La France détruit l'environnement à l'échelle planétaire...

in: Le Matin, 15/07/1995

Quand la France irradiait l’Algérie et la Polynésie…

 

De 1960 à 1996, 100 000 personnes ont été exposées dans le Sahara et dans le Pacifique. L’armée française a reconnu officiellement neuf irradiations. Les contaminations se poursuivent…

 

 

Contamination mortelle au nom de la France impérialiste

 

35 articles édifiants 

 

 

 

0 L’héritage de la bombe, 9 mars 2003

par Michel Verger (*)

Pour se doter du feu nucléaire et devenir la quatrième puissance mondiale à posséder la force de frappe, la France a effectué, de 1960 à 1996, 210 essais nucléaires dont 160 souterrains et 50 aériens. La plus forte explosion a été réalisée en août 1968 au-dessus de l’atoll de Fangataufa. Sa puissance de 2 700 KT équivalait 170 fois celle d’Hiroshima. La quasi-totalité de ces essais souterrains et aériens se sont déroulés sur deux atolls du Pacifique : Moruroa et Fangataufa. Nul besoin de posséder une imagination fertile pour mesurer les dégâts provoqués dans le sol des lagons et dans les îles habitées environnantes de Tureia et de Mangareva (200 à 400 km). Nul besoin d’être un expert en nucléaire pour comprendre que si les essais militaires étaient sans danger, (ou particulièrement  » propres  » pour reprendre une expression officielle), on n’aurait pas construit notre défense nationale sur une force de frappe nucléaire aussi peu efficace (1). Ce qui fit dire à l’amiral Sanguinetti que si les essais nucléaires avaient été si peu dangereux pourquoi les faire à des milliers de kilomètres de la France et pas en Auvergne ?

Nos lointains compatriotes polynésiens, les populations touareg du Sahara et de nombreux Vétérans (appelés du contingent, militaires, travailleurs civils) apportent aujourd’hui leur pierre à l’édification de la vérité sur les essais nucléaires de la France. Beaucoup ont payé un lourd tribut à la bombe : décès prématurés, atteintes cancéreuses, maladies inexpliquées, enfants mort-nés ou avec des malformations, allergies… Leurs témoignages constituent aujourd’hui, après des années de souffrances silencieuses pour certains, un terrible acte d’accusation sur l’irresponsabilité de ceux qui ont fait croire parfois avec succès, auprès des populations locales et des militaires, à l’innocuité des expériences françaises. Tellement innocentes qu’aucun suivi médical n’est effectué, aucun examen ni avant, ni pendant (sauf irradiation immédiate), ni après (les dosimètres chargés de mesurer le taux d’irradiation ne sont souvent pas relevés, j’ai conservé le mien). Dans ces conditions, parler d’essais propres alors qu’aucun contrôle n’est effectué ensuite sur les contaminations internes (inhalation, ingestion suite aux vents de sable) et externe par le contact avec du matériel contaminé (lavage des avions, des bateaux, démontage de chars…) relève du conditionnement idéologique.

Au fil des témoignages, une vérité incroyable se fait jour. A Reggane (Algérie), ce sont des militaires venus d’Allemagne que l’on fait manoeuvrer sitôt après l’explosion de la 4e bombe sur le point zéro. Là, toujours en Algérie à In Eker, c’est un essai souterrain qui rate, la poussière radioactive fuit, se répand aux alentours provoquant des irradiations et des contaminations. Neuf militaires oubliés restent dans le nuage pendant trois heures. Un ministre du général de Gaulle, Gaston Palewski, irradié, est mort plus tard d’une leucémie. Il a toujours professé que c’était la conséquence de cet essai raté. Des Algériens ont été contaminés pendant et après la présence française. Ailleurs en Polynésie, ce sont des populations que l’on enferme dans des hangars en tôle ondulée quand les nuages radioactifs survolent leur île (ils reçoivelt 1 500 francs Pacifique -12 euros environ – après chaque essai !) La nourriture des Polynésiens est essentiellement constituée de poissons pêchés et de fruits, les probabilités d’attraper des maladies radio-induites sont à l’évidence plus grandes ici qu’ailleurs. De nombreux récits sont édifiants. Suite aux essais, les militaires devaient marcher sur des tapis déroulés devant eux, les rats (qualifiés de  » mutants « ) et les fruits étaient anormalement gros ou déformés.

Le dernier rapport de l’Office parlementaire sur le sujet (2 janvier 2002), bâclé en quelques mois, mais sans mentionner aucun des témoignages de Vétérans recueillis (dont le mien relatant les expériences et l’état de santé de nombre d’entre eux), ne reconnaît que d’hypothétiques effets. Comment les rapporteurs peuvent-ils l’affirmer en l’absence d’études médicales sur la santé des Vétérans depuis leur participation aux essais ni sur leur descendance ? Voudraient-ils nous faire croire que l’interdiction des essais, dont la nocivité n’est plus à démontrer, ne s’appliquerait pas à la France ? Dans quel but ? La cécité française, comme avec Tchernobyl, atteint des sommets. Pourtant depuis 1988, une loi américaine a reconnu cette dangerosité, en instituant une présomption d’origine pour ceux qui ont assisté aux expériences nucléaires. Le nombre de type de cancers répertoriés s’élève à dix-neuf et les zones à risques sont situées dans un périmètre de 700 km de rayon autour du point zéro.

Pour faire éclater la vérité, les vétérans des essais nucléaires et leur famille se sont constitués en association (l’AVEN) le 9 juin 2001 qui pourrait concerner plus de 80 000 personnes décédées ou vivantes. En Polynésie et au Sahara, deux associations viennent aussi de se créer ainsi qu’un réseau international (Américains, Anglais, Australiens…) L’AVEN, dont le président est un ancien médecin-chef, le docteur Jean-Louis Valatx, a déjà effectué une enquête auprès de plus de 400 personnes. Elle indique que la fréquence des pathologies, en particulier cancéreuses, est supérieure (près du double) chez les Vétérans à celle de la population générale du même âge. Au vu des ces résultats partiels, une étude épidémiologique rétrospective de l’ensemble des personnels civils et militaires et leurs familles devrait absolument être entreprise. D’ores et déjà, trente trois députés ont apporté leur soutien à cette demande soit en déposant une proposition de loi (trois députés Verts et tout récemment les députés et sénateurs communistes), soit par écrit : cinq socialistes, deux UMP et un UDF. · plusieurs reprises, depuis 1994, les élus du PCF avaient réclamé une commission d’enquête, toujours refusée par le gouvernement de droite ou de gauche.

Les Vétérans formulent plusieurs demandes : le recensement des personnels civils et militaires et des entreprises sous-traitantes concernés. La levée du secret défense sur les dossiers médicaux des Vétérans et de leurs ayants droit. La présomption d’origine des maladies radio-induites à définir par une législation appropriée et qui ne se limite pas aux seuls cancers. La constitution d’un observatoire de la santé dont la composition devra être paritaire. La création d’un fonds d’indemnisation et d’un droit à pension pour les personnels et leurs ayants droit.

(*) Vice-président de l’Association des vétérans des essais nucléaires

(1) Voir le livre de Bruno Barrillot « L’héritage de la Bombe » Observatoire des armes nucléaires françaises, 187 montée de Choulans 69005 LYON (18 euros + frais de port 3,20 euros)

 

1 in : Sud-Ouest, 29/04/2005 : 

Le combat des irradiés

BILLERE (64) – L’Association des vétérans des essais nucléaires est dorénavant représentée dans le département. Elle regroupe une trentaine d’adhérents.

Lorsqu’il était jeune, Patrice Pfeffer a participé en tant que membre de la Marine nationale à trois campagnes d’essais nucléaires. Cela se passait à Mururoa, entre 1969 et 1973. Ce Billérois de 54 ans est aujourd’hui invalide à 80 %. Ces jours derniers, il a supervisé dans sa commune la première rencontre départementale de l’AVEN. Traduisez l’Association des vétérans des essais nucléaires. Un organisme comptant une trentaine d’adhérents dans les Pyrénées-Atlantiques, et 2 500 au niveau national. Tous militent pour que l’Etat prenne ses responsabilités vis-à-vis des personnes qui ont été exposées aux expérimentations nucléaires. Ce qui les amène aujourd’hui à demander un recensement des civils et militaires ayant participé à des tests au Sahara et dans le Pacifique; mais aussi un accès à leurs dossiers médicaux, et… une reconnaissance officielle. Sans oublier la création d’un fonds d’indemnisation et de pension pour les victimes et leurs ayant-droits.
« Le secret-défense est encore prévu pour vingt ans, mais les nouveaux cas sont mensuels. Combien y aura-t-il de plaignants en 2020 ? », s’interroge le collectif.
Certains membres sont persuadés d’avoir contaminé leurs enfants, la plupart d’entre-eux étant stériles ou malades, comme Marie Pietzak : « Mon mari est mort d’un cancer dans d’atroces souffrances après avoir été exposé à Tahiti. Quand il en est revenu, mon fils avait 3 ans. Il est toujours malade depuis. »

Difficile bataille. La prise de conscience n’est pas nouvelle. En 1996, une association des anciens du Sahara, depuis intégrée à l’Aven, avait été créée par Roland Weil.
Lors de la première explosion atomique dans le Sahara, en 1960 à Reggane, ce dernier effectuait son service militaire en tant que radio. « Une heure après l’explosion, on m’a envoyé au point zéro, à l’endroit même où la bombe avait été posée. Je suis malade depuis. Mais je n’ai jamais eu de reconnaissance de l’Etat; et je viens de perdre en appel… », dit-il, amer et déçu.
D’autres veulent des preuves médicales, comme le jeune Leny Paris. Engagé volontaire entre 1990 et 1991, il travaillait dans une base de missiles sol-sol, sur le plateau d’Albion, dans le Sud-Est de la France (son combat avait été relaté en septembre dernier dans nos pages). Aujourd’hui, il tempête : « On admet que je suis irradié, mais ce que je veux, c’est mon dossier dosimétrique journalier ! »
Qu’ils soient militaires, épouses de militaires ou veuves, chaque adhérent a sa propre histoire. Tous ont une douleur commune, et ont le sentiment d’avoir été sacrifiés, comme si le matériel nucléaire testé importait plus que leurs vies. Aujourd’hui, le partage de leur impuissance au sein de l’Aven redouble l’espoir d’être un jour entendus.

Aven Pyrénées-Atlantiques, 3, impasse Jules Ferry à Billère. Renseignements auprès de Patrice Pfeffer au 06.09.91.17.02 ou sur le site www.aven.org

 

2      Essais nucléaires: une expertise demandée pour un ancien militaire

13/04/2005 – Le tribunal des pensions de Saint-Brieuc a ordonné mercredi une expertise médicale pour un ancien militaire qui demande une pension d’invalidité affirmant avoir été contaminé lors des essais nucléaires français dans le Pacifique, a-t-on appris de source judiciaire.
Un ancien appelé du contingent, qui avait fait la même demande, a de son côté été débouté, selon la même source.
Le tribunal a jugé recevable la demande de pension d’invalidité de Joseph Romain, 69 ans, ancien électronicien à bord d’un bâtiment de la Marine, sous réserve d’une expertise médicale confiée à un médecin qui devra déterminer si son cancer de la peau est imputable à son service dans la Marine.
L’ancien militaire était sur le site des essais nucléaires entre 1966 et 1970. Il est tombé malade en 1985, et a subi jusqu’à présent 14 interventions chirurgicales liées à son cancer de la peau.
Un autre plaignant, André Dayot, 58 ans, qui avait fait son service militaire dans le Pacifique au même moment, a quant à lui été débouté de sa demande de pension d’invalidité. Il souffre du même type de cancer de la peau que M. Romain, mais son taux d’invalidité n’a pas été suffisant par le tribunal pour prévoir une pension.
Leur avocat avait plaidé à l’audience, le 23 mars dernier, que « cette pathologie rare a touché deux personnes qui se trouvaient au même moment sur un site d’essais atomiques. Il y a un lien manifeste entre ce type de pathologie et les rayons ionisants ».
Les deux plaignants étaient soutenus par l’association des vétérans des essais nucléaires (AVEN).
Le 15 février dernier, le tribunal des pensions d’Ille-et-Villaine avait déjà ordonné une expertise suite à la plainte d’une veuve de militaire mort d’un cancer, causé, selon el

le, par sa participation à une campagne d’essais nucléaires à Mururoa.

 

3 in : L’Express, 14/03/2005: 

Les cancers de Mururoa

Une étude soulève à nouveau la question des conséquences des essais nucléaires sur la santé des populations polynésiennes

Les Polynésiens tiennent peut-être là l’une des preuves qu’ils attendaient. Dans une récente étude, des chercheurs de l’Institut Gustave-Roussy et de l’Inserm ont comparé le risque de voir apparaître des malformations chromosomiques chez 50 «métropolitains» et 30 patients polynésiens atteints de cancer de la thyroïde. Ces résultats, publiés dans le dernier numéro de l’European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging, sont sans appel: ce taux est trois fois supérieur dans le deuxième groupe. «Sans exclure d’autres facteurs, on ne peut pas ne pas penser aux essais nucléaires», constate Dominique Violot, l’un des auteurs de l’étude. D’autant que ce type de malformation est souvent consécutif à une exposition à la radioactivité, et que ce soupçon n’est pas isolé. «Nous savons déjà que le taux de cancers de la thyroïde est deux fois plus élevé dans la population polynésienne que chez les Maori ou les Hawaïens», analyse Florent de Vathaire, épidémiologiste à l’Inserm et coauteur de l’étude.
Entre 1966 et 1996, date du dernier essai nucléaire, les lagons polynésiens de Mururoa et de Fangataufa se sont troublés 193 fois. Une puissance équivalant à 700 fois la bombe d’Hiroshima. Reste maintenant à prouver que ce n’était pas sans conséquences pour les 250 000 Polynésiens qui vivent aux alentours. «Nous avons réalisé une étude pour analyser précisément ce lien, affirme Florent de Vathaire, les résultats arriveront dans six mois.» Ce sera peut-être alors l’épilogue scientifique d’une histoire vieille de quarante ans. Et son envol judiciaire.

Laurent Simon

 

4 Essais nucléaires: expertise à la suite de la plainte d’une veuve de militaire

15/02/05 – Le tribunal des pensions d’Ille-et-Villaine a ordonné mardi une expertise suite à la plainte d’une veuve de militaire mort d’un cancer, causé, selon elle, par sa participation à une campagne d’essais nucléaires à Mururoa, a-t-on appris de source judiciaire. Le mari de la plaignante, Mme Victoire Le Souder, avait participé en 1966 à une campagne de tirs nucléaires à Mururoa en tant que contrôleur aérien sur le porte-avions Foch. Il est décédé en 2000 des suites d’un cancer du poumon.
Mme Le Souder demande que le décès de son mari soit reconnu comme une conséquence d’une « exposition aux rayons ionisants » lors de sa participation à cette campagne, qui se faisait par des largages de bombes par des avions décollant du Foch. Cette reconnaissance lui donnerait droit à une pension d’invalidité. Le tribunal, qui avait examiné cette plainte le 11 janvier, a estimé qu’il ne disposait pas des éléments permettant « d’affirmer la cause précise et éventuellement exclusive du décès ». Il a ordonné une mesure d’expertise, confiée à deux médecins de Rennes. Ces derniers ont huit mois pour rendre leur rapport. « Pendant les essais, il y a un risque d’exposition nucléaire. Ce risque n’a pas été évalué correctement par les autorités militaires et l’Etat n’a pas pris les mesures de protection qui y sont liées », avait plaidé l’avocat de la défense lors de l’audience publique du 11 janvier.
Le commissaire au gouvernement avait fait valoir de son côté qu’aucun lien n’avait pu être établi entre le cancer du militaire et sa participation aux essais nucléaires. Le ministère de la Défense a rappelé en septembre que des tests nucléaires en atmosphère avaient eu lieu de 1962 à 1975 – en Polynésie et dans le Sahara – et que les « mesures de protection des personnes à l’époque étaient sérieuses, étayées, adaptées aux risque et conformes à la législation » à l’époque en vigueur. Une information judiciaire a été ouverte le 20 septembre 2004 pour enquêter sur les conséquences des essais nucléaires français, menés entre 1960 et 1996, sur les personnes civiles et militaires qui y assistaient.

