais qui, contrairement à ce que l’ Echo annonça, parlait le français. S’il fallut recourir à un interprète, ce fut uniquement pour deux ou trois témoins.

Il ne faut pas généraliser hâtivement cette singulière statistique , (p.141) dans les proportions où elle nous est présentée mais il est sûr qu’au début du XXe siècle le volume d’affaires relatives à des Luxembourgeois comprenant le français est de loin supérieur à celui concemant des Luxembourgeois ne parlant que le patois. L’ auteur anonyme ajoute encore :

«Depuis un an ou deux, les audiences du tribunal correctionnel d’Arlon sontleplus souventprésidéesparun magistrat wallon, qui ne doit d’ailleurs cet honneur qu’à son rang. Il ne se présente pas que des Allemands, bien entendu, à ces audiences, puisque les wallons forment la majorité de la population de l’arrondissement: mais il y a toujours un interprète pour les cas spéciaux et rares qui pourraient donner lieu au fameux «scandale» si . singulièrement découvert par M. Kurth. Et qu’arrive-t-il ? C’est que ces Allemands qui dénient pouvoir s’exprimer en français, tout à coup se mettent le plus naturellement du monde à parler dans cette langue, à interrompre leur interprète et à rectifier, en français, la traduction quelque peu fautive de celui-ci. Ce cas n’est pas unique, mais il est fréquent.» (Réponse A M, Godefroid Kurth, 1906, op. cit. pp.16-17)

Poursuivant, le contradicteur affirme que le 20 septembre 1902, le tribunal tient une audience complémentaire dans le cadre d’une affaire mettant en présence cinq prévenus. Les deux principaux sont des Flamands originaires de Clercken en Flandre occidentale, le troisième est un Wallon tandis que les deux derniers sont Allemands d’ Arlon dont un, assez âgé, ne parle pas le français. Plusieurs témoins déclarent ne pas parler le français. On recourt à deux interprètes : un interprète flamand et un interprète allemand. Cela n’empêche pas le prévenu allemand d’être acquitté.

D’ autre part le contestataire anonyme ne s’ attaque pas seulement à la version de Kurth mais également à la «manière pernicieuse» dont le chroniqueur de L’ Echo du Luxembourg a rapporté les faits. Celui-ci aurait eu des motifs d’ ordre privé et des rancunes personnelles contre le magistrat nouvellernent promu qui traitait l’affaire. Cette récente nomination avait donné lieu à de longues et ardentes compétitions entre deux candidats libéraux, L’un d’eux était wallon, tandis que l’autre était allemand.

Finalement c’est le Wallon qui obtint le siège. Parmi les partisans du candidat évincé, on trouvait le chroniqueur en question dont l’article n’avait pour autre objectif que de nuire ou d’être désagréable à l’heureux magistrat. (Deuxième réponse A M. GodefroidKurth.1906, op. cit, p, 13)

(p.142) En tout cas. si ce dernier argument est authentique, il prouve que tous les Luxembourgeois allemands ne sont pas catholiques et qu’il s’en trouve au moins un pour être libéral. L’auteur anonyme se prend ici à son propre piège et il est légitime de se demander si son interprétation de la politique du Deutscher Verein, en tant que volonté de monopoliser la fonction publique dans la région au profit des catholiques, est fondée.

Deux éléments sont incontestables. Tout d’ abord le Deutscher Verein de Kurth réunit toute l’élite catholique du pays d’ Arlon, défend ses intérêts et exclut les libéraux. Qu’on le veuille ou non, son action est autant religieuse et politique que linguistique. Ensuite, il est indéniable que la masse des patoisants dans les villages est sous l’influence du clergé et des instituteurs catholiques tandis que la plupart des bourgeois et des fonctionnaires résidant en ville forment les rangs libéraux et sont sous l’influence de la culture française. Peut-on en déduire qu’en réservant des postes aux Luxembourgeois allemands, on les monopolise pour les catholiques ? Non. certainement pas. Il est bien connu que l’Arlonais Victor Tesch, ministre d’Etat, originaire de Messancy, qui fut l’une des grandes figures du libéralisme belge, ne se servait pratiquement que du patois dans la vie courante. Mais cela ne change rien à la réalité : les liens entre le libéralisme et la langue française à Arlon sont très forts, tandis que ceux entre le catholicisme et la langue allemande sont privilégiés. Sans pouvoir s’appuyer sur aucune statistique, il apparaît probable que les Luxembourgeois allemands comptent beaucoup plus de catholiques parmi eux que de libéraux.

 

La riposte : l’ Association Française d’ Arlon

Face à la politique des élites catholiques jugée agressive envers la langue française et face aux offensives répétées du clergé et du Deutscher Verein, une vigoureuse réaction francophone s’impose. L’activité de l’Extension de l’Université de Bruxelles est totalement insuffisante pour assurer le rayonnement de la culture française. de l’esprit laïc et pour contrer des menées considérées comme pangermanistes dans les rangs francophones.

Numa Ensch-Tesch, bourgmestre d’Arlon, et Jean Van Dooren, (p.143) professeur de rhétorique française à l’ Athénée royal d’ Arlon, respectivement président et secrétaire du comité local de l’Extension, sont conscients que quelques conférences à l’ audience limitée ne peuvent décemment pas concurrencer des campagnes dans la presse nationale et des interventions politiques auprès du Gouvernement ou du Parlement Même si le succès remporté par le mouvement de Kurth est très contestable au niveau local, le retentissement de ses activités est grand à travers toute la Belgique. Ce ne sont pas les tentatives catholiques en vue de renforcer leur position politique ou d’ obtenir des avantages subséquents dans l’administration ou dans la magistrature qui dérangent le plus. Ce qu’ils ont acquis en plusieurs années est négligeable et les libéraux sont suffisamment forts pour y faire face, mais la propagande en faveur de la culture germanique à Arlon, baptisée «capitale dela Belgique allemande» et son impact à travers tout le pays, est ressentie comme insupportable. Pour remédier à cette situation, il faut recourir aux grands moyens. Jean Van Dooren décide de faire appel à un de ses amis personnels, une toute grande figure de la culture française en Belgique : Maurice Wilmotte, membre de l’Académie royale et professeur de philologie romane à l’université de Liège.

En 1905, Maurice Wilmotte a organisé à Liège un congrès international pour la défense et l’extension de la langue française. «Titre ambitieux mais la jeunesse est audacieuse et elle a bien raison de l’être.» (Association pour la culture et l’extension de la langue française, comité d’Arlon. XXVe anniversaire.1910-1935 Bruxelles, 1936, p. 13)

A part une modeste tentative faite à Paris dans les locaux de l’Alliance française, on n’avait jamais essayé de convoquer en un même lieu tous les amis étrangers de la langue française, «tous ceux qui, l’ayant apprise, sinon dans la famille, à l’école, en avaient goûté le charme et lui devaient un complément de culture dont ils avaientle droit d’être fiers . » (Maurice WILMOTTE, Mes Mémoires, Bruxelles, 1948, p. 157)  Profitant de l’Exposition universelle dont la ville de Liège est le siège en 1905, Maurice Wilmotte a brillamment réussi ce rassemblement grâce au soutien de la Mission laïque française et de l’Alliance française qui

ont couvert les frais de l’entreprise.

Toutes les associations et tous les groupes d’ amis de la langue française s’y sont retrouvés. Parmi les personnalités présentes : le représentant officiel de la France, Jules Gautier, chef (p.144) de cabinet du ministre de l’Instruction publique et futur membre du Conseil d’Etat, Paul Meyer et salomon Reinach, tous deux membres de l’Institut de France, le Suisse Bouvier, futur recteur de l’université de Genève, le conseiller russe Novicow, célèbre par ses livres sur l’universalité du français et venu spécialement d’Odessa, le gouverneur du Cambodge de Lamothe, représentant les colonies françaises, le baron de Lépine, délégué du Gouvernement du Québec, etc. Le congrès s’ est terminé sur la promesse d’ en tenir bientôt un deuxième encore plus grandiose.-

A la suite de ces curieuses assises liégeoises, on voit durant les années suivantes la multiplication des conférences françaises et la création de nombreux cercles d’ amis de la culture française en Belgique. A l’étranger, les congressistes suisses fondent l’Union romande pour la culture et l’enseignement du français tandis que les Luxembourgeois du Grand-Duché lancent un comité de l’Alliance française.

Une des réactions inattendues de ce congrès est la mise sur pied dans la province de Liège d’un Lütticher Schillerverein créé à l’initiative d’Henri Bischoff.

«Chaque fois que nous créions un cercle de culture française, d’autres Belges, mus par des intentions mystérieuses jusqu’en 1914, fondaient aussitôt un Schillerverein…» (Association pour la culture et l’extension dela langue française, op. cit, p.14)

Vers 1907, Wilmotte bien décidé à récidiver se met en quête d’une autre ville et d’un comité prêts à accueillir sa nouvelle organisation. La Belgique ayant déjà eu les honneurs, il se tourne tout naturellement vers l’ étranger. Genève semble toute désignée mais les Suisses, pourtant très actifs dans ce domaine, sont particulièrement embarrassés, craignant que des conflits naissent à la suite d’une telle manifestation pourtant pacifique.

