Congo belge mise point

CONGO BELGE

Mise au point face au mensonge organisé

0.   Introduction

A l’échelle internationale, on assiste depuis quelques années à une campagne de dénigrement de la Belgique à propos de son ancienne colonie, le Congo. Une mise au point était nécessaire face à ce mensonge organisé notamment par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et leurs collabos négationnistes dans notre pays.

Jean Schoonjans, in: Jean-Léon Huens, Auguste Vanderkelen, Histoire illustrée de la Belgique, T3, éd. Racine 2003

 

(p.66) Les Belges ont fait du Congo une des plus belles colonies du monde. Ils ne négligèrent pas leurs efforts pour la moderniser, l’embellir et l’enrichir.

 

P.V., Empires belges, français, anglais… : tous pareils ?, LB 08/04/2004

 

Non, répond Joël Kotek (ULB), coauteur  du « Siècle des camps ».

Le travail forcé au Congo qui est, comme dans les colonies britanniques, du racisme d’exploitation, est différent de l’élimination des Héréros en Namibie par les Allemands.

De même, les camps ouverts par les Britanniques en Afrique du Sud dans le cadre de la répression des Boers – qui avaient pour but non d’exterminer mais d’interner les civils à titre préventif – ont inspiré Herman Göring, qui les a connus par son père, ancien gouverneur de Namibie.

« Quand les nazis ont ouvert leurs tout premiers camps, ils ont même affirmé qu’on y mourait moins que dans les camps africains des Anglais. »

 

 

Le Congo et l’Europe…

Avant la colonisation du Congo par la Belgique

(in: Congo, Meer dan een kolonie, Knack Historia, 2018, p.22-23)

Préparation de la colonisation

(Jo Gérard, in: LB, s.d.)

1884

(Jo Gérard, in: LB, s.d.)

Jumet (Charleroi) - Hommage aux soldats morts au Congo au cours de leur lutte contre l'esclavage arabo-musulman

Centre de documentation historique des forces armées, Histoire de l’armée belge de 1980 à nos jours, T1: de 1830 à 1919, 1982

 

(p.269) Les frontières orientales

 

En 1895, au terme des campagnes d’occupation et de la campagne arabe, il restait à l’E. I. C. /= Etat Indépendant du Congo/  à affirmer sa présence dans l’Est, notamment dans le Kivu, région convoitée également par l’Allema­gne et à laquelle les Anglais ne restaient pas insen­sibles.

Dès 1900, Costermans qui commandait les trou­pes de la région mit celle-ci en état de défense; pendant 10 ans, la tension fut constante. Le 14 mai

1910, un accord entre l’Angleterre, l’Allemagne et la Belgique régla définitivement le problème.

 

LA FIN DE LA TRAITE DES ESCLAVES

 

Introduction

 

L’abolition de l’esclavage figurait, nous l’avons mentionné, parmi les obligations imposées par la Conférence de Berlin à l’Etat indépendant du Congo. Or, la traite des esclaves était pratiquée par les « Arabes » qui occupaient en fait la moitié est du territoire de l’Etat. L’extension progressive de l’influence de ce dernier et la modification du rapport des forces en présence allaient bientôt ren­dre l’explosion inévitable. Les postes blancs gênaient en effet les Arabes, et le modus vivendi conclu le 24 février 1877 entre Tippo-Tip et Stan­ley ne put se prolonger.

La Conférence internationale anti-esclavagiste qui se tint fin 1889 à Bruxelles prit des mesures concrètes qui se matérialisèrent par un décret pénal pour faits de traite (1891) et par la création de nouveaux postes. Par ailleurs, des commer­çants blancs s’installèrent peu à peu dans les zones arabes et menacèrent ainsi le commerce « honnête » (p.270) qui avait été proposé aux Arabes en échange de la traite. L’exaspération des Arabes alla crois­sant et le commandant Fivé, chargé d’une mission spéciale d’inspection dans la région, ne put que constater en 1891 que : « La conflagration générale est imminente, elle peut être retardée, mais il n ‘est plus au pouvoir de personne de l’éviter » (A. Lejeune-Choquet, Histoire militaire du Congo). En fait, à cette époque, de nombreux incidents s’étaient déjà produits.

 

Les forces en présence

 

Dans le camp arabe, la retraite de Tippo-Tip en 1890 avait créé un vide dans la région et chacun de ses anciens subordonnés régnait en maître sur son territoire. Installés dans des villes relativement prospères, ces sultans disposaient de troupes importantes de guerriers aguerris et bien armés. Leurs rivalités, les distances, l’impossibilité d’assurer le ravitaillement de colonnes importan­tes les empêchaient toutefois de réunir leurs for­ces.

De son côté, la Force Publique ne comptait, en 1890, que 3.500 hommes et n’occupait que deux postes importants dans la région : Basoko et Lusambo (forts chacun de 300 hommes environ). Il faut y ajouter la colonne Vankerckhoven qui se trouvait, nous l’avons dit, au nord du Bomu et qui coupait les Arabes de leurs coreligionnaires mahdistes installés au Soudan. Autre élément blanc, les hommes du capitaine Jacques qui tenait les pos­tes du lac Tanganika pour le compte de la Société anti-esclavagiste belge. Pour étoffer ces effectifs, la F. P. procéda à des recrutements importants et fit appel à 4.200 mercenaires étrangers. De son côté, Dhanis, qui se trouvait à Lusambo, enrôla de nombreux auxiliaires indigènes à qui il fit donner une instruction militaire sommaire.

 

La mort de Lippens et Debruyne

 

Diverses escarmouches avaient vu s’affronter de 1890 à 1892 éléments arabes et Force Publique. Deux événements allaient mettre le feu aux pou­dres : le massacre de Riba-Riba au mois de mai 1882 et les victoires de Dhanis sur Gongo-Lutete, suivies du ralliement de celui-ci et de Lupungu, le chef des Baluba.

Sefu, Vali de l’Etat à Kasongo et auprès de qui résidaient Lippens et Debruyne annonça son inten­tion de marcher contre les blancs et réclama la tête du traître Gongo-Lutete. Le 15 novembre 1892 se déroula sur le Lomami la célèbre entrevue entre Debruyne et Scheerlinck. Sefu assassina les deux résidents le 1er décembre 1892, tandis que la F. P. entamait son offensive.

 

La campagne du Lomami-Lualaba

 

Elle se déroula de novembre 1892 à août 1893 et comporta trois phases : la marche de Dhanis de Lusambo à Kasongo, celle de Chaltin vers Kasongo — interrompue pour porter secours à Tobback menacé aux Stanley-Falls — et celle de Gonthier, successeur de Chaltin, vers Kasongo et sa jonction avec Dhanis le 28 août 1893.

 

Rumaliza

 

Installé à Ujiji, Rumaliza dominait toute la région du Tanganyika; il avait déjà causé bien du souci à Dhanis et tenait en échec les troupes de la Société anti-esclavagiste commandées par Jac­ques. Disposant de plus de deux mille hommes, Rumaliza quitta Ujiji et se dirigea vers Kasongo. A l’approche de la ville, instruit de la sortie de Dhanis, le sultan entreprit de fortifier la région en construisant une série de bornas : « La région qu ‘ils enclosent, espèce de camp retranché, assure le ravitail­lement en eau, la plupart de temps en vivres. » (L. Lejeune, Lothaire.)

Cette lutte d’un genre nouveau allait se poursui­vre pendant un an et demi et se terminer par (p.271) l’entrée des troupes de la F. P. à Uvira le 17 mars 1894.

 

Le nettoyage

 

Le nettoyage des derniers îlots arabes continua en 1894 et 1895. Le résultat final en fut l’élimina­tion des esclavagistes et l’implantation de l’E. I. C. dans de nouvelles régions : Maniéma, Ituri, zone du Tanganika où furent installées cinq nouvelles compagnies actives; la région fut baptisée Pro­vince orientale et placée sous le commandement d’un Vice-Gouverneur général.

 

La campagne Mahdiste

 

Envoyé de Dieu, Mohammet Ahmet dit le Mahdi avait chassé les Anglais et les Egyptiens du Soudan devenu, de ce fait, terre sans maître. En 1892, l’expédition Vankerckhoven reprise par Milz avait atteint le Nil, coupant le contact entre le Mahdi et les Arabes du Sud. Entre temps, les Anglais se préparèrent à reprendre le Soudan et obtinrent l’aide de Léopold II en lui cédant à bail l’enclave de Lado.

Tandis que Kitchener quittait Le Caire en 1896, Dhanis partit de Stanleyville en septembre et Chai-tin de Dungu en décembre.

Arrivé à Ndiri en janvier, Chaltin n’y retrouva pas Dhanis dont la colonne, comme on le verra, s’était révoltée. Il continua donc seul, battit les Mahdistes à Bedden et Redjaf le 17 février 1897 et alla occuper Lado qu’il organisa tant bien que mal.

L’année suivante, il dut livrer de nouveaux com­bats, mais les Mahdistes avaient perdu la partie, car Kitchener avait pris Khartoum et Fachoda.

Marche-en-Famenne - monument en mémoire du capitaine Ponthier, tué au combat contre des troupes des esclavagistes arabo-musulmans

Salzinnes (Namur) - une rue à la mémoire d'Alexis Vrithoff, mort au cours d'un combat contre les esclavagistes arabo-musulmans

(in: VA, 04/04/1992)

Le Congo belge dans la guerre 1914-1918

(source: Musée Africain, Namur)

Le Congo belge dans la guerre 1914-18

(in : Congo, 125 ans de relations militaires belgo-congolaises, Institut des Vétérans, 2011)

Le Congo belge dans la guerre 1914-18

(in: Belgisch Leger, 14 tot 18, Oorlog in Afrika, 2014, p.125; 127; 128)

La colonisation belge au Congo, même si elle n'a pas été aussi brutale que veulent le faire croire les hypocrites allemands, français et anglais suivis par des bobos en Belgique, n'a pas été une sinécure pour les habitants.

(in: Les Atlas de ‘lHistoire, août 2016, p.51-52)

1964 - Stanleyville

(J(ean) K(estergat), in: LB, 1974)

tenue d'un officier des chasseurs ardennais, Musee africain, Namur

1973, ... - magouilles entre le dictateur Mobutu et les partis belges dits démocratiques

(in: UBU, 01/03/1973)

1.   Politique

1.1   Extraits de l’étude de Jean Stengers (ULB), Congo / Mythes et réalités, éd. Racine, 2007

(un livre à lire absolument)

1.1.0   Introduction

(p.5) La renommée scientifique de Jean Stengers en Belgique et à l’étranger s’est construite au départ de l’histoire coloniale belge, où il a fait œuvre de pionnier. C’est en toute conscience du bouleversement des perspec­tives de l’histoire de l’Afrique à la fin du xxe siècle qu’il publie en 1989 Congo. Mythes et réalités, recueil de plusieurs de ses articles sur l’histoire de la colonisation et de la décolonisation du Congo, sans les retoucher en fonction de l’esprit du temps, mais aussi comme témoignage d’une époque où l’histoire coloniale prospérait sans complexe et avait droit de cité dans l’enseignement supérieur. La réédition de cet ouvrage respecte l’état d’esprit dans lequel il fut conçu par son auteur. Il nous a paru utile de le compléter pour deux raisons: la résurgence des débats sur l’exploi­tation du Congo par Léopold II et le renouveau de l’intérêt pour le passé colonial de la Belgique.

En 1998 paraît la traduction française du best-seller d’Adam Hoch­schild, Les fantômes du roi Léopold II. Un holocauste oublié. Ce livre inspire le film de Peter Bâte, White King, Red Rubber, Black Death, docu­mentaire théâtral produit par la BBC, dont la diffusion par la VRT et la RTBF au printemps 2004  suscite un vif émoi et des débats passionnés. La thèse de l’extermination, voire du génocide, est fondée sur les chiffres de la population du Congo en 1885 publiés par Stanley. Le premier texte présenté en complément de la première édition du livre de Jean Sten­gers concerne la surévaluation de la population du Congo par Stanley dont les calculs n’ont jamais été mis en question. Il est suivi de la critique de la version française de l’ouvrage de Hochschild, parue dans Le Soir du 13 octobre 1998. À titre de troisième et dernier complément, l’article «Les malaises de l’histoire coloniale», publié en 1979, présente à la fois une analyse lucide et un témoignage éclairant sur le déclin de l’enseignement et de la recherche en histoire coloniale en Belgique depuis l’accession du Congo à l’indépendance.

 

Ginette Kurgan-van Hentenryk

1.1.1   Histoire du Congo belge

(p.63) Les premiers qui répondront ‘oui’ /à la reconnaissance de l’Etat du Congo/ seront les Etats-Unis qui, en avril 1884,  reconnaîtront le drapeau de l’AIC à l’égal de celui d’un ‘Gouvernement ami’.

 

(p.99) De 1885 à 1908, l’Etat Indépendant du Congo se dit en anglais Congo Free State.

(p.100) Le souverain du Congo a mené la politique congolaise, jusqu’en 1908, de manière effectivement indépendante, sans que la Belgique y assume aucune responsabilité : la réalité s’exprime donc bien dans le terme de ‘Congo Free State’.

 

(p.105) /Un/  caractère original de l’État du Congo: c’est que pour tirer un maximum de profit de la monopolisation des produits domaniaux, il établit un système d’exploitation qui, fatalement, devait mener à de graves abus dans le traitement des indigènes.

Dans presque toutes les histoires coloniales, faut-il le dire, il y a des pages chargées de brutalités. Le mot célèbre suivant lequel « on ne fait pas de colonies avec des enfants de chœur», ce mot a une valeur presque universelle. L’expédition coloniale, au sens classique du mot, l’occupation de territoires hostiles, la répression des révoltes indigènes se sont rarement déroulées d’une manière satisfaisante pour l’esprit humanitaire.

Le cas du Congo, cependant, présente un aspect spécial. L’occupation du territoire se fit de manière plus pacifique que dans la plupart des autres colonies. Stanley, qui la dirigea au début, mit son point d’honneur à ne pas user de la force. Comme explorateur, il avait eu parfois la main rude, et cette brutalité lui avait été reprochée ; comme chef d’expédition, il évita au maximum toute violence. Ceux qui vinrent après lui n’eurent pas toujours les mêmes qualités mais comme, dans leur progression vers l’intérieur, ils ne rencontrèrent en général que peu de résistance de la part des indigènes – car ils ne se heurtèrent que rarement à des groupes suffisamment nombreux et surtout organisés que pour être capables d’offrir une résistance -, ils réussirent à soumettre les popula­tions sans grandes effusions de sang. Les luttes les plus âpres furent celles qu’il fallut mener, non contre les indigènes, mais contre les Arabes et les troupes qu’ils avaient formées, dans l’est du Congo. Par ailleurs, une fois la soumission réalisée, il n’y eut aucune révolte importante ‘.

La période des violences, au Congo, fut beaucoup moins la période d’occupation du territoire que celle, par la suite, de l’exploitation écono­mique. Et – situation que l’on ne rencontre pas ailleurs – les abus furent moins dus aux hommes ou aux circonstances qu’à un système dans lequel les hommes se trouvèrent pris comme dans un engrenage.

Comment les choses se présentent-elles, en effet, à partir de 1891-1892? L’État, conformément aux principes du régime domanial, entame la récolte de son caoutchouc. Cette récolte, bien entendu, sera faite par les indigènes, qui se la voient imposer au titre de l’impôt en travail. Les agents de l’État sont chargés de veiller à ce que le travail se fasse, et char­gés de rassembler le caoutchouc récolté.

 

1 Les seules révoltes dangereuses, à l’époque de l’État Indépendant, furent celles déclenchées par des éléments de la Force Publique, c’est-à-dire de l’armée congolaise. Les deux révoltes les plus redoutables furent à cet égard celle de Luluabourg, dans le Kasai, en 1895, et celle de l’expédition Dhanis, dans le nord-est du Congo, en 1897.

 

(p.106) Si la contrainte et la répression sont prévues, les violences, elles, en principe, sont évidemment proscrites. Le Code pénal les punit, et la justice est là pour veiller au respect du Code. La justice congolaise est loin d’être inactive, et des Européens coupables de violences envers les indigènes sont régulièrement traduits devant les tribunaux et condam­nés. Mais si la magistrature est de bonne volonté, et si elle compte des éléments de valeur, ses effectifs sont ridiculement réduits par rapport à l’étendue du territoire qu’elle doit contrôler. L’agent, en pratique, échappe donc dans la majorité des cas à toute surveillance efficace de la justice. La surveillance exercée sur lui par l’administration elle-même est encore plus lâche. L’administration tout entière est tendue vers l’objectif majeur qui lui est assigné, et qui est la récolte du caoutchouc. Un agent qui a la main un peu lourde sait qu’on ne lui en fera pas grief s’il atteint un bon niveau de production. Une baisse dans la production est la seule chose qui ne se pardonne pas.

Les conséquences de ce système, pour les populations vivant dans les régions caoutchoutières, sont faciles à deviner, et elles se résument en peu de mots : astreintes à un travail forcé intensif, souvent inhumain, elles souffrirent aussi durement dans leur chair.

La Commission d’Enquête envoyée au Congo en 1904-1905 a décrit de manière concrète ce qu’était la vie de l’indigène soumis au travail forcé :

(p.107) « Dans la plupart des cas, il doit, chaque quinzaine, faire une ou deux journées de marche, et parfois davantage, pour se rendre à l’endroit de la forêt où il peut trouver, en assez grande abondance, les lianes caoutchoutières. Là, le récolteur mène, pendant un certain nombre de jours, une existence misérable. Il doit se construire un abri improvisé, qui ne peut évidemment remplacer sa hutte, il n’a pas la nourriture à laquelle il est accoutumé, il est privé de sa femme, exposé aux intempéries de l’air et aux attaques des bêtes fauves. Sa récolte, il doit l’apporter au poste de l’État ou de la Compagnie, et ce n’est qu’après cela qu’il rentre dans son village, où il ne peut guère séjourner que deux ou trois jours, car l’échéance nouvelle le presse. Il en résulte que, quelle que soit son acti­vité dans la forêt caoutchoutière, l’indigène, à raison des nombreux déplacements qui lui sont imposés, voit la majeure partie de son temps absorbé par la récolte du caoutchouc ‘. »

À ces souffrances du travail forcé s’ajoutaient celles dues aux méthodes de coercition. Si l’Européen, dans le poste qu’il dirigeait, se contentait en général de la chicotte et de la prise d’otages, les « senti­nelles », pour leur part, allaient beaucoup plus loin : dans les villages où elles étaient placées, et où elles régnaient en despotes, elles maltrai­taient et tuaient. On tuait aussi lors des expéditions militaires dirigées contre des villages «réfractaires à l’impôt», et qui étaient fréquentes. C’est de ces expéditions que, dans certaines régions, des soldats rappor­taient des mains coupées aux morts ( ou aux mourants ), afin de prouver à leurs officiers qu’ils avaient fait bon usage des cartouches qu’on leur avait distribuées2.

Casement qui, en sa qualité de consul britannique au Congo, avait mené sur place une enquête directe – c’est l’enquête qui lui permettra d’écrire le fameux Casement Report – dénonçait en septembre 1903, dans une lettre au vice-gouverneur général du Congo, les sources du mal profond qu’il avait constaté :

 

I cannot conceal from Your Excellency that, to me, the responsibility for the dreadful state of affairs prevailing in many parts of thé country I have visited is not to be attributed to the  meaner instruments of crime and the savage agents of extortion I have seen at their dirty work, but to the System of general exploitation of an entire population, which can only be rendered successful by the employment of arbitrary and illegal force.

 

1 Bulletin Officiel de l’État Indépendant du Congo, septembre-octobre 1905, pp. 191 -192.

2 Ces mutilations, on le notera, n’étaient pas infligées à titre de châtiment. La version populaire qui a tait et qui fait encore des « mains coupées » le symbole du régime léopoldien a donc, sur ce point, dévié vers la légende.

 

(p.108) That population is supposed to be free and protected by excellent laws ; those laws are nowhere visible ; that force is everywhere. Well-nigh each village has its gang of armed and unscrupulous ruffians quartered upon it ; and where they are not actively present, the shadow of the public forces of this Government in the background, ready to be impelled into any district failing or unwilling to comply which th” excessive demands continuously made upon it by th” public officials of this country, serves as an ever-impending reminder of the doom awaiting the recalcitrants. Communities that fail to satisfy the unceasing demands made upon them, either for India-rubber, food-stuffs, or some other local want of the European establishments in their neighbourhood are then said to be « in a state of revolt », and the entire population, men, women, and children, are treated worse than the worst criminals in any country I have knowledge of…

 

Ce tableau fort sombre ne doit cependant pas être appliqué en bloc au Congo de Léopold II. Ce serait là une généralisation grossière. Casement lui-même l’évite puisque, dans la lettre que nous venons de citer, il parle de many parts of the country. Les sentiments d’horreur de Casement, d’autre part, étaient d’autant plus vifs qu’il comparait la situation à celle qu’il avait connue durant les premières années de l’État Indépendant, c’est-à-dire à une époque où le système générateur d’abus n’existait pas encore.

Du point de vue chronologique, en effet, le système d’exploitation domaniale ne fut introduit qu’à partir de 1891-1892 et, dans certaines régions, de manière nettement plus tardive. À dater de 1906, par ailleurs,

 

1 Je ne puis dissimuler à Votre Excellence que, à mon avis, la responsabilité de la situation affreuse qui prévaut dans de nombreuses régions du pays que j’ai visitées ne doit pas être attribuée aux criminels minables et aux sauvages agents d’extorsion que j’ai vus à l’œuvre dans leur répugnant travail, mais au .système d’exploitation générale d’une population entière, système qui ne peut être rendu efficace que par l’emploi d’une violence arbitraire et illégale.

Cette population est supposée être libre et être protégée par des lois excellentes ; ces lois, on ne les aperçoit nulle part ; la violence, elle, est partout. Dans presque tous les villages, on trouve cantonnée une bande de brutes armées et sans scrupules ; et quand les forces armées du Gouvernement ne sont pas présentes et actives, l’ombre, à l’arrière-plan, de ces forces, prêtes à être engagées dans tout district qui n’a pas pu ou voulu se soumettre aux exigences continuellement imposées par les agents du Gouvernement, joue le rôle d’un rappel toujours menaçant du sombre destin qui attend les récalcitrants.

Les communautés qui ne réussissent pas à satisfaire ces exigences incessantes, que ce soit pour le caoutchouc, pour des vivres, ou pour tout autre besoin spécifique des établis­sements européens situés dans leur voisinage, sont déclarées dans ce cas être « en état de révolte », et la population entière, hommes, femmes et enfants, est traitée d’une manière pire que les pires criminels dans aucun pays que je connaisse.

 

Casement à Fuchs, 12 septembre 1903 ; copie dans les Morel Papers ( London, British Library of Political and Economie Science ).