 

5 in : Nouvel Obs, 13/01/2005:

Essais nucléaires: plainte examinée

Le tribunal des pensions de Rennes a examiné mardi 11 janvier la plainte de la veuve d’un militaire mort d’un cancer du poumon lié, selon elle, à la présence de son époux à Mururoa lors d’une campagne d’essais nucléaires, a-t-on appris auprès de l’avocat de la plaignante, Me Jean-Paul Teissonière. L’affaire a été mise en délibéré au 15 février.
Le mari de la plaignante, Victoire Le Souder, avait participé en 1966 à une campagne de tirs nucléaires à Mururoa en tant que contrôleur aérien sur le porte-avions Foch. Il est décédé en 2000 des suites d’un cancer du poumon.
Me Teissonière a demandé que le décès du militaire, qui n’était pas fumeur, a-t-il précisé, soit reconnu comme la conséquence d’une « exposition aux rayons ionisants » lors de sa participation à cette campagne qui se faisait par des largages de bombes par des avions décollant du Foch. La veuve demande une revalorisation de sa pension.

Pas de lien
« Pendant les essais, il y a un risque d’exposition nucléaire. Ce risque n’a pas été évalué correctement par les autorités militaires et l’Etat n’a pas pris les mesures de protection qui y sont liées », a plaidé l’avocat de la défense.
Le commissaire du gouvernement a fait valoir de son côté qu’aucun lien n’avait pu être établi entre le cancer du militaire et sa participation aux essais nucléaires.
Une information judiciaire a été ouverte le 20 septembre 2004 à Paris pour enquêter sur les conséquences des essais nucléaires français, menés entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie, sur les personnes civiles et militaires qui y assistaient.
L’enquête contre X vise des faits d' »homicide involontaire », « atteinte involontaire à l’intégrité physique ayant causé une incapacité totale de travail de plus de trois mois ou n’excédant pas trois mois ».

 

6 in : Paris Normandie, 27/12/2004 : 

Ces malades du nucléaire

Des Normands, présents en Polynésie ou au Sahara algérien lors des premiers essais nucléaires, souffrent de maladies graves. Ils veulent comprendre.

Voilà trois ans que les vétérans du nucléaire se battent pour la reconnaissance de certaines maladies graves, cancer notamment, qu’ils estiment avoir contractées lors des campagnes d’essais français. Plus de 200 essais nucléaires ont, en effet, été menés entre 1960 et 1996, par l’armée française au Sahara algérien et en Polynésie. Et certains vétérans considèrent que des « dysfonctionnement se sont alors produits. » Une première victoire est enregistrée par leurs associations « AVEN » et « Moruroa e tatou » qui rassemblent cinq mille adhérents en France. Le Fécampois Jean-Claude Duchateau, président de la section « Aven » de Haute-Normandie (plus d’une centaine de membres) se félicite de l’ouverture d’une information judiciaire pour enquêter sur les conséquences des essais.
« Un premier pas important ! »
Le responsable haut-normand de l’association, qui a passé deux ans en Polynésie, avait été frappé, en 1986, par un cancer des ganglions lymphatiques.
Sur les bords de Seine, à Duclair, Pierre Le Borgne veut savoir. Ancien maître électricien dans la marine nationale, il soigne aujourd’hui sa thyroïde, et s’interroge sur ses problèmes de santé, d’autant qu’il a eu le « triste privilège » d’être probablement le seul marin à avoir connu les premiers essais des deux bombes, « A » et « H ».
D’abord sur la zone de Regane au Sahara, où il assiste au tir à seulement onze kilomètres de l’explosion. « Nous étions à genoux, le dos tourné au point zéro, lunettes noires et mains sur les yeux. Et nous fûmes malgré tout transpercés par l’éclair ! » Pierre se souvient également s’être rendu en short et torse nu dans le cratère dix jours après le tir de cette charge nucléaire plus puissante que celle de Hiroshima. « Lorsque je suis parti, après dix-huit mois et trois tirs, je n’ai même pas fait l’objet d’une prise de sang. »

 

7 in : 20 minutes, Jeudi 23 décembre 2004:

L’armée, famille nucléaire
Jean Lecardonnel, 58 ans, vétéran des essais atteint de leucémie

Printemps 1970 Un vaisseau amiral de la marine française, le De Grasse, mouille au large de Mururoa (Polynésie). Les marins sont sur le pont. Parmi eux, Jean Lecardonnel, 24 ans, officier de transmission. Tous ont les yeux levés vers le ciel. Ils fixent un ballon dirigeable auquel est arrimée une bombe. C’est un essai nucléaire. Depuis le navire, un déclencheur radioélectrique provoque l’explosion. Une boule de feu monte dans le ciel. Les marins, seulement protégés par une paire de lunettes, font route vers le point zéro de l’explosion. Ils y effectuent des prélèvements dans l’eau. A mains nues. Ce scénario, Jean Lecardonnel le vivra six fois. La distance le séparant de la bombe varie entre 1 et 65 km.
Fin juin 2003 Jean Lecardonnel, retraité depuis 1982, ressent « une grosse fatigue ». Il est hospitalisé. Diagnostic : une leucémie.
24 septembre 2003 Le professeur de médecine chargé des soins de l’ancien militaire écrit : « L’interrogatoire professionnel a permis de relever (…) que deux agents peuvent être incriminés. Une exposition au benzène et une exposition aux radiations ionisantes. »
Fin 2004 Jean Lecardonnel a perdu plus de 60 kilos en un an, de 137 à 75 kilos. Son teint est cireux, il semble fatigué, mais son regard est franc et son vocabulaire précis. Lorsqu’on lui demande s’il en veut aux autorités françaises, il rétorque sans ciller : « On ne peut pas en vouloir à ceux qui ne savaient pas. » Il sort une photo de l’époque. Le ministre de l’Intérieur, Michel Debré, est sur le pont du De Grasse, juste après l’explosion, en bras de chemise. « Personne ne connaissait les risques, la preuve. » Il reste si fidèle au drapeau qu’il refuse aujourd’hui encore de dévoiler le contenu, même le plus anodin, des transmissions radio dont il avait la charge.
Ce que demande Jean Lecardonnel comme des dizaines d’autres « irradiés pour la France », c’est une reconnaissance. Celle de la maladie professionnelle. « C’en est une. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les médecins. » Ministre des Armées de 1960 à 1969, Pierre Messmer a récemment admis sur un plateau télé « les imprudences » de la France à l’égard de ses militaires lors des essais.

A savoir :
Michèle, sa femme, rencontrée en 1983
« Quand il est entré en milieu stérile pour ses soins, je lui ai dit : « Tu vas t’embarquer, tu es dans la cabine d’un bateau, on ne sait pas pour combien de temps ». A la maison on est très marine. Je m’intéresse à son passé, c’est ce qui l’a construit, qui fait ses qualités, sa rigueur. »

Jean-Louis Valatx président de l’AVEN (Association des vétérans du nucléaire)
« Nous demandons une reconnaissance de responsabilité de la France et des réparations. Il leur faut aussi un suivi médical réalisé par une structure indépendante. Pour eux, leurs enfants et leurs petits-enfants qui peuvent aussi être atteints. »

Stéphane Colineau

 

8  Ouverture d’une information judiciaire sur les essais nucléaires français
(Le délai inhabituel entre le dépôt de plainte et l’ouverture de l’instruction – près de dix mois – souligne l’embarras du ministère de la défense qui devra justifier son discours irréaliste sur des essais nucléaires français « particulièrement propres ».)

PARIS (29/09/2004) – Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour « homicides involontaires » et « atteinte à l’intégrité physique » suite au dépôt d’une plainte en novembre 2003 des victimes des essais nucléaires français effectués entre 1960 et 1996 dans le Sahara et en Polynésie, a-t-on appris mercredi de sources judiciaires. L’enquête, ouverte le 20 septembre dernier, a été confiée à deux juges du Pôle de Santé du tribunal de grande instance de Paris, Anne Auclair-Rabinovitch et Anne-Marie Bellot. L’information judiciaire ne vise que les faits les plus récents, les essais nucléaires du Sahara, notamment, étant trop anciens pour faire l’objet de poursuites, a-t-on précisé de sources judiciaires. Le nombre de victimes concernées par l’enquête est donc inférieur au nombre de personnes ayant porté plainte.
Fin novembre 2003, deux associations et onze victimes des essais nucléaires français avaient déposé une plainte à Paris. Les plaignants, civils et militaires ayant été exposés aux essais nucléaires atmosphériques ou souterrains menés dans les années 60 dans le Sahara algérien, puis en Polynésie, souffrent tous de pathologies graves liées à cette irradiation massive.
Les familles de deux personnes décédées se sont jointes à leur action, ainsi que l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) et l’Association Moruroa e tatou qui comptent plus de 5.000 adhérents. Une association algérienne est en cours de constitution. Ses membres n’ont pas obtenu de visas pour venir en France. « Les autorités militaires et civiles françaises en charge des expériences nucléaires n’ignoraient pas les risques auxquels elles exposaient les personnels civils et militaires chargés de procéder à ces expériences, les populations vivant à proximité des lieux de ces expériences », notait la plainte.
On estime à 150.000 le nombre de personnes qui ont assisté aux 210 essais nucléaires français. Une première étude médicale réalisée par les associations sur 720 vétérans montre que 30% d’entre eux sont atteints de cancers, contre 17% de la population nationale du même âge. Médecins du Monde a lancé une nouvelle étude en Polynésie.

 

9 Papeete, le 3 juillet 2004

Le nouveau Gouvernement de Polynésie française s’engage

aux côtés des victimes des essais nucléaires

Association Moruroa e tatou
Siège : 403 Boulevard Pomare
Papeete Tahiti
E-mail : moruroaetatou@mail.pf  

A l’occasion du 38ème anniversaire de la première bombe à Moruroa (2 juillet 1966) les représentants de l’association Moruroa e tatou ont rencontré le nouveau président de la Polynésie française, M. Oscar Manutahi Temaru.

La proposition de la mise en place prochaine d’un groupe de travail sur le suivi des conséquences des essais nucléaires composé de représentants du Gouvernement, de l’Assemblée de Polynésie et de Moruroa e tatou a été agréée par le Président.

Le 2 juillet, Mme Chantal Florès Tahiata, vice-présidente de l’Assemblée, a reçu dans la salle des conférences de l’Assemblée de Polynésie le conseil d’administration de Moruroa e tatou qui a tenu une conférence de presse devant les médias locaux et plusieurs journalistes étrangers et la participation de plusieurs invités.

Le Dr Jean-Louis Valatx, président de l’association des vétérans des essais nucléaires français (AVEN), a donné les principaux résultats de l’enquête de santé réalisée auprès des vétérans français montrant que 30 % d’entre eux sont atteints ou décédés de cancers et que des répercussions sanitaires apparaissent même chez leurs enfants et petits-enfants.

Maître Jean-Paul Teissonnière, avocat de Moruroa e tatou et de l’AVEN, a annoncé la nomination prochaine d’un juge d’instruction suite à la plainte contre X déposée par les deux associations en novembre 2003 au Parquet de Paris. Il a également annoncé que plusieurs dossiers d’anciens travailleurs de Moruroa allaient faire l’objet d’un procès en demande de réparation qui se tiendra dans les prochains mois à Papeete.

Bruno Barrillot, directeur de l’Observatoire des armes nucléaires françaises, a souligné que l’engagement annoncé du Président de la Polynésie pour la reconnaissance des droits des victimes constituait un événement dans l’histoire de la lutte contre les essais nucléaires. Pour la première fois, une autorité, au plus haut niveau, reconnaît les responsabilités de l’Etat qui a conduit les essais nucléaires en Polynésie. Cette prise de position ne manquera pas d’avoir des répercussions sur le Gouvernement et les autorités de la République française.

Le 3 juillet, près de trois cents anciens travailleurs de Moruroa se sont retrouvés dans les locaux de la paroisse d’Arue (Tahiti) pour l’assemblée générale de l’association Moruroa e tatou qui compte à ce jour plus de 3700 membres.

Une autre invitée de Moruroa e tatou, la Rev. Valamotu Palu, Secrétaire générale de la Conférence des Eglises du Pacifique a rappelé que les peuples du Pacifique ont eu à subir les conséquences néfastes des expériences nucléaires américaines, anglaises et françaises. Elle a apporté l’entier soutien des Eglises du Pacifique aux victimes des essais nucléaires, à l’instar de l’engagement de longue date de l’Eglise Evangélique en Polynésie française dont le Président, le Pasteur Taaroanui Maraea, ouvrait les travaux de cette assemblée générale.

L’assemblée a reconduit le Président Roland Pouira Oldham dans ses fonctions et renouvelé une partie de son conseil d’administration, marquant ainsi l’enracinement de Moruroa e tatou sur l’ensemble de la Polynésie française.

Le Président a annoncé que l’association attendait le rapport final de la mission de Médecins du Monde portant sur les examens de santé de plus de 800 anciens travailleurs de Moruroa dont la communication est prévue pour fin juillet 2004.

Moruroa e tatou

 

10 Création d’un « Observatoire de la santé des vétérans »

Le ministère de la défense vient, par décret du 10 juin 2004, de créer un « Observatoire de la santé des vétérans » qui a pour objectif « d’améliorer la prise en charge médicale des militaires et des anciens militaires ». Outre le fait que le ministère de la défense dispose déjà du Service de santé des armées et de la Direction des pensions pour ces personnels, on imagine guère que cet Observatoire puisse assurer le suivi sanitaire des vétérans des essais nucléaires comme l’annonçait régulièrement la ministre de la défense en réponse aux questions des parlementaires.

L’association Moruroa e tatou regroupant les anciens travailleurs polynésiens des sites nucléaires du Pacifique et l’association des Vétérans des essais nucléaires (AVEN) rappellent que les personnels concernés par les essais nucléaires n’étaient pas uniquement des militaires et des appelés du contingent mais aussi des civils : personnels du Commissariat à l’Energie Atomique ou d’entreprises sous-traitantes, personnels recrutés localement (Algériens, Polynésiens), sans oublier les populations voisines des anciens sites d’essais au Sahara comme en Polynésie.

Cet Observatoire, créé par voie réglementaire, n’a pas fait l’objet d’un débat. Pourtant, depuis le 17 janvier 2002, une proposition de loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires a été déposée au Parlement – et redéposée au début de la nouvelle législature -, soutenue actuellement par 36 députés et 22 sénateurs, appuyée par de nombreux conseillers généraux, régionaux et maires et par l’ensemble des élus de la nouvelle majorité de l’assemblée territoriale de Polynésie française.

Cette proposition de loi – qui n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour du Parlement – prévoit une « commission nationale de suivi des essais nucléaires » composée de représentants des ministères concernés, de représentants du Parlement et des représentants des associations concernées.

« La création de l’Observatoire de la santé des vétérans – organisme dépendant du ministère de la défense, soumis au secret défense ne correspond en aucune façon aux demandes des associations, déclare le Dr Jean-Louis Valatx, président de l’AVEN. La composition de cet Observatoire est même en retrait par rapport aux déclarations du Président Jacques Chirac du 25 juillet 2003, à Papeete, annonçant la création d’un « suivi interministériel » sur les conséquences sanitaires des expérimentations nucléaires assurant la liaison avec les personnes et les associations concernées. En décembre 2003, à la demande du ministère de la défense, les deux associations ont renouvelé leurs propositions qui n’ont pas été manifestement prises en compte. »

Moruroa e tatou et l’AVEN, confrontées aux graves problèmes de santé des anciens personnels des essais, réitèrent leur demande de mise à l’ordre du jour des débats parlementaires de la proposition de loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires et la mise en place d’une véritable concertation avec les organisations concernées. Les deux associations attendent également avec impatience la désignation d’un juge d’instruction pour la plainte contre X qu’elles ont déposée auprès du Doyen des Juges d’Instruction de Paris en décembre 2003 pour « abstention délictueuse, administration de substances nuisibles, homicide involontaire et atteinte à l’intégrité physique ».

Dr Jean-Louis Valatx, président de l’AVEN
M. Roland Pouira Oldham, président de Moruroa e tatou
M. Bruno Barrillot, Observatoire des armes nucléaires

 

11 Communiqué de l’association Moruroa e Tatou,
l’Association des Vétérans des Essais Nucléaires
et l’Observatoire des armes nucléaires.

Décès d’Alfred Pautehea, ancien travailleur de Moruroa

Alfred Pautehea, ancien travailleur de Moruroa, qui était venu témoigner à Paris le 28 novembre 2003 à la conférence de presse au Sénat, est décédé dimanche 22 février à Atuona (Iles Marquises). Atteint d’une leucémie qui s’était déclarée en novembre 2000, Alfred avait travaillé sur les sites d’essais nucléaires de Moruroa et de Fangataufa de 1968 à 1979 et notamment sur des sites contaminés à la suite des explosions nucléaires atmosphériques. (Voir son témoignage en maron ci-dessous)

Alfred Pautehea était un membre actif de l’association polynésienne Moruroa e tatou (Moruroa et nous) qui regroupe près de 3000 anciens travailleurs polynésiens des sites nucléaires. Il était à l’origine de la création d’une section de Moruroa e tatou dans l’île de Hiva Oa (Marquises).