«Peut-être aussi le particularisme helvétique s’effarouche-t-il à l’idée d’une affirmation trop brutale de la suzeraineté intellectuelle de la France.» (Maurice WILMOTTE. Mes Mémoires, op. cit, p.171)

Wilmotte pense alors au Grand-Duché de Luxembourg qui a l’ avantage de posséder une culture mixte, les Luxembourgeois pratiquant chacun deux langues tandis qu’ en Suisse il y a simplement voisinage de l’ élément roman et de l’ élément alémanique, situation plus délicate. Malgré des premiers signes (p.145) encourageants, la réponse grand-ducale est finalement négative, le ministre d’ Allemagne à Luxembourg ayant pesé de tout son poids à cet effet.

Amer, Wilmotte déclare plus tard : « Peuh! à Luxembourg, il est vrai que tout le monde entend le français. Mais la première langue est et restera l’allemand. » (Assoc. pour la culture et l’extension de la langue française, op.cit., p.14)

Plusieurs Liégeois conseillent encore àWilmotte de prospecter à l’ est. Mais la seule ville de langue française qu’on y trouve est Malmédy, incorporée depuis 1815  dans le Deutschtum. Y réunir le congrès tiendrait de la provocation et est littéralement impossible. Déjà en 1905, les congressistes liégeois avaient été serrer la main des « frères de race et de langue» mais les choses n’avaient pas été commodes. Tous les habitants de Malmédy qui avaient osé arborer un drapeau français en signe d’accueil, s’ étaient vu infliger par le Landrat, cinq marks  d’amende. Dès lors, seule la Belgique apparaît susceptible d’ accueillir la seconde réunion des amis étrangers de la langue française. Il ne reste plus qu’à choisir une des grandes villes du pays. C’est à cet instant que Jean Van Dooren entre en scène.

Wilmotte connaît bien Arlon. En tant que «missionnaire» de l’Extension, il s’y est déjà rendu pour donner des conférences sur des sujets littéraires. Recourant à tous les arguments imaginables, Van Dooren s’ efforce de convaincre Wilmotte de choisir Arlon, idée qui ne lui serait assurément jamais venue à l’ esprit.

Non seulement, Arlon est connue comme une ville de langue allemande, mais sa population germanique est traditionnellement considérée par les gens de l’intérieur du pays comme froide et peu aimable, De plus. les problèmes matériels ne manquent pas car le chef-lieu luxembourgeois est grand comme un mouchoir de poche .

« Que d’objections à vaincre .! Pas d’hôtels confortables ! Pas de locaux spacieux pour recevoir tant d’hôtes étrangers! Pas de théâtre où la Comédie Française dont je comptais bien obtenir le concours, pût offrir à une population émerveillée un spectacle de choix ! Dans la villette même, on ne pouvait compter sur des concours généreux, comparables à ceux que Liège avait spontanément procurés…» (Maurice WILMOTTE, Mes Mémoires, op, cit, pp, 174-175)

(p.147) «…et pourquoi ne pas le dire, une administration, intelligente certes, et disposée à tous les sacrifices, mais limitée dans son budget et contrainte à toutes sortes de ménagements politiques, philosophiques et.. autres.» (Assoc. pour la culture et l’extension dela languefrançaise.op.cit.p.16)

Van Dooren balaie une à une toutes les objections. Pas de théâtre ? Le gymnase de l’athénée est assez spacieux pour devenir une salle de spectacle, On édifiera une scène et il y aura même des loges d’artistes. Les hôteliers sont enchantés de l’aubaine et renseignements pris, certains s’engagent à faire les travaux nécessaires pour recevoir les voyageurs qui vont affluer. Le notaire Hubert accepte d’accueillir sous son toit quelques hôtes de marque. Et on logera chez l’habitant ceux qui seront en surnombre.

La ville sera pavoisée, bref rien ne manquera pour donner à la réception le caractère qu’elle mérite (Wilmotte, p.175)

Historiquement, Arlon est admirablement désignée. Poste frontière de la culture française, la ville a un important passé romain dont son musée archéologique conserve l’éclatant souvenir. Elle est pour la langue française, ce qu’ après 1870, Belfort est pour le patriotisme français et ce que Malmédy deviendra pour les Belges de la Grande Guerre . (Assoc. pour la culture et l’extension dela languefrançaise.op.cit.p.15)

Il est évident que sans le charme et la persuasion de Van Dooren, jamais Wilmotte n’aurait accepté de se lancer dans une telle entreprise. Mais devant l’insistance du vieil ami, et peut-

être en considérant les raisons impératives de la lutte entre francophones et germanophones à Arlon. Wilmotte succombe aux arguments de Van Dooren et donne son accord.

«Il y avait à l’athénée royal du lieu, un professeur d’origine verviétoise, donc wallonne. et dont le nom était flamand qui avait, par des publications excellentes, témoigné de son zèle pour

notre culture. C’était plus que suffisant pour m’encourager à renouveler là-bas une tentative qui n’aurait pas réussi à Luxembourg.» (WILMOTTE, op. cit, p. 174)

La date du congrès est fixée au mois de septembre 1908 et Van Dooren entame aussitôt les démarches nécessaires. Le comité local d’organisation est immédiatement constitué avec la participation de toutes les personnalités libérales du chef-lieu. (p.148) Numa Ensch-Tesch, ancien membre de la Chambre des Repré sentants et bourgmestre d’Arlon, en prend la présidence (…). La vice-présidence est partagée par André Mortehan, agent consulaire de France à Arlon, et Paul Reuter, échevin de l’Instruction publique et futur bourgmestre, tandis que la cheville ouvrière du comité est Jean Van Dooren, au poste de secrétaire, aidé par l’hôtelier Jules Feider, Le comité compte encore parmi ses membres : le trésorier Victor Bimbaum, professeur à l’ Athénée, Auguste Netzer, avocat et conseiller provincial, Charles Hubert, notaire et conseiller communal, Emile Appelman, avocat et conseiller communal.

Comme ils devaient s’y attendre, ils se heurtent à une vive résistance catholique, Le Deutscher Verein de Kurth n’élève toutefois pas la voix et ne fait pas la moindre allusion à l’ affaire, mais camille Joset, directeur de L’Avenir du Luxembourg, entame une campagne virulente contre le Congrès dès que celui-ci est annoncé, s’ efforçant de ne pas paraître un ennemi de la langue française.

(p.149) Alors que les préparatifs battent leur plein, Camille Joset lance l’ offensive le 17 mai 1908 et maintient la pression jusqu’ à la fin du congrès au mois de septembre. Tout au long de ses articles qu’il titre «Congrès d’expansion française» au lieu de «Congrès pour l’extension de la langue française», Joset ne mâche pas ses mots. Pour lui, Arlon est confrontée à une manifestation d’anticléricalisme français et «ça puait à plein nez la maçonnerie» (Avenir,du Lux., 17/05/1908). A ses yeux, la situation se résume à l’ opposition machiavélique de Maurice Wilmotte à l’Eglise catholique : (…).

Quant au Congrès, c’ est affirme le journaliste, un complot judéo-maçonnique contre l’Eglise catholique, Organisé avec le concours de l’ Alliance française universelle, réputée pour ses tendances nettement anti-religieuses, et la Maison laïque fondée sous les auspices de la franc-maçonnerie qui infeste son comité de patronage, on ne peut espérer parmi les congressistes que «des ministr-es ou des fonctionnaires blocards, des savants et des hommes delettres plus ou moins gangrenés d’antichristianisme». wilmotte essaie d’introduire à Arlon sa «pacotille blocarde» (172) et «les immortels principes dont crèvent les nations» (Avenir du Lux., 25/05/1908) Il n’y a rien à attendre d’une organisation du fondateur de l’ Express, la «feuille liégeoise aux immondes ooeurs françaises» et de l’ auteur d’ouvrages où «l’odieux de la passion antichrétienne n ‘a d’égal que le grotesque des prétentions philosophiques» (id.). Son seul objectif est «d’importer systématiquement chez nous un idéal philosophique et social répugnant à l’âme belge» (id.).

 (p.150) Pendant l’ été, les préparatifs se poursuivent sans que les organisateurs répondent aux attaques. Seul l’ Echo du Luxembourg entretient l’une ou l’ autre polémique avec l’ Avenir, notamment lorsque l’Association flamande pour la vulgarisation de la langue française, présidée par Firmin Van den Bosch, avocat général à Gand, fait connaître son refus de participer au Congrès d’Arlon après avoir estimé que par respect pour ses membres catholiques. Elle ne peut y adhérer: ou encore chaque fois que Joset dénonce le comportement de Wilmotte, qu’il juge aux antipodes de la neutralité, méprisant la littérature belge, ne se souciant que de Paris, de ses moeurs, de son esprit et.., de ses décorations.

Enfin, les invitations sont lancées et le mois de septembre arrive. Durant quatre jours, du 20 au 23 septembre inclus, se tient à Arlon le Deuxième Congrès International pour l’Extension et la Culture de la Langue Française. Des hôtes de marque venus de Belgique, de France, d’Angleterre, de Hollande, de Hongrie, de Suisse, du Grand-Duché, du Canada, etc., se rencontrent dans le chef-lieu du Luxembourg. Parmi les personnalités présentes, on reconnaît le délégué officiel de la France, Jules Gauthier, directeur du cabinet du ministre de l’Instruction publique et directeur de l’Enseignement secondaire, le délégué officiel de la Suisse, Jean Bonnard, professeur à l’université de Lausanne et président du conseil municipal, plusieurs Luxembourgeois grand-ducaux dont Martin d’Huart, professeur à l’ athénée de Luxembourg, (p.151) bibliothécaire de la ville et ancien élève de l’école normale de Paris, l’avocat Simonis, président de l’ Alliance française de Luxembourg et son second, Tony Wenger, receveur des hospices à Luxembourg, le vice-président Bonnet et le secrétaire Dufourmantelle de l’Alliance française à Paris, le secrétaire Bernard, de la Mission laïque française, des délégués de Londres, de Nuremberg, Paul Meyer, membre de l’Institut, le professeur Baldensperger de la Sorbonne, HenriAlbert, du Mercure de France, le Hongrois Huszar, directeur de la Revue de Hongrie, venu spécialement de Budapest, et de nombreuses autres personnalités : Emile Verhaeren, Fürstenhoff, Charles-Maxime Leconte, etc.