 

(p.109) l’État limitera de plus en plus strictement le recours aux moyens de coercition qui avaient engendré le plus de violences ( c’est-à-dire essen­tiellement le système des «sentinelles» et les expéditions militaires), ce qui aura pour effet d’éliminer la plus grosse partie des abus. D’un point de vue géographique, en second lieu, seules les zones riches en caout­chouc où le régime domanial était appliqué – et qui se trouvaient prin­cipalement dans la cuvette congolaise – connurent ces années sombres. Même dans ces zones, un bon nombre d’agents surent obtenir les pres­tations exigées des indigènes en se conduisant avec humanité et en usant du minimum de contrainte.

Le tableau doit donc souvent être nuancé ou adouci. Il ne saurait    • cependant l’être lorsque l’on évoque le cas particulier des sociétés concessionnaires.

Si l’État, en effet, exploita le plus souvent son domaine de manière . directe – ce qui est le régime que nous avons décrit jusqu’ici – il usa aussi, pour deux régions de la cuvette congolaise, de la formule de la concession: les sociétés concessionnaires, l’Abir et l’Anversoise, reçu­rent à la fois le droit de récolter les produits du domaine et celui de percevoir l’impôt – c’est-à-dire, en pratique, le droit d’exiger à leur profit le travail des indigènes. L’État, en échange, obtenait gratuitement la moitié des actions des sociétés et touchait par conséquent la moitié des dividendes. L’Abir et l’Anversoise firent des bénéfices inouïs, mais leurs concessions furent des enfers. Les agents de ces sociétés ne connais­saient qu’une loi: celle du lucre. Leur conduite, dans plus d’un cas, ne différa guère de celle des « sentinelles » indigènes qu’ils employaient.

D’une manière générale, il est clair que, partout où fut appliqué le régime domanial, le sort des indigènes dépendit en partie de ce que valaient, comme hommes, les agents européens. Là où les agents valaient le moins, comme dans les sociétés concessionnaires, le sort des indigènes fut particulièrement tragique. Mais les hommes, quels qu’ils fussent, quelles que fussent leurs vertus ou leurs déficiences, étaient tous dominés et écrasés par le système, qui exerçait sur eux une pression irrésistible. C’était le système qui, fatalement, devait engendrer de graves abus.

On le vit fort bien au moment où il fut aboli. Ceux qui dénonçaient   -les abus du Congo déclaraient avec force que ces abus ne pourraient prendre fin que si l’on éliminait de l’administration du pays tous ceux qui les avaient commis. En fait, cette épuration massive ne fut nulle­ment nécessaire. L’État du Congo, nous l’avons dit, introduisit des mesures de réforme importantes dès 1906, sans renoncer cependant au travail forcé. Après l’annexion à la Belgique, en 1908, le travail forcé, lui-même fut supprimé. La situation des indigènes s’améliora très rapidement (…).

 

(p.111) Chose curieuse, l’État Indépendant ne remboursera pas à la Belgique le montant des deux prêts qui lui avaient été octroyés. Ses générosités envers la Belgique prendront une autre forme : une grandiose politique de travaux publics et d’urbanisme va être entreprise, sur le sol belge, aux frais du Congo. À partir de 1900, partout les chantiers s’ouvrent: construction de l’Arcade du Cinquantenaire, à Bruxelles, construction du Musée de Tervuren, agrandissement du château de Laeken, travaux à Ostende, travaux d’urbanisme divers.

 

(p.114) Dès 1888-1889, les points qu’il faudrait chercher à atteindre sont précisés : c’est le Haut-Zambèze, le lac Nyassa, le lac Victoria, le Haut-Nil. Toute une politique s’élabore afin d’atteindre ces objectifs. Pour la poussée vers l’est, par exemple, c’est sur une alliance avec les Arabes que l’on compte : on espère obtenir leur appui afin d’étendre l’influence de l’État jusqu’au lac Victoria.

Cette vaste politique, mais qui manquait de moyens, va presque partout rencontrer l’échec. Les expéditions projetées vers le Haut-Zambèze n’aboutiront pas. On ne parviendra pas à s’entendre avec les Arabes et bien au contraire, il faudra en fin de compte engager la lutte contre eux. Mais dans une direction cependant, la poussée va persister, et elle persistera presque jusqu’à la fin de l’État Indépendant : la direc­tion du Nil.

Les efforts déployés de ce côté, et qui seront épaulés en Europe par des manœuvres diplomatiques de grande envergure, seront incessants. Faute de pouvoir décrire dans le détail cette politique du Nil, marquons-en au moins quelques étapes essentielles. En 1890 – c’est-à-dire dès le moment où, grâce à l’aide financière apportée au Congo par la Belgique, ses ressources s’accroissent quelque peu -, Léopold II organise et dirige vers le Nil la plus grosse expédition qu’il ait montée jusqu’alors en Afrique: l’expédition Van Kerckhoven. Dès 1892, l’expédition atteint le Haut-Nil, alors que d’autres forces congolaises poussent en direction du Bahr-el-Ghazal. En 1894, l’Angleterre, s’inclinant devant ce qui est déjà en grande partie un fait accompli, accepte l’occupation du Soudan méridional par Léopold II : elle conclut avec lui un traité par lequel elle lui accorde à bail – en qualité, par conséquent, de locataire – tout le sud du bassin du Nil, au sud du 10e degré de latitude (ce qui est la latitude de Fashoda ). Ce locataire aura pour avantage, considère-t-elle, d’écarter du Haut-Nil un autre compétiteur beaucoup plus redoutable, et qui est la France.

(p.115) Mais la France, précisément, va se fâcher et, usant de tous les moyens de pression dont elle dispose, elle va forcer Léopold II à renoncer au bénéfice de son accord avec l’Angleterre. En août 1894, Léopold II s’en­gage à renoncer à toute occupation du territoire qui lui a été donné à bail ; il ne garde le droit d’occuper que la partie la plus méridionale du bail, ce que l’on appellera désormais l’enclave de Lado.

Est-ce la fin de la politique du Nil? Nullement, car après un bref temps d’arrêt elle va prendre plus d’ampleur encore. En 1896, on assiste à la concentration dans l’est du Congo d’une expédition qui est sans doute la plus considérable que l’Afrique centrale ait jamais connue au xixe siècle. Cette expédition, qui est placée sous la direction de Dhanis, a pour objectif officiel l’enclave de Lado, qui est un objectif parfaitement légitime, puisque Léopold II a conservé le droit d’occu­per Lado. Mais nous savons aujourd’hui ce qu’était son objectif véritable : après avoir traversé la région où le traité d’août 1894 avec la France interdisait à Léopold II toute occupation, elle devait, au nord de cette région, c’est-à-dire au nord du parallèle de Fashoda, et en direction de Khartoum, planter sur les bords du Nil le drapeau congolais.

Les pensées et les ambitions de Léopold II ne s’arrêtent d’ailleurs pas à Khartoum. Au-delà de Khartoum il y a l’Erythrée, cette Erythrée qu’à la suite du désastre d’Adoua de mars 1896, une partie considérable de l’opinion italienne paraît disposée à abandonner. Léopold II, là aussi, est prêt à saisir sa chance. Il est en négociations secrètes avec le gouverne­ment italien, à qui il offre de reprendre l’Erythrée à bail. Des rives du Congo, l’Empire africain de Léopold II s’étendrait ainsi jusqu’à la mer Rouge.

La réalisation de ces projets grandioses dépendait du succès de l’ex­pédition Dhanis. Ils vont s’écrouler lorsque l’expédition elle-même va s’effondrer. En 1897 en effet, aux confins des bassins du Congo et du Nil, une partie des troupes de Dhanis se révolte, et l’expédition tout entière finit par sombrer dans cette révolte. Avec des moyens qui sont désor­mais beaucoup plus limités – car l’expédition Dhanis était réellement le grand atout sur lequel il avait presque tout misé -, Léopold II réussira néanmoins à occuper l’enclave de Lado et, avec une persévérance inlas­sable, tentera de pousser ses forces vers le nord. Ses efforts à la fois mili­taires et diplomatiques pour obtenir une partie aussi considérable que possible du Soudan méridional dureront ainsi jusqu’en 1906, date d’un nouvel accord avec l’Angleterre et de l’échec final: en 1906, loin d’arra­cher aucune concession territoriale à l’Angleterre, Léopold II devra consentir à ce que l’enclave de Lado soit évacuée après sa mort. C’était, selon les propres mots du Roi, « son Fashoda ».

 

(p.124) En faisant le rapprochement Léopold II-Rhodes, on met cependant le doigt, du même coup, sur une différence profonde. L’impérialisme de Rhodes était nourri d’une foi profonde dans la supériorité de la race britannique. Rien n’indique par contre que Léopold II ait jamais cru à la vertu surhumaine des Belges ; il était le premier, au contraire, à les juger quand il le fallait avec une sévérité un peu méprisante. Mais c’est préci­sément parce que la Belgique était petite qu’il avait pour elle des visions de grandeur: il en tirait le sentiment exaltant d’être, à lui seul, l’artisan de cette grandeur.

 

(p.128) La Belgique, après 1908, a le Congo et elle s’en satisfait pleinement. Elle ne songe pas à acquérir quoi que ce soit d’autre.

L’acquisition du Ruanda-Urundi, après la Première Guerre mondiale – à titre non de colonies, d’ailleurs, mais de mandat de la SDN – ne sera nullement le résultat d’une volonté expansionniste. Ce sera un accident non prémédité. Ayant mené en Afrique des opérations militaires victo­rieuses contre les forces allemandes, la Belgique se refusera, par une sorte de réflexe, à en perdre le bénéfice. On ne revient pas d’une guerre victorieuse les mains vides. Cela aussi, à bien voir les choses, est pleine­ment orthodoxe.

Léopold II avait créé le Congo, mais un Congo à lui, aussi original que lui ; la Belgique en a fait une colonie classique.

 

(p.201) La politique belge, faut-il le dire, n’a jamais été une politique d’assimilation, tendant à fondre les Congolais dans un moule belge. Mais ce à quoi l’on visait, c’était à attirer vers le Belgique seule toute la fidélité et tout l’attachement sentimental des Congolais.

 

(p.204) Les Noirs le ressentaient. Le travailleur africain de Léopoldville faisait la comparaison entre son logement, ses ressources, ses difficultés, et le luxe des quartiers européens, et ses réflexions n’étaient pas toujours amènes. Mais il pouvait faire aussi la comparaison entre Léopoldville et Brazzaville, entre son sort matériel et celui des Africains du Congo fran­çais, de l’autre côté du Stanley Pool, et cette comparaison-là était incontestablement à son avantage. Si l’on se tient à ce second volet – c’est-à-dire si l’on envisage le niveau de rémunérations et le niveau de vie des Congolais par rapport à celui des Africains des autres colonies tropicales – on peut dire que les résultats obtenus par le régime belge étaient, dans l’ensemble, parmi les plus brillants d’Afrique.

L’action médicale fut, quant à elle, d’une remarquable efficacité. Là aussi, cependant, le démarrage fut lent, et l’on avait même commencé non par des succès, mais par des catastrophes. Le premier résultat de l’arrivée des Européens au Congo fut en effet, une chute considérable de la population. La Commission pour la Protection des Indigènes, dans son rapport de 1919, estimait que, depuis le début de l’occupation euro­péenne, la population du Congo avait sans doute été réduite de moitié. L’estimation était peut-être trop pessimiste, mais elle venait de person­nalités sérieuses et compétentes. On a cru parfois trouver la cause prin­cipale de cette dépopulation dans les abus dont les indigènes furent victimes à l’époque de Léopold II. C’est là une vue polémique parfaite­ment absurde. À l’origine de la dépopulation se trouve avant tout la mortalité causée par différentes maladies, le plus souvent épidémiques, dont les ravages furent effroyables. La variole, et plus encore la maladie du sommeil, furent les fléaux les plus épouvantables. Certaines régions furent littéralement vidées par la maladie du sommeil. Dans cette exten­sion tragique des maladies, la responsabilité directe incombe incontes­tablement aux colonisateurs européens: en créant des courants de circulation, ils ont fait circuler et, en fait, le plus souvent, apporté les maladies. (p.205) Mais c’est le type de la responsabilité sans fautre : nulle part dans le monde, pratiquement, on n’a pu ouvrir des pays neufs, isolés, aux contacts extérieurs, sans provoquer de telles catastrophes démographiques. La place du Congo, dans le tableau général de ces catastrophes, qui s’échelonnent du XVIe au XXe siècle, est, si l’on voit bien les choses, une place en quelque sorte moyenne. (…)

 

(p.206) Certains, à propos de l’enseignement, n’ont pas hésité à parler d’une véritable faillite de la Belgique. À l’appui de ce constat de faillite revien­nent toujours, bien entendu, les seize diplômés universitaires de 1960: seize, souligne-t-on, pour un pays de treize millions d’habitants, et qui accédait à l’indépendance. En retenant provisoirement ( nous devrons revenir là-dessus par la suite ) le critère un peu simpliste dont on se sert (p.207) en l’occurrence, et qui consiste à mesurer l’ensemble d’une œuvre d’en­seignement à l’aune du nombre de diplômés universitaires, il nous faut d’emblée faire deux observations.

Tout d’abord, le Congo n’a pas été une Cendrillon qui faisait contraste avec tout le reste de l’Afrique. Avec les territoires de l’Afrique occiden­tale, certes, ou encore avec le Kenya ou l’Ouganda, le contraste a été vif: dans ces pays, aux environs de 1960, les Africains qui avaient bénéficié d’une formation universitaire se comptaient non par unités, mais déjà par centaines. Mais si l’on considère la Rhodésie du Nord (aujourd’hui Zambie) ou le Nyassaland (aujourd’hui Malawi), on y trouve, pour la même époque, des chiffres qui ressemblent très fort à ceux du Congo. Le Congo, on l’a souvent souligné, ne possédait au moment de son indé­pendance aucun médecin africain, mais la Zambie ( 3 millions et demi d’habitants), au moment de sa propre accession à l’indépendance, en 1964, n’en possédait que trois. Il y a donc eu, suivant les pays d’Afrique, de grosses inégalités de développement, et nullement une opposition Congo-reste de l’Afrique.

Une deuxième remarque, beaucoup plus importante, est que ce que l’on a qualifié de faillite se ramène au fond essentiellement à un retard – un retard dans la formation des élites universitaires qui, par rapport à l’Afrique orientale britannique par exemple, était approximativement d’une dizaine ou d’une quinzaine d’années. Dans les dernières années du régime belge, cependant, la machine s’était mise en marche. Deux universités avaient été fondées, la première, l’Université catholique de Lovanium, près de Léopoldville, en 1954, puis l’Université de l’État à Élisabethville, en f 956. De jeunes Africains commençaient également à arriver dans les universités belges. Un petit nombre d’années auraient sans doute suffi pour faire passer le Congo, au point de vue des effectifs universitaires, de la catégorie des pays presque déshérités à celle des pays se situant, dans le cadre africain, dans une très honorable moyenne.

Le phénomène historique qu’il importe d’expliquer est donc, non pas une faillite, mais le retard du Congo par rapport à d’autres pays africains. C’est un phénomène de décalage dans le développement. La raison fondamentale de ce décalage est facile à découvrir : c’est que le secteur de l’enseignement a été, pendant longtemps, abandonné aux missions. (…)

 

(p.208) Le rôle capital joué par les missions dans l’enseignement n’a pas été propre, certes, au seul Congo. On le rencontre ailleurs encore en Afrique, notamment dans les territoires britanniques. Mais presque toujours, et par exemple dans les colonies britanniques, l’administration coloniale a pris soin d’élaborer des plans, un programme d’enseignement, et a fait appel aux missions, dans une mesure plus ou moins grande, pour réali­ser ce programme.

Au Congo – et c’est là que réside l’originalité du cas – il n’y a pas eu de plan dressé par le gouvernement. Toute l’initiative a été laissée aux missions, et le gouvernement s’est borné à subsidier ce que les missions créaient. Bien entendu, l’administration coloniale a fait de temps à autre des suggestions, exprimé des desiderata, mais il n’y a rien eu qui ressem­blât à un programme gouvernemental d’ensemble.

La conséquence en est que les missionnaires, laissés libres d’agir, ont réalisé par priorité ce qu’ils devaient naturellement réaliser en tant que missionnaires.

Comme missionnaires, leur tendance naturelle, et même leur devoir était tout d’abord de faire de l’enseignement un instrument d’évangéli-sation de la masse. Ceci impliquait le développement, au maximum, de l’enseignement primaire et c’est de ce côté qu’a porté, en effet, l’effort majeur des missionnaires.

 

(p.210) Pour comprendre le monopole des missions, il faut comprendre la psychologie qui a été longtemps celle de tous les dirigeants de la poli­tique coloniale belge, hommes de gauche et hommes de droite indis­tinctement : pour eux – et c’était chez eux une conviction profonde -instruction et évangélisation devaient nécessairement aller de pair. L’instruction, pensaient-ils, ne pouvait avoir de valeur que si elle était accompagnée d’une éducation morale. Or la formation morale ne pouvait être le fruit que de l’évangélisation.

Le texte le plus célèbre, à cet égard, que l’on a cité et récité en toute occasion, est celui d’un homme qui était à la fois libéral, agnostique et franc-maçon, Louis Franck, ministre des Colonies de 1918 à 1924. Franck écrivait en 1924: «Pour l’éducation morale, c’est sur l’évangéli­sation qu’il faut surtout compter. On ne fera rien de permanent sans elle. Cette conviction est indépendante de toute conviction de foi ou de dogme. Elle est basée sur cette observation que la vie indigène est profondément pénétrée de religiosité et de mystère. Seul un autre senti­ment religieux, plus élevé, mais aussi profond, paraît capable de remplacer ces influences traditionnelles et d’amener la moralité indi­gène à un plan supérieur 1. »

Les idées de Louis Franck, même si elles étaient discutables, avaient en tout cas une certaine envolée. Mais les hommes de gauche qui étaient convaincus, comme lui, de la nécessité de l’évangélisation, se laissaient guider, en général, non pas par un raisonnement aussi élevé, mais par une idée beaucoup plus simple : on avait affaire, au Congo, à des populations frustres, et quand il s’agit de donner à des âmes frustres une bonne morale élémentaire, rien ne vaut la religion.

 

1 L. Franck, Quelques aspects de notre politique indigène au Congo, dans le recueil Études de colonisation comparée, Bruxelles, 1924, p. 123.

 

(p.211) On retrouve ici très exactement l’attitude d’esprit qui avait été celle de la bourgeoisie à l’égard des classes populaires, dans l’Europe occiden­tale du milieu du xixe siècle. Le parallèle est frappant. Les bourgeois voltairiens du milieu du siècle, qui n’avaient pas de foi religieuse, et qui n’en désiraient pas pour leurs propres enfants, étaient les premiers à déclarer qu’« il fallait une religion pour le peuple ». La loi sur l’enseigne­ment primaire de 1842, en Belgique, qui donnait à l’école communale, c’est-à-dire à l’école pour les enfants du peuple, un caractère pratique­ment confessionnel, fut votée à la quasi-unanimité des libéraux comme des catholiques. Pour des gens simples, considérait-on, il fallait une morale simple, mais une morale qui s’impose en même temps avec force : rien ne valait à cet égard les préceptes simples de la morale reli­gieuse – «Tu feras ceci», «Tu ne feras pas cela» – solidement appuyés par l’appareil de sanctions de la religion, sanctions de ce monde et sanc­tions de l’au-delà. Religion et morale ainsi unies constituaient en même temps le meilleur rempart de l’ordre social. «La religion est la seule garantie de l’ordre», écrivait en 1845 un homme politique belge, fidèle interprète des vues dominantes de son époque.

Toutes ces idées appliquées au me siècle aux classes populaires d’Eu­rope ont été transposées par la suite, en gros, aux indigènes du Congo. Même l’idée de la garantie de l’ordre – non pas de l’ordre social, mais de l’ordre tout court – s’est retrouvée au Congo, très forte elle aussi. Si l’on ne s’efforçait pas de répandre le christianisme et sa morale, soulignait-on, on risquait de voir se développer d’autres religions, d’autres fois reli­gieuses qui, elles, n’inspireraient pas, bien au contraire, le respect de l’autorité. Ces religions, c’était par exemple l’Islam, que l’on craignait comme la peste, car l’on s’imaginait qu’il serait nécessairement xéno­phobe et porteur d’idées subversives. C’étaient éventuellement aussi des religions autochtones : on avait sous les yeux l’exemple du kibanguisme, qui s’était développé dans le Bas-Congo au lendemain de la Première Guerre mondiale et qui avait effectivement pris, aux environs de 1930, une allure souvent hostile à l’autorité coloniale, et même anti­européenne. En l’absence de la foi chrétienne, enfin, l’on redoutait l’influence que pourrait exercer la foi communiste.

Citons à cet égard un texte, très caractéristique, datant de 1948. «L’évolution des indigènes, écrit l’auteur, doit aller de pair avec une formation morale et religieuse solide. Une évolution intellectuelle et technique sans contre-valeur spirituelle et morale serait extrêmement dangereuse, car elle exposerait les esprits à toutes les propagandes subversives, notamment à la propagande communiste. L’État a établi récemment en certaines villes des institutions scolaires neutres pour enfants européens. Cette initiative n’aura sans doute pas d’autre

(p.212) conséquence fâcheuse pour la colonie que les lourdes charges qui en résulteront pour son budget. Mais si l’on s’avisait d’étendre cette mesure aux indigènes en établissant pour eux des écoles laïques à caractère neutre, ce serait tôt ou tard la catastrophe. Nous n’hésitons pas à dire que ceux qui prendraient pareille responsabilité commettraient un crime contre la colonie. »

Ces lignes, en 1948, étaient du cardinal Van Roey, archevêque de Malines1, mais en 1948 encore, parmi les coloniaux, bon nombre de libéraux et même certains socialistes n’auraient sans doute pas hésité à y souscrire.

L’évolution des esprits, en effet, dans les milieux de gauche, a été fort lente. Il a fallu cependant que l’on entende pour finir les voix des Afri­cains eux-mêmes. Les parents congolais non chrétiens – ou encore les parents chrétiens mais qui s’entendaient mal avec les missionnaires – se plaignaient de la difficulté de trouver une école pour leurs enfants. En principe, certes, les écoles missionnaires devaient être ouvertes aux enfants non chrétiens, mais de la théorie à la pratique, il y a souvent une certaine distance, et être mal vu des missionnaires signifiait dans plus d’un cas ne pas pouvoir faire faire d’études à ses enfants. Les parents congolais qui se trouvaient ainsi lésés ont réclamé des écoles officielles. Auguste Buisseret – le ministre qui devait prendre l’initiative de créer ces écoles – a souvent raconté un fait qui l’avait fort frappé. À Luebo, dans le Kasaï, en 1947, une mission parlementaire belge dont il faisait partie avait été accueillie par un groupe d’Africains qui avaient entonné un chant en son honneur. Ce chant célébrait la gloire et les mérites de la Belgique, mais au second couplet, les Congolais attaquaient en chœur:

« Le Congo demande encore à la Belgique chérie

Une école laïque pour les garçons et les filles2 ! »

Une fois qu’une telle demande était formulée par des Congolais eux-mêmes, les hommes de gauche, en Belgique, ne pouvaient pas, sauf à fouler aux pieds leurs principes les plus fondamentaux, ne pas y donner suite. Ce fut une des origines les plus directes de la politique nouvelle inaugurée par Buisseret en 1954.