Dès la création de l’association Moruroa e tatou en juillet 2001, Alfred avait tenu à témoigner sans relâche sur les conséquences humaines et sanitaires des essais nucléaires. Le 15 mars 2002, lors d’une conférence de presse à Papeete, Alfred Pahutehea avait déclaré : « Je ne pense plus à moi. Je ne sais pas encore pour combien de temps j’en ai, six mois, un an. Je pense à mes enfants, à mes amis, aux générations à venir. Je veux une loi qui reconnaisse notre maladie comme maladie professionnelle. »

Le 28 novembre, malgré son état de faiblesse, il était venu à Paris pour rappeler à la presse qu’à travers lui ce sont de nombreux anciens travailleurs polynésiens qui sont déjà décédés ou qui sont gravement atteints de pathologies – cancers principalement – qu’ils estiment avoir pour origine leur présence sur les sites d’essais nucléaires. De même, des centaines de vétérans français – les « Irradiés de la République » – subissent les mêmes conséquences et ne reçoivent en retour, comme les Polynésiens et les Algériens, que mépris et indifférence de la part des responsables civils et militaires qui les ont envoyés sur les sites nucléaires du Sahara et de Polynésie sans préparation ni information ni protection suffisante.

Le 28 novembre, Alfred Pautehea au nom de l’association Moruroa e tatou et plusieurs vétérans français de l’association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) avaient déposé plainte contre X auprès du doyen des Juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris. Les associations attendent encore aujourd’hui, avec impatience, la nomination d’un juge d’instruction qui verra enfin la justice prendre en charge le dossier effarant des conséquences sanitaires des essais nucléaires français.

Alfred Pautehea, ancien travailleur polynésien de Moruroa et Fangataufa

« J’ai travaillé successivement pour le Génie de l’Air et les entreprises sous-traitantes SOFEL, SEGT et SOGEPA de 1968 à 1979.

Dans le cadre de mon emploi au Génie de l’Air, j’étais conducteur d’engin Michigan pour l’aménagement des pistes. Nous avons participé à la réparation de la piste de Fangataufa après les tirs nucléaires. Nous étions à proximité des zones indiquées comme contaminées (panneau spécial indiquant la radioactivité) délimitées seulement par des rubans rouge et blanc entre des piquets. Pendant notre travail, des camarades du CEA circulaient en tenue chaude grise et portaient chacun un dosimètre, mais nous, les travailleurs polynésiens, nous n’avions aucune protection et on ne nous avait pas distribué de dosimètre.

J’ai fait ce travail sans poser de question, car nous faisions confiance aux chefs qui nous disaient que nous ne craignions rien. Mais aussi, nous savions que nous ne pouvions pas poser de questions sur les risques parce que cela aurait tout de suite entraîné notre renvoi et une interdiction de travail à Moruroa.

Après la réfection de la piste de Fangataufa, nous allions réparer celles de Moruroa et de Hao.

Par la suite, j’ai eu un emploi de maçon dans les entreprises sous-traitantes SOFEL, SEGT et SOGEPA. Comme auparavant, les équipes de Polynésiens travaillaient sans protection alors que les personnels du CEA qui venaient sur nos chantiers étaient vêtus de combinaisons et portaient un dosimètre.

A l’époque, nous n’avions comme eau de boisson de l’eau désalinisée qui venait de l’océan alors que les personnels CEA buvaient de l’eau en bouteille (Evian). Nous, on acceptait ce qu’on nous donnait.

Après 1979, j’ai travaillé comme conducteur de machines agricoles aux Australes à la SDAP, puis pour le Service du Fonds d’Entraide aux Iles (dépendant du Territoire) jusqu’à la déclaration de ma leucémie.

Ma leucémie s’est révélée à la suite d’une blessure légère lors d’une partie de chasse en octobre 2000. Le Docteur Soubiran m’a examiné à l’hôpital Mamao de Papeete, la leucémie a été dépistée en novembre et j’ai été évacué sanitaire en France (Hôtel Dieu de Paris).

Ma maladie a perturbé ma vie professionnelle (j’ai dû arrêter mon travail) et ma vie familiale. Je me fais du souci pour mes enfants (j’ai six enfants), notamment parce que deux d’entre eux ont des anomalies difficilement explicables. »

Propos recueillis à Pirae (Tahiti), le 3 juillet 2003 par Bruno Barrillot

Pour tout contact : brunobarrillot@obsarm.org ou 04.78.36.93.03

 

12 in : Libération du 29/11/03

Essais nucléaires français: des vétérans devant la justice

Pour la première fois, des vétérans des essais nucléaires français ont déposé vendredi soir une plainte contre X pour homicide involontaire, atteinte à l’intégrité des personnes et administration de substances nuisibles. Nombre d’entre eux souffrent de maladies, en particulier de cancers, comme Libération le racontait dès janvier 2002. «Nous voulons faire reconnaître la responsabilité de l’Etat», indique le docteur Jean-Louis Valatx, président de l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven), qui revendique deux mille adhérents.

«Faire la lumière». Onze anciens employés civils ou militaires, ainsi que deux associations, l’Aven et son homologue polynésienne, Moruroa e Tatou, se sont associés pour déposer cette plainte auprès du tribunal de grande instance de Paris. «Le but de cette procédure est de demander aux institutions judiciaires de faire la lumière sur ce qui s’est passé de 1960 à 1996», explique leur avocat, Me Jean-Paul Teissonnière. Il pointe «une succession de dysfonctionnements, d’erreurs, de négligences et de choix aberrants qui a conduit à des irradiations».

Une enquête conduite par l’Aven auprès de 720 de ses membres indique que 30 % d’entre eux souffrent de cancers, le double de la moyenne dans cette classe d’âge. En termes statistiques, les résultats de cette enquête doivent être pris avec prudence, car rien n’indique que l’échantillon soit représentatif. Faute d’études épidémiologiques au niveau national, on ne dispose d’aucune donnée fiable sur la santé des vétérans des essais.
«Environ 150 000 personnes ont participé aux 210 essais nucléaires français», affirme le chercheur Bruno Barrillot, qui publie un livre sur «les Irradiés de la République» (1). Sur ces 210 essais, une cinquantaine ont eu lieu dans l’atmosphère, dans le Sahara et le Pacifique.

En juillet, lors de sa visite officielle en Polynésie française, Jacques Chirac avait annoncé la création d’un «comité de suivi» de la santé des anciens du nucléaire. Ce comité, copiloté par les ministères de la Santé et de la Défense, devrait voir le jour «dans les prochaines semaines», explique un proche du dossier. Dans un premier temps, il devrait procéder à un état des lieux, sans exclure la possibilité d’une étude épidémiologique.
Doses. Selon les données dont dispose le ministère de la Défense, «de l’ordre d’une centaine» de personnes ont été exposées à des «doses significatives» de rayonnements dans le Sahara et «moins d’une dizaine» en Polynésie. Une dose «significative» est supérieure à 50 millisieverts, c’est-à-dire le maximum que peut recevoir un travailleur du nucléaire. Dans le Sahara, lors de l’accident Béryl du 1er mai 1962, des doses de 600 millisieverts ont été reçues. Dans le Pacifique, un pilote qui traversait le champignon atomique pour des prélèvements en avait reçu 180. L’un des problèmes rencontrés par les vétérans est que leur dossier, libre d’accès grâce à la loi Kouchner de mars 2002, ne contient pas de relevés de dosimétrie. Négligence, désorganisation ? Quoi qu’il en soit, depuis un an, la justice a donné raison à trois vétérans malades, qui demandaient des pensions militaires d’invalidité. Au bénéfice du doute.

Jean-Dominique MERCHET

(1) Bruno Barrillot, les Irradiés de la République. Editions Complexe-Grip-Cdrpc, 15 ¤.

 

13 Essais nucléaires : Les victimes irradiées portent plainte contre l’Etat

 

SAHARA, 1963. La France a commencé ses essais nucléaires en Afrique du Nord au début des années soixante. Aujourd’hui, les victimes des radiations porteront plainte pour « homicide involontaire » .

C’EST UNE PREMIÈRE. Ce matin, les associations des victimes des essais nucléaires français, qui regroupent 1 200 personnes, déposeront plainte devant le tribunal de Paris pour « homicide involontaire » et « atteinte à l’intégrité physique par imprudence ». « Nous attendons que l’Etat reconnaisse sa responsabilité dans les manques de précaution et la contamination des personnels des sites d’essais », explique M e Jean-Paul Tessonnière, l’avocat des victimes. Avant ce dépôt de plainte, des élus de Polynésie, des anciens travailleurs du nucléaire, tiendront une conférence de presse au Sénat pour exprimer ce qu’ils ont vécu. Ils parlent de populations enfermées dans des abris antiatomiques gardés, de fuite de produits radioactifs, de cancers prématurés, de naissances de bébés mal formés.

Cancers et maladies rares

De 1960 à 1996, plus de quatre-vingt mille personnes ont participé aux expériences nucléaires réalisées dans le Sahara et en Polynésie. Les premières conclusions de l’étude épidémiologique menée par Jean-Louis Valatx, président de l’Aven, Association de victimes des essais nucléaires, également directeur de recherche à l’Inserm, relèvent une recrudescence de cancers pour les personnes qui ont vécu près de ces sites. « Le taux de cancers du sang sur les hommes de moins de 65 ans atteint 34,6 % soit deux fois plus que la moyenne nationale, résume Jean-Louis Valatx, sans compter toutes ces maladies rares qui se manifestent parfois quarante ans plus tard. » Les résultats recueillis après le dépouillement de 670 questionnaires envoyés à des vétérans de Polynésie ou du Sahara sont comparables aux statistiques des enquêtes réalisées par les Anglais et les Américains dans ce domaine. « Dans ces pays anglo-saxons, ces populations à risques sont surveillées tout comme leurs enfants et leurs petits-enfants », analyse Michel Brugière, directeur général de Médecins du monde, dont une mission d’observation s’est installée en Polynésie. Jusqu’à aujourd’hui, l’Etat français a toujours affirmé que les essais nucléaires dans le Pacifique n’avaient eu aucune incidence sur la santé de la population ni sur le milieu naturel. Plusieurs études sont venues étayer cette thèse. Déboutés souvent devant les tribunaux des pensions militaires, les vétérans des essais nucléaires comptent désormais sur le pôle santé du tribunal de Paris pour faire toute la lumière sur ces 210 essais nucléaires français réalisés pendant trente ans.

François Vignolle, Le Parisien, vendredi 28 novembre 2003.

 

14 in : Le Télégramme de Brest 17/11/03

Nucléaire. Les vétérans sortent de leur silence

Alors que les ravages de l’amiante éclatent au grand jour, un autre scandale, longtemps « Secret défense », sort peu à peu des limbes de l’Histoire récente. Entre 1960 et 1998, au Sahara puis en Polynésie, l’armée française s’est livré à 200 essais nucléaires. Cancers, maladies cardio-vasculaires… décimeraient aujourd’hui les vétérans de ces essais.

Ils viennent de créer l’Aven (*).
Les Etats-Unis reconnaissent, depuis 1998, une vingtaine de cancers directement liés à leurs essais nucléaires. « Pourquoi la France ne veut-elle pas donner les mêmes droits à ses vétérans ? », interroge Pierre Marhic, Jean-Henri Bouffard et Jacques Dezetter, membres de l’Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires.

154.700 personnes concernées
Dans le désert du Sahara, 17 essais nucléaires furent réalisés par l’armée française entre 1960 et 1966 avant qu’elle ne choisisse le site de l’atoll de Mururoa, pour 193 autres (dont 46 atmosphériques), entre 1966 à 1996 (le site est aujourd’hui encore interdit d’accès). Cent cinquante mille personnels – militaires ou membres du commissariat à l’énergie atomique – ainsi que 4.700 travailleurs polynésiens, auraient ainsi été exposés, sans protection particulière, à des doses radioactives importantes. « Plus l’irradiation est importante, plus les effets sont retardés », pointe Jacques Dezetter. Depuis une quinzaine d’années, d’alarmantes pathologies se déclarent, selon eux, chez de nombreux vétérans.

Cancers du sang, tumeurs…
Las « du mépris des autorités militaires », quelques-uns d’entre eux viennent donc de créer une association, dont le siège est situé à Bohars (29). « Aucun gouvernement ne s’est penché sur le suivi médical des vétérans. 37 % d’entre eux sont aujourd’hui atteints de maladies diverses; cardio-vasculaires, endocriniennes, ophtalmologiques ».
Les cancers sont aussi, selon eux, légion : « Chez les vétérans et les anciens travailleurs polynésiens, les cancers du sang, ainsi que des tumeurs malignes comme les lymphomes ou les myélomes sont trois fois plus élevés que la moyenne française ». Une adhérente raconte encore le calvaire de sa fille, née avec trois chevilles. « Des fausses couches, des malformations congénitales ont été constatées dans les familles de vétérans ».

Droit aux soins gratuits et à l’information
L’Aven va maintenant militer pour, notamment, l’obtention de la carte de soins gratuits pour les vétérans et leurs descendants, un suivi médical permanent et gratuit, l’attribution de pension de réversion à 100 % pour les veuves et orphelins, le versement de pension d’invalidité, le droit à l’information et l’accès aux dossiers médicaux…
Ainsi que sa participation aux travaux de l’observatoire de la santé des vétérans.
Michel Alliot Marie, ministre de la Défense, en a, en effet, annoncé la création. Selon l’Avven, aucun représentant d’associations n’est encore prévu au sein des comités directeur et scientifique de cet observatoire. Simple oubli sans doute.

* Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires.
06.63.76.68.56 ou 02.98.47.02.84.

 15

Les oubliés de l’atome
Victimes présumées de radiations, les « vétérans » des essais nucléaires français

au Sahara et en Polynésie se mobilisent.

Peut-on mourir de loyauté  ? Non, bien sûr. Ce sont les cancers – d’abord un cancer du cavum (cavité interne du nez), puis du sinus, puis des poumons -, qui ont emporté Bernard Ista, 67 ans, ingénieur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le 1er  février 1998. Sur la photo, posée dans un coin du salon, on voit un bel homme, le cheveu brun, l’air énergique. « Il faisait partie de cette génération, née avant-guerre, qui avait conscience de participer à une aventure extraordinaire qui allait faire la grandeur de la France », souligne Danielle, sa veuve. Aucune ironie dans la voix. Un brin d’amertume, c’est tout. Les souvenirs du général Charles Ailleret – l’officier chargé de démarrer les premiers essais nucléaires français au Sahara – ne s’intitulent-ils pas, précisément, L’Aventure atomique française (Grasset, 1968)  ?

« Hourra la France  ! », s’écrie le général de Gaulle, le 13  février 1960, en saluant la première explosion saharienne effectuée dans la région de Reggane (sud de l’Algérie). « Bernard y était, note Danielle Ista. Il a fait tous les tirs. Mais, dans ses lettres, il ne nous parlait pas de son travail. Jamais. J’ai appris bien plus tard que cela faisait partie des consignes. » Elle-même, sur le coup, ne s’inquiète de rien. Même l’accident de Béryl – du nom du deuxième essai souterrain dans le Sahara -, le 1er  mai 1962, ne lui laisse aucun souvenir. « Quand, bien après, j’ai entendu Bernard et ses collègues évoquer cette histoire, ça ne m’a pas affolée. Ils en parlaient comme d’un incident un peu ridicule, un raté technique, raconte-t-elle. Avec le recul, je me rends compte à quel point ils étaient conditionnés. Mon mari a toujours pensé que la sécurité maximale était assurée. Il disait  : « Nous, on n’est pas comme les Américains  ! On fait ça proprement  ! » Il avait toute confiance dans le savoir-faire des équipes. Pour lui, c’était une évidence  : s’il y avait eu le moindre danger, la France ne les aurait pas exposés. »

Jacques Muller, alors jeune militaire, était également sur place lors du « raté technique » de Béryl, le 1er  mai 1962, dans la région d’In-Eker. Ce jour-là, se souvient-il, c’est « en short et chemisette » qu’il assiste au « spectacle »: « La montagne blanchit, le sol ondule. Pour moi, c’est très beau, cette flamme rouge et noire qui sort de la montagne (…). Le « Venez voir, c’est beau, vous ne risquez rien  ! » m’empêche de réagir, et je ne suis pas le seul. » Le soldat met plusieurs secondes avant de réaliser que ce qu’il voit n’est pas normal  : « Le nuage nucléaire est sorti de la montagne. »C’est la panique. « Officiels, civils, curieux, tout le monde court, se véhicule, se sauve vers la base-vie – sauf peut-être les appelés, qui attendent les ordres. »Le nuage atomique, lui aussi, se déplace. Tranquillement. Mortellement. Le ministre de la recherche scientifique et des affaires atomiques, Gaston Palewski, présent lors de cet accident, succombera à une leucémie en 1986. Plus chanceux, le ministre des armées, Pierre Messmer, s’en tirera sain et sauf. Bien que « fortement irradié », il a été, dit-il, « très bien soigné ».