La plupart des journaux belges dépêchent sur place leurs meilleurs correspondants et c’ est une activité intense qui règne à Arlon durant ces quatre jours.

De nombreuses fêtes sont organisées à cette occasion : des concerts par des musiques belges (Musique militaire du 10e de Ligne et Royale philharmonie d’ Arlon) ou française (Harmonie des Aciéries de Longwy-Mont-Saint-Martin) sont donnés en divers endroits de la ville, La cantate «Douce France», écrite par J.J. Van Dooren, étudiant à l’université de Liège, est interprétée sur la place Léopold par la chorale «Les Echos dela Semois», Un grand cortège de sociétés belges, françaises et luxembourgeoises traverse la ville pavoisée aux couleurs nationales et françaises, Une réception est offerte par l’ administration colmunale dans les salons trop exigus de l’hôtel de ville: une grande fête gymnique et athlétique a lieu au jardin Waltzing le belvédère des Capucins est illuminé la nuit etc. Toute la population participe à ces festivités et c’est elle qui loge la plupart des professeurs, comédiens, publicistes, poètes, altistes, journalistes… qui n’ont pas trouvé de lits dans les hôtels de la place, Emile Verhaeren est hébergé chez un négociant arlonais qui reçoit en remerciement un volume dédicacé.

Le dimanche 20 septembre, une soirée artistique se déroule au gymnase de l’athénée royal, transformé en théâtre, On y entend la cantatrice Jeanne de Bussy et Lucienne Roger, du Théâtre royal de l’ Alcazar, le chansonnier Dumestre et le professeur Kauffmann du conservatoire de Bruxelles ainsi que l’ artiste Baillet de la Comédie Française. On y voit également des danses grecques réglées par le maître de ballet de la Monnaie. 

(p.152) Le lundi soir, c’ est la soirée de gala avec une conférence d’Ernest Charles sur le thème du «Théâtre français, instrument de civilisation mondial», suivie d’une représentation théâtrale jouée par huit artistes de la Comédie Française. Le programme comprend des pièces de Molière, Musset et François Coppée.  Le lundi et le mardi, des excursions à Luxembourg et à Trèves permettent aux congressistes de découvrir les beautés de la capitale grand-ducale et les vestiges romains de la Trèves impériale. Malgré ce programme fort chargé, les défenseurs de la langue et de la culture françaises trouvent le temps de travailler activement en sections.

La section de propagande se préoccupe de l’ activité des différentes associations de propagande et de l’état du français dans les pays représentés au congrès. Parmi la vingtaine de rapports présentés, citons . pourquoi l’on a fondé une Union romande pour la culture et l’enseignement de la langue française, par le professeur Knapp de l’Académie de Neufchâtel; le français et la question des langues nationales en Belgique, par Oscar Grandjean de la Bibliothèque royale à Bruxelles; le français et le wallon par J. Delait, président de la Ligue wallonne à Liège ; le français au Canada par le professeur Rivard de l’université Laval à Québec ; le français en Alsace-Lorraine par Henri Albert, rédacteur au Journal des Débats à Paris; le français et l’ allemand dans le Luxembourg belge et grand-ducal par Jean Van Dooren et Martin d’Huart. La section littéraire écoute entre autres les rapports d’Ernest-Charles sur la pornographie et les lettres françaises: de Maurice Gauchez. directeur du Thyrse, sur la propagation du français à l’ étranger par les revues littéraires: de Gérard Harry. fondateur du Petit Bleu sur la propagation du français par la presse; etc.

La section pédagogique traite notamment de la réforme de l’ enseignement élémentaire du français dans les pays bilingues à l’aide des études phonétiques, par G. Cohn, lecteur de français à l’université de Leipzig: la réforme des humanités dites classiques, par Yves Guyot, ancien ministre à Paris; le placement des Belges de langue allemande dans les pays germaniques, par Maurice Wilmotte : etc.

La section scientifique étudie et recherche les meilleurs moyens d’entente entre les sociétés scientifiques des différents pays latins pour éviter la déformation des mots scientifiques empruntés au français et la meilleure façon de parer aux difficultés qu’éprouvent les savants des divers pays pour l’ échange de leurs idées suite à l’avènement scientifique et industriel de nouveaux (p.154) pays, tels que l’Italie. la Russie et le Japon. On écoute Remy de Gourmont, directeur de la Revue des Idées à Paris et le docteur en sciences Fürstenhoff, de Bruxelles.

A l’issue de tous ces travaux, quelques motions intéressantes sont votées. On adopte un voeu d’Oscar Grosjean pour que le Congrès s’oppose énergiquement à tout projet de loi qui aurait pour conséquence de restreindre l’ enseignement du français dans les établissements libres, réclame une application équitable de la loi de 1883 dans les établissements officiels, demande que le régime français, prévu par l’article 5 de cette loi, soit organisé dans les athénées du pays flamand où il n’existe pas.

Dans le même ordre d’idées, l’assemblée plénière du Congrès adopte une motion du professeur Engel, en faveur du maintien du français comme langue véhiculaire à l’université de Gand. Enfin, il y a le voeu du Grand-Ducal Ch. Dumont afin d’ obtenir la réduction de la taxe postale entre les pays de langue française, et la protestation d’Ernest-Charles, au nom du monde littéraire français contre l’industrie de la pornographie qui cherche à se confondre avec la littérature.

La querelle des pédagogues, qui discutent sur la question de savoir s’il ne conviendrait pas de substituer dans l’ enseignement les auteurs du XVIIIe et même du XIXe siècles à ceux du XVIIe n’ est pas tranchée, On se contente de déclarer qu’il serait désirable d’ augmenter la part faite dans l’ enseignement aux auteurs du XIXe siècle comme préparation à l’ étude de ceux du XVIIe. Le Congrès s’ achève en proclamant la culture française indispensable au développement de l’esprit humain, d’où la nécessité de fortifier ses positions actuelles afIn d’assurer sa prééminence sur les autres langues.

Le Journal de Liège décrit les dernières heures en ces termes : «Nous voilà arrivés à 1’heure du banquet On clôture le congrès en hâte, on court s’habiller, dès huit heures, une Marseillaise

vibrante, suivie d’une Brabançonne bon enfant, nous avertit dans la salle de l’Athénée que le moment de détente est arrivé.

«Banquet fastueux, d’allure peut-être un peu trop solennelle et lente, mais que de toasts vibrants à Arlon ! à la Belgique ! à la France ! à l’Alsace-Lorraine ! à la Wallonie .! à la Suisse ! au Grand-Duché de Luxembourg ! à la littérature ! à l’art.’ à la morale ! etc.

(Le Journal de Liège, 24/09/1908)

(p.162) Ce qui importe est l’impact de la publicité faite à la culture française à Arlon. Dans la ville même, elle est considérable. A travers le pays, le retentissement est grand pendant trois jours mais ensuite s’estompe rapidement Le Congrès a-t-il réussi ? L’avis du Journal de Liège semble précieux : «Un congrès a réussi lorsqu’il a eu une bonne presse, qu ‘il a provoqué l’éclosion de rapports intéressants et activé les bonnes volon tés de ses participants :le congrès d’Arlon n ‘a pas manqué, comme on peut le voir, à cet idéal.» (24/09/1908)

Deux ans plus tard, le comité organisateur du congrès se mue en comité directeur de l’Association Française d’ Arlon. Pendant trente années, il va accueillir dans le Luxembourg les conférences françaises organisées par Maurice Wilmotte.

 

Conclusions sur l’action du Deutscher Verein

Le Deutscher Verein de Godefroid Kurth mena une action essentiellement revendicative. C’est par ses nombreuses pétitions au Parlement qu’il se fit avant tout remarquer. C’est grâce à elles qu’il rassembla le plus de patoisants autour de lui. Ainsi en 1898, après que Van Cauwenbergh ait déclaré à la Chambre que les Allemands de Belgique ne demandaient rien, une pétition de la région allemande, protestant contre cette affirmation, fut couverte en quinze jours par près de 10.000 signatures. Elle constitue le plus beau succès du cercle linguistique allemand. Mais elle resta sans suite, de même que la plupart des pétitions.