 

1 E. Van Roey, Visions du Congo, Bruxelles, 1948, pp. 29-30. iurs à la Chambre du 7 décembre 1954.

2 Discours à la Chambre du 7 décembre 1954.

 

(p.213) Par la suite, on ne cessera d’aligner des statistiques toujours triom­phales. En 1955, soulignait-on, les effectifs scolaires représentaient au Congo 10 pour 100 de la population, alors que le pourcentage n’était que de 7 pour 100 au Ghana, de 6 pour 100 aux Indes, de 3 pour 100 dans les territoires français de l’Afrique Équatoriale.

 

(p.218) Un des éléments de faiblesse, comme instrument culturel, de l’ensei­gnement primaire, a été l’engouement des missionnaires pour les langues indigènes. De tous les territoires d’Afrique, le Congo est, en effet, celui où l’on a le plus largement usé dans les écoles des langues indigènes. Ceci est à mettre en rapport direct, sans aucun doute, avec l’origine géographique de la majorité des missionnaires. Soixante-quinze à quatre-vingts pour cent des religieux belges enseignant au Congo étaient des Flamands. Certains, dans la préférence qu’ils ont donnée aux langues indigènes, ont sans doute été mus par le peu de sympathie qu’ils éprouvaient pour la langue française. Mais un autre facteur psychologique a joué d’une manière beaucoup plus générale, et avec d’autant plus de force qu’il relevait, quant à lui, d’une conception sincère et désintéressée du bien de l’Africain. Très simplement, beau­coup de missionnaires ont transporté au Congo les convictions dont ils avaient été nourris en Flandre même. Le grand malheur de la Flandre, leur avait-on dit et répété, avait été son envahissement par une langue étrangère qui avait pris, dans les classes supérieures, la place de la langue flamande. La Flandre en avait profondément souffert, car un peuple ne peut se développer naturellement et harmonieusement que

 

(1 C’est dans une large mesure, pour avoir violé ce tabou, et pour avoir été le premier à le violer, qu’un rapport sur l’enseignement rédigé en 1954 par MM. Coulon, Deheyn et Renson créera un véritable scandale (La Réforme de l’Enseignement au Congo Belge, Mission pédagogique Coulon-Deheyn-Renson, Bruxelles, 1954).)

 

(p.219) dans sa langue propre : telle a été l’idée fondamentale du mouvement flamand. De nombreux missionnaires ont été imbus de cette idée. Leur devoir, tel qu’il se dessinait clairement à eux, était d’épargner aux Congolais ce dont avaient souffert les Flamands. Il fallait que tous les Congolais conservent précieusement le trésor de leurs langues afri­caines, reflets de leurs valeurs propres, reflets de leur âme. Le devoir de ceux qui les enseignaient était d’y veiller. Si nous ne remplissons pas ce devoir, pensaient et disaient les missionnaires, les Congolais pourront plus tard, et à bon droit, nous reprocher d’avoir détruit leur patrimoine spirituel.

La politique de défense et d’illustration des langues indigènes a donc été conçue par les missionnaires pour le bien des Congolais. Ceux-ci, cependant – jusqu’à présent du moins – ne leur en ont su aucun gré. On avait prédit, du côté flamand, que tôt ou tard les Congolais eux-mêmes prendraient conscience de la valeur fondamentale de leurs langues propres. On considérait cette évolution comme inéluctable : un peuple qui s’affirme, pensait-on, doit affirmer nécessairement les droits de sa langue, puisque le peuple et la langue ne font qu’un. Jusqu’à présent, cette prévision ne s’est pas réalisée. Le français est demeuré jusqu’ici la seule langue que les Congolais ont eu soif d’apprendre et de connaître. Ils ont reproché aux missionnaires, et parfois de manière fort vive, de ne pas la leur avoir suffisamment enseignée. Lorsque des écoles officielles laïques ont été créées au Congo à partir de 1954, leur succès, qui a été grand, a été dû pour une bonne part au fait que l’enseignement y était donné, dès le degré primaire, en langue française1.

Sur le plan éducatif et même sur le plan politique, l’emploi systéma­tique des langues indigènes dans les écoles missionnaires – surtout, bien entendu, au degré primaire – n’a pas été sans de sérieuses consé­quences. La grosse majorité des élèves des écoles de brousse ont été formés dans des langues dans lesquelles ils demeuraient en quelque sorte enfermés, avec peu de possibilité d’accéder à un niveau de culture supérieur (sic) D’autre part, comme les langues indigènes variaient d’une région à l’autre, l’accent mis sur ces langues n’a certainement pas favo­risé l’unification morale du Congo. L’unification, vue sous son aspect linguistique, ne pouvait résulter que de l’extension du français. Moins de français a signifié plus de fractionnement.

 

1 Dans une localité du Kasaï, les missionnaires répandirent une grande affiche illus­trée évoquant l’histoire d’Ésaii et du plat de lentilles. Ésaii, rappelait la légende, « a vendu son héritage pour un plat de lentilles». Et l’on ajoutait, s’adressant aux Africains que l’on voulait détourner de l’école officielle: «Vendrez-vous votre âme pour un peu de kifrançais?»

 

(p.233) Une seconde crise très grave se produisit au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le marché du cuivre, à ce moment, se trouvait sursa­turé, à cause notamment de la mise en vente des stocks de guerre. Les cours s’effondraient. Encore une fois, devant les pertes accumulées, certains considéraient qu’il fallait arrêter au moins provisoirement la production et mettre en quelque sorte l’affaire en veilleuse. C’était la politique de prudence, qu’avaient pratiquée d’ailleurs toute une série de grands producteurs mondiaux. Le représentant de la société en Afrique, Edgar Sengier, que le conseil d’administration avait muni de pleins pouvoirs, opta pour l’audace: loin d’arrêter la production, comme beaucoup le pressaient de le faire, il décida de la doubler. De cette manière, et de cette manière seulement, affirmait-il, l’on pourrait abaisser le prix de revient et cesser de vendre à perte. De 19000 tonnes en 1920, la production fut ainsi portée à 43000 tonnes en 1922. Sengier avait parié sur l’avenir, et il gagna: (…).

 

(p.234) Le cuivre est demeuré constamment le fleuron de l’Union Minière, mais celle-ci a produit aussi d’autres métaux: le cobalt – dont elle fournissait avant l’indépendance du Congo 60 pour 100 de la production mondiale -, le radium et l’uranium. L’histoire du radium et de l’uranium a débuté, par le rôle du hasard et des accidents, un peu comme celle du diamant. En 1915, un prospecteur anglais au service de l’Union Minière, Sharp, venait de repérer un affleurement cuprifère d’ailleurs peu impor­tant, au sud-ouest de Likasi, et il s’apprêtait à y planter un poteau signal lorsque, ainsi qu’il le raconte lui-même, « quelque chose de jaune accro­cha son regard2». C’était une pierre qui, lorsqu’il l’examina, lui parut remarquable par son poids. En faisant des recherches aux alentours et en creusant quelques tranchées, Sharp découvrit divers échantillons du même type, qu’il put faire analyser: le minerai, on le constata, était

 

1    Ce calcul est fondé sur la valeur réelle des produits, et non sur leur valeur doua­nière: cf. G. Vandewalle, De conjoncturel? evoliitie in Kongo en Riuinda-Urundl van 1920 tôt 1939 en L’an 1949 tôt 1958, Gand, 1966, p. 257.

2 R. R. Sharp, En prospection au Katanga il y a cinquante ans, Élisahethville, 1956, p. 133.

 

(p.235) uranifère, Sharp était tombé sur le gîte de Shinkolobwe, qui allait être pendant longtemps le gisement uranifère le plus riche connu au monde.

L’exploitation du gisement commença en 1921. Le seul intérêt écono­mique du minerai, à cette époque, était sa teneur en radium. Les sels d’uranium, en effet, qui n’étaient guère utilisés que dans l’industrie céramique, n’avaient, en comparaison du radium, qu’une importance économique tout à fait minime. Le minerai fut envoyé en Belgique et traité dans une usine spécialement construite pour la production du radium, à Olen, en Campine. La réalisation d’Olen constitua un véritable tour de force industriel. Les premières caisses de minerai de Shinko­lobwe arrivèrent à Anvers en décembre 1921. En quelques mois, on réus­sit à mettre au point les procédés de fabrication, à dresser les plans de l’usine, à la construire. Un an plus tard exactement, en décembre 1922, Olen produisait du radium. Très rapidement, après ce démarrage étour­dissant, l’usine de Campine allait conquérir le premier rang dans le monde.

Ce n’est que dans les années précédant immédiatement la Seconde Guerre mondiale que l’attention commença à se porter sur l’uranium. Les physiciens s’attaquaient au problème de la fission du noyau de l’atome d’uranium. Au siège de l’Union Minière, à Bruxelles, on suivait attentivement ces travaux. Les Joliot-Curie vinrent à Bruxelles exposer l’état d’avancement de leurs recherches. Edgar Sengier, dont nous avons déjà cité le nom, et qui était le plus remarquable des dirigeants de la société, comprenant l’importance que pourrait éventuellement revêtir la fission nucléaire dans la conduite de la guerre, fit secrètement expé­dier aux États-Unis, en 1940, un millier de tonnes de minerai uranifère ; il fut entreposé à New York. D’où un peu plus tard, lorsque les États-Unis eurent décidé de construire la bombe atomique, la scène célèbre de l’officier américain demandant à Sengier comment son pays pourrait se procurer de l’uranium dans les délais les plus brefs, et s’entendant répondre : « La mine est ici, à New York… »

 

(p.249) Une pensée politique exige une certaine conceptualisation des phénomènes politiques, elle exige aussi une certaine capacité de se servir de notions abstraites et de raisonner à partir d’elles : toutes choses à quoi l’éducation des Africains ne les avait nullement préparés .

 

(p.249) (…) Ils ont d’autant moins tendance à intervenir dans ces affaires dont les Belges ont le secret, ou de demander simplement à intervenir, que – et ceci est un second facteur psychologique -, on leur a enseigné qu’ils doivent tout aux Belges. Ils ont subi à cet effet un endoctrinement qui a été un véritable matraquage intellectuel : cet endoctrinement a porté ses fruits. Lisons dans La Voix du Congolais, en 1949, l’article d’un évolué assez connu, Antoine Omari, qui sera président de l’Association congo­laise des Amis de la Croix-Rouge et jouera un certain rôle politique à l’époque de l’indépendance1. Le texte est extraordinaire. Omari expose dans quels abîmes les Congolais étaient plongés avant l’arrivée des Blancs: «L’idolâtrie et la superstition prédominaient tout. L’ignorance était héréditaire. L’hygiène était inconnue. Les épidémies sévissaient. L’anthropophagie était quotidienne. La sous-alimentation, due à des méthodes culturelles improductives, était le partage de plusieurs régions. On n’avait que des pistes pourvoies de communication. S’il faut reconnaître l’existence de quelques bonnes coutumes, il convient toutefois d’admettre la carence d’une loi bien organisée ; ce qui donnait naissance à d’innombrables conflits et à des guerres intestines intermi­nables… Bref, nous étions un peuple arriéré, accablé de tous les maux de la nature et éloigné de la civilisation mondiale. » Là-dessus, les Belges sont venus, et tout a changé. Omari énumère leurs réalisations admi­rables, tous leurs bienfaits. D’où l’hymne final qu’il entonne : « Belgique, à Toi toute notre gratitude, à Toi notre confiance inébranlable. Nous Te devons tout, ta 10e province par colonisation2… »

 

 

Faisons évidemment la part, dans un texte comme celui-là, de la flagornerie à l’égard des maîtres. Mais Omari croit sans doute une grande partie de ce qu’il écrit: à force d’avoir entendu dire que les Congolais doivent tout à leurs colonisateurs, il a fini vraisemblablement par y croire. C’est donc bien d’un succès de l’endoctrinement mené par les Belges qu’il s’agit ; on en trouve la trace dans nombre d’autres textes écrits par des évolués3. De pareils sentiments chez les dominés inhibent évidemment la revendication politique.

 

1    Sur Antoine Omari, cf. L’Avenir colonial belge, 9 sept. 1953 ; Le Courrier d’Afrique, 9 oct. 1953 ; Crawford Young, Politics in thé Congo. Décolonisation and Independence, Princeton, 1965, p. 82 et 404-405 ; B. Verhaegen, Rébellions au Congo, t. 2, Bruxelles, s.d., sub Va l’Index.

2    A. Omari, Le rôle civilisateur de Léopold 11, dans La Voix du Congolais, déc. 1949. pp. 461-463.

3 Voir par exemple l’article Reconnaissance de Ferdinand Wassa, dans La Voix du Congolais, janvier 1951, pp. 22-25. Le thème: «Le peuple congolais, opprimé par un régime chaotique et plongé dans la détresse et la désolation, reçut de Dieu la grâce insigne d’être sauvé par la Belgique».

 

(p.250) Le facteur le plus important, cependant, est peut-être celui qui est lié à un trait particulier de la psychologie des évolués. L’ambition majeure des évolués, dans les années qui suivent immédiatement la guerre, est d’arriver à se rapprocher le plus possible des Européens. L’Européen constitue un modèle social envié. Les évolués aspirent à lui ressembler, ils aspirent à un statut spécial qui, consacrant leur degré de civilisation, atténuera les formes multiples de discrimination qui existent entre l’Eu­ropéen et eux. Leur grand espoir, leur grande affaire, ce sont les « brevets de civilisation» que l’autorité coloniale instaure et grâce auxquels ils pourront obtenir des droits particuliers; il s’agit de la carte du mérite civique et de l’immatriculation1. Par l’immatriculation surtout, qui est le brevet le plus important, ils espèrent obtenir les mêmes droits civils que les Blancs, les mêmes moyens de transport, le même enseignement, et l’essentiel sans doute: la même considération. Toute l’histoire de la période est dominée, pour les évolués, par celle de ces brevets. Mais en en faisant leur grande affaire, ils tendent évidemment à se distinguer de la masse, à bien marquer la distance qui les sépare des non évolués, qui n’auront pas droit aux mêmes avantages ; on trouve souvent d’ailleurs chez eux des attitudes de mépris à l’égard de cette masse « ignorante et arriérée2 ». Là gît sans doute l’obstacle psychologique majeur aux reven­dications politiques. De telles revendications impliquent, pour avoir un sens, que ceux qui les formulent se fassent les porte-paroles du peuple. Les évolués sont, psychologiquement, paralysés : se séparant délibéré­ment de la masse populaire, comment pourraient-ils, en son nom, tenir un langage politique?

 

1 Parmi les multiples exposés qui ont été consacrés au sujet, renvoyons spécialement à ceux que l’on trouve dans Crawford Young, Politics in thé Congo, op. cil., et dans M, De Schrevel, Les forces politiques de la décolonisation, op. cit.

2 Mémoire présenté par les évolués noirs de Luluabourg, mars 1944, dans Docu­ments parlementaires. Chambre, 1947-1948, n°662 ( Projet de loi contenant le budget ordi­naire du Congo belge… pour 1948. Rapport l’ait au nom de la Commission des Colonies), pp. 32 et 34. Les « gens résidant en brousse » sont « en majorité encore arriérés », écrit Ferdinand Wassa dans l’article « Reconnaissance» que nous avons cité un peu plus haut, p. 25. Mais dans La Voix dit Congolais, on peut le penser, de telles expressions étaient sans doute souvent gommées ou atténuées par les fonctionnaires responsables de cet organe.

 

(p.261)

Tel est le substrat de l’événement de juillet 1956: le manifeste de Conscience africaine. Ce texte émane d’un petit groupe de jeunes Afri­cains de Léopoldville, ayant fait en général d’assez bonnes études, sans que ce soient des études universitaires, et qui ont des contacts avec un ou deux professeurs belges de Lovanium, qui leur servent de conseil­lers1. «Nous ne sommes qu’un petit groupe, déclarent-ils, mais nous pensons pouvoir parler au nom d’un grand nombre, parce que nous nous sommes volontairement limités à dégager et à formuler les aspira­tions et les sentiments de la majorité des Congolais qui réfléchissent. » Les auteurs du manifeste s’expriment sans détours : ils se sentent, en tant que Congolais, une «vocation nationale», et ils veulent [‘«éman­cipation progressive, mais totale » de leur pays.

 

(p.259)  Pour la masse des Belges, le 4 janvier et le 13 janvier 1959 furent donc un double coup de tonnerre, tout à fait inat­tendu. La réaction de l’opinion fut assez morne, assez informe, mais son sens fut très clair : les Belges ne voulaient pas de lutte. Le nationalisme congolais venait de leur être révélé de manière soudaine et brutale : ils l’acceptaient comme un fait contre lequel on ne pouvait rien. La nouvelle politique définie par le gouvernement consistait à donner aux revendications de ce nationalisme une réponse positive. Ce oui des diri­geants eut pour écho un oui morne, mais non moins net, de la masse. Les mots que l’on entendit le plus souvent, mots sans gloire et sans éclat, mais qui traduisaient bien le sentiment général, furent : « II n’y a rien d’autre à faire… »

 

(p.300)  Le Congo au jour de son indépendance, était à peine une nation. Ici encore, l’explication se trouve, en partie tout au moins, dans la politique menée par la Belgique. Dans l’émancipation des peuples coloniaux, en effet, il est facile de le constater, ce qui a presque toujours donné le plus puissant des coups de fouet à l’esprit national, ce qui a renforcé le plus la cohésion des colonisés, a été la lutte contre les colonisateurs. Les nouvelles nations se sont forgées, dans une large mesure, au feu de la lutte. La Belgique, elle, a refusé la lutte. Elle n’a pas donné l’occasion au peuple congolais de s’affirmer dans un combat commun. Si elle avait résisté, si les nationalistes congolais avaient dû effectivement conquérir leur indépendance, comme le disait Patrice Lumumba le 30 juin, dans les larmes, le feu et le sang, sans doute, sur le plan moral, le Congo fût-il sorti plus fort de l’épreuve. C’est là et ce sera encore dans l’avenir un thème de méditations. Pour les Belges, qui ont voulu pratiquer au Congo une politique libérale, au sens noble du terme, on doute qu’il y ait jamais là matière à regrets.

1.1.2   Les chiffres de la population du Congo selon Stanley

(p.305) Stanley, lorsqu’il publie en 1885 son livre The Congo and the Founding of its Free State, considère qu’il se doit d’indiquer au lecteur ce qu’est la population de ce vaste pays qu’il vient, pour employer les termes de l’époque, d’ouvrir à la civili­sation. Ses observations personnelles, à cet égard, ont été faites avant tout le long du fleuve et sur certains de ses affluents. Les rives qu’il a observées de part et d’autre de ces grandes voies de communication, calcule-t-il, font au total 2 030 miles. La population qu’il a rencontrée là, toujours selon ses calculs, se monte à 806000 habitants. Reste à faire une règle de trois. Comme ce chiffre de 806000 habitants vaut pour une superficie de 2030 miles de longueur sur 10 miles de profondeur, connaissant la superficie totale du pays, on arrive à une population totale de 42608 000 habitants1. Ces 42 millions de Stanley, dans le monde anglo-saxon, vont être repris à satiété, et cités comme le chiffre faisant autorité.

Ce qu’aucun de ceux qui utilisaient The Congo and the Founding of its Free State ne semble avoir remarqué, est que Stanley, dans ses calculs, avait commis une erreur de multiplication2. Il indique, en miles, la longueur des trajets qu’il a parcourus sur le fleuve et sur ses affluents 1515 miles au total. Mais il lui faut multiplier 1515 par deux pour obtenir la longueur des rives et cette multiplica­tion de 1515 par deux donne… 20303. Toute la règle de trois ultérieure est fondée sur ces 2 030 miles de rives. Si la multiplication par deux avait été faite correctement, les 3 030 miles de rives auraient, la règle de trois aidant, donné au Congo une population de 29 millions, au lieu de 42. Le traducteur français de Stanley, cependant, a relevé l’erreur. Il n’était pas personnellement un calcula­teur de premier ordre, car il s’est embrouillé dans les miles carrés et les kilo­mètres carrés. Mais il a du moins vu que 1515 multipliés par 2 ne font pas 2 030, et, discrètement, sans un mot d’avertissement au lecteur, il a rectifié les calculs

 

(1   The Congo and the Founding of its Free State, t. 2, pp. 350, 364-365.

2    Je crois avoir été le premier à le signaler, en 1968 : voir ma note critique, E.D.M’s calculations of the Congo’s population, dans B.D. Moreis History of the Congo Reform Movement, publié par R. Louis et J. Stengers, Oxford, 1968, pp. 252-256.

3    T. 2, p. 350.)

 

(p.306) de Stanley. Il aboutissait ainsi à une population, pour l’État du Congo, de 2 769 400 habitants1. Ce chiffre, lui aussi, fera fortune, cette fois dans les pays de langue française.

On a ainsi eu, pendant de très longues années, selon la source des auteurs – c’est-à-dire en fait selon leur langue – deux chiffres de la population du Congo selon Stanley brandis avec une égale ardeur: 27 ou 42 millions (ou souvent, en arrondissant, 28 ou 43). Ces chiffres n’ont pas seulement été repris dans de multiples ouvrages scientifiques ou de vulgarisation, passant de là dans les revues et dans la presse – on pourrait, à cet égard, fournir une liste de références interminables -, ils ont servi aussi à nourrir la polémique au sujet du régime congolais de Léopold II. Comme, au fur et à mesure que des observations plus poussées étaient faites, on constatait au Congo une population fort inférieure à celle annoncée par Stanley, on en déduisait, dans les milieux hostiles à Léopold II, que celui-ci avait massacré des millions d’hommes. L’idée – on pourrait aussi le montrer par de nombreuses citations – est toujours présente aujourd’hui.

27 ou 28,42 ou 43 millions : ce qui est évidemment important en l’occurrence est non pas l’erreur de calcul de Stanley, mais le caractère totalement absurde de sa méthode. Attribuer au Congo tout entier – qu’il ne connaissait pas – une densité de population moyenne égale à celles des rives du fleuve, apparaît rétrospectivement comme ce que l’on pourrait appeler une mauvaise plaisan­terie. Mais personne, à l’époque et dans les années qui suivent, n’a parlé de plai­santerie : on a cité Stanley avec respect.

 

1 H. M. Stanley, Cinq années au Congo, 1879-1884. Voyages, Explorations, Fondation de l’État libre du Congo, traduit par Gérard Harry, Bruxelles, 1985, pp. 560-561, 569.