Jacques Muller, aujourd’hui militant de l’Association des vétérans des essais nucléaires français (AVEN), a du mal à en dire autant. Son témoignage, livré en janvier  2002, lors d’un colloque à Paris, a été publié, avec une dizaine d’autres, dans Les Essais nucléaires et la santé (édité par le Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits, CDRPC, Lyon, juillet  2002). Devenu aveugle, l’ancien militaire de carrière est convaincu que sa cécité est la conséquence de l’accident du 1er  mai 1962. Mais comment le prouver  ? Toutes les opérations de tirs nucléaires de l’époque restant classées « secret-défense », le ministère des armées « lui répond invariablement que sa cécité est « non imputable au service » et qu’aucune pièce de son dossier médical ne figure dans les archives militaires », résume Bruno Barrillot, dans L’Héritage de la bombe(Edition du CDRPC, 2002).

Ya-t-il eu d’autres « ratés » au Sahara ou par la suite en Polynésie – où le dernier tir a eu lieu en 1996  ? Militant pacifiste, Bruno Barrillot, ancien prêtre à Lyon et principal animateur de l’Observatoire des armes nucléaires françaises, en est persuadé. Outre l’accident de Béryl, les autorités reconnaissent, en 1981, devant l’Assemblée nationale, par la voix de Charles Hernu, alors chargé du portefeuille de la défense, que les « déchets d’une explosion nucléaire » ont été « dispersés », en mars de cette même année, sur l’atoll de Mururoa, à la suite d’un cyclone, « créant une situation radiologique nouvelle ».

Deux accidents en trente-six ans  ? Deux accidents seulement, pour l’ensemble des 210 essais nucléaires français effectués au Sahara (de 1960 à 1966) puis en Polynésie (de 1966 à 1974, puis de 1975 à 1996)  ? Au siège parisien du CEA, on confirme ce bilan  : « A posteriori, en examinant l’ensemble des données, j’ai le sentiment que tout a été fait de manière très professionnelle et que cela a conduit à une protection efficace des populations et des personnels », explique le docteur Anne Flüry-Herard, chercheuse au CEA. « Les anciens n’ont peut-être pas été parfaits, mais ils ont fait de leur mieux », renchérit son confrère Jean-Michel Giraud, conseiller médical au CEA – au sein duquel seulement « une dizaine de maladies professionnelles » ont été reconnues chez des personnes « ayant participé aux essais nucléaires ».

Côté militaire, sur cinquante-sept demandes de pension d’invalidité, douze ont, à ce jour, été accordées, nous a précisé le médecin-colonel Frédéric Poirrier, du service de santé des armées. « De nombreuses demandes ont été rejetées pour défaut de preuve, précise le docteur Poirrier. Cette constatation peut s’expliquer sans doute par le fait que la preuve de la contamination n’a pas toujours été rapportée avec certitude. Et, quand bien même celle-ci a été établie, il n’est pas toujours possible d’établir un lien de causalité entre le fait et l’affection d’apparition tardive, souvent plusieurs années après. » Tout en pesant ses mots, Mme Flüry-Herard (CEA) se veut optimiste pour l’avenir  : « Globalement, il ne devrait pas y avoir d’excès de cancers parmi les travailleurs des sites. »

Les études scientifiques de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), publiées toutes deux en 1998, vont dans le même sens. Les traces de radioactivité détectées sur les atolls de Mururoa et Fangataufa ne seront d’« aucune conséquence sur la santé humaine », conclut l’AIEA. « Aucune augmentation significative de l’incidence des cancers » n’a pu être relevée, du moins « dans les îles et atolls situés à moins de cinq cents kilomètres de Mururoa », ajoute l’Inserm – à deux réserves près  : le constat d’une incidence « plus importante » des cancers de la thyroïde et le souhait qu’une étude similaire puisse être conduite ultérieurement, lorsque les « sujets » observés, « qui étaient enfants durant les tirs atmosphériques (…), seront plus âgés ».

Il faut, en effet, de quinze à trente ans pour qu’un cancer, « radio-induit » ou pas, se déclare. En espérant que le bon diagnostic soit fait à temps. « En 1984, j’ai eu du sang dans les urines et on m’a envoyé en examen à l’hôpital Jean-Prince à Papeete. J’attends toujours les résultats », raconte un ancien travailleur du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), cité dans Moruroa et nous, un ouvrage qui relate l’expérience de Polynésiens (CDRPC, 1997). L’infatigable Bruno Barrillot devrait publier, lui aussi, d’ici à la fin novembre, un nouveau recueil de témoignages, Les Irradiés de la République (Editions Complexe).

C’est qu’ils sont légion, ceux qui, aujourd’hui malades ou craignant de l’être, estiment qu’ils n’ont pas bénéficié de cette « protection efficace » dont parlent les responsables du CEA. Selon Anne Flüry-Herard (CEA), sur les « quelque 150  000 personnes présentes sur les sites, au Sahara et en Polynésie, 80  000 ont reçu un dosimètre -qui permet de mesurer les doses de radioactivité-. Ceux qui n’en avaient pas sont ceux dont l’activité ou la situation par rapport aux essais n’en rendait pas, à priori, l’usage nécessaire ».

Michel Verger, jeune appelé affecté au centre d’expérimentations militaires de Reggane, en Algérie, a fait partie de ces heureux élus, porteurs d’un dosimètre. « L’armée ne me l’a jamais réclamé  ! », s’esclaffe-t-il, en brandissant la petite plaque en plastique, censée symboliser la rigueur du suivi médical des services de santé de l’armée française… Michel Verger est aujourd’hui vice-président de l’AVEN.

Pour sa part, Philippe Bignon, un ancien militaire lui aussi, recruté comme plongeur en Polynésie fin 1975, n’a jamais reçu de dosimètre durant son séjour sur les atolls de Mururoa et de Fangataufa. Quant à son dossier médical, ni l’armée ni le CEA n’en ont trace. Le myélome qu’il a développé, vingt-six ans après son séjour en Polynésie, reste donc un mystère. Faute de mieux, l’ancien plongeur a découvert sur Internet que les causes précises du myélome ne sont pratiquement jamais retrouvées. « On sait simplement que les radiations ionisantes peuvent favoriser la survenue du myélome. » Philippe Bignon n’accuse personne. « Mais le doute est permis », dit-il.

« Il y a une telle accumulation de silences, de réponses floues, de lacunes, de mensonges, qu’on ne peut pas ne pas se poser des questions – et ressentir de la colère face au mutisme des autorités », résume Danielle Ista, la veuve de l’ingénieur du CEA. Mme Ista a, elle aussi, rejoint les rangs de l’AVEN. Créée au début de l’été 2001 (comme sa cousine polynésienne, Moruroa e tatou), l’association des vétérans français compte aujourd’hui près de 2  000 membres et s’est choisi comme avocat Me Jean-Paul Teissonnière, connu pour avoir défendu les victimes de l’amiante. Une dizaine de plaintes ont déjà été déposées devant le tribunal des pensions militaires ou auprès de la Sécurité sociale. Et ce n’est qu’un début. D’ici la fin de l’année, « une cinquantaine de plaintes nouvelles », émanant de « vétérans » d’Algérie ou de Polynésie, devraient être déposées et « annoncées collectivement ».

Pour couronner le tout, deux membres de Médecins du monde (MDM) devraient prochainement ouvrir à Papeete une antenne de contrôle. « Nous prendrons le temps qu’il faudra – sans doute pas moins de six mois – pour examiner les quelque 1  500 vétérans de l’association Moruroa e tatou », annonce le docteur Michel Brugière. « Nous n’avons pas la prétention de faire une étude épidémiologique, prévient-il. Simplement, nous allons tenter d’établir une estimation, distinguant les pathologies imputables aux essais et les autres – en nous basant sur la législation américaine, qui, depuis 1988, reconnaît la présomption d’origine. »

Parmi les oubliés de l’atome, certains le sont plus que d’autres. « Les risques sont plus élevés pour les populations avoisinantes – y compris celles qui vivent à plusieurs centaines de kilomètres du lieu des tirs – que pour les travailleurs des sites », estime Florent de Vathaire, responsable de l’étude de l’Inserm de 1998. « On a dénombré dix-huit îles ou atolls habités dans un périmètre de 700 kilomètres, dont les populations sont affectées par un risque radioactif », avance de son côté Bruno Barrillot. Le risque  ? Il suffit de lire cette note de service que l’ancien soldat Michel Verger a précieusement gardée dans ses archives. Ce texte, daté du 4  février 1960, concerne la « zone de l’Ouest saharien » où ont lieu les essais et où transitent, traditionnellement, les tribus nomades touarègues. Parmi les missions confiées au « peloton fixe », figurent les suivantes  : « Faire respecter le couvre-feu. (…) S’il y a lieu, rassurer la population en lui rappelant qu’elle ne risque rien  ; qu’elle doit faire confiance à cette France qui ne lui a rapporté que du bien  ; qu’une seule précaution est à prendre pour éviter les risques d’aveuglement  ; pendant tout le mois de février, et de toute façon jusqu’à nouvel ordre, ne pas quitter les habitations de minuit au lever du soleil  ; si, pour une raison quelconque, des personnes avaient à sortir au cours de cette partie de la nuit, elles devraient avoir pour souci constant de ne pas regarder vers le sud (Tanezrouft) et plutôt de conserver le visage dans la direction de l’Adrar. »

A ce jour, aucune étude n’a été faite sur les éventuelles conséquences des essais nucléaires français dans le Sahara sur les populations locales et l’environnement. Quant au chercheur Florent de Vathaire (Inserm), sa nouvelle étude sur le cancer de la thyroïde en Polynésie française – sans doute « la plus puissante qu’il est et qu’il sera possible de réaliser » – pourrait bien être stoppée net d’ici deux ou trois mois, « faute de financement ». Sur les 600 enquêtes prévues, 450 ont été réalisées. Mais il manque 70  000 euros pour achever le travail. « Jusqu’à présent, toutes nos demandes ont échoué, et, notamment, celles adressées à l’armée sont restées lettre morte », précise le chercheur. En langue polynésienne, le mot « mururoa » ne signifie-t-il pas « grand secret » ou « grand silence »  ?

Catherine Simon, Le Monde du 23/10/03.

 

16 Libération jeudi 24 janvier 2002 Les soldats français irradiés «proprement»
PARIS, 23 jan (AFP) Essais nucléaires français : Des effets « dérisoires » (rapport parlementaire)

Chirac remercie la Polynésie de sa contribution au nucléaire

Voir: « Dans le secret du Paradis« , 60 mn en Realvideo 33Kb
Ce film réalisé par les journalistes Jacques Cotta et Pascal Martin met en avant les conséquences sur la personne des explosions nucléaires menées par les autorités françaises au Sahara (Regane et In Eker) et en Polynésie (Moruroa et Fangataufa). Une période qui court du 13 février 1960 au 27 janvier 1996 et couvre 210 essais nucléaires, aériens ou souterrains.

TAHITI (27 juillet 2003) – Sept ans après l’arrêt des essais nucléaires à Mururoa et Fangataufa, qui continuent de susciter la controverse dans le Pacifique Sud, Jacques Chirac a exprimé samedi la reconnaissance de la France à la Polynésie française, affirmant que la République « n’oubliera jamais ».

« La Polynésie française a participé de manière déterminante à la Défense nationale et à la Sécurité extérieure de la France, qui ne l’oubliera jamais », a déclaré le chef de l’Etat lors d’un discours au siège du gouvernement de Polynésie française.

« A partir de 1960, comme l’avait voulu le général de Gaulle et jusqu’en 1996, le centre d’expérimentation du Pacifique a permis à notre pays de préserver sa souveraineté et son indépendance dans un monde de plus en plus dangereux », a-t-il poursuivi, sans évoquer explicitement les essais controversés de 1995 et 1996.

« Sans la Polynésie, la France ne serait pas la grande puissance qu’elle est aujourd’hui, capable d’exprimer, dans le concert des nations, une position autonome, indépendante et respectée ». « La République ne l’oublie pas. C’est pourquoi j’ai souhaité la pérennisation du Fonds de reconversion de l’économie polynésienne, mis en place à la suite de l’arrêt des essais nucléaires », a-t-il ajouté.

La reprise des essais aériens sur les atolls de Mururoa et Fangataufa (archipel des Gambier), décidée par Jacques Chirac après son élection en mai 1995, avait entraîné de violentes manifestations en Polynésie et une levée de boucliers mondiale, notamment dans les pays voisins du Pacifique Sud, Australie et Nouvelle-Zélande en tête.

La France a procédé à 193 essais nucléaires en Polynésie entre juillet 1966 et janvier 1996.

Dans une interview publiée vendredi dans Les Nouvelles de Tahiti, Jacques Chirac assure que les essais n’auront pas « d’effet sur la santé, à court terme comme à long terme », ce que contestent d’anciens salariés polynésiens du Cep, qui se disent victimes de maladies – des cancers en majorité – liées à la contamination radioactive.

Une association, Moruroa e Tatou (Mururoa et nous), créée en juillet 2001 à Papeete, milite pour le droit à l’indemnisation des anciens salariés malades ou des familles des salariés décédés, s’inspirant de la loi d’indemnisation des vétérans exposés aux radiations votée en avril 1988 aux Etats-Unis.

MANIFESTATION A PAPEETE

Quelque 200 membres de l’association, qui regroupe au total 1.478 adhérents dont les familles de 71 salariés décédés, ont manifesté samedi matin à Papeete en marge de la visite de Jacques Chirac, brandissant une banderole sur laquelle on pouvait lire: « Vérité et justice pour les victimes de Mururoa ». Une délégation de Moruroa e tatou sera reçue lundi matin à Papeete par un conseiller de Jacques Chirac.

« Je suis d’accord pour les pirogues, les danses, mais un peu de respect pour les anciens travailleurs du centre », a déclaré à des journalistes John Taroanui Doom, coordinateur de l’association.

Un millier de personnes ont par ailleurs manifesté à Papeete à l’appel du Tavini Huiraatira (Etre au service du peuple), parti de l’indépendantiste Oscar Temaru, qui a expliqué vouloir protester contre « le Chirac des essais nucléaires de 1995 ».

Oscar Temaru, adversaire de longue date de Gaston Flosse, avait boycotté vendredi la cérémonie d’accueil du chef de l’Etat.

Sur les quelque 50.000 salariés du Cep, 4.700 étaient polynésiens. Selon Bruno Barillot, chercheur au Centre de documentation et de recherche sur la guerre et les conflits, à Lyon, on observe un taux de cancers anormalement élevé au sein des salariés, ainsi que des problèmes de stérilité. Le chercheur, qui travaille avec l’association, était présent samedi à la manifestation.

Faute de données précises sur l’impact sanitaire des essais, l’association a demandé à Médecins du Monde une évaluation des cas « suspects ». Un médecin est attendu en octobre à Tahiti, où il restera un an pour procéder à des examens.

Jacques Chirac affirme dans Les Nouvelles de Tahiti que l’étude réalisée après la fin des essais par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) démontre qu »il n’y aura pas d’effet sur la santé, à court terme, comme à long terme », qu »il n’y a pas d’effets à craindre sur le biotope ». « Aucune surveillance radiologique et géomécanique des atolls à des fins de protection radiologique n’a été jugée utile », indique-il.

Seule concession, le chef de l’Etat précise que le dossier de Mururoa et Fangataufa fera l’objet d’un « suivi interministériel », l’une des revendications de Moruroa e tatou.

Selon une étude réalisée en février 1999 par le laboratoire indépendant de la Crii-Rad, les 193 essais ont bien provoqué une contamination radioactive. Ils ont enregistré à Mururoa 13.729 térabecquerels, soit 371 fois plus que le seuil réglementaire (94 fois plus à Fangataufa).