Si le Deutscher Verein obtint parfois d’un ministre que certains postes soient réservés à des patoisants originaires du pays d’ Arlon et non à des W allons, la mesure fut difficile à appliquer en raison du manque de candidats intéressés. De plus, elle ne devint jamais définitive ou automatique et disparut avec le (p.163) ministre. Le Deutscher Verein échoua dans sa demande au ministre de la Guerre visant à permettre aux élèves de l’Ecole militaire qui le souhaitaient, de passer leurs examens en allemand: il essuya un refus lorsqu’il demanda à la Ville d’ Arlon de renouve1er les plaques indicatrices des mes, pour y faire figurer les noms dans les deux langues, en allemand comme en français. Il n’ obtint pas l’ extension à la langue allemande des dispositions de la loi du 22 mars 1878 sur l’emploi de la langue flamande en matière administrative, ni l’ extension à la langue allemande des dispositions de la loi du 3 mai 1889 sur l’emploi de la langue flamande en matière répressive, ni la même extension de l’article 49 de la loi sur l’enseignement supérieur du 10 avril 1890, instituant un examen en flamand pour les juges, les notaires et les professeurs se destinant à la partie flamande du pays. Il n’ obtint pas non plus l’application de la loi existante du 19 septembre 1831, prescrivant une traduction allemande des lois, ni l’institution d’un concours spécial allemand, à côté des concours français et flamand, pour tous les examens conduisant aux fonctions publiques, ni la création d’une section allemande dans les athénées d’ Arlon et de Verviers, etc. La langue allemande ne devint pas la troisième langue nationale, comme le souhaitait ardemment Godefroid Kurth.

Par contre, les activités culturelles du Deutscher Verein connurent un succès non négligeable parmi les élites catholiques des villes d’ Arlon et de Liège.

«Les circonstances étaient favorables, la science allemande jouissait alors d’un prestige sans pareil: des philologues, des médecins, des ingénieurs étaient allés parfaire leur savoir dans les

hautes écoles et les laboratoires d’Allemagne: la musique allemande était en pleine vogue et les «pèlerinages» à Bayreuth étaient de bon ton: on donnait volontiers des gouvernantes allemandes à ses enfants: on venait de fêterle centenaire de la mort de Schiller.» (AL. CORIN. Henri Bischoff, in Liber Memorialis,l’Université deLiège de 1936 A 1966. tome II, Liège. 1967. p. 28)

En 1912, le Deutscher Verein était composé de 48 ecclésiastiques, de 33 enseignants, de 26 magistrats ou fonctionnaires, d’un industriel, d’un commerçant et d’un imprimeur. Connut-il un succès réel ?

Selon le bourgmestre Paul Reuter, «il végéta lamentablement » (190) Association pour la culture et l’extension de la langue française, op. cit, p, 20)

(p.164) Ce témoignage émanant de l’un des principaux leaders libéraux d’ Arlon, apparaît naturellement suspect Mais celui du professeur Alfred Bertrang n’ est guère plus flatteur, Pourtant. ce dernier, auteur de la «Grammatik der Areler Mundart », ne peut pas être soupçonné d’hostilité envers la langue matemelle ou le DeutscherVerein. En 1936, il écrit dans Die Sterbende Mundart:

« Unter den hundert Mitgliedern, die man alle Mühe hatte zusammenzubringen und deren Zahl nie überstiegen wurde, waren die Dorfpfarrer und die Dorfschullehrer am stärksten vertreten. In der Stadt Arlon fand der Verein nur wenige Anhänger, ausser einigen aus dem Groszherzogtum Luxembourg stammenden Gymnasiallehrern. Aus beschränkte sich die Tätigkeit des Vereins auf die Abhaltung einiger popularisieren den Vorträge. Nach dem Völkerkriege fiel es niemanden ein, den Verein wieder ins Leben zu rufen. » (op.cit., p.138)

L’impact du Deutscher Verein au niveau local semble avoir été faible et sans commune mesure avec le véritable tapage qu’il organisa au niveau national et avec ses pétitions au Parlement. Ce cercle avant tout catholique ne toucha guère la masse de la population patoisante si ce n’est par l’intermédiaire des prêtres et des instituteurs, Pourtant après sa disparition survenue lors du déclenchement des hostilités en 1914, son importance allait devenir capitale.

Le Deutscher Verein avait amorcé un mouvement et aussi faible ait été son importance, il allait être poursuivi, récupéré ou détourné par ceux venus après lui, au cours des quatre décennies suivantes.

D’ autre part, le respect suscité par tous ces notables et ces ecclésiastiques rassemblés autour de la personne de Godefroid Kurth et de la foi chrétienne, devint tellement grand que tous ceux qui lui succédèrent, se présentèrent comme ses héritiers.

Enfin, au lendemain de la première guerre mondiale, on vit naître à Arlon un culte, une adoration, une admiration sans bornes pour Godefroid Kurth, disparu en 1916. C’ est tout un mythe qui se développa autour de lui et c’est à ce moment qu’il devint le père de tous les germanophones belges et de leur mouvement.Le fait d’avoir tant aimé et d’ en être presque mort lorsque l’Allemagne attaqua la Belgique et massacra par milliers des innocents, permit à cette passion et (p.165) à cet émerveillement pour Godefroid Kurth et pour son œuvre, de se répandre dans tous les foyers du pays d’Arlon.

Les rapports du Deutscher Verein avec l’ Allemagne

Si le Deutscher Verein demande justice pour les Belges germanophones, il ne cherche pas pour autant d’appui auprès de l’ Allemagne. Le grand voisin avec lequel le Luxembourg belge n’ a d’ailleurs pas de frontière commune. Cela ne signifie pas que son action en faveur de la langue allemande et du Deutschtum passe totalement inaperçue du côté allemand. A plusieurs reprises. on voit de l’ autre côté du Rhin des joumaux ou des universitaires saluer l’ action du Verein belge.

La Kölnische Volkszeitung dénonce avec vigueur les fossoyeurs du Deutschtum en Belgique et souligne le mérite du clergé et des nouveaux défenseurs de la langue maternelle. Les Alldeutscher Blätter déplorent la triste situation faite à la langue allemande en Belgique et félicitent le Deutscher Verein pour son action.

En novembre 1902, le professeur K Winterstein, de Kassel, et le professeur Liesegang, de Wiesbaden, proposent au Deutscher Verein de recevoir gratuitement deux séries de livres pour les bibliothèques du cercle linguistique par l’intermédiaire du «Alledeutsche verband», avec promesse d’envois futurs. Réuni en assemblée générale, le Deutscher Verein refuse l’ offre car il estime qu’un tel geste pourrait être mal interprété en Belgique.

L’Union pangermanique est remerciée pour son intention mais son cadeau est repoussé.

Ce refus donne une bonne image au Deutscher Verein. toute empreinte de patriotisme. En Belgique, on apprécie, et en Allemagne, on n’ oubliera pas le loyalisme de cette société défendant les droits de la langue allemande.

«Im übrigen war die Tendenz der Vereine durchaus loyal-belgisch wie sich schon daraus ergibt, dass in 1903 eine Bücherschenkung aus Deutschland abgelehnt wurde, weil sie

angeblich von all-deutscher Seite kam und die Vereine hiermit nichts zu tun haben wollten. » (A FRESE, Deutsches Land in Belgien, Berlin, 1918, p, 10)

 (p.166) Le Deutscher Verein a toutefois une troisième raison de ne pas accepter le don, outre son patriotisme et la publicité que son geste lui assure. En effet, un membre du cercle, le chanoine Lecler, ayant connaissance de la liste des livres proposés, conseille aussitôt de rejeter l’offre car le cadeau est empoisonné : les livres sont d’inspiration protestante.

Le Deutscher Verein, en tant que société catholique, n’hésite jamais à condamner le protestantisme allemand. Des articles publiés dans le Jahrbuch dénoncent la politique menée par Bismark, rendu présomptueux par ses victoires sur la France, et racontent comment il a conçu le projet de fondre toutes les convictions religieuses en un catholicisme d’Etat sans obédience à Rome.

Persécutions des catholiques, fermeture des séminaires et des écoles catholiques, fuite des étudiants, brimades, etc. sont décrites .

On peut conclure que les relations entre le Deutscher Verein et l’Allemagne sont quasiment inexistantes. ou en tout cas très rares. S’il y en a, elles sont aimables sans plus. On peut même

signaler un incident entre Godefroid Kurth et la Frankfürter Zeitung durant l’ année 1906.

A la suite de la campagne de l’historien dans les colonnes du Vingtième Siècle, le correspondant bruxellois du grand quotidien allemand s’en prend à Kurth et à son organisation. D’après lui il est absolument faux de prétendre que la Belgique néglige ses germanophones. Il s’évertue à prouver que le mouvement allemand n’est pas justifié et que son promoteur va beaucoup trop loin. Il y a en Belgique, remarque-t-il, 1.457 communes wallonnes, 1.137 communes flamandes et en tout et pour tout 26 communes allemandes comptant 36.344 habitants dont 15.900 seulement ne parlent que l’allemand. Kurth exagère largement en réclamant la mise sur pied d’ égalité de l’ allemand avec le français et le flamand. Pour le journaliste, la question des langues est admirablement résolue en Belgique.