1.1.3   Critique du livre de Hochschield

(p.307) Plutôt que d’épiloguer sur les qualités du livre (car il y en a de réelles), il faut aller d’emblée à ce qui sera certainement au cœur de la discussion : le choc provoqué par le sous-titre de l’ouvrage, «Un holocauste oublié». C’est un coup de poing. La publicité de l’éditeur précise: «De 1880 à 1920, le Congo est le théâtre d’un des plus grands holocaustes de l’histoire: la moitié d’un peuple de vingt millions de personnes est exterminée. »

Première remarque : le sous-titre en coup de poing est celui de la traduction française, non de l’original anglais, paru aux États-Unis : Une histoire de cupi­dité, d’horreur et d’héroïsme dans l’Afrique coloniale.

Mais le sous-titre français ne trahit pas le contenu du livre : Hochschild insiste effectivement sur le fait qu’il y a eu au Congo, avec des millions de morts, une tragédie comparable à celle de l’holocauste. « Un holocauste oublié » est en tout cas une formule impossible à défendre. Si holocauste il y avait réellement eu, il aurait fallu dire « Un holocauste inconnu ». À l’époque des faits, les critiques les plus virulents du régime de Léopold II au Congo n’ont jamais été jusqu’à évoquer un holocauste, ou son équivalent.

Hochschild le fait, mais sur quelles bases ? Il part de la première estimation de la population du Congo en 1924 ( il ne s’agit encore que d’une estimation, pas du résultat d’un recensement complet ) : environ dix millions d’habitants. Or, dès le lendemain de la Première Guerre, écrit-il, des spécialistes ont considéré que la population du pays, depuis la fondation de l’État Indépendant du Congo, avait diminué de moitié. On a donc au début vingt millions d’habitants et on tombe à dix: c’est la disparition d’environ dix millions d’individus.

Ceux qui parlaient, au lendemain de la Première Guerre, de la terrible dépo­pulation du Congo, l’attribuaient en ordre principal aux épidémies souvent épouvantables, surtout de maladie du sommeil et de variole (…), et à la baisse de la natalité due à des maladies et aussi – ce sont souvent des missionnaires qui parlent – à l’« immoralité ». Hochschild ne nie pas ces facteurs, mais à ses yeux, maladies et chute de la natalité s’expliquent largement par l’affaiblissement de la population dû aux crimes du régime. L’essentiel remonte donc à ces crimes.

C’est ici que son analyse se révèle très insuffisante. La récolte du caoutchouc, réalisée grâce au travail forcé, s’est accompagnée d’abus gravissimes, qui ont (p.308) pris dans nombre de cas le caractère de véritables crimes. Les cas concrets cités par Hochschild, et qui sont glaçants, sont incontestables. Mais l’auteur ne fait aucun effort pour localiser ces abus dans le temps et dans l’espace. S’agissant de la chronologie, il y a même sous sa plume une erreur manifeste (…).

Il regarde le Cœur des ténèbres, le chef-d’œuvre de Joseph Conrad, comme une mise en accusation du régime de Léopold II. Or, si Conrad décrit les crimes d’un Européen désaxé, il ne peut s’attaquer au régime léopoldien, puisque les faits, dans Au cœur des ténèbres, se situent en 1890. À cette date, la récolte forcée du caoutchouc, source majeure des abus systématiques, n’avait pas encore débuté. Ces abus, d’autre part, ne se sont pas étendus à l’ensemble du Congo: des distinctions géographiques, là, sont indispensables. Localisations dans le temps et localisations dans l’espace font de l’idée d’un «holocauste» dû à Léopold II, non pas une absurdité, mais simplement une impossibilité.

Si l’on parle non pas d’holocauste, mais d’abus et de crimes, ceux-ci ont-ils été «oubliés»? À l’époque, ils ont été dénoncés, non seulement en Angleterre mais en Belgique même. On néglige trop facilement le fait que le réquisitoire le plus impitoyable contre le régime léopoldien a été dressé par un Belge qui n’était pas le premier venu: Félicien Cattier, professeur à l’Université de Bruxelles, qui deviendra par la suite président de l’Union minière, et dont le portrait trône dans les salons de la Fondation universitaire, dont il fut égale­ment le président. L’Étude sur la situation de l’État Indépendant du Congo de Cattier – que M. Hochschild ne cite pas – date de 1906. Après la parenthèse de 1’entre-deux-guerres, toute à la glorification de Léopold II, des historiens, belges et étrangers, ont repris l’étude du sujet, dans un esprit d’indépendance.

(…) S’il y a, aux mains de M. Hochschild, une victime, c’est Léopold II. Je crois pouvoir dire que M. Hochschild n’a pas compris grand-chose à la personnalité du roi, dont le portrait qu’il trace est une caricature.

1.2   Jacques A.M. Noterman, Congo belge, L’empire d’Afrique, Souvenirs du XXe siècle, Arobase éd. 2004

p.15) Les accusateurs de génocide oublient que les Congolais étaient victimes de noirs arabisés, souvent métis, qui les vendaient comme esclaves à raison de plusieurs dizaines de mille l’an. Comment, d’ailleurs, ose-t-on avancer le chiffre de 10 millions de morts? Il n’y avait, évidemment, ni état civil ni registres paroissiaux. Dans ces conditions avancer un chiffre, quel qu’il soit, relève de la fantaisie calomnieuse. D’autant qu’en 1908, quand la Belgique reprend le Congo, la population est de 11 millions d’indigènes. Cette année-là, il n’y avait que 2 943 Blancs au Congo. Comment auraient-ils fait, matériellement, pour occire autant d’indigènes? Au moment des faits, que personne ne se donne la peine de préciser, y avait-il 500 Blancs au Congo? Comment aurait-ils pu, matériellement, tuer autant de gens sur un territoire aussi vaste avec de mauvaises communications, quand il y en avait? De plus quel intérêt y avait-il à massacrer de la main-d’oeuvre? Bref, le prétendu génocide léopoldien s’apparente plus à une honteuse manipulation qu’à une réalité historique démontrée. Que Léopold II se soit fait beaucoup de sous est indéniable. En quoi est-il plus critiquable que l’Angleterre, la France ou le Portugal?

Il y a aussi l’histoire des mains coupées. Selon la légende, pour ne pas gaspiller de munitions, on ne donnait une cartouche qu’en échange d’une main coupée, preuve que l’homme avait été abattu. Cependant, les détracteurs de Léopold II sont incapables de démontrer qu’elles sont la suite d’instructions royales. Au contraire, il semble bien que la coutume de l’amputation soit d’origine africaine. Une commission d’enquête internationale sera envoyée sur place en 1905. Elle réduira à néant la légende des mains coupées par les Blancs. C’est une tradition barbare, certes, mais locale. Il est vrai que le vice-gouverneur Paul Costermans se suicide à son arrivée. Mais on ne peut lui imputer aucune responsabilité dans les abus réels, indiscutables. Son suicide peut s’expliquer par son surnom local gondoko (léopard) donné à cause de son tempérament nerveux et inquiet .

La commission d’enquête internationale sera critique mais juste. D’un côté, elle relèvera la fin de l’esclavage, du cannibalisme, la construction de chemins de fer, de lignes télégraphiques, d’hôpitaux et de missions, une administration et une justice efficaces. Parmi les aspects négatifs, elle cite l’interpétation trop large de la notion de terre vacante, la prise d’otages, bien traités, pour contraindre les chefs d’appliquer les directives coloniales et l’adoption abusive d’orphelins par les missions.

C’est aussi le moment de rappeler que les Britanniques sont assez mal placés pour donner des leçons de moralité coloniale, eux qui répriment la révolte des Cipayes de 1857 en (p.16) plaçant les meneurs sur la gueule des canons, avant d’ouvrir le feu, bien entendu. Joseph Chamberlain déclarera à la chambre des Communes. Les cruautés commises au Congo n’ont rien de pire que celles qui continuent à se commettre sous le drapeau anglais au Transvaal.. Et il savait de quoi il parlait, puisqu’il était ministre britannique des Colonies et qu’à ce titre il avait mené la guerre contre les Boers et réactivé les camps de concentration – pour femmes et enfants encore bien – qui ne sont pas une invention allemande mais espagnole.

 

 

Les esclavagistes

 

La lutte contre les esclavagistes connaîtra une victoire éclatante, celle du colonel

bruxellois Louis Napoléon Chaltin contre les Madhistes. Ceux-là même qui tuèrent le Ir,

(p.18) général Charles Gordon dit Gordon Pacha lors de la chute de Khartoum en 1885 . C’était en 1897 à la bataille de Bedden.

En 1906, quand Léopold II a la bonne idée d’autoriser les participations britannique et américaine dans les principales sociétés chargées d’exploiter le Congo belge, la campagne anti-belge cesse immédiatement. Si ça n’est pas téléphoné, c’est très bien imité.

Les Anglais n’ont jamais digéré le fait que le Congo, et surtout le Katanga, leur soit passé sous le nez. Ainsi en 1937, le Premier Chamberlain proposera le Congo belge (et l’Angola) à Hitler en échange de la paix. Hitler déclinera quand il apprendra que ni la Belgique ni le Portugal n’ont donné leur accord. Forcément, on ne leur avait pas demandé leur avis. Alors, Hitler gentleman ? Dans le cas présent, la réponse est oui. Pendant la guerre, les Anglais exigeront une dévaluation de 30 % du franc congolais, histoire d’obtenir le cuivre nécessaire à la guerre moins cher que dans leur propres colonies… Le Premier ministre rhodésien Sir Roy Welensky ira même jusqu’à proposer que le Katanga soit admis dans le Commonwealth. C’était en 1960. Audacieux pour le moins.

 

 

Quand les noirs torturent les noirs

 

Toutes les races à toutes les époques ont connu des tyrans sanguinaires. Les Congolais ne

font pas exceptions. Un exemple suffira, celui de M’Siri. Vers 1892, ce despote de la race

bayeke vieillit assez mal. Qu’on en juge.

Il fait enfermer des femmes dans un enclos avec des molosses. Quelques jours plus tard, on ne trouve plus que des squelettes soigneusement nettoyés. Il y a aussi l’enterrement de victimes, vivantes, debout, seule la tête dépassant. Envie d’une petite gâterie? Un homme est choisi au hasard. On lui enfonce des coins de bois entre les côtes pour lui arracher le coeur dont M’Siri suce avidement le sang et en recrache une partie sur sa suite. Pour les courtisans, c’est un honneur et une marque… d’affection d’être ainsi aspergé de sang encore chaud.

Variante: le coeur humain est jeté dans un vase de pombé (bière locale) dont toute la cour s’abreuve. Je vous ai gardé le pire pour la fin (ou faim). La victime est (p.19) attachée à un arbre sans être nourri. Quand il hurle de faim, on lui donne à manger. Mais pas n’importe quoi: ses propres oreilles, son nez et jusqu’à son bras .

Tout ça c’est de l ‘histoire ancienne, rétorquera-t-on. Et les femmes blanches violées lors de l’indépendance? Et les colons assassinés et torturés? L’enthousiasme de l’indépendance? C’est aussi du passé!

Reste tout de même la pratique de l’excision. Encore et toujours effectuée de nos jours. Rappel, l’excision est l’ablation du clitoris chez les jeunes filles à peine pubères. But: éviter qu’elles ne puissent jouir durant l’acte sexuel.

 

 

La population

 

(p.34) Le moins qu’on puisse en dire est qu’elle est fort diversifiée: plus de 300 ethnies. Des pygmées aux Baluba, des Lulua aux Batetela et aux Bangala. De là, des centaines d’idiomes contribuent à former les quatre langues véhiculaires: lingala (Bas Congo, Léo), kikongo, tshiluba et swahili (Katanga). Résultat, il n y a pas de langue indigène nationale. La seule langue nationale, c’est le français. Toutefois, le lingala a été imposé comme langue administrative par le colonisateur.

En matière judiciaire, la peine de mort a été appliquée par pendaison. Etaient particulièrement visés les crimes rituels où le sorcier ordonnait à tel chef de manger le coeur ou le foie d’un enfant.

 

(p.37) Un mot aussi, sur la chicotte ou nerf de bœuf. C’était un châtiment traditionnel que les justiciables préféraient, et e loin, à la prison. La chicotte sera abandonnée arès la dernière guerre sauf comme saction disciplinaire à la Foce publique et dans les prisons. On notera, sans malice, qu’elle a été réutilisée par certains chefs après l’indépendance…

 

 

(p.56) Que reproche-t-on le plus aux Belges? Leur désengagement, leur absence sur le terrain. La preuve? La nouvelle politique africaine de la Belgique est accueillie au Congo avec faveur, voire avec ferveur.

Souvent, on compare la relation Belgique – Congo à celle d’un couple: pour le meilleur et pour le pire. Dans leur langage imagé, les Congolais ne surnomment-ils pas les Belges noko. Le noko, c’est l’oncle maternel, celui qui prend en charge l’enfant en cas de carence parentale.

Cette prise en charge ne s’arrête pas à la majorité. Même si d’aucuns estiment que le terme noko implique une supériorité de l’oncle sur l’enfant. Evidemment, s’il y demande implicite d’assistance, c’est qu’il y a des assistés, au moins en puissance. Ce surnom, réservé uniquement aux Belges, n’est-il pas un émouvant appel au secours ? Il n Ji a sans doute pas de plus convaincante démonstration que la Belgique et les Belges ont fait au Congo plus que leur devoir.

 

 

Le colon, un raté?

 

Disait-on souvent en Belgique. Et sans doute y avait-il dans le tas des aventuriers plus ou moins scrupuleux. Mais le Congo belge n’a pas été, comme l’Australie, fondée par des bagnards. Sans doute cette appréciation peu flatteuse provient-elle du fait que les employésdes grosses sociétés percevaient de plantureux traitements: deux salaires (dont un en Belgique), une maison à disposition et plusieurs dizaines de milliers de francs pour s’installer. En ajoutant le personnel domestique, boys et nounous, voilà assez pour susciter la jalousie des métropolitains. Ces sociétés commerciales ne faisaient pas ça par philanthropie mais par nécessité: sans ces avantages, les colons ne seraient pas venus.

En effet, outre l’exil, les inconvénients ne manquaient pas. Ils ont pour noms chaleur et humidité mais, surtout, maladies.

 

(p.72) On a reproché à la Belgique de n’avoir formé que peu d’universitaires congolais. Et trop tardivement. On a oublié que dès le début des années ’20, l’université de Louvain crée une fondation universitaire, la Fomulac (Fondation médicale de l’université de Louvain au Congo). Une deuxième est fondée en 1932, c’est le Cadulac (Centre agronomique de l’université de Louvain au Congo). Si le succès n’est pas au rendez-vous, c’est sans doute à mettre au compte de la mauvaise qualité de l’enseignement secondaire et, donc, des missionnaires qui l’ont en charge.

 

(p.104) Au Congo belge, l’industrie c’est, pour l’essentiel, le Katanga. Et le Katanga, c’est Jules Cornet. A qui revient le titre de père de la géologie congolaise». A la demande de Léopold II, il évalue les réserves de cuivre katangaises à plusieurs dizaines de millions de tonnes.

 

 

LES NON-FERREUX

 

Par cette province, la Belgique est 3e producteur du monde de cuivre. Depuis sa création le 28 octobre 1906 jusqu’à sa nationalisation, l’Union minière du Haut Katanga extraira 7,8 millions de tonnes de métal rouge. Bien sûr, indispensable pour tout ce qui est électrique, le cuivre est essentiel en temps de guerre: de quoi est fait une douille ou un radiateur de camion? la première coulée du cuivre katangais se fait en 1911. Cette année-là, 998 tonnes de cuivre seront produites. De 1911 à 1938, ce sera un total de 1 839 000 tonnes. Associé au cuivre, tous les métaux nonjerreux : or, argent, platine, étain, zinc, plomb, cobalt, manganèse, radium, uranium, germanium, cadmium. La mine d’uranium et de radium de Shinkolobwe est découverle par l’Anglais Sharp en 1915. Elle se trouve à 20 km de Jadotville (Likasi). En 1919 naît la Société générale métallurgique d’Hoboken, encore aujourd’hui spécialisée dans le traitement des métaux nonjerreux. Dès 1921, on sy attache à la récupération du radium. A cette fin, on s’adjoint la collaboration de Marie Sklodowska, plus connue sous son nom de femme mariée, Curie. Le 8 juillet 1922, l’usine est en route et produit ses premiers huit grammes de radium le 15 décembre.

 

 

L’uranium

 

L’uranium de Chinkolobwe est unique en son genre. Sa teneur d’U 308 était de 65 %. En Amérique du Nord, une teneur de 0,3 % était considérée comme satisfaisante… N’empêche, il fallait quand même six tonnes de minerais pour obtenir un gramme de radium. L U.M.H.K fournira près de 4 000 tonnes d’U 308 aux Etats-Unis d’Amérique.

Ainsi, la Belgique livre plus des 3/4 de l’uranium nécessaire à la fabrication des trois premières bombes atomiques, grâce à la prévoyance d’Edgard Sengier, directeur de l’Union minière qui prend la précaution d’évacuer une parlie du minerais extrait vers les Etats-Unis.

 

(p.107) Au Congo belge, on trouve de l’or, du diamant, surtout, industiel, du platine, du fer, du charbon, de la malachite, de la cassitérite (70 % d’étain) et des pierres précieuses et semi-précieuses. (p.108) « On comprend mieux l’acharnement, encore actuel, des Britanniques qui n’ont toujours pas digéré leur propre refus de s’intéresser à ces contrées. L’empressement français de s’assurer une présence au Congo n’a pas, non plus, d’autre raison. Là se trouve, en effet, tout ce qu’ils n’ont jamais eu dans leurs propres colonies. »

 

 

La guerre 14-18

 

(p.119) Comme en Europe, les Allemands attaquent les premiers. Pourtant, dès le 7 août 14, le roi Albert avait proposé la neutralité du bassin du Congo. Huit jours plus tard, les Allemands viennent couper les fils télégraphiques sur la rive ouest du lac Tanganika.

Les forces belges comptent 12 000 hommes, sous les ordres du général Tombeur20, futur vice-gouverneur du Katanga.

La Force publique aidera d’abord les Français à conquérir le Cameroun. Les Belges entrent à Yaounde en janvier 1915.

A la demande des Britanniques, une colonne belge dégage le nord de la Rhodésie en novembre de la même année.

 

(p.120) Mais la plus grande opération, celle qui a le pus rand retentissement, c’est évidemment la conquête par les belges de la « Deutsch Ost Afrika » qui débutera en avriil 1916. Pour ce faire deux brigades de deux régiments chacune sont nécessaires. Elles sont constituées avec ‘laide du gouverneur général baron Henry de la Lindi.

La première est aux ordres du colonel Philippe Molitor, futur général, la deuxième est commandée par le lieutenant-colonel Frederick olsen. Après avoir traversé le Ruanda et l’Urundi, les forces coloniales belges pénètrent dans l’Est africain allemand avec armes, y compris l’artillerie, et bagages. Après une bataille de 18 jours Tabora, la deuxième ville en importance de la colonie allemande, est conquise le 19 septembre 1916. A la grande surprise (p.121) des Anglais d’ailleurs. De la sorte, 200 000 km² tombent sous l’autorité belge. Mais les Allemands, sous les ordres du colonel Lettow-Vorbeck, ne s’avouent pas vaincus pour autant. Aussi, en 1917, les Britanniques sont contraints de faire appel aux forces belges. Le colonel Huyghé concentre ses troupes à Dodona et à Kilossa au sud-est de l’Afrique orientale allemande. Malgré un terrain difficile, il prend Mahenge le 9 octobre 1917. Ce qui reste des troupes allemandes se réfugie au nord du Mozambique portugais. La campagne d’Afrique est terminée. Au prix de 257 morts belges, 2500 soldats indigènes et 20 000 porteurs.

Les succès de nos forces coloniales seront récompensés par une tutelle belge sur le Rwanda et l’Urundi, accordée par la Société des Nations en 1922, confirmée plus tard par l’ONU. On ne savait pas alors que les casques bleus de l’ONU se conduiraient de façon criminelle lors de la sécession katangaise allant jusqu’à bombarder ou mitrailler des hôpitaux, des écoles ou des stations d’épuration d’eau. Les criminels de guerre suédois, indiens, éthiopiens ou marocains ne seront jamais poursuivis. Génie politique (très) limité en matière de politique étrangère, John F. Kennedy soutiendra l’ONU. Il ira même jusqu’à menacer de faire intervenir l’armée américaine. Même les Américains salivent devant les richesses katangaises.

 

 

La guerre 1940-45

 

Lors de la 2e Guerre Mondiale, la Force publique formera trois brigades de la 10 000 hommes qui interviendra au Nigeria, au Soudan, en Egypte, en Abyssinie et en Birmanie. Un hôpital militaire de la Force publique soutiendra les troupes britanniques en Birmanie. Qui s’en souvient? Au Soudan, le 3 juillet 1941, le général Gazzera se rend aux forces belges avec huit autres généraux, 370 officiers, 2 600 soldats italiens et quelque 12 000 indigènes. Il n’existe pas de cartes postales.

 

 

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LES PIONNIERS

 

(p.126) Il va sans dire qu’ici n’est pas la place pour donner une biographie détaillée des premiers Belges oeuvrant au Congo. En effet, leurs aventures pourraient leur valoir, à chacun, un volume complet. Cependant, il m’a semblé important, pour ne pas dire essentiel, d’en rappeler les principales figures. Ceriains sont maris héroïquement. Tous travaillaient à la grandeur de la patrie. Mais, semble-t-il, pas assez, puisqu’une majorité d’entre eux n’ont pas leur rue à Bruxelles. Honte et consternation.

 

Emile Banning (Liège, 1836 – Ixelles, 1898)

D’origine hollandaise. Docteur en philosophie et lettres de l’Université de Liège. journaliste puis fonctionnaire à la Bibliothèque royale. Directeur général du ministère des Affaires étrangères. A ce titre, secrétaire de la conférence géographique de Bruxelles, à l’origine du Congo. Surnommé narquoisement «clopinard» par Léopold II à cause d’une malformation qui le faisait boîter. Avait sa ville au nord-est de Léopoldville. Au cimetière d’Ixelles, son monument a été, bêtement, détruit.

 

Lucien Bia (Liège, 1852 – Tenke, Katanga, 1892)

(p.127) S’engage au 1er Chasseurs à cheval. Lieutenant au ? Guides. Au Congo en 1887. Accompagne le géologue jules Cornet à la découvel1e du Katanga où ils précèdent de justesse une mission britannique. A un mois près, le Katanga aurait pu être anglais. Y meurt d’épuisement. Son nom est donné à un minerai, la bialite. Le missionnaire britannique David Crawford en dira -He was the most noble Belgian who ever penetrated Katanga, an al1istocratic looking gentleman.- Enterré dans une ancienne termitière enveloppé dans le drapeau congolais et le drapeau belge. Avait ses monts au Congo, son barrage (sur le lac Tchangalele, près de jadotville) et sa centrale électrique au Katanga. La centrale alimentait les usines de Panda.