Interrogé à ce sujet, le président du gouvernement de Polynésie française Gaston Flosse, un proche de Jacques Chirac, a dénoncé vendredi les « affabulations » de Moruroa e tatou. « Je me suis baigné dans le lagon onze fois après les essais. Regardez-moi, j’ai 72 ans, est-ce que j’ai l’air de quelqu’un atteint de contamination radioactive? ». « S’il y avait eu le moindre soupçon, j’aurais été le premier à demander l’arrêt des essais », a-t-il dit à des journalistes.

Gaston Flosse a remercié samedi l’Etat pour ses « mesures généreuses » après l’arrêt des essais nucléaires.

La France a mis en place en 1996 le Fonds de reconversion économique pour la Polynésie (Frep). Cette aide financière, qui représente près de 151 millions d’euros par an, a été pérennisée en 2002 et transformée en dotation globale illimitée au développement économique (DGDE).

 

 

17 Polynésie: les vétérans du nucléaire manifesteront pendant la visite de Jacques Chirac

PAPEETE (6 juillet 2003) – Moruroa e Tatou, association des anciens travailleurs des sites nucléaires français dans le Pacifique, organisera un rassemblement à Papeete pendant la visite de Jacques Chirac en Polynésie française, fin juillet.

« Nous manifesterons le lendemain de son arrivée, samedi 26 juillet. Cela débutera par un rassemblement et il y aura peut-être une marche », a déclaré à l’Associated Press Roland Oldham, président de Moruroa e Tatou, à l’issue de l’assemblée générale de l’association, samedi à Arue (Tahiti).

« Les militants ont décidé qu’il fallait agir; ne pas agir serait de la complicité », a-t-il ajouté.

Jacques Chirac est attendu en Polynésie française du 25 au 28 juillet, mais son déplacement dans le territoire du Pacifique-Sud n’a pas encore été confirmé officiellement.

Moruroa e Tatou a transmis le mois dernier au représentant de l’Etat en Polynésie française, le haut-commissaire Michel Mathieu, une demande de rendez-vous avec Jacques Chirac lors de sa visite.

« Nous n’avons pas encore eu de réponse », a assuré samedi Roland Oldham. Moruroa e Tatou souhaite, à l’instar de l’association métropolitaine des vétérans des essais nucléaires (AVEN), que soient reconnues les conséquences sanitaires des expérimentations atomiques militaires et qu’un cadre législatif soit mis en place au profit des vétérans malades.

« Comme ce qui s’est passé pour l’amiante, nous souhaitons que l’Etat soit obligé de créer un fonds d’indemnisation des victimes », précise Bruno Barrillot, chercheur au Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits.

L’association, qui revendique 1.500 adhérents, va mobiliser pour son rassemblement à Papeete non seulement ses troupes, mais demande « le soutien de la population, car ce problème concerne l’ensemble de la Polynésie française », rappelle Roland Oldham. Le président de Moruroa e Tatou dénonce au passage le « mutisme » du gouvernement territorial sur la question des vétérans. « Le président du gouvernement du territoire, Gaston Flosse (sénateur UMP), ne veut toujours pas nous rencontrer, malgré plusieurs courriers », regrette M. Oldham.

La France a procédé à 193 essais nucléaires, dont 41 aériens, sur les atolls polynésiens de Moruroa (orthographiée à tort Mururoa) et Fangataufa, de 1966 à 1996. Après son élection en 1995, Jacques Chirac avait décidé d’une ultime campagne d’essais en Polynésie française, après leur suspension en 1992 par François Mitterrand.

 

18 Les vétérans des essais nucléaires cherchent à coordonner leurs actions en justice

AIFFRES (Deux-Sèvres), 6 avr 03 – Anciens appelés du contingent, militaires de carrière ou civils, irradiés à la suite d’essais nucléaires, ils étaient réunis samedi et dimanche près de Niort, à la recherche d’actions coordonnées de recours contre l’Etat.

Trois succès judiciaires individuels récents ont mis du baume au coeur des 600 membres de la récente Association des vétérans du nucléaire (AVEN), créée en 2001. Le tiers des membres participait à Aiffres, près de Niort, à la troisième assemblée générale après celles de Lyon et d’Angers.

A l’avenir, « la coordination des actions est essentielle et il faut commencer par les cas qui sont sûrs d’être gagnés afin de créer une jurisprudence pour les autres cas plus difficiles », a estimé Me Jean-Paul Teissonnière, du barreau de Paris, qui a défendu avec succès les victimes de l’amiante.

« En 1995, quand nous avons débuté pour l’amiante, c’était la même situation, déni des maladies, de leurs conséquences et maintenant nous traitons plus de 3.000 dossiers et nous en avons déjà gagné 1.000 », a-t-il indiqué.

Beaucoup de vétérans ont les plus grandes difficultés à obtenir de l’armée leur dossier médical et parfois à faire reconnaître qu’ils étaient bien présents lors des essais.

Ainsi Lucien Parfait, retraité maçon ardéchois, l’oeil gauche retiré à la suite d’un cancer cutané et osseux à la face. Il était au « point zéro » lors du fameux tir mal dirigé du 1er mai 1962, à In Eker, dans le Sahara algérien.

« Appelé au 11e régiment du Génie, j’ai creusé la galerie pour le tir dans la montagne, j’ai posé les portes blindées et j’ai des photos de notre campement mais rien n’est mentionné dans mon dossier militaire et mes trois demandes de pension ont été rejetées », affirme-t-il avec véhémence.

« Quatre jours après, l’armée nous a renvoyés sur les lieux comme si rien ne s’était passé », soutient-il, rappelant que ses cancers lui ont valu 27 opérations et 6.400 points de suture.

D’autres cas flagrants ont été évoqués comme ces appelés dits du « groupe des 9 » qui affirment avoir été, en 1962, « abandonnés à leur sort » par la hiérarchie militaire, à 10 km du « point zéro ».

Tous les vétérans évoquent le manque de mesures de précaution. « Sur la base d’Hao, en Polynésie française, je déchargeais des caisses et des véhicules contaminés venant de Mururoa (lieu des essais, ndlr) en shorts et mains nues », raconte Pierre Philippe, 55 ans, de Vitré (Orne) qui a de gros problèmes dermatologiques.

Les maladies sont multiples chez les membres de l’AVEN. « 80% ont des problèmes de santé, et 34% ont des cancers alors que la moyenne en France est de 17% », relève Bruno Barrillot, un chercheur de Lyon, à l’origine de l’AVEN. « 21 cas de cancers liés aux essais ont été recensés aux Etats-Unis », assure-t-il.

Les nouvelles générations peuvent être atteintes. « En 1971, notre premier enfant avait un pied mal formé et n’a vécu que deux heures, et deux camarades de régiment ont connu le même cas », raconte M. Philippe.

Pour obtenir réparation du préjudice, Me Teissonnière suggère de privilégier les commissions départementales d’indemnisation des victimes. Les succès récents ont été obtenus auprès des tribunaux des pensions militaires de Chambéry, Toulon et de la cour administrative de Bordeaux.

L’AVEN a des difficultés à se faire entendre auprès des politiques, hormis les Verts et les communistes qui ont déposé deux propositions de loi. Elle entend agir en solidarité avec la Polynésie et l’Algérie où deux associations ont vu le jour.

 

19 L’Etat condamné pour l’irradiation d’un appelé en 1962 lors un essai nucléaire

24/03/03 – La cour administrative d’appel de Bordeaux a déclaré l’Etat français « responsable » de l’irradiation d’un ancien appelé lors d’un essai nucléaire mené en 1962 dans le Sud algérien, ouvrant ainsi la voie à son indemnisation, selon un arrêt rendu public lundi.

Alain Duterde, qui effectuait à l’époque son service militaire comme chauffeur du ministre des Armées Pierre Messmer au sein du 621e groupe d’armes spéciales basé dans le Sahara algérien, a « été victime le 1er mai 1962 d’irradiations radioactives lors de l’essai par l’armée d’une bombe atomique de forte puissance sur la montagne de Talafela », rappelle la cour dans son arrêt daté du 18 mars.

L’avoir laissé « assister à l’essai nucléaire (…) à l’extérieur de l’abri anti-atomique existant, puis participer à plusieurs reprises sans protection particulière au prélèvement d’échantillons dans la zone contaminée dans les semaines ayant suivi l’explosion, constitue une faute lourde de l’Etat », selon la cour.

Victime depuis les années 80 de nombreuses séquelles de son irradiation, l’ancien appelé âgé aujourd’hui d’une soixantaine d’années a réclamé des indemnités que lui avaient refusées le tribunal administratif de Pau, le 2 mai 2000, au motif qu’il percevait déjà une pension militaire d’invalidité.

L’avocat du plaignant, Me Jean-Philippe Labes a souligné que c’était la première fois que l’Etat français était condamné pour les conséquences de ses essais nucléaires, ouvrant ainsi la voie pour d’autres dossiers en cours. Il a cependant jugé probable que le Conseil d’Etat soit saisi d’un recours en cassation.

La cour va faire procéder à une expertise médicale pour évaluer le préjudice global de l’ancien appelé qui réclame 500.000 francs (plus de 76.000 euros) au titre de dommage et intérêts.

 

20 in : LE TELEGRAMME DE BREST 17/11/2002

Essais nucléaires: les vétérans accusent

2 00 vétérans des essais nucléaires français, essentiellement des Finistériens et des Costarmoricains se sont réunis hier à La Martyre, près de Landerneau pour s’informer et témoigner.

200 vétérans des essais nucléaires se sont retrouvés hier à la Martyre en présence de l’amiral Antoine Sanguinetti. Ce dernier a dégagé toute responsabilité de l’armée et dirigé les accusations vers les gouvernements successifs.

Ils exigent que l ‘ Etat reconnaisse officiellement le lien entre leur présence sur les sites d ‘ expérimentation et la dégradation de leur état de santé. « Nous estimons à 82.000 le nombre de personnes concernées par notre démarche (210 essais nucléaires ont été effectués par la France entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie) », expliquait hier Jacques Melon, délégué finistérien de l’association des vétérans des essais nucléaires (Aven).

« Manque criant »

En présence de l ‘ amiral Antoine Sanguinetti , ancien commandant du Clémenceau, et de la veuve du général Jacques de Bollardière, les membres de l’ Aven ont dénoncé le « manque criant » selon eux de précautions prises lors des expérimentations nucléaires menées par la France entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie.
Antoine Sanguinetti, qui a assisté à quatre explosions au Sahara, a salué la démarche des vétérans, en estimant que « ce qui est important, c ‘ est que pour la première fois des gens qui ont été mêlés à ces questions d ‘ irradiation parlent ». De son côté, Simone de Bollardière, qui milite en faveur de la vérité sur les explosions nucléaires, a rappelé l’ action conduite par son mari, notamment en 1973, contre les essais nucléaires, pour laquelle il avait été sanctionné.
Entre la première explosion « Gerboise bleue » au Sahara le 13 février 1960, et la dernière, le 27 janvier 1996 sur l’atoll de Fangataufa (Polynésie), la France a procédé, selon les chiffres officiels, à 210 essais nucléaires, d’abord atmosphériques puis souterrains .

« Un tissu de mensonges »

« Le voile se lève sur un tissu de mensonges » : le Quimpérois, Jacques Melon est le délégué finistérien de l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven). Opéré d’un cancer de la prostate à 50 ans (il en a aujourd’hui 52), il est persuadé que sa maladie est liée à des problèmes d’irradiation. Comme d’autres, il témoigne.

La Bretagne est l’une des régions les plus touchées en raison de la présence de la Marine nationale. « Le ministère de la Défense ayant refusé de nous communiquer la liste des gens qui étaient sur site, nous lançons des appels à témoins pour établir des statistiques », explique Jacques Melon.

Actions juridiques

Si les politiques continuent à faire la sourde oreille, Aven aura recours à la voie juridique. « Nous jetterons les bases de notre stratégie lors de notre assemblée générale en juin 2003 ». Décès prématurés, pathologies cancéreuses, « nous entendons prouver de façon irréfutable la relation de cause à effet entre la présence des vétérans sur les sites d’expérimentations nucléaires et leur état de santé actuel », confie Jacques Melon. Lui, était appelé en 1970. Il travaillait au laboratoire de radiologie de l’hôpital de Papeete où il effectuait des mesures de radioactivité du corps humain.

« Vie foutue en l’air »

« Jusqu’en avril 1971, j’ai uvré à côté de sources de césium 137, les mêmes qu’à Tchernobyl. Durant 15 ans, j’ai connu les mêmes angoisses que les malades ukrainiens, c’est ce qui m’a ouvert les yeux. Ma vie professionnelle et familiale a été foutue en l’air ». Jacques Melon n’a assisté à aucun tir. « Mais, j’ai fait de la plongée sous-marine dans le lagon. Parmi la population polynésienne, on dénombre d’énormes pathologies liées aux poissons infectés dont les autochtones sont friands. Mais, tout le monde nie l’évidence ».
Plus tard, à 50 ans, Jacques Melon a été opéré d’un cancer de la prostate. « Le cancérologue qui m’a opéré à Lyon m’a parlé de cause génétique. Mon généraliste est persuadé qu’il est lié à des problèmes d’irradiation ». Jacques Melon a entamé une démarche individuelle. Mais, il est convaincu que c’est un collectif qui triomphera.

Travail de mémoire et secret défense

C’est aussi le sentiment de l’historienne toulousaine, Christine Chanton, fille d’un vétéran du Sahara. Aujourd’hui, son père souffre d’un cancer de la peau. Alors, elle a choisi de collecter les témoignages oraux. Elle a fait son mémoire de maîtrise sur la période qui couvre les années 60 à 70 au Sahara. Actuellement, elle planche sur la Polynésie. « Après avoir rencontré deux vétérans, je sais, par exemple, que les relevés dosimétriques effectués sur eux ont été falsifiés ». Pour les plus anciens, les archives seront ouvertes en 2020, soixante ans après la levée du secret défense.

Créée en juin 2001 à Lyon, l’Aven s’organise en réseau national, régional et départemental.

Contact Finistère : Jacques Melon,
7 rue de l’Hippodrome à Quimper. Tel 02.98.90.31.82
E-mail : jacquesmelon@hotmail.com

 

21  Dominique Le Bian-Rivier

Réunion des vétérans des essais nucléaires samedi à Brest

BREST, 13 nov 02 – L’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) organise samedi à Brest une réunion d’information sur les conséquences sanitaires « catastrophiques » des expérimentations nucléaires menées par la France entre 1960 et 1996, a-t-on appris mercredi dans un communiqué.

Un appel à témoins sera lancé à cette occasion afin de recueillir un maximum de témoignages de victimes ou de leurs ayant-droit, le ministère de la Défense refusant, selon l’AVEN, de fournir la liste des personnes présentes à l’époque sur les sites d’expérimentation.

Entre la première explosion, « Gerboise bleue » au Sahara le 13 février 1960, et la dernière, le 27 janvier 1996 sur l’atoll de Fangataufa (Polynésie), la France a procédé, selon les chiffres officiels, à 210 essais nucléaires, d’abord atmosphériques puis souterrains.

« Nous estimons à environ 82.000 le nombre de personnes concernées par notre démarche. La Bretagne est l’une des régions les plus touchées en raison de la présence de la Marine nationale lors des essais », a commenté un responsable breton, Jacques Melon, atteint d’un cancer.

L’Association des vétérans des essais nucléaires qui a dépassé le cap des 1.000 adhérents, a été créée en juin 2001 afin de contraindre le gouvernement à reconnaître ses responsabilités et faire la vérité sur « l’origine des maladies de nombre d’entre eux, et qui est à trouver dans le manque de précautions élémentaires prises pour leur protection lors des essais ».

L’AVEN entend prouver de « façon irréfutable » la relation de cause à effet entre la présence des vétérans sur les sites d’expérimentations nucléaires (Sahara et Polynésie) et leur état de santé actuel.

« De nombreux décès prématurés ont été enregistrés ainsi que de nombreuses pathologies cancéreuses et autres y compris sur les descendants », a ajouté M. Melon.