Malgré ces rapports très limités entre le Deutscher Verein et la nation germanique, certains n’hésitent pas à affirmer que Godefroid Kurth fait le jeu des pangermanistes. Dans le cadre de son article consacré à l’influence allemande en Belgique, paru en (p.167) 1907 dans la Revue de Paris, Maurice Wilmotte consacre un paragraphe aux sociétés allemandes de Kurthet de Bischoff. :

«Né germain et plébéien (sic), M. Kurth ne pouvait aimerles raffinements dela civilisation latine, et tout s’accordait pour faire de lui le champion, sincère jusqu’aux ardeurs fanatiques, du germanisme en Belgique. Il n’eut pas de peine à trouver des collaborateurs dans un milieu qu’il dominait de toute sa stature.» (Wilmotte, L’influence allemande en Belgique, in : la Revue de Paris, paris, sept-oct. 1907, p.662)

Poursuivant, Maurice Wilmotte fait remarquer que les résultats de ce genre de cercles linguistiques sont dangereux. Les Leitfaden für den Unterricht in der Geographie du professeur Daniel et l’ Alldeutscher Atlas du professeur Langhans, tracent une ligne de démarcation surprenante entre le Deutschtum et les territoires de langue française :

«Est-il besoin de dire qu ‘Arlon et les petites bourgades luxembourgeoises du Sud-est de la Belgique sont également restituées au Deutschtum ? Le Grand-Duché n’est pas simplement annexé, il est débaptisé comme Arlon est Arel.»  (id.)

 

(p.213) (Recensements linguistiques) Cette comparaison entre les résultats du recensement linguistique de 1910 et celui de 1920 pour l’ arrondissement d’ Arlon et les communes de Fauvillers et de Tintange (arrondissement de Bastogne), montre clairement la régression de l’allemand ou en tout cas du nombre de personnes ayant déclaré parler l’ allemand.

En dix années, on chute de 25 % à 16 % pour les habitants parlant uniquement l’ allemand. Quand à ceux parlant les deux langues, il augmente à peine de 2 %. Par contre, le nombre d’habitants parlant le français monte de 9 %. Plus de 7 % de la population connaissant l’allemand ont disparu de la circulation en une décennie.

Rien qu’à Arlon. ce sont 18 % qui s’évanouissent. Les Arlonais sachant seulement l’allemand passent de 1.552 à 572, tandis que ceux connaissant le français et l’allemand régressent de 6.747 à 5.159. Ce n’est pas le cas dans tous les villages où il arrive parfois que l’allemand progresse. En général, parmi les habitants ayant déclaré en 1910 connaître seulement l’allemand, beaucoup d’ entre eux se retrouvent en 1920 dans la colonne «français et allemand».

Mais il est indéniable que certains, connaissant l’allemand en 1910, ont déclaré l’ignorer en 1920.

Où les résultats sont encore plus nets, c’est quand on demande aux habitants de choisir entre le français. l’ allemand et le flamand pour désigner la langue qu’ils utilisent le plus fréquemment ou la seule qu’ils savent parler. Voici les résultats pour les deux langues qui nous intéressent uniquement dans l’ arrondissement d’ Arlon :

– en 1910 : 70,76 %0 de la population totale (soit 29,195 habitants) déclarent utiliser l’allemand contre 23,58 % (soit 9.728 habitants) parlant le français :

– en 1920, le pourcentage de gens parlant uniquement ou le plus fréquemment l’allemand est tombé à 55,72 %0 (soit 22.353 habitants) contre 40,51 % de la population (soit 16.253 habitants) ayant préféré indiquer le français ;

– en 1930, on constate que le processus s’est légèrement ralenti mais que les personnes pratiquant le français sont désormais majoritaires avec 51,96 % de la population (soit 21.575 habitants) contre 43,48 % (soit 18.053 habitants) ayant déclaré parler l’ allemand.

Les années qui suivent la guerre sont sans cesse marquées par des cérémonies d’hommage et de souvenir des sauvageries dont la culture allemande est responsable.

(Statistiques de la Belgique, Recensement Général du 31 décembre 1910 et Recensement Général du 31 décembre 1920, Bruxelles ; Statistiques de la Belgique Recensement Général du 31 décembre 1930)

 

(p.307) RENFORCEMENT DES RELATIONS FRANCO-BELGES A ARLON

 

Les fêtes commémoratives franco-belges d’ Arlon en 1934

L’événement de l’année 1934 dans le chef-lieu du Luxembourg est «l’inoubliable Fête franco-belge d’Arlon» du dimanche 19 août (Avenir du Lux., 21/08/1934). Depuis 1908, jamais pareille manifestation d’amitié entre la région et la France ne s’ était déroulée. Arlon se souvient des milliers de soldats français tombés en août 1914 en se portant au secours des Luxembourgeois. C’ est également le 20e anniversaire des massacres de civils et la ville tient à prouver «sa fidélité à leur mémoire sacrée et sa volonté de garderles hautes leçons de leur sacrifice» (id.)

Cette fête remarquablement réussie mobilise toute la population et tout ce que le Luxembourg compte comme autorités. Elle débute tôt le matin lorsque la foule accueille à la gare les

officiels français et la musique bleu-horizon du 168e régiment d’infanterie de Thionville, aux cris de «Vive la France ! Vive la Belgique !». Une « Brabançonne» répond aussitôt à une «Marseillaise» jouée par la musique du régiment des chasseurs Ardennais, Après une réception à la gare, un cortège réunissant toutes les sociétés locales, les associations d’ anciens combattants… défile en ville. Sous les drapeaux belges et français, on ranime la flamme du souvenir sur la place Léopold. Tandis que les Croix du Feu prennent position aux côtés des Mutilés de Longwy, le gouverneur Van den Corput (443) prononce un discours musclé contre l’Allemagne : (…).

(p.308) Les allocutions se succèdent : celle du colonel français Cousse, du lieutenant-colonel Chardome… Le délégué du ministre de la Santé, Barthélémy, s’ attache particulièrement à décrire la situation tragique des Alsaciens et des Lorrains en 1914. Le président du comité organisateur, l’ Arlonais Fritz Barnich, exprime ensuite son admiration pour la France .

«Quant au noble peuple de France, son courage est légendaire. En tombant sur notre sol, ses dix mille morts ont écrit la premièrepage d’une épopée nouvelle dont les batailles de Verdun

devaient constituer le chapitre le plus glorieux et qui comme tout beau livre, devait se terminer par la victoire, une belle, une grande, une très grande victoire. La France est notre plus belle, notre plus sympathique voisine.»

Toute la journée, banquets, concerts, réceptions, toasts… se suivent Dans la région. tous les sportifs participent au Rallye international pour autos, motos et vélos organisé par le Motor Club Luxembourgeois et la Fédération Motocycliste de l’Est Tard dans la nuit, on entend encore les airs de «sambre et Meuse», de la «Marche Lorraine» et les cris de «Vive la France !  Vive la Belgique !».

Le 25e anniversaire de l’ Association pour la Culture et l’Extension de la Langue française

Vingt-cinq années que le sourire de ce «bon Van Dooren» (Omer HABARU, Vive l’Ardenne Moosieurle Ministre !, in Les Annonces du Luxembourg, dimanche 16 février 1936, p. 3)

illumine les conférences françaises à Arlon, cela devait se fêter. Depuis 1910, la section luxembourgeoise de l’Association (p.309) diffuse la culture française en invitant des conférenciers de choix dans le chef-lieu provincial.

En ce début d’année 1936, le comité d’Arlon prépare son anniversaire sous la présidence du bourgmestre Paul Reuter. Il succède à Numa Ensch-Tesch qui s’est éteint en 1929, après avoir présidé aux destinées de l’Extension de l’Université de Bruxelles pendant près d’un quart de siècle puis à celles de l’Association Française. D’autres encore ont disparu, comme le notaire Charles Hubert ou Camille cerf. décédé à Paris en janvier 1936.

Depuis la guerre, il n’ existe plus de rivalités à Arlon entre défenseurs de la langue allemande et de la langue française. Même le clergé a évolué et ne rejette plus la culture du grand pays ami, Femand Van den Corput. gouvemeur du Luxembourg, n’est autre que le président d’honneur de l’Association et c’est sans difficulté aucune qu’en vingt-cinq années, Arlon a accueilli toutes «les personnalités les plus représentatives du génie français» (1), de Jules Romains (1922) à Paul Séguy (1932), de Paul Doumer (1911) à René Lalou (1927).

 

La manifestation a lieu le samedi 8 février 1936. Elle se déroule en présence de l’ambassadeur de France à Bruxelles, Laroche, du consul général de France à Liège, Sarrien, du maire de Longwy et député de Meurthe-et-Moselle, Amidien du Clos, du gouvemeur Van den Corput. du bourgmestre Reuter, du directeur des Beaux-Arts, Glésener, du fondateur de l’Association , Maurice Wilmotte, et de nombreuses autres personnalités.

Après les cérémonies et les réceptions à l’hôtel du Gouvernement provincial et à l’hôtel Beau-Site, après les dépôts de gerbes au Mémorial franco-belge et au Coq gaulois. une soirée de gala animée par Eva Reynal de l’Odéon et Pierre Dux, de la Comédie Française, clôture la fête à l’Auditorium ). (2)

Cette heureuse manifestation est financée par une souscription publique à laquelle participent généreusement la Ville d’ Arlon, la Province et 1’ambassade de France (3).

 

(1) Association pour la culture et l’extension de la langue française. comité d’Arlon. XXVe anniversaire, 191O-1935 Arlon, 1936, p, 21.

(2) Omer HABARU, Le XXVe anniversaire de l’Association Française, in Les Nouvelles, lundi 10 février 1936, pp. 1-2.

(3) Lettre de F, Sarrien, consul général de France, à André Mortehan, agent consulaire de France à Arlon, Liège, le 7 décembre 1935. Papiers Association Française (AEA,).