 

Louis Napoléon Chaltin (Ixelles, 1857 – Uccle, 1933)

Lieutenant en 1885. Au Congo depuis 1891. Pal1icipe aux campagnes antiesclavagistes. Commande l’expédition du Nil et inflige une défaite aux Madhistes. Capitaine­commandant en 1893. Secoul1 la station des Stanley Falls menacée par les Arabes. Commandant du district de l’Uélé qu’il pacifie au prix d’une blessure. Le musée royal de l’Armée montre encore fièrement les armes qu’il a prises à l’ennemi. A sa rue à Uccle et son buste à Ixelles. Au cimetière d’Ixelles.

 

Camille-Aimé Coquilhat (Liège, 1853 – Boma, 1891)

Lieutenant. Au 1er, puis au 2e Guides. Au Congo en 1882. Parlicipe à l’expédition de Stanley au Haut-Congo. Termine sa carrière militaire comme capitaine. Cofondateur d’Equateuroille. A l’origine de la creation de la Force publique conçue comme force de police et non comme véritable armée. Commandant du territoire de Bangala. En 1888, nommé par Léopold II comme administrateur génral du département de l’intérieur du Congo. Vice-gouverneur de la colonie le 1er décembre 1890. Avait sa ville sur le fleuve dans la province de l’Equateur. Son dossier, au musée royal de l’Armée, est vide.

 

Jules Cornet (Saint-Vaast, 1865 – Mons, 1929)

Docteur en sciences naturelles de l’Université de Gand (avec la plus grande distinction) et géologue. Son premier livre est écrit en néerlandais: Iets over de jongst in Henegouw ontdekte fossiele dieren. Au Congo en 1891. Père de la géologie congolaise et découvreur des richesses minières katangaises. Jules sillonnera le Congo armé de son seul marteau de géologue, mais escorté. Il a bien un gros revolver dans ses bagages. Mais il ne servira qu’à… Mons quand il doit aller cherche sa femme et ses enfants un soir où une lionne s’était échappée d’un cirque.

Auteur de plusirues ouvrages qui font toujours autorité. Prof à l’école des Mines de Mons. Donne son nom à la cornetite et à des chutes d’eau sur la Lufira.

 

Paul Costermans (Bruxelles, 1860 – Banana, Etat du Congo, 1903)

(p.128) Vice-gouverneur du Congo en 1903. Surnommé Gondoko (léopoard) à cause de son tempérament nerveux. En effet, se suicide à l’arrivée de la commission d’enquête internationale instituée par Léopold II sans qu’on puisse lui attribuer une quelconque responsabilité dans les abus constatés. A sa ville de Kivu, la future Bukavu. Au cimetière de Forest.

 

Henri De Bruyne (Blankenberge, 1868 – Kasongo, 1892)

Sous-lieutenant en 1891, rejoint le lieutenant Lippens à Kasongo où ils sont fait prisonniers. Henri transmet les conditions de leur libération, inacceptables pour les Belges. On lui conseille de franchir le Lomami. Il refuse, arguant qu’il ne veut pas abandonner son ami et chef, Lippens. Ont leur monument à Blankenberge. Seront vengés par Dhanis (» et par la mort de l’instigateur de la révolte, Munie Mohara.

 

Alexandre Delcommune (Namur,1855-Bruxelles1922)

Le plus oublié de nos pionniers africains. Premier Belge à mettre les pieds au Congo dès

  1. Assiste à l’arrivée de Stanley à Boma en 1877. Premier à explorer le Haut Congo et le Kasaï. Consul de Belgique à Léopoldville. Son nom est donné à un barrage de lU.M.H.K. sur les chutes du Zilo (lac de retenue de 20000 ha, production de 560 millions de kw/h). Reçoit des mains de Léopold II une médaille d’or avec la mention «La Belgique reconnaissante à Alexandre Delcommune». L U.M.H.K. lui dédicacera une centrale électrique. Au cimetière de Bruxelles-Evere où son buste a été volé par des vandales. Il y était représenté avec son couvre-chef préféré, un chapeau à large bord et non un casque colonial.

 

Eugène Derscheid

(Saint-Vaast, – Bourg-Léopold, hôpital militaire, 19(2)

Lieutenant au 1″ Grenadiers. Frère de Georges, fondateur d’un sanatorium dans la forêt de Soignes, devenu clinique, et de Marie, première femme médecin diplômée en Belgique.

Termine sa carrière militaire comme capitaine au 7e de Ligne.

 

Baron Francis Dhanis (Londres, 1862 – Bruxelles, 1909)

Capitaine-commandant du 1er Grenadiers, régiment d’élite de l’infanterie belge. Arrive trop tard pour sauver les lieutenants De Bruyne et Lippens. Livre bataille contre le sultan Sefu qu’il vainc (J 000 morts). Termine comme vice-gouverneur du Congo belge. A sa rue à Etterbeek. Au cimetière de St-josse-ten­Noode.

 

Gustave, Gaspard, Edouard Fivé (St-Josse-ten-Noode, 1849 – Bruxelles, 1909).

(p.129) Fils du cousin germain d’André Fivé (Liège, 1811 – Herstal, 1880) qui participe à la révolution belge puis s’engage au :J Chasseurs à pied où il termine lieutenant-colonel. André refusera la croix de fer, créée par Léopold r, parce qu’elle est assortie d’avantages financiers. Gustave est engagé volontaire en 1865. Sous-lieutenant au 1er Chasseurs à cheval, doit payer 1 216 F à la caisse du régiment pour… se marier avec Juliette van der Vinnen. Inspecteur de l’Etat du Congo. N’oublie pas qu’il est avant tout militaire et s’empare d1sanghi le 20 mai 1893. Chargé par Léopold II de missions délicates en Chine sans qu’on n’en sache guère

plus. Traverse toute la Chine pendant la révolte des Boxers et revient en traversant la Sibérie et la Russie, ce qui démontre un tempérament, au moins, volontaire. En Belgique, tout le monde le croyait mort. Plusieurs fois président du Cercle africain et président-fondateur de l’Union philanthropique coloniale. Colonel, commandant du 2e Guides. A ce titre, dépose

plainte devant un conseil d’honneur contre le lieutenant-colonel A. du :J Lanciers. Ce dernier avait, en effet, répandu la rumeur que Gustave avait volé, sans la moindre preuve. La décison du conseil d’honneur est nette: le lieutenant-colonel A. avait agi par jalousie (il visait le commandement du 2 G). Et la sanction est lourde: A. est mis à la retraite d’office. Gustave est considéré comme zélé, d’un caractère énergique et excellent cavalier. L’aspect énergique de son caractère est démontré par ses punitions: 4 jours d’arrêt pour avoir abrité son propre cheval en délaissant celui de son colonel, 8 jours pour avoir brossé (sic) le

pansage du matin et avoir répondu de façon insolente à son capitaine et 2 jours par le conseil de guerre. Il avait été accusé d’injure verbale et de provocation au duel. Il sera reconnu coupable de coup volontaire excusable. Mais devra payer les frais: 193,80 F. Termine comme lieutenant-général. Contrairement à une légende familiale, n’a pas été aide de camp de Léopold II. A sa rue à Etterbeek.

 

Emile Francqui

(Bruxelles, 1862 – Ol’erijse, 1935).

Orphelin, entre à l’Ecole des pupilles. S’engage au 2e de Ligne. Au Congo en 1885. Sous-lieutenant, effectue, des missions en Afrique du sud, au Katanga et à Madagascar. A l’Ecole militaire, sera l’ins/mcteur du futur Albert 1er. Quitte l’armée avec le grade de capitaine. Consul de Belgique en Chine où il oeuvre à la réali5ation du chemin de fer Pékin-Hankéou réalisé par fadot (>). y rencontre Paul Claudel qui le surnomme le « Bonaparte brabançonl». Ministre des Finances en 1926. Créateur du Fonds national de la recherche scientifique, de la Fondation universitaire et du prix qui porte son nom, surnommé le Nobel belge. Avait son port à l’ouest du Kasaï. Une centrale électrique de l’U.M.H.K. portera son nom. Au cimetière d’Ixelles.

 

Josué Henry de la Lindi (Bohan, 1869 Bruxelles, 1957).

Fraîchement sorti de l’Ecole royale militaire, part au Congo dès 1892. Y dirige les opérations qui mènent à la capture de chef rebelle Kibonge. Célèbre pour la rapidité de ses décisions ce qui lui vaut le surnom de Bwana Ndeke (l’homme oiseau). De retour en (p.130) Belgique reçoit ses décorations de la main du Roi lui-même. Revient au Congo en 1897 et assure la sécurité des Stanley Falls jusqu’au lac Albert. Gagne la bataille de la Lindi contre les Batetela en 97. Commissaire général de la province Orientale. Après la ]ère G.M., quitte l’armée pour entrer à la Forminière puis à la Compagnie des grands lacs. En décembre 1938 reçoit le titre de chevalier et l’autorisation d’ajouter de la Lindi à son patronyme. Le musée Africain de Namur lui consacre une salle avec de nombreux objets personnels dont le clairon qui sonna la charge lors de la bataille de Lindi. Sy trouve aussi le fétiche que le chef adverse jette puisqu’il ne lui a pas donné la victoire. Découvre la mine d’or de Kilo.

 

Jean Jadot (Orp-lez-Jemelle, 1862 – Bruxelles, 1932)

Ingénieur, des mines, notamment. Construit des chemins de fer en Egypte, en Chine et au Congo belge. Sa plus étonnante réalisation, c’est le chemin de fer Pékin-Hankéou et ses 1 250 km construits par 120 000 hommes pendant six ans. Y compris un pont de 3 km sur le fleuve

jaune qui n’est remplacé qu’en 1958. A Hankéou, la gare belge existe toujours, bien que

désaffectée. Fait mandarin à bouton de corail par l’impératrice Tzu-Hi qui inaugure cette ligne dite du Grand Central. Gouverneur de la Société générale en 1913. Avait sa ville au Katanga, depuis 1931, surnommée la capitale du cuivre. Au cimetière d1xelles.

 

Paul Le Marinel (Davenport, US.A., 1858 – Watermael 1912)

Capitaine-commandant du Génie. Au Congo en 1884. Fait partie de la commissionfranco­congolaise qui fixe la frontière du Bas-Congo. Directeur de la station de Léopoldville. Bia disait de lui «Tu aurais mérité de servir aux Guides. Fonde le poste de Bakuma et le premier

poste belge au Katanga, Lofoï. Commandant de l’expédition Ubangi-Bomu. Directeur de la Compagnie des chemins de fer des grands lacs. Termine comme directeur au ministère des Colonies. Son dossier, au musée royal de l’Armée, est vide. L’UMB.K. lui dédicacera une centrale électrique dont la puissance (J 478000000 kw/h) est égale, à l’époque, à la plus grande centrale d’Europe occidentale (Génissiat, sur le Rhone). A son avenue à Etterbeek.

 

Hubert Lothaire (Rochefort, 1865 – Ixelles, 1929)

S’engage au 1er Chasseurs à pied. Puis à la Force publique. Envoyé en Oubangui en 1890. Jugé en 1896 pour avoir fait pendre le trafiquant anglais Stokes. Dénomme Marolles un patelin au nom imprononçable à l’est des Stanley Falls, qui deviendra Maolle.

Commissaire général du Congo belge. Termine comme directeur de la Société anversoise de commerce au Congo. A son avenue à Etterbeek. Au cimetière d’Ixelles.

 

Joseph Lippens (Bruxelles, 1855 – Kasongo, 1892)

Sous-lieutenant d’artillerie. Fait prisonnier par le sultan Setu avec son camarade, le sous­lieutenant De Bruyne. Meurt poignardé. A les pieds et les mains coupés selon la coutume locale. Enterré à Kasongo avec De Bruyne. En 1960, la 2 compagnie du 3e Para 130 les exhume pour éviter leur profanation. Stupidement, le gouvernement belge refusera de les rapatrier. Ils seront réinhumés à la base de Kamina.

 

Pierre Ponthier (Ouffet, 1858 – Congo, 1893)

Sous-lieutenant. Au Congo en 1887. Avec son avant-garde, prend d’assaut un camp d’esclavagistes et libère plus de 250 esclaves. Doit rentrer en Belgique suite à une blessure au pied mais revient en 1893 pour commander le poste des Stanley Falls. Meurt des blessures reçues en opérations contre les Arabes esclavagistes. Avait sa ville au sud de Stanleyville, province Orientale. A sa rue à Etterbeek.

 

Albert Thys (Dalhem, 1849 Bruxelles, 1915)

Major, officier d’ordonnance de Léopold II. Chargé du secrétariat de l’administration de l’Etat du Congo. A ce titre, prend part à l’organisation de la plupart des expéditions belges. Au Congo en 1887, pour constater sur place la nécessité d’un chemin de fer Matadi ­Léopoldville. Homme d’affaires remarquable, est à l’origine des nombreuses sociétés coloniales : la Compagnie des magasins généraux, la Société anonyme belge pour le commerce du Haut-Congo, le Chemin de fer du Congo, etc. Avait sa ville entre Matadi et Léopoldville. A sa rue à Ixelles.

 

Il serait cependant injuste de limiter cette liste de pionniers aux seuls officiers. Un unique exemple suffira à démontrer que les sous-officiers, eux aussi feront tout le devoir et au­delà. Ainsi le sergent Cassart, après deux ans de fatigues africaines, voudra rejoindre Dhanis. Avec 27 soldats et une cinquantaine de guerriers, il fera face à 5 000 guerriers et passera. Ce qui lui vaudra son étoile d’or de sous-lieutenant.

La seule expédition Bia-Francqui parcourera 6212 km en 14 mois, le plus souvent à pied. Au prix de 500 morts dont Bia. Les survivants n’ont pas fière allure. L’expédition part du camp de Lusambo le 21 octobre 1891 pour y revenir le 11 janvier 1893. On sait désormais le Katanga riche d’à peu près tous les minerais mais, surtout, bien sûr, de cuivre.

 

Le début de la fin de l’aventure congolaise, ce sera les 4 et 5 janvier 1959 et les émeutes durement réprimées au prix officiel de 42 morts et de 300 blessés. En réalité, il y a eu plus de 200 morts. En 1955, après le voyage triomphal du Roi, le professeur A. Van Bilsen avait présenté un plan conduisant le Congo belge à l’indépendance en 30 ans. Tout le monde lui avait ri au nez. Le 13 janvier 1959, le Roi s’adressait à la population en ces termes: « Notre ferme résolution est aujoud’hui de conduire sans atermoiementsfunestes, mais sans précipitation inconsidérée, les populations congolaises à l’indépendance dans la prospérité et la paix. »

 

Personne ne prévoyait que ces bonnes intentions paveraient un enfer d’atrocités et de barbarie.

1.3   Extraits de l’étude d’André-Bernard Ergo, Congo belge, La colonie assassinée, éd. L’Harmattan, 2008

1.3 André-Bernard Ergo, Congo belge, La colonie assassinée, éd. L’Harmattan, 2008

 

(p.7) Des hommes qui, dans ces contrées inconnues et souvent hostiles par le fait de certains habitants et de la nature, vont être les seuls, parmi tous les peuples colonisateurs, à parler la langue du pays car la communication est difficile. La langue? Les langues, plus de 200 qu’il va falloir découvrir, maîtriser, écrire, élaguer, apprendre avant de pouvoir instruire, car l’écriture est inconnue, le calcul, la roue et tout ce qu’ils autorisent également.

Et pourtant les populations qu’on y rencontre sont structurées, les tâches y sont partagées, les artisans fabriquent des objets qu’on échange par le troc, une autorité, basée sur la force, existe qu’on respecte et à laquelle on obéit. Les Belges vont changer le moins possible cet ordre des choses sinon pour réduire ce qui y semble excessif ou contraire à l’ordre naturel; ils vont décider d’introduire le droit coutumier dans le droit.

 

(p.8) Fin du dix neuvième siècle, celui de la mécanique. Mécanique qui épouse le Congo avec, très vite, la construction d’un chemin de fer à travers les Monts de Cristal. Y arriveront- ils jamais ? Jamais, qui pour ces hommes garde sa signification première et n’a pas une acception négative. Ils y arriveront à force de souffrances acceptées puis surmontées! Ils suppri­meront le portage et dans la foulée l’esclavage venu de l’Est. Guerre coloniale pour certains théoriciens intellectuels embour­geoisés, aux idées systématiques, qui croient brûler leurs excès de graisse en usant de la diatribe ; libération des chaînes et retour parfois difficile voire impossible à la vie tribale, pour d’autres qui pourront encore regarder vers l’avenir.

Paternalisme, pour beaucoup qui jugent sans participer et qui pensent que le passage obligé du poste à la factorerie, de celle- ci à l’usine, de l’usine à l’éducation à l’hygiène et à la santé relèvent plus de la charité forcée que de l’élémentaire justice.

Les Belges n’ont comme richesses que leur savoir-faire et leur instinct de liberté ; n’ont-ils pas été, pendant des siècles, suffisamment ballottés d’un maître à l’autre que pour abhorrer toute idée de domination et d’exploitation à leur égard comme à celui des autres ?

Curieusement, l’apparition des premières critiques assassines coïncide avec la découverte qualitative et quantitative des richesses minières du Katanga et de l’Est du Congo. Tout est  encore possible, les Belges ne sont là que depuis 7 ans ; leur autorité est encore fragile et non aoûtée.

Une diplomatie du complot s’installe qui n’arrêtera jamais, qui est mal connue, qu’on paraît oublier et qu’on tait parce qu’elle est souvent le fait de pays dont l’amitié nous semble acquise, parfois même de compatriotes en recherche de sensationnel qui n’hésitent pas à transférer leurs vues de l’esprit, du séminaire où elles auraient dû rester, au forum où elles n’avaient que faire. Narcissisme intellectuel. Un beau sujet pour la thèse d’envol d’un jeune historien qui ne craindrait pas de prendre le risque de se brûler le bout des ailes.

Si l’on entend par colonialisme, la soif de domination politique, le désir de perpétuer des privilèges ou d’exploiter la faiblesse d’autres peuples; il est clair, car son attitude et ses (p.9) réalisations le prouvent, que la Belgique ne fut pas moins anticolonialiste que les nations de PONU qui prétendaient l’être. Au contraire, chez celles qui, durant sa présence au Congo, l’attaquent de manière virulente, existent bien souvent de larges minorités de population qui végètent dans des conditions de misère économique aiguë, qui sont dépourvues des soins médicaux élémentaires et qui sont soumises à un régime d’exploitation et de travail serviles. Aucun de ces pays, ni l’ONU d’ailleurs, ne sont venus aujourd’hui à due résipiscence.

(…) Le travail fut si important qu’il est illusoire de croire * que ce sont les expatriés seuls qui l’ont réalisé. Les Congolais en ont pris une très large part, même s’ils n’en furent jamais les initiateurs. Nouvelle source de reproches : l’absence de cadres, d’élites universitaires formées, pourquoi pas, dans les univer­sités belges ! Comme c’est facile d’écrire cela, sur une page blanche, assis devant un bureau. Les Belges avaient choisi d’élever progressivement la masse à la connaissance, les élites devant émerger d’elles-mêmes d’une masse suffisamment (p.10) intelligente que pour pouvoir les juger et les contrôler. La formation des élites devait se faire sur place, dans l’espace des contraintes qui conditionnaient le travail de tous les jours. 11 est évident que les deux guerres et le crash boursier ont ralenti l’apparition des universités locales mais il est tout aussi évident que celles-ci ont été créées officiellement en 1953, 45 ans après le début de la colonisation, ce qui est si rapide qu’aucune autre colonie au monde n’a fait aussi vite, et d’autre part, que les Belges du Congo avaient montré leur détermination à avoir un enseignement supérieur sur place, à Elisabethville, encore plus tôt, dès 1944.

(…) Les idéalistes de la métropole vont se complaire dans la stratégie du « lâchez tout », l’ONU jubile et l’indépendance arrivera au terme de la période la plus riche et la plus vivante de l’histoire de la colonie juste avant celle programmée de développements importants qui ne verront jamais le jour.

Les peuples du Congo vont apprendre, très vite, qu’il existe des grandes indépendances plus pesantes à porter que des petites contraintes.

 

En Afrique centrale
sur les pas de Joseph Conrad

(p.11) Ce qu’on sait moins, c’est qu’au cours de l’année 1909, Morel parcourut la France et la Suisse pour ameuter l’opinion contre l’œuvre coloniale des Belges, sans se rendre compte, qu’il prouvait de cette manière, qu’il n’était pour rien dans la reprise du Congo dont il prétendait avoir été un des éléments déterminants. Ce qu’on sait (p.12) moins aussi, c’est qu’en 1911, au cours d’une cérémonie publique couverte par les médias de l’époque, Conan Doyle remit à Morel, un important chèque de 4 000 guinées, pour qu’il puisse continuer ses actions contre la Belgique.

On a également évoqué les tractations de la diplomatie allemande de von Kinderlen Wachter et de von Jagow cherchant dans les autres nations d’Europe des complices pour réaliser, en Afrique, leurs rêves pangermaniques. On peut également mentionner, avec le baron Pierre van Zuylen, des faits moins connus, comme l’accord entre l’Allemagne et l’Angleterre pour imposer à la Belgique en 1910 une solution de force dans les litiges provoqués par ces deux puissances aux frontières du Kivu et comment le major Olsen dut mettre en place d’importants effectifs de la Force publique pour défendre, s’il le fallait par les armes, l’intégrité du territoire congolais. On peut rappeler l’attitude de la France qui, en 1911, fut prête à abandonner à l’Allemagne son « droit de préférence » sur le Congo belge, pour assurer son protectorat au Maroc, et comment l’Angleterre donna son approbation moyennant une part du «gâteau» congolais, notamment le Katanga … qui s’avance directement dans la Rhodésie\ attitude qui amènera le vice gouverneur Wangermée à choisir le site d’Élisabethville, pour sa position stratégique, en place de Kambove comme chef lieu du district du Katanga.

On croit trop facilement que certains états ont, par vocation, la mission d’être nos amis et nos protecteurs contre d’autres états qui seraient, également par nature, nos ennemis jurés. La réalité politique est nettement plus perverse; Palmerston, l’éminent homme d’état britannique n’affirmait-il pas : « L ‘Angleterre n ‘a ni amis, ni ennemis éternels ; elle a des intérêts éternels et son devoir est de les servir ! » L’Allemand von Jagow tenait également des propos sans équivoque au début du vingtième siècle affirmant que … les petits pays étaient destinés à disparaître ou à graviter dans l’orbite des grandes puissances.

La Belgique était avertie qu’elle aurait à lutter successivement contre tous ses voisins pour protéger l’intégrité du territoire congolais, mais comme la lutte est une loi de l’existence, il n’y a pas lieu d’en gémir ou de s’en indigner; c’est un fait. Cette lutte courageusement acceptée et prise en charge fait la noblesse et la grandeur d’un peuple digne de ses destinées.