 

22 in : LE PARISIEN 13/09/2002
Polémique sur le nucléaire

Le douloureux combat d’une veuve

BERNARD était ingénieur au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) de Bruyères-le-Châtel. En 1998, à 67 ans, il est décédé des suites d’une très longue maladie. Un cancer rare, de la cave du nez, qui s’est propagé aux poumons. Aujourd’hui, sa femme voudrait savoir pourquoi le CEA n’a jamais voulu lui transmettre le dossier médical complet de son mari, qui a pourtant participé aux essais nucléaires français réalisés dans le Sahara et dans le Pacifique. Ce soir, Danielle témoigne dans un reportage diffusé sur France 2 (*) et consacré aux éventuelles conséquences des explosions nucléaires menées par les autorités françaises. Danielle habite désormais Breuillet. Elle a rejoint les rangs de l’Association des vétérans des essais nucléaires français, créée voilà un an pour « réclamer la transparence sur ce qui s’est vraiment passé ». A 62 ans, elle se souvient avec nostalgie de « ces belles années » passées à Papeete (Tahiti), de 1966 à 1972. « J’étais jeune, avec trois enfants, vivant sur une île superbe avec des habitants très chaleureux. » Là-bas, « les travailleurs du nucléaire » étaient confiants, convaincus qu’ils ne risquaient rien. « Mon mari était très bien suivi médicalement, avec toutes sortes d’examens poussés réalisés régulièrement. Et puis le nucléaire ne fait pas peur car il ne se voit pas, ne se touche pas, et ne se sent pas ! » Danielle non plus ne se posait pas de questions. De toute façon, elle ne savait presque rien des activités exactes de son mari. « La loi du silence faisait partie du contrat, raconte-t-elle. Mon mari s’est lancé avec enthousiasme dans l’aventure du nucléaire menée par le général de Gaulle. Il était fier de travailler pour la grandeur de la France, alors il respectait le secret défense. »

Les premiers doutes sont finalement nés avec la maladie. En 1991, alors qu’il devait partir pour une nouvelle mission en Polynésie, Bernard découvre qu’il est atteint d’un cancer. « Il était enrhumé depuis des mois, se rappelle Danielle. En fait, c’était une tumeur très rare en France. Je n’accuse personne, mais je veux juste que l’on détermine les dangers exacts du nucléaire pour préserver les générations futures. Ça ne changera plus rien à la douleur de ma famille. » Bernard vivra sept ans avec la maladie. Sept longues années pendant lesquelles ses enfants vont chercher à comprendre. « Ma plus jeune fille l’a harcelé pour savoir quelles étaient précisément ses missions. Et puis mon mari en a parlé à ses collègues, dont certains étaient aussi malades. Après sa mort, j’ai demandé son dossier médical. On m’a envoyé un résumé où ne figurent même pas les mesures de radiométrie. » Danielle se bat désormais pour que la lumière soit faite. « Je suis en colère contre certains agents du CEA qui nous méprisent », tempête-t-elle. Elle dénonce ainsi « cette espèce de certitude dans laquelle sont installées les scientifiques qui jouent les apprentis sorciers en permanence, sans savoir où ils nous mènent. La France est le seul pays où les douaniers ont pu stopper le nuage de Tchernobyl ! »

*« Dans le secret du paradis », de Jacques Cotta et Pascal Martin, en deuxième partie de soirée, ce soir sur France 2.

 

 23 in : LA DEPECHE DU MIDI 13/09/2002
Jacques Muller, de Montbeton, témoigne vendredi soir sur France 2

« Dans le secret du Paradis » et combien de misères ?

A ne pas manquer vendredi sur France 2, à 23 h 50, la diffusion du documentaire « Dans le secret du Paradis ». Ce film réalisé par les journalistes Jacques Cotta et Pascal Martin met en avant les conséquences sur la personne des explosions nucléaires menées par les autorités françaises au Sahara (Regane et In Eker) et en Polynésie (Moruroa et Fangataufa). Une période qui court du 13 février 1960 au 27 janvier 1996 et couvre 210 essais nucléaires, aériens ou souterrains.

Ces tirs pour mettre au point la bombe atomique ont marqué à jamais les populations, acteurs ou spectateurs des explosions. Les dommages n’apparaissent que des décennies plus tard, atteignant l’être humain dans sa chair. De nombreux vétérans constitués en association le 9 juin 2001 (1) ont été témoins et malheureusement victimes. « Certains ont travaillé en zone contaminée, parfois sans les plus élémentaires précautions, rapportent-ils lors de leur conférence au Sénat le 19 janvier 2002. Plusieurs ont ajourd’hui des problèmes de santé; certains sont décédés prématurément. »

Eux-mêmes ou leurs familles se heurtent à une fin de non-recevoir de la part des autorités militaires qui répétent contre toute évidence que les essais ont été effectués selon les conditions de sécurité, tant pour les personnels civils et militaires que pour l’environnement. Plusieurs vétérans ont entamé des procédures judiciaires pour faire reconnaître leur droit à pension et indemnisation. Longtemps les tribunaux se sont alignés sur le point de vue des autorités militaires, mais récemment certains tribunaux (la Cour des pensions militaires de Chambéry, par exemple) donnent raison aux vétérans en refusant d’admettre que le « secret militaire » puisse couvrir tous les risques sanitaires auxquels les vétérans ont été exposés.

MAI 1962 A IN-AMGUEL

Parmi eux, Jacques Muller de Montbeton, ancien mécanicien pilote de l’aviation légère de l’Armée de terre. Une profession qu’il a exercée durant trente-trois ans, la découverte en juin 1985 d’une cataracte compléte à l’oeil gauche et partielle à l’oeil droit entraînant sa mise à la retraite, sans suivi médical. « Pourtant en 1973, lors d’un contrôle du personnel navigant, un problème rétinien avait été décelé. Cette anomalie ne m’a pas été communiquée… » Jacques Muller était présent le 1er mai 1962 à In-Amguel au Sahara algérien lors du deuxième essai nucléaire souterrain dénommé « Béryl ». Il raconte: « La montagne s’est couverte de blanc, le sol ondulait. C’était beau, mais brusquement, ce fut la panique. On a réalisé que le nuage nucléaire était sorti de la montagne! Officiels, civils, curieux, tout le monde se sauvait vers la base-vie… »

L’aggravation de l’état de Jacques Muller justifiée par un décollement bi-latéral de la rétine en juillet 1987 l’amenait à faire une demande de pension d’invalidité auprès du ministère des Anciens combattants. Un taux de 86 % était retenu par la commission de réforme mais finalement rejeté au motif de « non imputable au service ».

Aujourd’hui, le dossier est devant le Conseil d’Etat. La santé de Jacques Muller continue de se dégrader avec la découverte d’un cancer en juin 2002…

Martine CASSAN.

(1) Vétérans des essais nucléaires français, 187, Montée de Choulans, 69.005 Lyon. Tel: 04.78.36.93.03. Internet : www.obsarm.org

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Communiqué de l’Observatoire des armes nucléaires françaises 05/09/02

Un reportage accusateur

Vendredi 13 septembre 2002, Stéphane Paoli présentera sur France 2 (Contre courant à 23 h 45) une enquête réalisée par Jacques Cotta et Pascal Martin intitulée « Dans le secret du paradis ».

Ce reportage de plus d’une heure présente la lutte des Polynésiens employés à Moruroa et des vétérans des essais nucléaires qui, depuis des années, tentent de faire reconnaître leurs droits et réclament l’ouverture de leurs dossiers médicaux. En vain, jusqu’à présent.

Ce reportage est d’autant plus poignant que, depuis le tournage, des deux premiers vétérans interrogés, l’un, M. Jacques Muller, déjà aveugle à 90 %, est depuis quelques semaines traité pour un cancer et l’autre, M. Robert Audinet est décédé début juillet 2002 « des suites d’une longue maladie ».

D’autres témoignages viennent renforcer l’inquiétude des Polynésiens sur la situation sanitaire actuelle des petites populations des atolls et îles proches de Moruroa. Plusieurs vétérans révèlent qu’un imprévu météorologique a précipité le nuage radioactif de l’essai atmosphérique du 12 juin 1971 sur l’atoll habité de Tureia et les « graves négligences » des autorités militaires qui n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour la protection des insulaires. Comme le rappelait un habitant de Tureia invité à Hiroshima, le 5 août dernier, 7 adultes de son atoll de moins de 200 habitants sont décédés d’un cancer depuis 1999, « cela fait beaucoup pour une si petite population ».

Les associations Moruroa e tatou, en Polynésie, et des Vétérans des essais nucléaires, ainsi que l’Observatoire des armes nucléaires renouvellent, à l’occasion de la diffusion de cette enquête, leurs demandes maintes fois réitérées :

– ouverture des archives des essais nucléaires,
– accès à l’intégralité des dossiers médicaux,
– adoption d’une loi sur le suivi des essais nucléaires français
– participation des associations au processus de règlement des conséquences des essais nucléaires.

 

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« Dialogue raté » entre les anciens travailleurs de Mururoa

et la ministre des DOM-TOM

PAPEETE, 25 août – La délégation de l’Association Mururoa E Tatou, qui souhaitait rencontrer Brigitte Girardin, ministre des DOM-TOM, pour lui remettre le dossier des anciens travailleurs de Muroroa, a dû « se contenter d’une entrevue express avec Jean-François Delage, chef de cabinet de Mme Girardin, indique, samedi à Papeete, Roland Oldham, président de l’association.

« Nous nous réjouissions de cette occasion de dialogue », précise Roland Oldham, « mais c’est raté ». Le président de Mururoa E Tatou ajoute qu’il ne comprend pas qu’une démocratie comme la France « traite avec autant de mépris et de dédain les Polynésiens qu’elle a exposés pendant trente ans à 193 expériences nucléaires sans leur demander leur avis ».

De leur côté, Jean-Louis Valatx pour les Vétérans des essais nucléaires français et Bruno Barillot, directeur de l’Observatoire des armes nucléaires françaises, dénoncent « l’indifférence des responsables de l’Etat français et leur absence de sens des responsabilités dans leur refus de mettre en place -comme ailleurs- une législation qui établit un lien entre les essais nucléaires et les problèmes de santé ».

L’association Mururoa E Tatou, qui regroupe 1160 anciens travailleurs des sites nucléaires en Polynésie, souhaite l’ouverture des dossiers médicaux de ces travailleurs « comme l’autorise la loi du 5 mars 2002 sur la communication à tout particulier de son dossier médical ». L’association note encore que le taux de cancers de la thyroïde est, en Polynésie, parmi les plus élevés au monde -le deuxième, en fait, après la Nouvelle-Calédonie- et que refuser d’admettre le lien entre ces cancers et les essais nucléaires, « c’est pour les autorités, aujourd’hui comme autrefois, faire la preuve de leur incurie et de l’absence de précautions vis-à-vis de tous ceux qui ont été exposés aux risques de radio-activité ».

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Un millier d’anciens de Mururoa réclament l’ouverture de leurs dossiers médicaux

PAPEETE, 20 août – Réunis au sein de l’association « Mururoa E Tatou » (Mururoa et nous), 1.160 anciens travailleurs sur les sites nucléaires de Mururoa et Fangataufa, ainsi que les familles des travailleurs aujourd’hui disparus, réclament à l’Etat l’ouverture de leurs dossiers médicaux, a-t-on appris auprès du président de l’association.

Ils réclament également « le suivi médical » de l’ensemble du personnel présent sur les sites pendant trente années d’essais nucléaires. « Non seulement ce personnel, mais aussi leurs familles », a précisé Roland Oldham, président de l’association, « ainsi que toutes les populations des îles, dans un rayon de 700 km autour de Mururoa ».

« Mururoa E Tatou » doit remettre le 23 août à la ministre de l’Outre-mer, Brigitte Girardin, à l’occasion de sa première visite en Polynésie, un dossier dans lequel l’association apporte son soutien à la proposition de loi déposée début juillet par les Verts, visant à établir – comme aux Etats-Unis ou en Australie – un lien entre les essais nucléaires et des problèmes de santé.

L’association réclame « la reconnaissance officielle » par l’Etat des conséquences des essais nucléaires, ainsi que le droit aux compensations. Elle souhaite aussi que soit effectué le test radiobiologique de l’ADN de chaque ancien travailleur à Mururoa et Fangataufa.

Créée il y a un an, en juillet 2001, l’association « Mururoa E Tatou » se déclare elle-même « surprise » par le nombre et l’affluence des adhésions ainsi que par « l’ampleur, la gravité des questions » que se posent aujourd’hui les anciens travailleurs, qu’ils soient polynésiens ou métropolitains.

« Le problème, explique Roland Oldham, est qu’en Polynésie, les essais nucléaires ont constitué la trame d’enjeux, de luttes politiques : être pronucléaire, c’était appartenir à la majorité, et s’y opposer, c’était être indépendantiste ». Aujourd’hui, « Mururoa E Tatou » veut donc expliquer aux Polynésiens que « les maladies liées aux radiations ne sont pas politiques ».

LA VOIX DU NORD 24/07/02
Les apprentis sorciers du nucléaire

27 in : LE POINT 02/08/2002

Le secret des irradiés du Sahara

En 1960 et 1961, l’armée française a profité des essais nucléaires dans le Sahara pour organiser des manoeuvres en milieu radioactif. Les appelés cobayes n’ont jamais entendu parler d’indemnisation.

Christophe Labbé et Olivia Recasens

«Nous étions une vingtaine dans la tranchée, assis en tailleur, dos à la bombe. Pendant le compte à rebours, certains se sont mis à pleurer. » Ce 25 avril 1961, Francis Paquez a 21 ans. Il participe en tant qu’appelé du contingent au dernier essai nucléaire français à Reggane, dans le Sahara algérien.

La bombe atomique, installée au sommet d’un pylône de 50 mètres, explose à 7 heures du matin, libérant une puissance de près d’une kilotonne. A trois kilomètres de là, Francis Paquez est transpercé par le flash lumineux. « Je me suis senti devenir transparent comme un verre d’eau. Au-dessus de nous, il y avait deux chèvres, attachées chacune à un piquet, qui se sont mises à hurler. » Deux minutes plus tard, les hommes du 42e régiment d’infanterie, équipés d’une combinaison blanche et d’un masque à gaz, reçoivent l’ordre de s’avancer vers le « point zéro », l’endroit précis où vient d’exploser la bombe.

Lorsqu’ils s’extraient de la tranchée, le champignon atomique commence à peine à s’élever dans le ciel. « Les chèvres étaient brûlées, elles n’avaient plus de poils et leurs yeux étaient opaques. Je n’ai pas eu le temps de me poser des questions, il fallait avancer », raconte Francis Paquez. La progression en formation de combat dure près d’une heure. « A un kilomètre du point zéro, les compteurs Geiger ont crépité si fort que le capitaine nous a ordonné de faire demi-tour. » Pendant quarante ans, Francis Paquez, qui souffre aujourd’hui d’une maladie de peau et d’une hypersensibilité à la lumière, a respecté la consigne de l’armée. Il a gardé le silence sur cette manoeuvre secrète, baptisée « Hippocampe vert ».

Entre février 1960 et 1961, la France a non seulement fait exploser quatre bombes atmosphériques au Sahara mais elle en a profité, lors des deux derniers essais, pour simuler une guerre nucléaire en envoyant 291 hommes, pour la plupart des appelés du contingent, manoeuvrer sous le champignon atomique. Le Point a retrouvé ces anciens « cobayes » qui témoignent pour la première fois.

« En février 1961, j’ai appris que je partais pour une destination inconnue. » A l’époque, Paul Chesseron est pilote de char Patton M47 au 12e régiment de cuirassés, stationné en Allemagne. C’est seulement à son arrivée à Reggane qu’on lui annonce que son peloton va « participer à une explosion nucléaire ».