 

(p.310) On profite du 50e anniversaire de la disparition de Victor Hugo pour rappeler son séjour à Arlon en août 1862. On conte la visite de Voltaire à la dernière marquise du Pont d’Oye en 1745, les journées difficiles que Chateaubriand, gravement malade, a connues à Arlon en 1792 à son retour du siège de Thionville, et on n’oublie pas Goethe qui, la même année, s’est arrêté à Arlon après la débâcle de Valmy (1).

Dans son discours, le président Reuter souligne les progrès récents du français, espérant que d’ici peu la région d’Arlon ne comportera plus d’habitants ne parlant pas ou ne comprenant

pas le français. Il souhaite de tout son coeur le maintien du Luxembourgeois et salue ses défenseurs désintéressés, puisant dans le répertoire des écrivains patoisants (Dicks, Lentz, Ménard..,) pour organiser de temps à autre une représentation théâtrale. Mais pour le bourgmestre d’ Arlon, il est clair que le dialecte n’ a plus qu’un caractère folklorique :

«Ce patois savoureux, amalgame d’expressions allemandes francisées et de mots français affub1és d’une tournure germanique, reste au point de vue purement folklorique, un vestige intéressant du langage de nos ancêtres.» (2)

Par contre, il est sans pitié pour ceux qui se sont servis du patois pour combattre la langue et la culture françaises à des fins politiques :

« D’aucuns ont cru déceler, dans cette survivance du dialecte luxembourgeois, la trace d’un instinct ethnique, comme une germanophilie latente, une parenté d’origine et d’aspirations avec le Deutschtum débordant ses frontières.

« Certains même se sont bercés del’illusion qu’une propagande adroite eût pu exploiter avantageusement, pour des fins politiques prudemment dissimulées, cette coexistence d’un patois allemand avecle français, devenu depuisla séparation de l839, la langue administrative et judiciaire exclusivement usitée même dans nos communes rurales.

« L’insuccès le plus absolu a couronné leurs efforts.

(1)   Paul Reuter, Quelques hôtes d’Arlon dans le passé, i : Association pour la culture et l’extension de la langue grançaise, 25e anniv., 1910-1935, Arlon, 1936, p.22-26

(2)   Id., p.20

 

(p.394) Le recensement de la population en 1947

Le recensement de la population au 31 décembre 1947 est le demier recensement présentant une répartition de la population selon les langues nationales parlées. Il n’y en a plus eu depuis. C’est la dernière estimation officielle du nombre de patoisants dans le pays d’Arlon. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit exacte, loin de là.

Comme les tableaux qui suivent l’indiquent, il n’y aurait plus que 5,8 0/0 d’habitants se servant habituellement de l’allemand alors que dix-sept ans auparavant, d’après le recensement de 1930 déjà contesté par Bertrang, il y en avait 43 %.

Quant à la proportion de gens parlant le plus fréquemment le français, elle est passée de 52 % en 1930 à 88,9 % en 1947.

C’est surtout dans les villages que les mentalités et les déclarations relatives à la langue parlée ont changé, En 1930, à Arlon, 83 %0 des habitants déclaraient se servir en général du français. En 1947, ils sont 95 %. De même à Athus, la progression va de 71 % à 94 %, et à Aubange, de 82 à 96 %. Cela reste dans les limites du possible. Par contre, dans des villages comme Habergy, Hachy, Hondelange, Nobressart, Nothomb, Tontelange… l’ évolution est foudroyante.

A Habergy, de 4 % de gens parlant habituellement le français en 1930, on passe à 40,5 % en 1947; à Hachy, de 9 % à 94,8 %; à Hondelange, de 5 % à 69,7 %; à Nobressart, de 4 % à 91,9 %; à Nothomb, de 1 % à 58,9 %; à Tontelange, de 4 % à 93,6 %; etc.

(p.397) Quant aux personnes connaissant l’ allemand, leur total s’ élève à 10.549 en 1947, contre 24.040 en 1930, soit une différence de 13.581 germanophones en dix-sept années, pour une diminution générale de la population de 1.536 personnes. En supposant un instant que ces derniers aient été 1.536 germanophones, on constate que plus de 12.000 habitants du pays d’Arlon connaissant l’idiome germanique ont disparu entre les deux recensements.

La seconde guerre mondiale a ébranlé les villageois. En masse, ils ont préféré déclarer utiliser habituellement le français plutôt que l’ allemand pour ne pas être considérés comme des « bo-

ches ». En outre, des milliers d’entre eux, probablement plus de dix mille, ont déclaré ne pas connaître l’allemand alors qu’ils pratiquaient le luxembourgeois. Si on leur avait donné la possibilité d’indiquer cette langue, il n’est pas certain qu’ils l’auraient fait.. Les menaces d’annexion au Reich, qui ont plané pendant toute l’occupation à cause du patois, la répression qui a sévi ensuite contre les membres du Sprachverein, influencent les villageois dans leurs réponses lors du recensement.

La répartition des habitants du pays d’Arlon en fonction de leur langue, d’après le recensement de la population au 31 décembre 1947 est certainement la plus inexacte de toutes celles faites depuis 1846.

(p.417) A l’ extérieur du pays d’ Arlon, des lettres à en-tête des deux associations de Pierre Schweitzer continuent à semer la confusion parmi les plus hautes personnalités belges et grand-ducales pendant quelques années encore.

Pendant ce temps, Arelerland a Sprooch poursuit imperturbablement son chemin. En juin 1984, le mouvement envoie un mémorandum au gouvemeur Jacques Planchard afin de relancer et d’ animer la langue luxembourgeoise. Il demande à être épaulé dans ses efforts afin d’ enseigner et de diffuser le francique mosellan. Il souhaite que les instances provinciales délimitent exactement le territoire de l’ Arelerland comme entité et qu’ elles précisent le statut culturel à concéder à cette entité dans le contexte de la province.

Sur base de la résolution du Parlement européen pour «une charte comm una utaire des langues et cultures régionales et pour une charte des minorités ethniques», il souhaite la mise en place d’une politique s’inspirant de ces principes. ALAS voudrait que le pays d’Arlon devienne une contrée pilote européenne dans trois domaines : l’ enseignement. les moyens de communication de masse, la vie publique et la culture.

Pour l’ enseignement. ce mémorandum préconise de recourir à des maîtresses patoisantes et itinérantes à l’échelon maternel, un centre de documentation pédagogique avec bibliothèque, discothèque et ludothèque, et l’ enseignement de trois heures hebdomadaires d’ allemand dans le primaire supérieur comme cela se fait déjà à l’ époque à titre expérimental à Attert et à Messancy. Voire l’enseignement en allemand du cours d’éveil (histoire et sciences). Par ailleurs, le texte prévoit des émissions radios en luxembourgeois sur Fréquence 4 (RTBF Arlon), le relais des émissions en langue allemande du Belgische Rundfunk d’Eupen, ainsi que l’aide à l’édition dialectale.

Le projet propose enfin la création d’une  » Chambre culturelle provinciale » pour la promotion de la culture luxembourgeoise, avec centre régional de documentation et animateurs.

Celle-ci aurait sous tutelle le développement de la langue, de l’économie régionale (c’est-à-dire le tourisme culturel), l’organisation des manifestations culturelles et la mise en valeur du patrimoine ).

 

(in : La Meuse-Luxembourg,lundi 18 juin 1984, et L’Avenir du Luxembourg, lundi 25 juin 1984)

 

 

Fondation Jean-Baptiste Nothomb 1980-2006 / Pour le plurilinguisme dans la région des 3 frontières, 2006

 

(p.24) Evolution linguistique dans l’Arelerland de 1839 à nos jours

 

Nous appartenons à la mini-minorité marginale et frontalière des luxembourgophones de Belgique. Citoyens belges et non wallons, nous serions de nationalité luxembourgeoise sans les tractations de coulisses qui, entre 1830 et 1839, ont fait dépendre notre destin du caprice des princes et des manœuvres diplomatiques des pouvoirs centralisateurs. La question de la langue devient pendant près d’un siècle donc, un combat éminemment politique mais entre l’allemand et le français uniquement. Le luxembourgeois était complètement absent du débat de fond, en dépit de l’implication de certains écrivains qui se réveillent en rédigeant en luxembourgeois, qui jusqu’alors n’était que parlé, des poèmes, des pièces de théâtre selon leur propre libellé. En fait, notre population a souffert depuis 1839 des menus désagréments qu’entraîné sa position « entre 2 chaises ».

Elle fut suspectée, blessée de certaines confusions insultantes intra-muros en temps de guerre, à cause de ces inévitables affinités linguistiques avec l’ennemi. Ce qui n’enlève rien à son patriotisme belge qui, il faut le reconnaître, a été exemplaire et admirable en soi.

L’amalgame culturel et linguistique développé par l’ennemi sera récupéré, en temps de paix, par l’Etat et l’administration francophone majoritaire qui, aveuglés par la passion nationaliste et s’appuyant sur un pouvoir politique intraitable et un recensement linguistique de 1947 tout aussi fallacieux dans les chiffres, radicalisera l’étude du français, en éradiquant la langue allemande des écoles de l’Arelerland, en interdisant l’emploi du luxembourgeois sur la cour de récréation, mutilant ainsi la clé de voûte de notre identité. Cette politique assimilatrice s’est poursuivie dans nos campagnes par la création en 1960 d’écoles maternelles unilingues et pour la première fois depuis des siècles d’histoire, la transmission inter-générations du luxembourgeois est stoppée dans les familles : c’est la langue de l’école qui pénètre dans les familles. Le luxembourgeois et l’allemand perdaient donc progressivement leurs positions, à la maison, à l’école, à l’église et dans la vie publique en général.