(p.13) L’histoire des lâchetés et des calomnies est récurrente tout au long de la durée de la colonie elle est le fait de journalistes à la recherche de sensationnel ; d’hommes d’état comme le premier ministre Chamberlain qui, en 1937-1938, pour tenter d’apaiser les convoitises d’Hitler en Europe, lui propose … des territoires du bassin du Congo, sur lesquels l’Angleterre n’a aucune autorité ; de savants même, comme le prix Nobel Russel qui fait la démonstration qu’on peut être à la fois génie dans un domaine et béatement ignare dans d’autres (on reviendra sur ce cas); de pays du bloc communiste dont l’objectif est de déstabiliser le système colonial parce qu’il est, à leurs yeux, un élément pilier de l’économie capitaliste.

(p.36) Fernand Waleffe a vécu 10 années au Congo entre 1896 et 1906 pendant lesquelles il fut successivement juge, substitut du procureur d’Etat puis procureur d’Etat. Durant sa carrière belge, il fut président de la Cour de Cassation. Comme on n’a jamais donné beaucoup de relief à ses propos, je tiens à les reproduire intégralement, à la virgule près. Le texte date de 1953, quelques mois avant son décès.

Dernièrement, un de mes collègues du Conseil dAdminis­trât ion de la Société Belge d’Etudes et d’Expans ion de Liège me communiquait la lettre suivante, qu’il avait adressée à un magistrat liégeois :

« Depuis de nombreuses années, à la lecture de livres étran­gers, s’affirme en moi la convictions que les atrocités congo­laises sous le régime léopoldien ont laissé, dans l’esprit des étrangers, une trace profonde qui fait le plus grand tort au nom belge.

Je crois que le temps est venu de jeter un coup d’œil objectif sur cette question et de réunir les pièces du procès avant que les derniers témoins de l ’épopée congolaise aient quitté ce monde.

* Les initiateurs de la campagne contre le Congo, MM. Casement et Morel de Glasgow, ont eu, tous deux, une fin peu édifiante. Le premier a été pendu en 1917 pour haute trahison, le second n ’a, je crois, pas mieux tourné. Mais mes souvenirs sont impré­cis.

 

(p.39) Et dès la page 37, il s’en prend à l ’entreprise de la construction du chemin de fer, qui a commencé ses travaux bien avant 1897 puisque, quand je suis arrivé à Matadi, en février 1896, les travaux étaient déjà près de Tumba.

C’est avec indignation que je lis ce qu’en dit le sieur Conan Dovle : « L ’entreprise en elle-même était bienfaisante et splen­dide. Les moyens d’exécution furent dépourvus de scrupules et d’humanité. La civilisation n’eut-elle d’autres griefs contre l’État du Congo, que l’histoire de la construction de ce chemin de fer, par le travail forcé, qui diffère tant des procédés em­ployés par les autres nations européennes dans leurs colonies, ce serait déjà une lourde charge. Mais elle tombe à rien, en regard de l’asservissement de tout un peuple et de vingt années de massacres ininterrompus ».

Je convie les lecteurs à lire La Bataille du Rail de Cornet, pour se rendre compte de quelle colossale entreprise il s ’agit et com­bien nous devons être fiers de nos ingénieurs belges. J’ai habité Matadi deux ans et demi, pour remplir mes fonctions (les Magistrats du Parquet remplissent les fonctions de Juges d Instruction). Je circulais très fréquemment sur les travaux, presque toute la ligne traversait mon ressort. Il faut que l’on sache que peu d’indigènes du Congo travaillaient à ces tra­vaux. On avait recruté des centaines et des centaines d’indigè­nes du Sénégal ou de la côte anglaise, à Sierra Leone, à Accra, a Lagos etc. Lors de leur arrivée à Matadi, les Autorités véri­fiaient leurs contrats. Nous siégions à Matadi ou à Tumba, dernière station du chemin de fer à mon arrivée à Matadi.

 

(p.56) Dès 1909, la Colonie du Congo belge est donc en danger; et le danger se précise avec les solutions   que préconise  le pamphlétaire qui reviennent toutes à un schéma identique, la partition du Congo belge, par une conférence internationale des grands pays, à mettre en place. La Cuvette centrale deviendrait une sorte de réserve indigène, la France aurait la partie au nord du fleuve pour autant            qu’elle réforme           ses manières    de gouverner, l’Allemagne          aurait l’est en agrandissant son protectorat est africain et l’Angleterre aurait le reste dont le Catanga bien sûr. Si les autres pays ne veulent pas de cette solution, alors l’Angleterre devra s’engager seule et faire son levoir comme elle l’a toujours fait dans le monde. Et si la Belgique résiste; il y a plusieurs manières de briser cette ésistance. Le blocus bien sûr, ou la déclaration hors-la-loi de ce pays, ou l’occupation de Borna, ou la guerre avec la Belgique et tant pis pour elle-; ou ce qui serait mieux, l’entrée au Congo, par le nord de la Rhodésie, d’une très forte caravane commerciale qui occuperait le terrain.

Toutes les solutions sont valables et acceptables pour autant que les Belges dégagent le terrain et déguerpissent.

(p.56) In 2005, le livre de Conan Doyle est réimprimé en France par la maison d’édition « les nuits rouges », mais le titre de l’édition originale a été adroitement changé puisqu’il est devenu « Le crime du Congo belge » créant de la sorte un anachronisme historique, le Congo belge n’ayant existé que de 1908 à 1960. Il y a quelques photos hors contexte comme celle d’un collecteur l’impôts en 1918 (?) et une carte étonnante du Congo belge en 1900 ( ? ). On ne prend pas le risque d’une légende sur la photographie de la première couverture; on peut donc l’interp réter comme on veut.

(p.57) Mais la Force publique montre son utilité sur les frontières de l’Est où de graves incidents surgissent en juillet 1909. En vertu d’un arrangement anglo-allemand de 1894, des troupes anglai­ses sont en marche pour occuper la région d’Ufumbiro que l’Allemagne abandonne à l’Angleterre en échange d’une région située au Kilimandjaro. Cette région d’Ufumbiro appartient au Congo belge et le commandant Olsen, un Danois, en charge des territoires de la Ruzizi-Kivu, envoie une protestation énergique au Gouvernement anglais de l’Uganda. Cette manœuvre très adroite des autorités allemandes a pour but de mettre en conflit les Belges et les Anglais qui n’ont toujours pas reconnu la colo­nie du Congo Belge. Les Allemands espèrent retirer un avan­tage de cette situation conflictuelle.

 

(p.61) Le 15 août 1914, les troupes coloniales allemandes agressent le village de Mokolobu au sud d’Uvira sur le lac Tanganyika et elles récidivent le 22 août sur le poste de Lukuga. Les autorités du Congo décident alors d’activer sur place un dispositif de défense des frontières de l’est qu’elles confient au commissaire général lieutenant-colonel J. Henry de la Lindi qui est, par un heureux hasard, en mission dans la région. Il était impossible de tenir tête aux Allemands sur les lacs. Ils avaient armés sur le lac Kivu, un canot automobile cédé par son propriétaire, le missionnaire von Bodelschwung, et le von Wissman armé d’excellents petits canons n’avait aucun adversaire à sa taille sur le lac Tanganyika.

Henry, qui dispose de très peu d’effectifs, va organiser une défense au moyen de petits groupes très mobiles spécialisés dans les escarmouches et les coups de mains audacieux. C’est une tactique où il excelle et l’ennemi ne pourra prendre pied au Congo qu’en un seul endroit, l’île Kwidjwi où les habitants s’étaient ralliés au hauptmann Wintgens résident allemand à Kissenye. Pour cacher la faiblesse de ses forces, Henry joue au bluff en créant un poste de défense à Kibati (400 soldats, un (p.62) canon de 47 mm, 150 cartouches par homme et aucun renfort  possible) et en marchant à l’ennemi dans la direction de Kissenye. Son but était de faire croire qu’il avait reçu des renforts et de retarder l’offensive allemande qu’il sentait immi­nente, vu la concentration des troupes coloniales allemandes et les renseignements qu’il recevait des indigènes.

C’est ainsi que le 4 octobre, une attaque allemande (deux compagnies commandées par Wintgens) dans les envi­rons du mont Lubafu, fut repoussée par deux compagnies en reconnaissance, de la Force publique du camp hâtivement créé à Kibati. Combat acharné et pertes sévères ; du côté de la Force publique, une quarantaine de soldats tués ainsi que les sous- lieutenants de l’Épine et Terlinden. Les pertes allemandes sont également très élevées et tous leurs officiers sont blessés.

Le lendemain du combat, les paysans du Congo apportent des vivres en grande quantité au camp de Kibati pour rendre hom­mage aux troupes qui avaient mis hors de combat tous les Blancs allemands.

Au début de 1915, les Allemands enregistrent un échec au cours d’une attaque vers Tshalafi défendu par la Force publi­que pour couvrir les frontières de l’Uganda. Le poste de Binei, qui couvre la route de Kibati à Rutshuru est vainement attaqué par les Allemands. Le 28 mai de la même année, au cours d’un engagement d’une journée entière, la Force publique détruit le poste de Kissenye. Le 15 juin, Henry décide d’occuper le mont Lubafu dont les pentes sont escaladées par surprise par une colonne d’assaut, qui renforcée à temps, parvient à se maintenir sur la position. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, deux colonnes allemandes appuyées par une forte artillerie tentent d’établir une tête de pont à Luvungi, pour couper les commu­nications entre les troupes coloniales belges du Kivu et du Tanganyika. Dès 5 heures du matin l’ennemi tente de tourner les compagnies de la Force publique, mais il est contenu de toutes parts. Le combat intense dure jusque 16 heures et le lieutenant Lallement, commandant du poste est tué.

On peut apprécier le lendemain, l’importance du succès, au matériel et aux morts abandonnés sur place.

 

(p.65) Le 22 octobre, les troupes coloniales allemandes (600 . hommes, des canons et des mitrailleuses) tentent de reprendre le mont Lubafu, poste clef occupé par le major Bataille en terri­toire allemand. La Force publique au prix de pertes légères rejette l’adversaire en désordre.

Le 22 novembre, les Allemands, avec des effectifs plus considérables encore, tentent un débarquement sur la rive ouest du lac Kivu, au sud de Bobandana. Ils sont facilement repoussés par une colonne mobile de la Force publique occupant judicieu­sement une position dominante. Cinq jours plus tard, nouvelle tentative allemande avec des forces encore plus nombreuses. Couvertes par le canot mitrailleur, deux baleinières transportant chacune un peloton sont accompagnées d’une centaine de pirogues amenant des Askaris et des auxiliaires. Le débarque­ment de ces troupes est difficile à cause de l’escarpement des berges et une colonne mobile de la Force publique conduite par les lieutenants Hommelen et Bems, le sous-lieutenant Garnier et le sous-officier Collignon, qui était resté aux aguets depuis le 22, inflige un nouvel échec aux Allemands. Le même jour, une compagnie commandée par le lieutenant Defoin qui avait pour mission d’occuper le mont Tshandjarue en territoire allemand, est prise à partie par une force supérieure allemande et est décimée malgré une résistance héroïque. Tous les Européens de la

compagnie sont tués.

(p.66) Le 27 janvier 1916, une colonne allemande se dirige vers le poste de Kabale, centre commercial important en Uganda. Deux compagnies de la Force publique attaquent le mont Ruakagigi et réussissent à entourer le réduit où l’adver­saire est retranché.

Grâce à cette résistance générale, des forces d’Henry, au nord du lac Kivu et de Renard au sud, le groupement Molitor put être organisé à l’aise, en trois bataillons, comme celui du Katanga.

Devant l’évidence des intentions agressives des troupes coloniales allemandes, le Gouvernement belge avait décidé d’aider les Anglais et les Français à l’envahissement du Came­roun, colonie allemande. Un détachement de la Force publique fort de 3 compagnies groupant 600 hommes (capitaines Bal, Marin et Wayemberg), d’un vapeur armé le Luxembourg, pour appuyer l’action des troupes dans la partie navigable de la Sangha, et d’une section d’artillerie Nordenfelt, fut placé sous les ordres du général français Aymerich durant 16 mois. Ces compagnies ont remonté la Sangha affluent du fleuve Congo jusqu’à Ouesso. Puis elles se sont séparées en deux groupes, le premier se dirigeant vers le nord (N’Zimu et Nola) puis vers l’ouest (Yokaduma) et le second allant via Molundu vers Besam où les deux colonnes se sont rejointes avant d’investir Lomie et de participer à l’encerclement et à la prise de Yaoundé où résidait l’état-major des troupes coloniales allemandes.

Fin juin 1915, le poste militaire de Saisi à 35 km à l’est d’Abercorn en Rhodésie fut attaqué par un fort contigent alle­mand composé de 70 Blancs et de 500 Noirs. Appel fut fait à la Force publique par les Anglais pour les aider à défendre la fron­tière qu’ils avaient en commun avec l’Afrique Orientale Alle­mande. La nuit du 25 au 26 juillet, les Allemands revinrent en force, mettant en ligne pas moins de 2 000 Noirs encadrés par plus de 300 Blancs. Ces troupes possédaient de l’artillerie et des mitrailleuses. Les Anglais pouvaient y opposer un détachement comptant 11 Blancs et 160 indigènes; le détachement des trou­pes coloniales belges venu en renfort comptait 7 Européens et 283 Congolais ainsi qu’un canon. Le combat se poursuivit jour et nuit et la résistance fut admirable. Le 30, les Allemands sommèrent en vain la garnison de se rendre. Celle-ci fut secourue à temps par le major belge De Coninck à la tête d’un groupement de 284 soldats congolais encadré par 14 Européens (p.67) auxquels s’était joint un détachement de 50 soldats anglais et de 3 civils européens. Le groupement de De Coninck manoeuvra sur les arrières des Allemands, qui, après une semaine de lutte ardente, se retirèrent vers Bismarckburg en laissant sur le terrain de nombreux morts, dont 29 Européens.

Le Gouvernement britannique détacha un ministre pour remer­cier le roi pour l’aide et l’assistance apportées aux troupes rhodésiennes et le roi Albert envoya au Katanga la citation suivante : « premier bataillon du Katanga est porté ordre du jour des troupes campagne frontière orientale du Congo pour bravoure et hautes qualités militaires déployées dans les combats livrés Saisi du 25 juillet au 2 août. C.G.G. 23-10-1915- Albert ».

Jusqu’en novembre 1915, deux bataillons de la Provin­ce du Katanga sous les ordres du lieutenant-colonel Olsen sont venus en aide aux troupes coloniales anglaises attaquées à Abercorn et à Sumbu en Rhodésie et assurèrent l’inviolabilité de la frontière nord de ce pays.

Néanmoins les troupes coloniales allemandes contrôlent la totalité du lac Tanganyika sur lequel elles possèdent un remorqueur de 25 tonnes (le Kingani) et un bateau de 60 tonnes (le Hedwig von Wissmann) armé de 3 canons de 37 mm. En juin 1915 elles mettront à l’eau un autre bateau de 1200 tonnes (le Graf von Götzen), capable de transporter 800 personnes et armé d’un canon de 105 mm provenant du croiseur (p.68) Köningsberg. Le 22 août 1914, le Von Wissmann avait mis hors service l’Alexandre Delcommune, vieux bateau de 70 tonnes non armé qui constituait la seule flotte congolaise sur le lac.

L’importance de la maîtrise du lac apparaît très vite ainsi que la nécessité d’un commandement unique pour la défense de cette frontière. Ce commandement sera réalisé en mars 1915 en groupant les forces navales de Kalemie et les forces terrestres composées du 6eme bataillon du commandant Borgerhoff, sous les ordres du major Stinglhamber d’abord puis du lieutenant colonel du génie Georges Moulaert ensuite.

La première tâche de ceux-ci, avec l’aide du commandant de génie Odon Jadot, sera de constituer une base navale composée d’un môle de 80 m permettant d’abriter une flotille belge, de construire une cale de montage pour le Baron Dhanis qui se trouve là en pièces détachées, et de protéger cette base par une batterie de canon de 75 mm provenant de Belgique et de 2 canons de 160 mm amenés depuis le fort de Shinkakasa au Bas Congo.

En juillet 1915, l’Alexandre Delcommune est réparé, armé et remis en service sous le nom de Le Vengeur. En décembre 1915 on amène de Léopoldville et on lance sur le lac le glisseur- torpilleur Netto bateau rapide de 16 tonnes armé d’un canon de 37 mm.

(p.69) La flottille alliée comprend dès lors 3 bateaux congolais dont le Kingani capturé le 26 décembre et remis en état sous le nom de Fifi et 2 canonnières des troupes coloniales britanniques.

Cette petite flotte détruit le Hedwig von Wissmann le 9 février 1916. Pour venir à bout du Graf von Gôtzen, il faudra faire venir en mai 1916, quatre hydravions Short, moteur Sunbeam anglais et leurs trois équipages belges (lieutenants Behaege et Collignon) commandés par le commandant aviateur de Bueger. Il faudra également trouver un plan d’eau suffisamment calme pour qu’ils puissent évoluer. Après plusieurs bombardements infructueux et de nombreuses pannes, (p.70) le 10 juin 1916, un des hydravions piloté par Behaege avec Collignon comme observateur, réduisit au silence le bateau allemand, assurant à la flotte congolaise la maîtrise du lac. En août 1916, le Baron Dhanis vapeur de 700 tonnes construit entièrement à Albertville entra en service sur le lac et permit d’utiliser au mieux, notamment pour le transport de troupes et de matériel, la maîtrise totale retrouvée.

Dès le début de 1915, le principe d’une action offensive conjointe avec les troupes coloniales britanniques contre l’Afrique Orientale Allemande avait été mis en projet, les gouvernements respectifs estimant que l’attaque était la meil­leure façon de se défendre et de protéger les frontières. On envisage alors une offensive congolaise au départ du Kivu avec l’occupation du Ruanda comme objectif et une autre en commun avec les troupes rhodésiennes au départ d’Abercom avec Bismarckburg comme objectif. En juin 1915, le gouverne­ment anglais renonce momentanément à toute offensive générale et le Ministre Renkin demande à Tombeur de borner l’essentiel de ses actions à la défense des frontières de l’est éventuellement en occupant le Ruanda et l’Urundi mais sans aller au-delà. Le regroupement des forces coloniales congolai­ses au Kivu est organisé en vue d’une offensive en septembre 1915 mais deux tiers des troupes de la province du Katanga doivent alors être acheminées en Rhodésie pour protéger les frontières de ce pays et l’offensive prévue n’aura pas lieu.

Tombeur met à profit ce contretemps pour organiser et créer de toutes pièces une nouvelle armée congolaise de 10 000 hommes, constituée en unités tactiques, munie de matériel mo­derne et dotée des services accessoires lui assurant le transport de vivres et de munitions (66 000 charges) pour une expédition longue de plusieurs mois dans les zones désertiques et sauvages de l’Est africain. Cette nouvelle armée est composée de deux brigades. La brigade sud (Katanga) sous les ordres du lieutenant-colonel Olsen est concentrée sur la Ruzizi entre les lacs Kivu et Tanganyika; elle comprend deux régiments de trois bataillons; le 1er régiment sous les ordres du major Muller (bataillons 1, 2 et 3) le second régiment sous le commandement du major Wéber (bataillons 4, 5 et 7). La brigade nord (Province orientale) sous les ordres du (p.71) colonel Molitor est composée du troisième régiment commandé par le major Bataille (bataillons 8, 9 et 10) et du quatrième régiment sous le commandement du major Rouling (bataillons 11, 12 et 13). Le troisième régiment défend la frontière dans la région de Rutshuru et le quatrième défend des positions organisées au nord du lac Kivu. On a vu que le sixième bataillon, sous les ordres du lieutenant-colonel Moulaert, avait été détaché à la défense des rives du lac Tanganyika.

En décembre 1915, le gouvernement britannique décide d’envoyer au Kenya par bateau, des forces considérables (4 brigades d’infanterie et 2 brigades de cavalerie organisées en 3 divisions) sous les ordres du général sud-africain Smuts. Le général Tombeur décide alors de coordonner l’offensive prévue avec l’entrée en action de ces forces, c’est-à-dire en avril 1916. Le personnel d’encadrement lui est envoyé de Belgique tous les mois, à raison de 15 à 20 européens par mois, et cela à partir de septembre 1915. L’armement est amélioré par l’envoi de fusils Gras et Mauser ainsi que par celui de quelques pièces d’artil­lerie. L’ordre d’attaque est donné le 25 avril 1916; les forces congolaises sont fortes à ce moment de 719 officiers et sous- officiers européens et de 11 698 gradés et soldats congolais.

La campagne de Tabora.

Les troupes coloniales allemandes opposées aux troupes alliées sont fortes de 45 compagnies armées de fusils Mauser du modèle le plus récent et comportent, en décembre 1915, pas moins de 2 712 Européens, 11 367 soldats réguliers askaris et également des auxiliaires Rugaruga (2 591). La compagnie est l’unité supérieure mais des groupements sont parfois opérés suivant les circonstances.

Au moment de l’offensive des troupes congolaises en 1916, la défense de l’Afrique Orientale Allemande est organisée en deux secteurs. Celui de l’est qui se trouve au contact du général Smuts dans la région du Kilimandjaro comporte le plus fort des troupes et est commandé par le colonel von Lettow-Vorbeck et le secteur de l’ouest en face de la Force publique est, quant à lui, dirigé par le général Walhe. Ce secteur comprend deux groupements; le premier occupe au nord-est du lac Kivu la solide position de la Sebea qui barre la seule trouée le long de la frontière entre le lac Kivu et le massif volcanique des Virunga.

(p.72) Ces positions englobent trois massifs d’une altitude de 2 000 mètres, dont les sommets sont formidablement organisés. Toutes les pentes possèdent des ouvrages pouvant résister aux tirs d’artillerie, entourés d’importants réseaux de défense accessoires Ces positions avancées sont flanquées par des mitrailleuses et des canons au mont Kama. On compte dans ce secteur 1 200 hommes sous le commandement du hauptmann Wintgens. Le second groupement défend la Ruzizi entre les lacs Kivu et Tanganyika. Fort de 600 fusils, de mitrailleuses et de canons, il est sous les ordres du major von Langen. Face à la frontière de l’Uganda à l’ouest du lac Victoria on trouve un détachement de 1 000 hommes sous le commandement de l’hauptmann Godovius que les troupes congolaises rencon­treront plus tard. Derrière, un peu en retrait, on trouve les troupes du général Walhe. Plus au sud, sur le lac Tanganyika, de nombreux points sont défendus, dont les plus fortement occupés sont les postes d’Usumbura, d’Ujiji et de Kigoma. Sur toutes les lignes de communication vers l’ouest, sont installés de nombreux magasins de vivres, des dépôts de matériel et de munitions. La guerre a manifestement été préparée de longue date. Pendant que le troisième régiment des troupes congo­laises part de la frontière ougandaise et fonce sur Kigali qu’il atteint au début mai après avoir culbuté l’ennemi au mont Kasibu, le premier régiment de la brigade sud marche vers Nyanza de manière à encercler le détachement Wintgens qui, se voyant tourné abandonne ses positions poursuivi par le quatrième régiment. Kigali, où les 3eme et 4eme régiments se rejoignent, est pris le 6 mai et Nyanza le 19 mai. Tandis que la brigade nord se dirige vers le sud du lac Victoria en deux colonnes, pour isoler le groupement Godivius, le 1er régiment franchit l’Akanjaru et fonce sur Kitega la capitale de l’Urundi où il entrera le 16 juin, pendant que le 2eme régiment investit Usumbura le 6 juin, bouscule les arrières gardes ennemies à Kokawani et à Niawiogi (le 12 juin) puis fait jonction à Kitega le 17 juin avec le 1er régiment.