Le jour J, les chars sont alignés à trois kilomètres du point zéro. « Le souffle a secoué les 42 tonnes d’acier. J’ai regardé par le périscope le champignon s’élever, c’était un spectacle effroyable. Il a fallu se diriger droit dessus. Le pylône sur lequel reposait la bombe n’était plus qu’un moignon tordu. » Son char croise des camions renversés, des avions, des bateaux disposés par l’armée autour du point zéro afin d’étudier la résistance à l’effet de souffle et à la chaleur. « Ils étaient chauffés à blanc, certains chars avaient fondu et ressemblaient à des morceaux de chocolat. Nous avons manoeuvré toute la journée, la trouille au ventre. » Paul Chesseron n’a jamais pu connaître la quantité de radiations qu’il a encaissées. Mais, deux ans après la fin de son service militaire, de larges plaques brunes sont apparues de manière inexplicable sur tout son corps. « Je les ai gardées plus de dix ans. »

Michel Bouquet, pilote d’un transport de troupes AMX13 au 42e régiment d’infanterie motorisée, basé en Allemagne, avait lui aussi été sélectionné pour participer à la « parade » nucléaire. « Pendant un mois, je me suis entraîné, avec une dizaine d’autres chars, dans la zone contaminée par l’explosion précédente. » A chaque exercice, il garde les yeux rivés sur le compteur Geiger, qui crépite comme une sonnerie de réveil. « Peu à peu, j’ai pris peur et j’ai tout fait pour être renvoyé de mon unité avant le jour J. »

Sur le champ de tir, auquel on accède par une route goudronnée que l’armée a fait construire pour l’occasion, émerge du sable le blockhaus Alpha, un énorme bloc en béton muni de hublots derrière lesquels sont placées des caméras chargées de filmer l’explosion. A l’extérieur, jusqu’à 300 mètres du point zéro, sont éparpillés des rats, des lapins et des chèvres. « Nous avons testé sur les rats un produit radioprotecteur », raconte le docteur Daver, alors lieutenant du contingent au centre médical de Reggane. Un antidote à double tranchant, puisque les sels de métaux lourds utilisés pour piéger les radiations provoquent à long terme des intoxications mortelles… « On travaillait aussi sur les lapins pour mesurer l’effet des radiations sur l’oeil, car nous redoutions que les participants aux manoeuvres ne développent des cataractes. »

Au centre médical, on pratique également des examens sanguins sur les hommes qui vont pénétrer en zone contaminée. « On faisait environ 80 analyses de sang par jour. Quelqu’un qui manquait de globules blancs était écarté », explique le docteur Lacassie, affecté à Reggane en tant qu’hématologue appelé du contingent.

Il arrive aussi que l’équipe médicale intervienne en urgence. « Je me souviens d’un pilote d’hélicoptère d’une quarantaine d’années qui s’était brutalement retrouvé paralysé des quatre membres quelques heures après avoir survolé le champignon atomique. Nous l’avons réanimé, puis il a été transporté par avion à l’hôpital d’Alger. Je n’ai jamais su ce qu’il est devenu. »

Interrogé par Le Point, le ministère de la Défense reconnaît l’existence de ces « manoeuvres tactiques en milieu contaminé », répondant aux noms de code d’« Hippocampe rouge » et d’« Hippocampe vert ». Et d’expliquer que ces exercices, « constitués de mouvements de fantassins » et de « reconnaissances d’itinéraires avec des hélicoptères guidant des blindés », avaient pour objectif de vérifier la résistance des matériels et de tester les réactions des hommes de troupe dans une ambiance radioactive.

Selon Pierre Messmer, à l’époque ministre des Armées, ces manoeuvres secrètes avaient aussi un autre but. C’est ce que l’actuel chancelier de l’Institut de France a expliqué au Point : « Nous voulions surtout évaluer le niveau de radiations subi par les hommes afin de définir des distances de sécurité. » Les seuls documents traitant de la question étaient américains. « Les Etats-Unis avaient déjà réalisé plusieurs expériences comme celles-là, mais ils refusaient de nous en communiquer les résultats. Les rares données qu’ils laissaient filtrer étaient délibérément faussées pour nous induire en erreur. »

Quant à savoir s’il fallait utiliser des militaires comme « cobayes », l’ancien ministre rappelle le contexte de guerre froide et précise : « Nous ne disposions pas d’engins téléguidés. Maintenant, on opérerait autrement. » Du côté du ministère de la Défense, on se veut toutefois rassurant sur les éventuelles conséquences sanitaires : « Les doses reçues par les participants ont été faibles, bien en deçà des limites annuelles professionnelles. » (C’est un monsonge énorme!)

Certes, mais aujourd’hui encore les archives militaires sur les manoeuvres Hippocampe restent couvertes par le secret défense…

Jean Vautrin et la bombe A
« Tout a commencé en 1959 au fort d’Ivry, où j’avais été mis au secret avec ordre d’écrire un scénario sur la première bombe atomique française. » Jean Vautrin, prix Goncourt 1989, effectue alors son service militaire en tant que cinéaste des armées. En décembre 1959, une fois son scénario bouclé, il est envoyé au centre d’expérimentation nucléaire de Reggane, dans le Sahara, pour y filmer l’explosion. « Je garde de cette expérience le souvenir de quelque chose de typiquement français : un mélange de grandeur, de bordel ambiant et d’apprentis sorciers. » Dans le désert algérien, les haut-parleurs diffusent de la musique, puis le compte à rebours démarre. « Au moment du tir, l’éclair nous a envahi la cervelle. Ensuite, dans un silence impressionnant, le champignon s’est élevé, monstrueux. L’onde de choc est arrivée à la façon des cavaliers de l’Apocalypse, roulant sur nous et nous traversant. Soudain, au milieu du tonnerre, nous nous sommes aperçus que nous n’avions pas enregistré le son de l’explosion… » Impossible d’annoncer la nouvelle aux militaires, qui comptent sur le film pour montrer au monde la puissance de la France. « Alors, nous avons triché. On peut le dire maintenant parce qu’il y a prescription, nous avons récupéré le son d’une bombe américaine pour sonoriser la première explosion nucléaire française ! » C. L. et O. R.

 

 29 in : LA VOIX DU NORD 21/07/2002

Ils étaient dans le Sahara ou en Polynésie
Les vétérans du nucléaire s’organisent

L’AVEN (association des vétérans des essais nucléaires français) vient de créer une antenne régionale de sa structure : une AVEN Nord – Pas-de-Calais – Somme existe depuis peu avec l’aide de Jean-Claude Egginton.

De nombreux civils et militaires du Nord et du Pas-de-Calais étaient présents ou ont participé aux essais nucléaires de l’armée française au Sahara et en Polynésie. Il y a quelques mois, un projet de loi avait été esquissé par la député Marie-Hélène Aubert . Malheureusement, la proposition de loi de Mme Aubert n’a eu aucune chance d’être discutée avant la fin de la session parlementaire. Un pré-rapport sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France n’a aucunement satisfait les associations de vétérans, qui rencontrent pas mal de difficultés pour avoir accès à leur dossier médical militaire : le poids du fameux « secret défense » étant au moins égal à celui d’un réacteur de centrale nucléaire…

L’association tient une première réunion d’information et d’échanges ce mardi 23 juillet à 14 h 30 salle Aragon à Camon, près d’Amiens.

Renseignements auprès de M. Egginton au 03 22 47 26 65.
Email : EJegginton@aol.com

 

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Association Moruroa e Tatou

Communiqué

Papeete-Lyon, 2 juillet 2002.

Le 2 juillet 1966, la France procédait à sa première explosion nucléaire sur l’atoll de Moruroa qui sera suivie par 45 autres essais atmosphériques dans le ciel polynésien et par 147 tirs souterrains dans le « ventre » des atolls de Moruroa et Fangataufa. Ce 2 juillet 2002 est le 36ème anniversaire de ce triste événement.

L’association Moruroa e tatou, créée le 4 juillet 2001, compte à ce jour plus de 1000 membres, anciens travailleurs de Moruroa et Fangataufa. A l’occasion de cet anniversaire, elle tient à rappeler que de nombreux anciens travailleurs ont subi de graves préjudices du fait de leur présence à Moruroa : nombre d’entre eux sont décédés prématurément et plus nombreux encore sont ceux qui subissent de graves problèmes de santé, cancers et autres maladies. Moruroa e tatou veut aussi alerter les pouvoirs responsables sur les risques sanitaires auxquels ont été exposés les populations de Polynésie et plus particulièrement celles des îles et atolls habités proches des anciens sites d’essais.

Depuis un an, les anciens travailleurs Polynésiens ne sont plus isolés avec la création, en métropole, de l’association des Vétérans des essais nucléaires qui regroupe actuellement plus de 700 anciens – militaires et civils – des sites d’essais du Sahara et de Polynésie. Une enquête santé auprès de l’association métropolitaine révèle que 85 % des vétérans ont des problèmes de santé et que 32,4 % des vétérans signalent un ou plusieurs cancers alors que le pourcentage de l’incidence annuelle du cancer en France est de 17 %. Ces données recoupent les premières informations recueillies auprès des membres de Moruroa e tatou.

Le 20 juillet prochain, l’association Moruroa e tatou tiendra sa première assemblée générale dans la maison des jeunes de la paroisse d’Arue. De nombreux invités étrangers, experts dans le suivi des conséquences sur la santé des essais nucléaires seront présents : le professeur Al Rowland, de l’Université de Massey en Nouvelle Zélande ; le Docteur Jean-Louis Valatx, chercheur à L’INSERM, France ; Madame Lyn Allison, Sénatrice d’Australie, M. Bruno Barrillot, chercheur et Directeur du Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les conflits à Lyon ; M. Paul Ahpoi, vétéran fidjien et Vice Président des vétérans de Fidji ; une délégation japonaise représentant les associations de victimes d’Hiroshima et de Nagasaki ; Le Pasteur Jean-Arnold de Clermont, Président de Fédération Protestante de France.

Le 5 août, à la veille des cérémonies d’anniversaire du bombardement de 1945, se tiendra à Hiroshima, une grande conférence sur les conséquences des essais nucléaires français. Trois représentants de l’Association Moruroa e tatou aux côtés de délégués français des Vétérans et de délégués Algériens témoigneront de ce qu’ils ont vécu lors des essais nucléaires et lanceront un appel aux responsables des puissances nucléaires. Ensemble, ils demanderont aux chefs d’Etat de renoncer définitivement à leurs arsenaux nucléaires et d’assumer leurs responsabilités vis à vis de tous ceux – travailleurs, militaires et populations – qu’ils ont exposés délibérément aux bombardements et aux retombées des essais nucléaires.

Association Moruroa e tatou
BP 5456 Pirae Tahiti (Polynésie Française)
Tél (689) 43.09.05 Tél/Fax : (689) 42.15.69
E-mail : moruroaetatou@mail.pf

 

31 in : Ouest-France du17/12/01

« Je bloquais le compteur Geiger »

Les vétérans des essais nucléaires français s’associent

Une association de vétérans des essais nucléaires (Aven) s’est créée en juin à Lyon. Tous ont des problèmes de santé. Ils dénoncent l’irresponsabilité de l’armée, réclament la réouverture des dossiers médicaux et demandent à l’État de reconnaître ses responsabilités.

En 1961, Valentin Mentz a 20 ans quand il effectue son service militaire en Algérie. Il participe alors à deux essais nucléaires. Le 1er novembre, il se trouve à 960 m du point d’impact de la bombe atomique. Six mois plus tard, le 1er mai 1962, il voit la montagne d’In Eker exploser. Un essai raté auquel assiste Pierre Messmer, ministre de la Défense. « L’onde de choc a duré 30 secondes, raconte-t-il. On était cramponnés au 4X4. Le vent a tourné et on s’est pris le nuage radioactif. J’étais en short et en chemisette. Je suis passé trente fois sous la douche pour la décontamination. »

Gérard Dellac, lui, est resté 24 heures sous la douche. « Quand je sortais, je bloquais le compteur Geiger. » Depuis, il a des problèmes de dermatose et a subi neuf opérations au visage. A l’époque, un officier lui avait demandé de planter un drapeau français au point zéro d’impact de la première bombe atomique française. C’était le 13 février 1960. Michel Verger, appelé affecté à la poste militaire de Reggane, s’en souvient. Ce jour-là, l’armée lui avait remis un dosimètre, censé mesurer le niveau de contamination au moment de l’explosion. On ne le lui a jamais réclamé.

Quarante ans plus tard, les vétérans des essais nucléaires du Pacifique et du Sahara s’interrogent. Ils sont anciens appelés du contingent, militaires de carrière, personnels civils du Commissariat à l’énergie atomique. Leurs bilans de santé sont inquiétants : cancers, cécité, acouphène, dermatose, hypertension, paralysie faciale… Depuis juin, 250 d’entre eux se sont regroupés au sein d’une association implantée à Lyon. Une antenne régionale a été créée à Angers, en septembre (1). Elle regroupe une cinquantaine de personnes du Grand Ouest et s’est réunie ce week-end dans le Maine-et-Loire.

Reçus au Sénat

Les adhérents réclament la réouverture des dossiers médicaux, et dénoncent l’irresponsabilité de l’armée. De cette époque, Michel Verger a conservé quelques documents militaires internes qui montrent combien les risques encourus avaient été sous-évalués. Dans une note officielle, datée du 6 février 1960, l’armée prévoit la distribution d’une paire de lunettes pour quarante personnes. « Des officiers ont fait venir leur famille pour assister au spectacle. On nous conseillait juste de mettre nos mains dans nos poches et de nous protéger la tête avec un chèche. »

De1960 à 1996, 100 000 personnes auraient été exposées dans le Sahara ou dans le Pacifique. L’armée a reconnu officiellement neuf irradiations. Ceux qui ont voulu attaquer en justice l’armée ou le Commissariat à l’énergie atomique ont été déboutés : la plainte devait intervenir dans les 30 jours suivant la « quille ». Trois demandes de commission d’enquête ont été rejetées par la commission de la Défense nationale.

Une délégation de l’Aven a été reçue, en novembre, à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elle a demandé des statistiques sur l’état de santé des populations exposées. Selon le président régional de l’Aven, André Davena, « contrairement à d’autres puissances, la France continue de nier tout effet de ses essais nucléaires sur la santé et l’environnement ».

(1) Aven : 02 41 76 22 88.

William MAUXION

 

32 Communiqués de l’association des Vétérans des essais nucléaires

Samedi 9 juin 2001 à Lyon, a été créée l’association des Vétérans des essais nucléaires français et leurs familles.

Les membres fondateurs de l’association des vétérans des essais nucléaires déclarent que nombre d’entre eux ont subi des conséquences dramatiques pour leur santé. Ils pensent que l’origine de leurs maladies est à trouver dans le manque de précautions élémentaires prises pour leur protection lors des essais nucléaires. « Nous estimons que le moment est enfin venu pour la France de reconnaître ses responsabilités, de faire la vérité sur des expériences nucléaires qui ont engagé plusieurs dizaines milliers de personnes, militaires professionnels et militaires du contingent, personnels civils des armées, du Commissariat à l’énergie atomique et des entreprises sous-traitantes, métropolitains, polynésiens ou algériens » a déclaré le docteur Jean-Louis Valatx, président de l’association.

Les vétérans présents ont fait état des nombreux problèmes rencontrés pour faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux. L’association a décidé de travailler à la mise en place en France d’une législation similaire à la loi américaine sur les Vétérans, datant de 1988, qui « établit une présomption d’un lien avec le service » pour une liste de maladies dont souffre n’importe quel vétéran ayant été exposé aux radiations dans les 40 années après sa dernière participation à une activité à risque radioactif.

La nouvelle association va établir des liens avec les autres associations, organisations et groupes préoccupés par les conséquences des essais nucléaires dans le monde. Des contacts particuliers vont avoir lieu dans les prochaines semaines avec le « Comité de suivi Moruroa et nous » de Tahiti et l’association algérienne, créée à Reggane et dénommée « 13 février 1960 », date du premier essai français dans le Sahara.

Les membres fondateurs ont adopté les statuts de la nouvelle association et désigné un conseil d’ administration de neuf membres. Ils ont élu le Docteur Jean-Louis Valatx, vétéran du Sahara et aujourd’hui directeur de recherche à l’INSERM, président de l’association. Mme Paulette Muller-Dupont, épouse de Jacques Muller, vétéran du Sahara, a été élue secrétaire. M. André Devena, vétéran de Polynésie, a été élu trésorier.

Pour tout contact :
Jean-Louis Valatx Tél : 04 78 77 71 27
Bruno Barrillot Tél 04 78 36 93 03

 

 

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Contre le silence de l’armée française sur les cancers éventuellement liés aux essais nucléaires.

LE RÉVEIL DES IRRADIÉS

Une association de «vétérans des essais nucléaires», en contact avec 380 malades, dénonce l’inertie de l’armée. Elle réclame une étude épidémio-logique sur tous les personnels civils et militaires qui ont été exposés depuis 1960.

Treize février 1960, dans le Sahara. Gerboise bleue, la première bombe atomique française, vient d’être testée avec succès. «Hourra pour la France!» s’écrie le général de Gaulle. Gérard Dellac effectue alors son service militaire au 620e groupement des armes spéciales. Un officier lui demande de le conduire en Jeep au «point zéro», à l’endroit exact où l’explosion nucléaire a eu lieu quelques heures auparavant. Pour y planter un drapeau tricolore ! A peine arrivés sur place, un hélicoptère les survole et leur ordonne de s’en aller immédiatement. De retour à la base de Reggane, en Algérie, on les passe au compteur Geiger et on découvre des poussières radioactives dans les cheveux. Direction la douche, pour décontamination.