 

1920s

31/08/2009 – Jean-Pierre HERVEG  

 

Mon père avait un petit magasin de produits agricoles, rue des Capucins. Mais, avec Auguste Pesch, il allait de fournir de fermes en fermes l’Arelerland. A deux, ils connaissaient tous les Mundart (de Parette à Athus). C’est d’ailleurs au cours d’un de ces voyage qu’il rencontra ma mère.

 

Nous habitions « à la frontière » de la Hetchegas, nous allions à la messe à Saint Donat, une église dont les curés et les vicaires parlaient l’arlonnais. Nous ne fréquentions pas les autres quartiers et pas l’église Saint Martin. Les promenades familiales ne se faisaient que dans le bassin du Rhin.

 

Tous les prêtres me parlaient français (et avec quel accent !), alors qu’ils savaient que dans ma famille on parlait l’allemand et l’arlonnais et que eux aussi parlaient arlonnais. Le seul qui me parlait arlonnais était l’abbé Hammes, un Athusien. Avaient-ils reçu des ordres de Namur ? Je me souviens que le doyen Origer nous avait appris à donner l’heure en arlonnais pendant la semaine sainte (avec nos clippes). Origer, qui nous parlaient en Areler est mort au camp de Neuengamme !

 

Le curé actuel ne parle pas l’arlonnais (je le lui ai demandé, il m’a dit qu’il était de Habay), je me demande comment il fait pour les confessions …

 

1930s

Julie Muller-Barthélemy, Erënnerungen aus engem beweegte Jorhonnert, éd. RBS, izerg 2009

 

(p.55) Zu Ettelbréck war awer eng Schwëster Irène, déi huet zwee Joer gehalen, déi „ cours supérieur » geheescht hunn. Ech hunn déi zwee Joer gemaach, an dat zweet Joer ofgeschloss mam klengen Examen vun der Langue française zu Nanzech. Dee groussen Diplom vun der Langue fran­çaise dat Joer huet d’Cecile Majeres-Serres kritt. Mir zwee sinn déi eenzeg vun deenen zwou Klassen, déi nach liewen. Ech hunn et ni bereit bei der Soeur Irène geléiert ze hunn. An deenen zwee Joer war d’consigne du français, do hu mer souguer an der Paus franséisch geschwat. Mir hunn ëmmer eng carte rosé kritt an op (p.56) dâr leschter déi ech kritt hunn stung hannendrop: ,,Julie obtiendrait la carte blanche, si elle observait toujours la consigne du français. »

 

1932

Charles Dubois, Vieille choses d’Ardenne, Cercle d’Histoire et d’Archéologie de la Haute Sûre, éd. Eole, (1932) rééd. 2002

 

/Bodange, Wisembach/

 

(p.35)

Victor est un grand garçon nerveux et fort. Ses yeux pers, un peu bridés et inquisiteurs, sont pleins de malice. Ils vous percent de part en part quand ils vous regardent bien en face. C’est le regard du capitaine qui discerne ses hommes et scrute à fond les valeurs et les énergies. Un nez long et pointu, légèrement insolent, ne contribue pas peu à cet effet, de même que des cheveux rebelles relevés en tournesol au-dessus d’un front large barré d’une cicatrice. Avec cela, le meilleur garçon du monde, fidèle à l’amitié,  prompt aux expédients, disposé à tenter toute escapade, pourvu qu’elle soit pleine d’aventures et de hasards, mais toujours prêt à se dévouer au premier rang et à rece­voir les horions. Nous l’avions nommé notre capitaine. Certain jeudi que nous sortions de l’école : « Amis, nous dit-il, dans trois jours c’est le dernier dimanche avant le Carême. Mardi prochain, nous irons collecter pour la Fricassée de Carnaval (fouesens-brooden; dans le juteux dialecte patois allemand). Réunion dimanche, après vêpres, chez le lieutenant. Que chacun arrive équipé de pied en cape ; on distri­buera les rôles.»

 

1973

Camille Schmit, Regards sur Martelange, éd. du Foyer Culturel de Martelange, 1992

 

(p.304) UNE QUERELLE LINGUISTIQUE

 

Au cours de l’arrière-saison de 1973, un tou­riste carolorégien particulièrement pointil­leux adressait une plainte au ministère du Tou­risme.

Source de son mécontentement: une double inscription bilingue « Renseignements & Inlichtingen» et « Inlichtingen & Renseignements» figurant sur le pavillon du tourisme, le long de la Nationale 4, à proximité de l’ancienne gare du vicinal.

A Bruxelles, la Commission permanente de Contrôle linguistique se mit aussitôt en branle, jugea nécessaire d’envoyer sur place un de ses ins­pecteurs, puis prit un arrêté déclarant recevable la requête de notre Carolorégien. Elle somma ensuite « L’Union commerciale et touristique » de Martelange d’enlever l’inscription en langue néerlandaise, étant donné que la législation sur l’emploi des langues en matière administrative interdisait l’usage du néerlandais en Wallonie.

On fit remarquer à cette occasion qu’il existait des dispositions particulières pour les communes à vocation touristique, mais en l’occurrence deux conditions devaient être remplies pour satisfaire aux lois : il fallait tout d’abord que la commune soit reconnue comme centre touristique, puis que les inscriptions officielles destinées aux vacanciers soient multilingues, étant entendu que le français devait apparaître en première place, suivi du néer­landais, puis d’une troisième langue au choix.

La réaction du Conseil communal de Marte-lange ne se fit pas attendre. En février 1974, il décida à l’unanimité de ne pas donner suite à la décision de la Commission de Contrôle linguisti­que et de maintenir les inscriptions bilingues.

Nous ignorons comment se termina l’incident. Au moment où nous écrivons ces lignes (1988), il est relégué depuis longtemps dans les oubliettes de l’histoire locale.

A Martelange, en apprenant les faits, on se gaussa de tant de sottise. Mais la presse s’empara du problème et réussit fort bien à l’envenimer. Ce qui nous valut, à l’époque, de la part de plusieurs lecteurs, des réactions contradictoires et passion­nées qui méritent qu’on s’y arrête un instant.

L’un des intervenants, originaire de Bruges et vice-président d’une « asocio por la divastigo de la internacia lingvo Espéranto » suggéra tout natu­rellement l’emploi de l’espéranto. «Ce faisant», écrivit-il au Conseil communal, « votre cité se his­sera à la pointe du progrès».

Un deuxième correspondant, habitant Braine-le-Comte, estima devoir partir en guerre contre les «Flamingants rabiques, intolérants» et fit savoir que l’inscription en question répondait aux cri­tères généralement admis puisqu’elle était rédigée dans la langue de la région, également langue internationale, le français. Puis, oublieux des prin­cipes qui l’animent, il suggère l’usage du wallon sur les panneaux de signalisation du sud du pays.

Un troisième lecteur (du «Soir») qui manquait d’idées, mais point d’enthousiasme, multiplia ses encouragements au maire de Martelange et estima devoir clamer bien haut «…qu’il y a encore des Belges en Belgique».

Quant au quatrième, secrétaire de l’Association francophone du Personnel wallon et franco­phone des Services publics, il affirma que la Wal­lonie est, sur le plan culturel, une province fran­çaise au même titre que la Bourgogne et l’Anjou et «qu’aucune raison d’opportunité d’ordre com­mercial et à courte vue ne peut avoir le pas sur cette réalité historique». «Une communauté», écrit-il, « doit assurer son homogénéité linguisti­que ». Il condamne, par conséquent, l’initiative du Conseil communal et de l’Office du Tourisme.

A lire les réactions des uns et des autres, on est frappé de constater combien certains font fi des réalités locales, de l’accueil bien timide, en fait, qu’une association touristique voulait réserver à ses estivants et des intérêts légitimes des autoch­tones luttant pour le maintien du tourisme, der­nière ressource de l’économie régionale.

 

(p.305) Un seul mot traduit dans la deuxième langue nationale avait, en somme, déclenché une polé­mique où les intervenants avaient perdu tout sens des proportions, voire tout bon sens.

L’intervention (« Le Soir» du 14.1.1974) d’un cinquième lecteur retiendra davantage notre attention, non point parce que celui-ci est de Ma-telange, mais parce que sa lettre contient deux affirmations qui méritent d’être examinées de plus près.

D fait savoir tout d’abord que Martelange n’est pas du tout en région francophone et ajoute que l’on y parle « le dialecte luxembourgeois comme dans tous les villages de la frontière de Tintange à Arlon ».

Cette double affirmation n’est que partielle­ment exacte. Martelange, dans le sens de la légis­lation linguistique de 1963, se trouve bel et bien, qu’on le veuille ou non, en région francophone.

Mais il s’avère, d’autre part, que ses habitants pratiquent l’idiome luxembourgeois (le francique mosellan) depuis des siècles, c’est-à-dire depuis que les Francs ripuaires venus du Rhin moyen au / siècle y absorbèrent les Gallo-romains installés dans la région.

Ainsi une enquête officielle a fait apparaître qu’en 1880, par exemple, 76% des habitants y parlaient l’allemand (en l’occurrence le luxem­bourgeois), 6% le français et 10,6% le français et l’allemand (cf. E. Tandel : « Les Communes luxembourgeoises », t. 1, p. 179).