Cette manœuvre avait pour but l’encerclement du groupement von Langen fixé sur la Ruzizi. S’ils abandonnent le terrain aux troupes congolaises, tous les groupements de l’armée coloniale allemande parviennent à se dégager en livrant de durs combats retardateurs entraînant des pertes sérieuses de part et d’autre.

(p.75) Le 3 juillet, le major Rouling livre un violent combat à Kato contre le groupement Godivius en retrait; il y sera très griè­vement blessé et remplacé au commandement du quatrième régiment par le lieutenant-colonel Huyghé. C’est au cours de ce combat que le sous-lieutenant vicomte de Beughem se défendra énergiquement jusqu’à la mort à la tête de sa section de mitrailleuses. Toute la brigade nord se dirige ensuite vers le sud du lac Victoria, pour aider les troupes du général anglais Crewe, venant par la voie du lac, à investir le poste de Mwanza. Elle livre à cette occasion à Djobahika un violent combat indécis contre les troupes de Wintgens et de von Longen rassemblées dans ce lieu. Pendant le mois de juillet, la brigade sud marche en deux colonnes vers le chemin de fer de Dar es Salam à Kigoma. Le 2eme régiment entre dans cette ville le 28 juillet tandis que le 1er régiment occupe Rutshugi-Gottorp le 30 juillet.

Puis c’est la marche convergente des deux brigades vers Tabora, ville de 40 000 habitants et métropole commerciale de l’Est Africain Allemand. La brigade sud suit le rail en deux colonnes et livre de glorieux combats aux arrière-gardes ennemies à Ussoke et à Mabama (le 7 septembre). Le 1er régiment est rejoint par le 6eme bataillon en provenance de Karéma juste avant d’être violemment accroché par les forces coloniales allemandes, à Lulanguru, les 10, 11 et 12 septembre La brigade nord livre un combat victorieux à Kologwe le 2 septembre et entre en contact avec la défense de Tabora à Itaga (p.76) les 13 et 14 septembre avec alternativement des succès et des revers. Mais cette arrivée oblige les ennemis à répartir leurs forces sur deux fronts.

La pression constante des deux brigades sur Tabora et l’arrivée imminente à l’est d’une colonne anglaise incitent les troupes coloniales allemandes à quitter la ville et à se replier sur la partie sud-est de leur colonie. Les deux brigades congolaises investissent Tabora le 19 septembre, 8 jours après le début des combats, alors que les troupes coloniales anglaises sont encore à quelques milles de la ville.

En moins de six mois, un territoire peuplé de 4 millions d’habitants et cinq fois plus grand que la Belgique a été conquis par les soldats de la Force publique.

 

(p.78) Le soir de cette journée mémorable, la ville de Tabora fut éclairée par les incendies allumés par ces Ndakis. La revue des troupes terminée, celles-ci allèrent cantonner dans une série de positions formant une ceinture de défense autour de la ville. Le lendemain, une grosse voiture grise entra dans la ville de Tabora ; c’était le général anglais sir Charles Crewe qui venait saluer le général Tombeur lequel avait établi les bureaux de son quartier général à la mission des Pères Blancs.

(p.79) Ce sera le début de laborieuses négociations avec les ^ Britanniques jusqu’à la déclaration faite par ceux-ci le 19 janvier 1917, que l’assistance des troupes coloniales belges n’était plus nécessaire à la poursuite des opérations en Afrique Orientale Allemande. En fait, le général anglais digérait très mal le fait que Tabora était tombée devant les troupes congo­laises et pas devant ses propres troupes.

Le 25 février 1917, le gouvernement belge fut amené à remettre l’administration du district de Tabora aux Anglais. C’est le colonel Bataille, la mort dans l’âme et des larmes dans les yeux qui fut chargé de cette pénible mission. Une semaine auparavant, le général Tombeur avait remis son commandement au colonel Huyghé et avait rejoint le front de l’Yser avec son état-major et avec un grand nombre d’officiers et de sous- officiers belges, ainsi qu’avec une grande partie de l’artillerie. L’évacuation des troupes coloniales congolaises vers le Congo débuta en janvier 1917, à l’exception d’un corps de 2 000 hommes chargé d’occuper les territoires conquis, à la demande expresse et à l’initiative personnelle du général Smuts qui n’avait pas les états d’âme du général Crewe et qui savait pertinemment que les troupes anglaises étaient insuffisantes, en nombre, pour assurer ce service.                                                                                                ^

Le 18 avril 1918, un Ordre du Jour de l’Armée rendait hommage à l’héroïsme des troupes coloniales pendant la campagne d’Afrique en autorisant les 1er, 2eme, 3eme et 4eme régiments à broder sur leurs drapeaux le nom de « Tabora » et en autorisant le 1er régiment à y broder en outre le nom de (p.80) « Lulanguru ». Il autorisait également la seconde batterie d’ar­tillerie St. Chamond à inscrire « Lulanguru » sur les boucliers de ses canons et une section de la première batterie St. Cha­mond à inscrire « Itaga » sur les boucliers des siens.

Le 13 mars 1917, le rapatriement des troupes est brusquement interrompu car la situation dans le sud-est de l’Afrique Orientale Allemande requiert à nouveau la participa­tion des troupes congolaises pour contrer les troupes coloniales allemandes réorganisées à l’est sous le commandement de von Lettow et autour de Mahenge sous les commandements de Wintgens et de von Langen.

La campagne de Mahenge.

Cette campagne conduite par le colonel Huyghé présente deux missions très différentes attribuées à chacune des brigades, la première sous le commandement du lieutenant-colonel Thomas aidée de deux bataillons anglais est chargée de poursuivre le détachement Wintgens-Naumann (4 compagnies, 600 soldats, 40 Européens, 16 mitrailleuses et deux canons) qui faisait une diversion vers le nord-est. Wintgens est fait prisonnier le 23 mai par le bataillon congolais qui couvrait le sud de Tabora et Naumann qui prit le commandement du détachement ne put éviter deux fois le combat à Mkalama le 7 juin et à Ikoma le 29 juin. Sa colonne rejetée vers l’est et scindée en plusieurs détachements tomba facilement, plus tard, aux mains des troupes coloniales anglaises qui occupaient cette région.

Le colonel Huyghé au cours d’une réunion à Dar es- Salam a marqué sa volonté de maintenir les forces congolaises groupées en une unité distincte sous son commandement. Les deux brigades (13 bataillons) sont donc rassemblées sur le chemin de fer à Dodoma et à Kilosa, bases de départ de leurs actions vers les zones au sud du rail. Le major Bataille commande la brigade sud. A la mi-août, deux colonnes enta­ment une marche concentrique vers Ifakara au nord de la rivière Kilombero couvrant Mahenge, à 23 étapes de marche. L’enne­mi a fait le vide des vivres et des populations et à partir du 15 novembre et de la saison des pluies, les rivières grossissent et le Kilombero fera 3 kilomètres de large.

(p.81) Il est clair que les Allemands comptent utiliser la météorologie et la disette comme facteurs stratégiques pour isoler et mettre en difficulté les troupes congolaises. Celles-ci devront donc agir vite. Du premier au dix septembre, les deux colonnes réunies forcent le passage de la Kilombero, foncent vers Mahenge forçant les troupes coloniales allemandes de Tafel au repli par la manœuvre et par les combats (Kalimoto du 12 au 15 septembre et Kinkengena le 22 septembre). Le 8 octobre les troupes congolaises entrent dans Mahenge abandonnée par les troupes allemandes craignant un encerclement, mais dont le repli se fait en ordre au moyen de combats retardateurs (Katula, 13 octobre ; Lohombelo 24 octobre ; Dongawalla, 25 octobre et Chongawale, 29 octobre).

Pendant ce temps, un groupement belge confié au major Hérion (deux bataillons d’infanterie le 6eme et le 4emc et une compagnie cycliste) débarque à Kilwa sur les côtes de l’Océan indien pour prendre l’ennemi à revers en s’emparant et en occupant un important nœud routier dans les environs de Liwale, localité par où pouvait passer Tafel et dont les accès étaient sous le contrôle d’un petit bataillon britannique des King’s African Rifles commandé par le major Hawkins. Le capitaine Bems du détachement congolais fut envoyé avec une compagnie vers le bataillon anglais pour lui porter assistance. A cette petite colonne était joint un peloton cycliste, car on était en saison sèche, une mitrailleuse escortée de 15 soldats, un infirmier européen assisté d’une dizaine de brancardiers et 150 porteurs sous les ordres d’un officier anglais. A peine la colonne fut-elle en marche que le sergent-major Kodja, un Azande remarquable, entendit de nombreux coups de feu dans (p.82) le lointain. Le commandant Bems marcha rapidement, à la boussole dans leur direction et vers 11 heures du matin, la fu­sillade devenant plus distincte, les soldats de la Force publique marchèrent en éventail après avoir chargé leurs armes et mis la baïonnette au canon. Vers 11 heures et demie, une avant-garde tomba sur un sous officier noir des troupes coloniales allemandes blessé et accompagné de trois brancardiers. Celui-ci fut immédiatement interrogé et appris à Bems que les Anglais étaient complètement encerclés par huit compagnies allemandes commandées par le major Tafel et qu’ils étaient sur le point de se rendre. Le détachement de la Force publique se déploie immédiatement. Les 38 cyclistes du lieutenant Delmotte et du sous-officier Thibaut attaquent de front. Le lieutenant Versluys et son peloton forment l’aile gauche avec le sous-officier Roberti et ses hommes à l’extrême gauche. Le commandant Bems occupe l’aile droite avec la mitrailleuse du sous-officier Manisse. Les 186 hommes de la Force publique ont l’avantage de la surprise et engagent un combat qui va durer 2 heures avant que les Allemands ne battent en retraite vers le sud et rompent l’encerclement du bataillon britannique.

Le major Hawkins enverra un mot de remerciement au com­mandant Bems dans lequel il s’exprimait comme suit : « Je tiens à vous remercier, ainsi que vos troupes, pour l’aide que vous nous ctvez prêtée. Nous étions engagés dans un combat depuis 5 h. 30 et nous avions grand besoin de renforts. J’ai commencé la retraite à 14 h. 30. Je suis très content que vous ayez trouvé le capitaine Hunt. J’ai aussi dû abandonner une mitrailleuse Maxim, un trépied pour Maxim, la crosse d’une mitrailleuse Lewis et plusieurs barils de munitions et d’outils. Je serais très heureux si vous aviez réussi à reprendre quelques-unes des pièces mentionnées ci-dessus ».

(signé) E.B.Hawkins. Major 1/4 KAR.

Un officier allemand blessé (l’hauptmann Bauer) est fait prisonnier et un officier anglais (le capitaine Hunt) est libé­ré. L’ennemi a laissé aux mains du commandant Bems, 6 Européens et 24 Askaris, du matériel pris aux Anglais, des armes et des munitions et une caisse de médicaments. Mais la prise la plus importante est un volumineux document saisi dans les papiers du hauptmann Bauer (p.83) concernant les plans de retraite de la plupart des colonnes de Tafel, avec toutes les précisions concernant les chemins à suivre et les haltes à observer pour rejoindre le gros des troupes de von Lettow. Le commandant Berns fit parvenir ce document au colonel Huyghé. Les Anglais n’eurent aucune difficulté à barrer la ligne de retraite allemande et Tafel dut se rendre, sans combattre, avec la totalité de ses troupes (1 500 hommes). Seules les forces du talentueux offi­cier qu’était von Lettow purent pénétrer dans le Mozambique portugais.

Les quelque 1 200 fusils, les 125 hommes de troupe blancs et la trentaine d’officiers et de fonctionnaires militarisés qu’elles comptaient encore, combattront jusqu’à l’armistice et menaceront même la province du Katanga. Il aurait pu en être autrement, car dès juin 1917, le colonel Huyghé avait demandé à l’État Major anglais, sans succès, l’autorisation de débarquer quelques bataillons belges au Mozambique.

Dans son livre « Heia Safari », von Lettow écrira plus tard : la colonne Tafel a dû mettre bas les armes fin novembre 1917 au nord de la Ruwama. Ceci fut pour moi un coup dur et imprévu. Cette seconde campagne offensive en Afrique allemande n’a pu être pleinement réussie que grâce aux tours de force réalisés par les troupes congolaises du génie, qui construisirent des routes carrossables en terrain accidenté, avec une vitesse étonnante, ce qui permit le ravitaillement permanent des troupes.

 

(p.84) Fin 1917, la décision fut prise de renvoyer en arrière, vers Lindi, les troupes congolaises pour qu’elles puissent retourner au Congo par chemin de fer au départ de Dar es-Salam. L’année 1918 sera consacrée à ce repli sauf pour les trois bataillons désignés pour occuper les territoires de la zone belge d’occupation.

Cette seconde campagne, n’eut pas le retentissement de la campagne de Tabora et les vainqueurs de Mahenge furent long­temps oubliés et ignorés de manière injuste et impardonnable par le pouvoir. Mais les Allemands s’en souvinrent durant la seconde guerre lorsqu’ils arrêtèrent en France, le général en retraite Huyghé, qui fut transféré, au départ de la prison de Fresnes, dans un camp de concentration en Allemagne où il mourut d’une pneumonie. Dans un extrait des Ordres du Jour de l’Armée du 30 septembre 1919, c’est le colonel Huyghé lui- même qui signera l’extrait suivant : «Je cite à l’ordre du jour des troupes coloniales dans le German Est Africain les 1er, Tme, 3eme et 4eme régiments mixtes ainsi que les services divers pour la vaillance, l’endurance et le bel esprit d’abnégation dont ces unités ont fait preuve au cours des opérations qui ont entraîné la chute des derniers réduits défensifs ennemis de Mahenge et de Luvale en Afrique Occidentale Allemande ». Ce n’est qu’en 1931, dans l’Ordre du Jour de l’Armée n° 68 du 27 novembre, que par décision du roi, le nom de Mahenge sera inscrit sur les drapeaux du régiment des troupes coloniales et sur les boucliers des pièces d’artillerie, en témoignage de reconnaissance pour les faits d’armes accomplis par les troupes coloniales durant la campagne de 1917. C’est la même année également dans un Ordre du Jour de l’Armée daté du 10 juillet, que le Corps des volontaires coloniaux organisé à Namur en 1914 sera mis à l’honneur, …en témoignage d’admiration pour cette vaillante phalange de vétérans coloniaux dont 50 pour-cent des hommes étaient âgés de 40 à 50 ans et plus et qui, nonobstant leur âge, se groupèrent spontanément, dès la première heure, pour courir à la défense de nos foyers. Participa à la glorieuse défense de Namur en 1914.

Un fait important est lié à cette phalange des vétérans coloniaux commandée par le major en retraite Chaltin et les officiers en retraite De Cock et Laplume, à savoir l’engagement volontaire de quelques jeunes Congolais présents en Belgique à la décla­ration (p.85) de guerre, notamment Joseph Adipanga, Albert Kudjabo et Paul Panda Famana dont on reparlera plus tard. L’armée demanda à ce corps de volontaires de couvrir la retraite des troupes belges des positions de défense de Namur. Isolés, cer­nés dans le bois de Maizeret, ils furent tous fait prisonniers et envoyés en Allemagne. Dans les camps allemands, les volon­taires congolais furent séparés des volontaires belges et joints aux prisonniers sénégalais des troupes françaises. Une ségré­gation qui aura son importance plus tard.

 

 

(p.94) Avec l’exploitation des mines de cuivre, le Katanga est devenu une région industrielle très active, de même envergure que celles qu’on peut trouver en Europe ou aux Etats-Unis. La zone minière s’étend sur 15 000 kilomètres carrés et le principal minerai de cuivre qu’on y exploite est la malachite. En 1930, l’exploitation s’effectue dans six mines à ciel ouvert et dans une mine souterraine. La main d’œuvre étant rare, les travaux sont conduits en utilisant le plus souvent possible les procédés mécaniques d’extraction et de transport. L’ampleur des travaux se mesure par le tonnage des roches extrait qui s’élève annuellement, une vingtaine d’années après le début des mines, à environ 4 500 000 tonnes.

On n’insistera jamais assez sur cette réalisation des ingénieurs belges de l’Union Minière dans une région où le travail était particulièrement difficile suite à l’éloignement des pays où le savoir industriel était actif et innovant et surtout, suite à la nature des minerais oxydés à traiter, opération considérée à l’époque comme particulièrement difficile voire impossible par les experts américains.

Trois grands sites métallurgiques ont été créés :

(p.95) le site de Lubumbashi où l’on traite les minerais riches dont la teneur en cuivre dépasse 15%; avec une force motrice de 9 000 KW (chaudières à charbon pulvérisé); le site de Jadotville-Panda dans lequel on traite les minerais contenant de 6 à 10% de cuivre et où on a créé, innovation importante dans la métallurgie du cuivre, les fours à réverbère dont la capacité unitaire de 250 tonnes de charge par journée correspond à une production de 70 tonnes de lingots. La force motrice utilisée est de 35 000 KW.

On trouve également à Jadotville-Panda un atelier de construction et de réparations mécaniques, une usine à four électrique, une fabrique de glace, une fabrique d’oxygène et les installations hydrauliques nécessaires pour un débit mensuel d’un million de mètres cubes; le site de Jadotville-Chituru où certains minerais de cuivre sont traités par lixiviation et électrolyse, avec utilisation d’acide sulfurique.

 

 

Les lingots produits dans les deux premiers sites doivent encore subir un raffinage.

 

(p.123) En janvier 1941, suite à ce contact, la 3eme compagnie du 6eme bataillon (BCS1) des troupes du Nord-Est était envoyée au Soudan pour installer une base à Juba et le 1 lème bataillon (BCS2) de la même brigade était placé aux ordres du commandement anglais. Pour la Force publique, la campagne d’Abyssinie commence donc le 2 février 1941 à l’arrivée à Juba. Au début du mois de mars, le BCS2 reçoit l’ordre d’occuper la région de Belatoma près de la frontière éthiopienne puis de participer, avec deux bataillons britanniques, à l’attaque du poste italien d’Asosa occupé par deux bataillons. Après une marche pénible en montagne par une chaleur torride, la Force publique livre combat à Mahdi et le 11 mars occupe Asosa évacué par les troupes italiennes qui laissent sur le terrain du matériel et des vivres bien utiles. Le 12 mars, elle remet ce poste aux Anglais. Le 1 leme bataillon reçoit ensuite l’ordre de rejoindre le secteur sud, à 900 kilomètres, pour participer, avec un bataillon britannique, à l’attaque de Gambela poste occupé par des « bandas » (partisans ou irréguliers) lequel est évacué par les Italiens et occupé par la Force publique dès le 23. Ces deux combats et cette longue marche coûtent cher à la Force publique qui n’a plus que 13 Européens valides et dont 17 % de la troupe sont hospitalisés.

 

(p.124) Outre l’obligation de tenir Gambela, le BCS3 reçoit comme mission de rechercher le contact avec l’ennemi sur l’axe Saio-Gimbi et de pousser des reconnaissances vers Gore, Mogi et Saio. En l’absence du commandant du BCS3, le 12 avril 1941, le commandant du 5eme régiment (colonel Van der Meersch) groupant deux bataillons envoie une compagnie de reconnaissance vers Saio. Celle-ci rencontre une forte résistance sur la rivière Bortaï et le 11ème bataillon est alors engagé en entier. Mais le 15 avril, ce dernier surpris par une contre-attaque italienne, doit se replier après avoir perdu 2 Européens et une douzaine de soldats. Le 16 avril, le commandant du 5eme régiment reçoit deux ordres distincts d’échelons hiérarchiques (p.125) différents, le premier du commandant du BCS3 ordonnant un simple mouvement vers Saio, le second du Quartier Général de Khartoum ordonnant une action offensive avec un objectif au- delà de Saio. Toujours en l’absence du commandant du BCS3 retenu chez les Britanniques, le commandant du 5eme régiment exécute une marche offensive avec le 5eme bataillon et le 23 avril, il s’installe de part et d’autre de la rivière Bortaï. Attaqué par les Italiens à l’aube du 24 avril, il doit replier ses forces derrière la rivière après de lourdes pertes. Un soldat de la Force publique est fait prisonnier par les Italiens (le seul qu’ils firent prisonnier). Durant la nuit, il se déshabille pour être inaperçu dans l’obscurité, récupère son fusil dont il avait repéré l’emplacement durant la journée et rejoint, tout fier, les lignes congolaises.

Le plus grave problème rencontré par les troupes coloniales congolaises fut l’insuffisance des services et l’impos­sibilité de vivre sur le Soudan où il n’y a rien ou presque. Au Congo, aucun stock n’avait été prévu et on doit à la société Shun d’avoir consenti à fournir la plus grande partie des vivres pour la troupe. Les Européens ont vécu longtemps grâce aux boites de corned beef et de crabe collectées dans les magasins de la Province orientale. Le problème des transports était angoissant surtout durant la saison des pluies où les camions étaient inutilisables.

 

(p.126) Pour améliorer ceux-ci une flottille belge a été transportée par voie de terre sur 1 050 kilomètres d’Aketi à Juba et mise à l’eau sur le Nil. Cette flottille comportait un remorqueur, 15 barges et 4 baleinières à moteur pour un total de 300 tonnes. À la guerre il faut aller parfois au-delà de la témérité pour faire passer des poids de trente tonnes sur des ponts prévus pour en porter quatre; mais cela ne se réalise pas sans peur.

Le service de santé, malgré le dévouement de la douzaine de bons médecins, ne disposait ni du matériel ni des médicaments désirables pour éviter les épidémies d’avitaminose et de dysenterie responsables de 90% des pertes. En 9 semaines d’avril à juin, 1 502 hommes sur un total de 4 000 ont dû être hospitalisés pour affections graves. Pendant deux mois, les troupes à Bangala seront coupées de Malakal à cause de la saison des pluies. Le commandant du BCS3 est malade et il se suicide. Les troupes reçoivent la visite du général Ermens commandant en chef de la Force publique qui vient mettre en place le nouveau commandant du BCS3, le lieutenant colonel Dronkers-Martens. En accord avec les Anglais, la décision est prise de s’emparer du nœud routier de Saio, pour permettre une meilleure liaison entre les troupes anglaises et la Force publique. Mais auparavant, il faut renforcer les deux secteurs et exercer une pression sur les positions italiennes.