«Je ne suis même pas allé à l’infirmerie. Rien !» raconte aujourd’hui Gérard Dellac. En 1991, trente et un ans plus tard, un médecin diagnostique chez lui un cancer de la peau (lésions spino-cellulaires) sur le visage. Gérard Dellac subira au total neuf opérations, dont l’une au cours de laquelle un chirurgien lui enlèvera l’oreille droite. Ce plombier du Tarn demande alors réparation à l’armée. L’affaire traîne. En janvier 2001, la Cour des pensions le déboute. En ces termes: «Le livret médical porte trace d’une irradiation. […] Ce facteur peut constituer un risque supplémentaire de cancer de la peau au même titre que le soleil». Il est donc «impossible de déterminer une relation directe et certaine de cause à effet». L’affaire attend toujours d’être jugée en appel.

Le cas de Gérard Dellac n’est pas unique. Créée en juin 2001, l’association des Vétérans des essais nucléaires (1) est en contact avec 380 malades anciens militaires, salariés du CEA (Commissariat à l’énergie atomique). Ou avec leur veuve… Aucune certitude scientifique, mais beaucoup de questions. Et surtout la volonté de «faire la lumière sur l’impact sanitaire des essais nucléaires», comme l’explique Bruno Barrillot, l’un des animateurs de l’association et auteur de l’Héritage de la bombe (2). Samedi 19 janvier, les «Vétérans» organisent une conférence, qui se tiendra au Sénat, à Paris. «Ceux qui nous contactent sont évidemment ceux qui ont des problèmes. Quatre cents cas, c’est important mais pas forcément significatif. Mais une chose est certaine: il y a véritablement matière à aller plus à fond dans les études médicales», affirme Jean-Louis Valatx, président de l’association et ancien médecin militaire. Créée à l’initiative de militants antinucléaires proches des milieux chrétiens de gauche, l’association des Vétérans est en contact étroit avec une organisation polynésienne, «Mururoa e Tatou», qui rassemble environ 850 anciens travailleurs du nucléaire. En Polynésie, les essais ont duré de 1966 à 1996, les tests atmosphériques ayant cessé dès 1974. Aucune information n’est en revanche disponible sur l’état de santé des populations touareg du Sahara, où les premiers essais français ont eu lieu, entre 1960 et 1966.


Les yeux fermés

C’est pourtant en Algérie que les essais nucléaires se sont le plus mal passés. Les conditions de l’époque laissent songeur. Ainsi, une «note de service», classée «secret», précisait la dotation en «lunettes spéciales» pour le «jour J»: à l’exception des «expérimentateurs appelés par leurs fonctions à observer l’explosion», l’armée prévoyait «une paire de lunettes pour 40 personnes environ»… Mieux, «les membres des familles de militaires ou fonctionnaires présents à Reggane sont autorisés à assister à l’explosion». Suivent les consignes de sécurité : «le personnel se tiendra assis par terre, le dos tourné à l’explosion, les yeux fermés et masqués par un bras replié […] Le personnel devra éviter d’exposer la peau nue (mains dans les poches, utilisation du chèche)». Ça, c’était pour une explosion en temps normal.

Rien n’était prévu pour les fiascos. Comme celui du 1er mai 1962, lors de l’essai «Béryl» à In-Eker (Algérie). Un test sous-terrain pour lequel un tunnel avait été creusé dans une montagne granitique, la Taourirt Tan Afella, au nord de Tamanrasset. Au moment du tir de l’arme atomique, les calculs des physiciens se sont révélés faux. Plus forte que prévue, l’explosion a fait sauter le bouchon du puits. Michel Dessoubrais, appelé au 621e groupement des armes spéciales, y était: «Avec ma patrouille, nous étions à une dizaine de kilomètres. Le sol tremblait et une très grande flamme horizontale est sortie de la montagne. Puis un grand nuage de fumée noire. Ce n’était pas normal, mais nous ne savions pas quoi faire. Nous avons mis nos masques à gaz et nous sommes restés près de trois heures sur place. Des gars en combinaison sont arrivés pour faire des prélèvements et nous ont dit de foutre le camp». Les neufs militaires sont décontaminés: «Sous la douche, deux gars m’ont frotté pendant plus de trois heures. Et on m’a rasé les cheveux.» Une semaine plus tard, les soldats sont transférés à l’hôpital Percy de Clamart, en région parisienne. «On nous a mis dans le pavillon des officiers, avec des gendarmes à l’entrée.» Pendant près de trois mois, les examens se succèdent, jusqu’à deux ou trois prises de sang quotidiennes. «On ne nous a jamais donné aucun résultat», assure Michel Dessoubrais, aujourd’hui retraité dans l’Indre.

Libéré, Michel Dessoubrais obtient une pension d’invalidité temporaire (trois ans) à 10 %. «Des séquelles? Ce que je sais, c’est que nos deux premiers enfants sont morts à la naissance. Mais ce n’est peut-être pas à cause de cela», dit-il. Michel Muller était également sur place le 1er mai 1962, comme pilote d’hélicoptère. Ilest aujourd’hui aveugle, mais le ministère de la Défense estime que sa cécité «n’est pas imputable au service». L’accident de l’essai «Béryl» aurait pu tourner à l’affaire d’Etat: deux ministres assistaient en effet au tir et ont directement été touchés par les retombées: Pierre Messmer, ministre des Armées, et Gaston Palewski, ministre de la Recherche scientifique. A 85 ans, le premier se porte bien; le second est mort d’un cancer en 1984, convaincu d’être une victime d’In-Eker.


Plus de 76 000 personnes concernées

Comment savoir? «Il n’y a jamais eu aucune étude sur les anciens militaires et civils des essais nucléaires», regrette Florent de Vathaire, épidémiologiste de l’Inserm. Ce chercheur de Villejuif étudie leur impact sur la santé de la population polynésienne, qui aurait pu être victime de retombées radioactives entre 1966 et 1974. «Nous avons pu constater qu’il n’y a pas eu de gros problèmes, explique-t-il. Mais maintenant nous voulons aller plus loin, avec une étude plus fine sur les cancers de la thyroïde. Or, nous n’avons aucun financement public pour le faire…». «Rien n’autorise à dire que les vétérans n’ont pas été contaminés lors des essais, mais rien ne le prouve non plus. Ce qui est sûr, c’est que certains sont psychologiquement traumatisés» (Comme d’habitude le nucléaire n’est pas dangereux sauf pour la santé mentale, c’est une découverte russe due à Tchernobyl), dit le député (PS, Nord) Christian Bataille (il fait partie du lobby pronucléaire), coauteur d’un rapport parlementaire sur les essais nucléaires français, qui doit être rendu public fin janvier. Cet élu reconnaît qu’il «sera peut-être nécessaire de procéder à une étude épidémiologique sur l’ensemble de cette population». (il est coauteur d’un rapport parlementaire sur les essais nucléaires français, rapport qui n’a pas étudié les effets sur la santé, mais merde, pourquoi est-il payé ce con !)
——> Commission d’enquête sur les essais nucléaires en Polynésie française

Une telle étude est l’une des principales revendications de l’association des Vétérans», confirme Bruno Barrillot. D’autres pays ont donné l’exemple. L’Australie et la Nouvelle-Zélande, directement concernés par les essais britanniques, ont entamé de vastes recherches. En Grande-Bretagne, les militants de la British Nuclear Veterans Association ont contraint le gouvernement à réexaminer le dossier. Aux Etats-Unis, Washington reconnaît depuis 1988 le «principe de présomption», dispensant les malades de faire la preuve que leur affection est due à leur participation aux essais ou leur simple présence à proximité. Mais dans la réalité les vétérans atomiques sont rarement indemnisés. L’association des Vétérans réclame que la France se dote d’une législation similaire.

Combien d’hommes sont concernés? Le Commissariat à l’énergie Atomique (CEA) possède des chiffres. Anne Flüry-Hérard, médecin au cabinet du haut-commissaire: «En nous basant sur les dosimétries, nous savons qu’il y a environ 24 000 personnes au Sahara et 52 750 en Polynésie.» Au total, 76 750 personnes ont donc participé aux essais: des militaires, du personnel du CEA ou d’entreprises sous-traitantes, comme Thomson. Parmi eux, des populations locales: les PELO (personnels laborieux des oasis) en Algérie, puis les Polynésiens. Selon le CEA, 26 % des personnels ont été en contact avec des éléments radioactifs dans le Sahara et seulement 7 % dans le Pacifique. «Il s’agit essentiellement de doses extrêmement faibles, assure Anne Flüry-Hérard. Si l’on prend le seuil de 100 millisiverts, à partir duquel on peut commencer à avoir un risque de cancer (Non il n’y a aucun seuil, cette personne en affirmant cela est en contradiction avec tous les règlements internationaux sur le nucléaire), nous avons deux cas en Polynésie – des pilotes qui allaient faire des prélèvements dans les nuages radioactifs – et quarante-neuf dans le Sahara, la plupart liés à l’accident Béryl.»
——> La France aurait employé des adolescents et des enfants sur les sites du Pacifique

«Bureaucratie un peu lourde»

Tout a-t-il été correctement enregistré à l’époque? Ce n’est pas certain. «Nous avions un dosimètre pour quatre ou cinq militaires. C’est le chef qui l’avait», raconte Gérard Dellac. Au service de santé des armées, on reconnaît qu’il peut y avoir des trous. «Nous n’avons pas retrouvé la trace de certains personnels qui ont pu aller dans le Sahara pour une mission sans y être affecté», constate le médecin chef Christian Estripeau, pour qui il y a «sûrement» des affections liées au nucléaire.

Jean-Louis Valatx de l’association des Vétérans demande un «accès aux dossiers médicaux militaires en levant le secret-défense qui n’a pas lieu d’être». Cet accès au dossier, qui permet d’appuyer une demande de pension, est libre, à condition que la demande soit faite par le médecin traitant. En revanche, les veuves des vétérans rencontrent des difficultés pour y accéder. La loi sur le droit des malades – qui devrait être adoptée avant la fin de la session parlementaire – devrait simplifier leurs démarches. Elle autorisera les patients à demander directement leur dossier, mais ce nouveau texte ne sera applicable en Polynésie française – un territoire d’outre-mer – que si le gouvernement le souhaite. «En Polynésie, nous n’avons aucune demande de dossier médical», explique un officier supérieur qui a été en poste à Tahiti. «Aucun médecin ne peut fournir les dossiers médicaux lorsque c’est une association qui les réclame,reconnaît le chercheur Florent de Vathaire. En fait, les gens s’y prennent mal.»
——–> Tahiti et la nécessité des enquêtes épidémiologiques

En métropole, les dossiers des anciens militaires sont conservés dans plusieurs endroits: les suivis dosimétriques à Clamart, les dossiers médicaux à Pau et les archives hospitalières à Limoges. Quant aux demandes de pensions, c’est le secrétariat d’Etat aux Anciens Combattants qui s’en charge. Mieux vaut frapper à la bonne porte. Dans l’entourage du ministre de la Défense, on reconnaît l’existence d’«une bureaucratie un peu lourde» et l’on réfléchit à la création d’une «interface» pour mieux répondre aux «demandes légitimes». Après les élections.

Par Jean-Dominique MERCHET

(1)Vétérans des essais nucléaires-CDRPC,187, montée de Choullans, 69005 Lyon. Tél.: 04 78 36 93 03. Sur le Net: cdrpc@obsarm.org

(2) L’Héritage de la bombe, éditions CDRPC, 320 pages, 18 a.

 

34 Méconnaissance ou négligence ?

Que savait-on dans les années 60 des risques liés à la radioactivité ? Le caractère dérisoire de certaines mesures de protection lors des essais nucléaires est-il dû à l’ignorance ou à une certaine légèreté ? Les effets aigus des rayonnements ionisants ont été connus presque en même temps que la radioactivité. Les pionniers Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie avaient constaté des brûlures de la peau dès 1904. Marie Curie décédera d’une leucémie. Très vite, des interrogations surgissent sur la modification de la formule sanguine. Et une Commission internationale de protection contre les radiations voit le jour dès 1928. Les questions sur les effets liés à des doses plus faibles sont apparues plus tard, notamment après les pathologies apparues chez les survivants des deux bombes américaines de Hiroshima et de Nagasaki. «D’après les contacts que j’ai eus avec les « anciens », j’ai le sentiment que l’idée prédominante dans les années 60 considérait encore les cancers comme une complication à la suite d’une forte exposition», analyse Jean-LucPasquier, directeur scientifique de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants. Autrement dit, pas de trace apparente de brûlure, pas de suspicion de cancer. «Les connaissances n’étaient pas traduites en termes de radioprotection», souligne le scientifique qui rappelle que jusqu’à très récemment les expérimentateurs avaient encore l’habitude de prélever des liquides radioactifs ou toxiques par aspiration dans une pipette. «On savait pratiquement tout à l’époque des tirs atmosphériques, confirme Jean-Claude Nenot, de l’Institut de protection et de sécurité nucléaire. D’ailleurs les normes ont relativement peu évolué depuis. Les effets aigus étaient bien connus et on savait ce qu’il fallait faire pour se protéger des cancers.» Pour lui, la protection des travailleurs du CEA était satisfaisante au regard des normes de l’époque. «Mais il est vrai qu’il y a beaucoup d’autres personnes qui ont travaillé sur les tirs, en particulier les militaires. Ces derniers ont une appréciation du risque différente de celle des civils.»

Par Denis DELBECQ

En fait dès que les radiographies ont commencé à être utilisées en grand nombre (pendant la 1ère guerre mondiale), il a commencé à y avoir beaucoup de décès parmi les médecins radiologues (et quelques uns parmi certains cobayes radiographiés). C’est pour protéger les toubibs que la réglementation a été mise en place. La norme a beaucoup évolué (actuellement 200 fois moins pour les travailleurs du nucléaire qu’il y a 50 ans), et elle ne correspond pas à un seuil en dessous duquel il n’y aurait pas de mort mais à un seuil acceptable au niveau d’un calcul coût/bénéfice, le rayonnement entraîne des morts mais aussi des bénéfices car on sauve un certain nombre de patients en localisant les balles ou éclats d’obus (pendant la guerre) ou les fractures…

Evolution des normes de radioprotection de la CIPR

Pour les travailleurs :

De 1934 à 1950 : 46 rem/an,
1950 : 15 rem/an,
1956 : 5 rem/an,
1990 : 2 rem/an (20 mSv/an).

Pour la population :

1959 : 0,5 rem/an (5 mSv/an),
1985 : 0,1 rem/an (1 mSv/an).

Nota : En France la réglementation fixe les limites annuelles à 50 mSv (5 rem) pour les travailleurs et à 5 mSv (0,5 rem) pour la population. La réglementation française ne respecte pas les recommandations de la CIPR.

 

Effets cancérogènes à long terme

Si 1 million de personnes reçoivent 1 rem (10 millisievert), quel sera le nombre de cancers mortels radio-induits ? La réponse dépend de l’institution qui effectue l’estimation.

CIPR-26 (1977) : 125 cancers mortels

UNSCEAR (1977) : 75 à 175 cancers mortels

BEIR III (1980) : 158 à 501 cancers mortels

MSK (1980) : 6 000 cancers mortels

RERF (1987) : 1740 cancers mortels

BEIR V (1990) : 800 cancers mortels

CIPR-60 (1990) : 500 cancers mortels

NRPB (1992) : 1000 cancers mortels

CIPR : Commission Internationale de Protection Radiologique.

UNSCEAR : Comité scientifique des Nations Unies pour les effets des rayonnements atomiques.

BEIR : Comité de l’Académie des Sciences des Etats-Unis pour l’étude des effets biologiques du rayonnement ionisant.

RERF : Fondation arnéricano-japonaise pour l’étude du suivi des survivants japonais des bombes atomiques. (La valeur indiquée correspond aux résultats bruts, avant l’utilisation des coefficients de réduction).

MSK : Mancuso, Stewart et Kneale. Equipe de chercheurs ayant étudié la mortalité par cancers parmi les travailleurs de l’usine nucléaire américaine de Hanford. (la valeur indiquée est déduite de leur dose de doublement)

NRPB : National Radiological Protection Board (Agence Nationale de Protection Radiologique du Royaume-Uni). D’après le suivi de mortalité effectué sur les travailleurs de l’industrie nucléaire du Royaume-Uni.)

 

Moruroa, bombe coloniale française

Polynésie "française" / Site d'essais nucléaires

Poisson radioactif pêché en Polynésie 'française'

Plongée dans l'océan contaminé en Polynésie 'française'

abri 'anti-atomique' de Rikitea

Association polynésienne pour les victimes de la contamination nucélaire française

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