Un siècle plus tard environ (1975), un recense­ment sommaire organisé par un étudiant d’un institut supérieur de pédagogie d’Arlon et portant sur 105 familles, soit 446 personnes, faisait ressor­tir qu’il n’y avait plus à Martelange que 51,12 % de personnes parlant encore le luxembourgeois.

Notre enquêteur devait également découvrir que 70% des « grands-parents » interrogés maîtri­saient le luxembourgeois, alors que 61 % des «parents » et 36 % des « enfants » l’utilisaient quoti­diennement comme langue véhiculaire. Et notre chercheur de conclure que la plupart des enfants (64%) ne parlent donc plus, à l’heure actuelle, que le français.

Cette enquête, bien qu’elle ait été organisée sans grands moyens et sans que son auteur nous dise si elle s’étendait aux villages de Radelange et de Grumelange, est cependant révélatrice de ten­dances dont il y a lieu d’examiner l’évolution.

Si l’on se réfère à la langue écrite, il convient de se rappeler que la plupart des actes de la Cour de Justice de Martelange (1568-1795) sont rédigés en allemand, que les inscriptions aux registres paroissiaux ont été faites alternativement en alle­mand, en latin et en français, que les actes notariés (antérieurs à la période française 1796-1815) bien que rédigés en français, signalent quasi tous qu’ils ont été suivis d’une lecture explicative en langue allemande à l’usage des intéressés.

Nous observons, d’autre part, que les procès-verbaux des registres des délibérations du Conseil communal (depuis 1811) sont écrits exclusive­ment en français et c’est dans cette langue que nos édiles communaux depuis deux siècles prêtent serment entre les mains du bourgmestre.

Enfin, depuis la fin de l’Ancien Régime, la lan­gue de la justice et de l’administration en général a toujours été le français.

La dernière instance désireuse de marquer son attachement à la langue du peuple fut l’Eglise qui jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale et même au-delà s’appliqua à faire enseigner le caté­chisme et à faire prier les fidèles en langue alle­mande et, pour ce faire, recruta nos curés et vicaires dans les villes et villages du Luxembourg germanique.

On peut affirmer, en résumé, que l’usage du dialecte luxembourgeois est, à l’heure actuelle, encore largement répandu dans les couches les plus âgées de la population, que seules quelques personnes instruites possèdent encore une maî­trise suffisante de l’allemand écrit et parlé, que le français, introduit dans l’enseignement primaire depuis 1919, gagne en influence et marque de plus en plus les générations montantes.

Cette situation est due à l’abandon de l’alle­mand comme langue de l’administration (à la fin du XVIIIe siècle), comme langue de l’enseignement (p.306) (au lendemain de la guerre 14-18), comme langue de l’Eglise (entre les deux guerres mondiales).

Elle est aussi la conséquence de certains mouve­ments de population : comme l’arrivée dans le pays (au XIXe siècle) d’ouvriers ardoisiers de Fumay et de la Semois, de fonctionnaires wallons (gendarmes, douaniers, enseignants, agents de l’administration), voire de médecins et de pharmaciens franco­phones, comme aussi le retour, dans la seconde moitié du XIXe siècle, de quelques dizaines de jeunes Martelangeois et Martelangeoises qui s’étaient exilés en France pour y trouver du travail.

Enfin, elle est, en partie, la conséquence d’une intensification progressive du trafic nord-sud (national et international) qui lentement s’est substitué au trafic est-ouest de caractère pure­ment régional. Le trafic est-ouest qui, pendant des siècles, favorisa les rapports entre les habitants de la Haute Sûre germanique se trouva dans une certaine mesure entravé dès 1843 par une ligne di démarcation qui petit à petit se mua en véritable frontière.

A ces processus d’affaiblissement de l’influence germanique, on doit ajouter l’influence crois santé de la presse, de la radio, de la télévision francophones qui agissent massivement sur les esprit: et entraînent inexorablement les jeunes généra dons dans l’orbite de la langue et de la culture françaises.

Si la protestation de notre estivant carolorégien et la campagne de presse qu’elle déclenche s’avérèrent bien futiles, elles nous auront ai moins donné l’occasion de rappeler brièvement les réalités linguistiques d’hier et d’aujourd’hui propres à Martelange.

Il convient de les connaître pour bien les com­prendre, comme il sied d’en parler en restant maî­tre de sa pensée et de son verbe.

 

1979

Arelerland a Sprooch, Eis Sprooch iwwert all Grenzen, Diddebuurg / Thiaumont 1979

 

(p.5) Remarquons au passage qu’entre Tënnen et Bocholz, toute une série de villages ont dû être romanisés relativement tôt, peut-être, pour certains, à cause de la proximité de Bastogne, seule ville importante de la région et ville wallonne. Citons simplement Strainchamps (anciennement, Sauerfeld), Hollange, Losange et Lutremange (aux noms caractéristiques en –ange / ing ou –ingen) et, plus au nord, Steinbach qui a gardé son nom bien germanique.

 

1980

Jean-Marie Mottet (Durbuy), régent en français, défenseur du wallon, déclarait avec mépris que le groupement ALAS (Arelerland a Sprooch) était germanophile.

C’était son seul souci à propos cette association alors qu’elle aurait pu travailler de concert avec les défenseurs de la langue et de la culture wallonnes.

 

1989

M.O., Le Grand-Duché de Luxembourg célèbre 150 ans d’ histoire, LB 18/04/1989

 

“Mir wëlle bleiwe wat mir sinn” … Nous voulons rester ce que nous sommes, proclament fièrement les Luxembourgeois dans leur langue un peu bizarroïde.” (sic)

 

1995

Philippe Colling, Le ‘Pletsch’ et ses cinquante ans de zinc, AL, 29/04/1995

 

Un lieu-dit et tout est dit: Quatre-Vents ou pour les Arlonais, Katrewang, sur les hauteurs d’ Arlon lorsqu’on vient par la Nationale 4 de Bastogne.

 

1996

P.C., Deux députés flamingants allument “un brûlot linguistique”, VA 06/07/1996

 

Le député Ignace Lowie (Vlaams Blok) a déposé une proposition de résolution qui réclame “la reconnaissance d’un caractère spécifique au pays d’Arlon”, dont il estime qu’ “il a toujours été très proche de la culture allemande”.

“Dans la proposition de loi concernant la modification de l’arrêté royal de juin 1988 déterminant l’ orthographe du nom des communes, les députés Lowie et Buisseret considèrent que, pour le pays d’ Arlon, le nom allemand doit figurer en tête, en raison de l’ identité socio-culturelle de la région, “très marquée et proche de celle du grand-duché de Luxembourg”.  Les noms français seraient alors utilisés en second lieu, “en tant que traduction”.  Ainsi, Arlon serait rebaptisée “Arel” (ou Arel (sic)), Aubange deviendrait “Ibingen”, Martelange “Martelingen” et Messancy “Metzig”.”

On prévoit aussi que le nom allemand soit indiqué entre guillemets pour Bastogne (Bastenaken ou Bastnach) et Fauvillers (Feiteler).

 

1998

G. Mathey, A l’heure du bon choix … Un appui inattendu de Jack Lang, p3-5, Geschwënn, 1998, n°91.

 

(S.4) “Il est à rappeler ici que l’Arelerland a connu la même situation jusque vers 1948, année pendant laquelle l’enseignement est devenu unilingue français.  Jusque là, tout l’enseignement primaire était basé sur l’allemand et le français, ainsi qu’il subsiste au Grand-Duché de Luxembourg, au Danemark.  Pourquoi nous a-t-on enlevé ce privilège?  Personne n’a jusqu’à présent su donner une réponse valable.  Tout cela s’est fait par pressions sur les instituteurs, sur les parents et ceux-ci n’ont pas réagi.  Pourquoi?”

 

1948 G. Mathey, A l’heure du bon choix …, Geschwënn, 91, 1998, p.3-4

 

(p.4) Jusqu’en 1948, l’enseignement primaire dans l’Arelerland était basé sur l’allemand et le français, ainsi qu’il subsiste au Grand-Duché de Luxembourg.  Depuis lors, l’enseignement se fait uniquement en français.  Pourquoi nous a-t-on enlevé ce privilège ?  Personne jusqu’ à présent n’a pu donner une réponse valable.  Tout cela s’est fait par pressions sur les instituteurs, sur les parents et ceux-ci n’ont pas réagi.  Pourquoi?

 

 

2 Documents

2019 - racisme francophone anti-luxembourgeois : le cas d'Olivier Orianne (animateur à TV Lux)

19e siècle au Pays d'Arlon: croix dans les cimetières avec les inscriptions en allemand

(cimetière de Diddebuurg / Thiaumont) (1851)

(1853)

(1867)

(1871)

1904 - affiche pour le "Concours régional agricole d'Arlon", uniquement en français

1928 - Le Guetteur wallon (sic), revue raciste anti-luxembourgophone et anti-germanophone, puiblie un article de l' "Assemblée wallonne", un ramassis de racistes francophiles, soi-disant wallons

1920-1940 - Comment a-t-on détruit le bilinguisme au Pays d'Arlon?

(Emile Engels, Une enfance ardennaise, 1932-1946, éd. Weyrich, s.d.)

1935 - Julien Bestgen, Témoin engagé des horizons linguistiques d'Arlon

(in: Cah. de l’Acad. luxembourgeoise, Nouvelle Série, 20, 2004, p.15-26)

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