Le 8 juin, le 1 leme bataillon rejette les Italiens au nord de la Bortaï et le lendemain, le 5eme bataillon attaque Mogi sans arriver à le prendre. Des renforts arrivent entre le 18 et le 26 juin et la Force publique peut aligner près de 6 000 hommes, les porteurs y compris. Le général Gillaert, commandant des troupes du Nord Est vient prendre le commandement du BCS3 renforcé; il attaque à cinq heures du matin la position de la Bortaï avec le 6eme bataillon appuyé par l’artillerie et les mortiers, et l’encercle avec le lleme pendant que la compagnie cycliste et deux pelotons du 5emc font des diversions dans les directions de Bure et de Mogi; les liaisons radio se font en clair, en flamand. Une compagnie du 6eme s’écarte et crée une brèche dans le dispositif, brèche comblée d’initiative par le com­mandant du 5eme..

(p.127) Ce 3 juillet vers 13 heures au moment où l’attaque sur le pont de la Bortaï toujours tenu par les Italiens, va se déclencher, 3 parlementaires italiens avec des drapeaux blancs viennent pré­senter la reddition des troupes italiennes et vers 22 heures le même jour, le général Gillaert signe, avec les représentants du général Gazzera, les conditions d’arrêt des hostilités et la red­dition de tout le Galla-Sidamo. La Force publique peut alors entrer dans Saio ; elle y fait prisonniers 9 généraux, 370 officiers, 2 574 militaires italiens, dont des chemises noires, et de nombreux militaires indigènes.

(p.128) Elle récupère aussi des armes et des munitions (18 canons, 200 armes automatiques, 8 000 fusils), des véhicules (200 gros camions), du matériel de transmission (20 tonnes), 500 animaux de bât, des médicaments et des vivres.

A Bure, la 3eme compagnie cycliste capture 650 officiers et sous officiers de la 22eme division italienne et le 5eme arrête la garnison de Mogi. La capitulation s’étend à toutes les troupes du Galla-Sidamo, c’est-à-dire à plCet événement est rapporté dans les termes suivants dans l’histoire officielle de la conquête de l’Est africain italien : « This contingent played a part in the campaign out of ail proportion to his number. On the third of july, the Belgian contingent advanced to the assault of Saio. Their attack carried out by three bataillons was completely succesfull and at 2 a.m. on the fourth of july, general Gazzera capitulated to them. A Belgian force, under 3 000 men strong had taken about 15 000 prisoners and three times the amount of equipment which they themselves possessed ».

 

(p.129) En mai 1941, la première brigade des troupes de Nord- Est est concentrée dans le Bas et le Moyen Congo et mise à l’entraînement pendant huit mois. Cette situation est la résultante de contacts entre les états-majors anglais, français- libres et belges en vue de mettre au point la défense des territoires alliés des côtes ouest de l’Afrique car à cette époque la France de Vichy a autorisé les Allemands à utiliser les bases aériennes et navales françaises de cette région. (Accords Darlan-Warlimont).

Le 22 juillet 1942, les 13 000 hommes de cette brigade sont transportés par mer de Matadi à Lagos pour participer à l’attaque du Dahomey dont l’administration est restée fidèle à Vichy mais ce projet n’est pas réalisé suite au débarquement américain en Afrique du Nord et les soldats de la Force publique restent inactifs jusqu’en mars 1943. A cette date, le gouvernement britannique demande au gouvernement belge d’utiliser la première brigade au Moyen-Orient. Les troupes sans charroi sont alors transportées par deux bateaux de Lagos à Suez, par le cap de Bonne Espérance, entassées dans les cales et les entreponts, dans des conditions pénibles qui rappellent le transport des esclaves. 27 soldats décèdent d’ailleurs en cours de route, 75 autres ont été hospitalisés à Aden et 200 sont transportés à l’hôpital à Suez.

(p.130) Le charroi et 2 000 hommes, quant à eux, ont fait le déplacement par voie de terre sur près de 6 000 kilomètres de Zaria jusqu’au Caire par Fort Lamy, El Fasher, Khartoum et Assouan, ce que jamais une colonne motorisée n’avait fait, par des pistes mal connues et en perdant à peine 5 % du matériel; une quarantaine de véhicules sur les 850 au départ. Le voyage avait duré moins de 4 mois. Un véritable exploit.

Ce corps expéditionnaire est rassemblé à Tahag, puis à Fayid dans la région du canal de Suez pour garder les prisonniers et surveiller les dépôts. Seuls les chasseurs motorisés purent créer un « spécial raiding squadron » et s’entraîner au combat.

Une participation active aux opérations dépendait de plusieurs choses :

l’adoption par la Force publique de l’organisation britannique ;

un entraînement spécifique comme les troupes anglaises ;

l’acceptation du gouvernement belge.

Toutes ces conditions étant réunies, le corps expéditionnaire porte le nom de « Troupes coloniales belges au Moyen-Orient » (TCBMO) et est organisé de la manière suivante : un quartier général installé au Caire;

(p.131) une brigade-group de type britannique installée à Tahag ;

un groupement de renfort et d’instruction localisé à Fayid ;

une « battle-school située au km 81 de la route Le Caire-Suez.

L’entraînement soutenu débute en juillet 1943 mais le 23 février 1944 la Force publique n’est pas encore entrée en action et un sérieux mouvement d’humeur provoqué par la déception est observé au sein du 3eme bataillon.

La Force publique n’entrera pas en action; elle sera transférée en Palestine à Isdud où elle reprendra l’entraînement et la surveillance des installations militaires contre les pillards et voleurs d’armes et de munitions arabes et juifs.

(p.132) Dès le début des hostilités, le 12 août 1940, le ministre des colonies exprima le souhait du gouvernement belge d’aider les Anglais, et le service médical du Congo proposa à ceux-ci l’envoi, aux Forces britanniques de l’Est africain, à court de personnel médical, d’un hôpital mobile de campagne commandé par le major médecin de réserve Thomas en poste à la province de Léopoldville. L’unité proposée qui comprenait au départ 10 Européens et une centaine de Congolais avec quelque 20 véhicules, fut répertoriée dans les effectifs anglais sous le nom de « 1 Oth Casualty Clearing Station ». Elle participa dès lors aux opérations des Forces britanniques, notamment en Abyssinie et dans les Somalies (janvier 1941 à août 1942), à Madagascar (septembre 1942 à mai 1943) et en Birmanie (novembre 1943 à janvier 1946). Au moment de la cessation des hostilités, lors de la capitulation japonaise, l’hôpital mobile comportait 23 Européens dont 7 médecins, 300 gradés et soldats congolais et 63 véhicules.

(p.133) L’hôpital de campagne quitta Léopoldville en novembre 1940 et via Stanleyville rejoignit, à la pointe nord du lac Rudolph, la 23eme brigade est africaine (brigadier Owen) à laquelle elle fut incorporée. Cette brigade devait marcher en direction des Somalies et plus particulièrement de Mogadiscio qui fut prise aux Italiens. Avant la fin de la campagne de Somalie, l’hôpital de campagne fut avisé qu’il était incorporé à la Task Forces 121 du général Sturge destinée à une opération de débarquement à Madagascar en septembre 1942. Cette opération terminée, l’hôpital de campagne rentra à Stanleyville pour une refonte de l’unité avant qu’elle ne rejoigne, en novembre 1943 via Ceylan, la lleme division est africaine désignée pour la défen­se du port militaire de Tricomalee.

(p.134) Cette division fut incorporée ensuite au 4eme Corps hindou (général Scoones) dans l’Arakan région du golfe de Bengale, puis au 33eme Corps hindou du général Sir Montau Stoppford avec laquelle elle fut isolée durant deux mois au cours des combats sur la Chindwin pendant lesquels elle dut être ravitaillée par avion. L’hôpital de campagne apprit la capi­tulation japonaise le 15 août 1945 alors qu’il se trouvait près des Etats Shan à la frontière chinoise du Yunan. Pour rejoindre l’Afrique et le port de départ de Mombasa, il dut traverser le Nord-Burma, l’Assam et les Indes de l’est à l’ouest jusque Karachi. Il rentra au Congo via le Kenya et l’Uganda, Béni et Stanleyville.

(p.134) On avait envisagé à la Force publique la création d’une aviation militaire coloniale en 1935, mais cela resta en projet jusqu’en 1940 lorsque le major aviateur Lucien Leboutte fut chargé d’une mission d’étude au Congo.

Cependant la jeunesse belge du Congo était désireuse de se battre contre l’envahisseur nazi de la Belgique ; certains s’enga­geant directement dans l’armée britannique et 227 autres, répondant à l’appel du capitaine aviateur Franz Bumiaux, seront volontaires à la South African Air Force pour devenir pilotes, observateurs, radios ou mécaniciens.

Leur engagement ne fut pas facile car les frais d’écolage importants (de 3000 à 5000 £) devaient être réglés à l’avance et ce n’est qu’en juillet 1941 que les premiers volontaires seront reçus aux écoles d’aviation du Transvaal, à Lyttelton, Vereniging et Wakkerstroom. Certains de ces jeunes se sont engagés à la South African Air Force (22 pilotes, 11 observateurs, 9 radios et 7 mécaniciens); d’autres ont choisi la

RAF (49 pilotes, 10 observateurs, 11 mécaniciens et 2 météos). Dix de ces jeunes pilotes tomberont en service commandé : C.E.J. Fostier, au Kenya le 1/02/1943;

M.A. Hagico, en Méditerranée, le 11/02/1943;

J.J.A. Cochet en Tripolitaine le 5/04/1943;

R.A. Parmentier, en Italie le 27/07/1943;

G.B. Janssens en Afrique Orientale le 7/11/1943; P.J.C.V.G. Watteyne, en Italie du Nord le 25/11/1943; M. De Leender, en Égypte le 4/01/1944;

F.L.V. Quenon, en Mer Égée le 6/03/1944 A.C.J.L. Massar, en Italie du Nord, le 16/03/1944 C.J.P. Brichard, en Italie du Nord le 29/12/1944.

D’autres seront intégrés à la Force publique (11 pilotes, 18 ob­servateurs et 4 météos) pour créer la première escadrille de liaison qui attendra jusqu’en juin 1944 ses premiers avions, 6 Airspeed Oxford bimoteurs achetés en Angleterre et 7 S.V 4 bis, mono-moteurs provenant de l’école de pilotage de Wevelgem et restitués par les Français.

 

(p.141) Lorsque la Belgique est envahie le 10 mai 1940, personne ne prévoit la capitulation rapide et lorsque celle-ci advient, c’est la consternation générale. Pierre Ryckmans, le Gouverneur du Congo, comprend qu’il faut réagir très vite et par deux fois, le 10 et le 28 mai 1940 c’est lui surtout qui incarne l’âme et l’honneur de la Belgique. Bien avant l’appel du * Général de Gaulle, 8 heures à peine après la capitulation de la Belgique, il montre au Congo et au monde une détermination sans équivoque : « Le Congo reste dans la guerre ! Il est tout entier au service de l’Alliance et, par elle, au service de la Patrie…La paix n’est pas signée et ne le sera pas avant la libération du territoire. De toutes nos forces, et plus encore qu’hier nous devons travailler à hâter le jour de la déli­vrance ».

Pierre Ryckmans est un Anversois dont le coeur saigne . lorsque on crache sur le mot Belgique. Jeune avocat, volontaire de guerre en 1914-1918, il se bat d’abord sur le territoire belge puis en 1915 avec la Force publique au cours de la campagne du Cameroun et ensuite durant toute la campagne de Mahenge.

Il terminera la guerre avec 8 chevrons de front et une immense passion pour cette Afrique qui va le modeler à son image faite de séduction et de complexité. En retour, il offrira à ce conti­nent une grande partie de sa vie d’homme responsable et engagé, d’écrivain et de tribun.

Il faut parler de l’homme pour comprendre sa détermination. Ce – n’est pas la colonisation qui l’intéresse, mais plutôt le rôle exaltant et les responsabilités de celui qui amène la civilisation.

Pas n’importe quelle civilisation, mais celle qui respecte les droits des indigènes, leurs coutumes et leurs intérêts. José Gers qui signe l’hommage rendu à Pierre Ryckmans à sa mort rappelait certaines de ses paroles qui caractérisent bien (p.142) l’homme : « …dam la vie des peuples comme dans celle des hommes, il y a d’autres intérêts que l’intérêt » et aussi « la générosité, en colonisation comme en diplomatie, est encore la meilleure politique » ou encore « …servir l’Afrique, c’est la civiliser ; pour pouvoir servir il faut connaître, pour vouloir servir, il faut aimer, car aimer n ‘est que comprendre et com­prendre jusqu ’à l ’héroïsme ».

 

(p.143) L’élaboration d’un plan de coopération économique avec la Grande-Bretagne et avec l’aide de Lord Hailey permit d’amé­nager la répartition de l’effort économique et d’apporter les premiers remèdes à une situation difficile. Même si les Anglais ont insisté pour que l’argent congolais dévalue, grâce à ce plan de coopération, des débouchés nouveaux s’ouvrirent progres­sivement, notamment en Afrique du Sud. Néanmoins, il fallut réorganiser la production, mettre en veilleuse certaines activités et en développer d’autres, créer des entreprises nouvelles et se passer de nombreuses choses. Les exportations de produits végétaux n’atteignirent que 224 000 tonnes en 1941 alors qu’elles avaient été de 330 000 tonnes en 1939. L’agriculture congolaise connut alors des moments critiques.

La situation changea brusquement avec l’entrée en guerre du Japon et la perte rapide de la Malaisie, des Indes néerlandaises, de l’Indochine, de la Thaïlande et de la Birmanie, ce qui eut pour effet de fermer aux Alliés des sources précieuses d’approvisionnement de l’Extrême Orient qui représentaient 80% de la production mondiale de caoutchouc, 50% de la production d’huile de palme, 45% de celle de l’étain et pratiquement la totalité des écorces de quinquina. Il était essentiel de combler ces pertes par une production intensive. Pierre Ryckmans le comprit très vite. Le 10 mars 1942 il s’adressa aux habitants du Congo belge dans un discours mémorable : « …une écrasante responsabilité vient d’être jetée sur nos épaules…Nos revers d’Extrême Orient modifient du tout au tout la position de l’Afrique dans l’alliance et dans le monde… l’équilibre des ressources est rompu au profit de l’ennemi par la poussée japonaise, on compte sur nous pour la rétablir.»

(p.146) Au début de la guerre, deux métaux ont la priorité sur tous les autres, l’or et l’étain. L’or du Congo est acheté par le gouvernement de la colonie et stocké en Afrique du Sud. Mais les conditions économiques changent et l’or n’est plus consi­déré comme matériel de guerre. On assiste alors à un transfert des ouvriers du secteur aurifère vers le secteur de production d’étain dont la production a été largement accrue pour combler la perte des gisements de Malaisie. Le surplus du minerai est envoyé aux Etats-Unis.

L’Union Minière du Haut Katanga augmenta sa production de cuivre de 33% en ouvrant de nouvelles usines, en créant des installations supplémentaires et en augmentant le rendement des usines existantes.

Les producteurs de diamants ralentirent la production de pierres de joaillerie et augmentèrent celle des diamants industriels dont l’emploi dans l’industrie de guerre pris une extension sans précédent. D’autres métaux furent également fournis aux Alliés durant la guerre ; le cobalt, le zinc, l’uranium, le cadmium, le manganèse, le tantale, le nobium, la wolframite, entre autres.

 

(p.147) Mais c’est dans le domaine de la production de caoutchouc que l’effort de guerre, en matière agricole, se manifesta avec la plus grande ampleur. Pour pouvoir répondre aux demandes pressantes des Alliés, le gouvernement décréta la cueillette du caoutchouc sylvestre. Il fallut d’abord vaincre les mauvais souvenirs et la crainte, laissés par cette pratique parmi la population et ensuite retrouver les peuplements naturels de lianes et les plantations de millions de lianes faites durant l’Etat Indépendant du Congo et jamais récoltées. Mais il fallut également reconstituer puis améliorer des techniques oubliées et organiser de manière rationnelle la récolte, la préparation, le séchage, l’achat et l’emballage. On estime à 250 000 le nombre d’autochtones affectés à ces tâches. Les plantations d’Hevea passèrent de près de 14 900 hectares en 1940 à 73 000 hectares en 1944 dont 28 143 hectares appartenaient aux indigènes contre 2 099 en 1941. D’autre part, à la demande appuyée des Nations Unies, des accords furent passés entre certaines compa­gnies et la « Rubber Development Corporation » agissant pour le compte des États-Unis, dans le but de créer des plantations à peuplement dense (2 500 pieds par hectare) et à rendement rapide (après deux à trois ans), technique de guerre très peu appréciée des agronomes belges, qui d’ailleurs ne donna jamais les rendements annoncés. Travail exceptionnel et provisoire comme le rappelle le Gouverneur général le 23 novembre 1943. « …ce travail (la récolte de caoutchouc sylvestre) si nécessaire (p.148) et apparemment si fructueux -, seuls les besoins de la guerre le justifient. Au point de vue économique, il est aussi stérile que la fabrication d’obus, car cette immense somme de labeur, si nous pouvions la consacrer à l’établissement de plantations d’Hevea, ferait du Congo, d’ici quelques années, le premier producteur de caoutchouc du monde. Pour faire la guerre, nous avons sacrifié à un résultat sans lendemain nos programmes de plantation et leur magnifique promesse d’avenir. Jamais en temps de paix, le Gouvernement n ‘eût toléré un pareil gaspil­lage de main d’œuvre ». L’augmentation du nombre de salariés dans les industries extractives et l’engagement de la Force publique dans des missions de guerre obligèrent le gouvernement, pour assurer leur ravitaillement, à donner une extension considérable aux cultures vivrières au détriment de certaines cultures d’exportation. Le tableau suivant montre mieux que des phrases la croissance des superficies consacrées à la culture des plantes vivrières pendant les années de guerre.

 

(p.149) Les Alliés étaient également demandeurs de fibres. Une grande partie de la production de coton du Congo a été vendue à la Grande-Bretagne et au Commonwealth britannique, après déductions des besoins pour les entreprises textiles locales. Les États-Unis ont acheté la totalité des fibres d’Urena lobata de première qualité ainsi que la totalité de la production des fibres de Punga dont les superficies plantées passèrent de 14 900 hectares en 1940 à 19 500 hectares en 1943. La sériciculture occupa 1 208 familles en 1944 contre 673 quatre ans plus tôt. Si l’on prend en compte l’impossibilité de remplacer le matériel agricole durement éprouvé, l’augmentation sensible des charges sociales et les prix conventionnels payés pour les différentes productions, prix nettement inférieurs aux conditions générales des marchés de l’époque, il faut convenir sans atermoiement que la guerre n’a pas été une source d’enrichissement pour l’agriculture congolaise. Bien au contraire, cette extension obligée des zones de culture qui hypothéquera lourdement l’avenir, constitue, autant que les exportations elles-mêmes, une contribution appréciable du Congo belge à l’effort de guerre. Une autre remarque doit être faite. Ironie de l’histoire, ce sont les millions de lianes à caoutchouc plantées suivant la législation de l’État Indépendant du Congo avant 1908, qui permirent au Congo belge de fournir aux Alliés les quantités appréciables de caoutchouc qui leur étaient nécessaires pour gagner la guerre. Il y eut des révoltes contre ce travail inhumain et elles furent réprimées. N’est-il pas paradoxal qu’aucune voix anglo-saxonne ne se soit élevée pour maudire ce type de travail comme elles le firent trente cinq années plus tôt ? Sur le plan industriel, de nouvelles industries furent mises sur pied, notamment pour fabriquer le petit outillage agricole (pelles, machettes, etc.) et les pièces de rechange qui étaient importés jadis. Les usines textiles produisirent des pansements et des tonnes de ouate pour les armées.

 

(p.150) Mais l’effort de guerre de la colonie se marqua égale­ment sur le plan financier et plus particulièrement par l’appui apporté à la Belgique et à son gouvernement dans ce domaine. C’est le Congo belge qui, durant la guerre, a fourni au gouver­nement belge en exil à Londres les moyens de vivre et d’exister et celui d’entretenir toutes les représentations diplomatiques dans les différents pays du monde. C’est également lui qui se chargea d’assurer le service de la dette belge extérieure. De plus, en fournissant à la trésorerie britannique l’excédent de la production d’or du Congo belge, celui-ci contribuait de manière efficace à l’alimentation du trésor de guerre des Alliés.

 

(p.235) Les années cinquante ont été, pour la colonie du Congo, celles de tous les développements, mais pour les observateurs lucides qui débarquent dans ce pays deux impressions domi­nent :

1)     nulle part dans le monde n’a été réalisée, en un demi siècle, la somme de travail accomplie ici par quelques milliers d’hom­mes, sur les plans du développement économique, du dévelop­pement social et sur celui de l’évangélisation ;

2)     les circonstances du moment sont telles que l’œuvre accom­plie, dans son ensemble, va totalement être remise en cause dans les années qui suivent.

 

(p.244) Au moment ou la mission d’enquête vient au Congo, en 1904, pour étudier à charge et à décharge les griefs reprochés au régime Léopoldien, un missionnaire américain va contredire les propos de certains de ses confrères. Le personnage m’intéresse particulièrement car pratiquement personne n’en parle, alors que son attitude me paraît essentielle dans l’histoire de cette période difficile du Congo. Il s’appelle Ellsworth Faris, mis­sionnaire protestant originaire des Etats-Unis, il exerce son (p.245) apostolat en brousse et est au Congo depuis sept années. Il a trente ans en 1904. Alors que tout le monde s’attendait à ce qu’il confirme tous les griefs avancés par ses collègues, il en confirme certains mais en nie d’autres très importants. C’est manifestement un fou ou un honnête homme.

Le reste de sa carrière et de sa vie prouve que ce n’est pas un fou. C’est donc le geste réfléchi et déterminé d’un honnête homme qui refuse de mentir. Quel aurait été d’ailleurs l’intérêt d’une telle attitude ?

Faris va être chassé de la mission où il se dévoue depuis sept ans et va devoir rentrer aux Etats-Unis à ses propres frais ; sa vie semble brisée. La science va venir à son secours et c’est en spécialiste de la sociologie qu’il enseignera cette science à l’Université de Chicago durant un vingtaine d’années, pendant lesquelles il reçut tous les honneurs académiques auxquels peut aspirer un professeur américain. Durant onze années, il sera le directeur du célèbre American Journal of Sociology.

Mais Faris continue à s’intéresser à ce Congo auquel il a consacré les premières années de sa carrière ; il l’évoque également constamment dans ses cours et y fait deux autres séjours en 1932-1933 et en 1949. Témoin oculaire impartial d’une époque et du travail des Belges dans sa durée, la Belgique lui doit certainement une grande partie du revirement observé chez les sociologues américains au sujet de son œuvre africaine.

Faris mourut en 1954; il est curieusement oublié aujourd’hui et mérite certainement, bien mieux que Casement ou Morel, d’a­voir droit à quelques lignes dans l’histoire de la colonie du Congo belge.

 

1.4   Extraits du livre magnifique de Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II, L’Histoire du Congo 1900-1910, éd. L’Harmattan, Volumes 1 et 2, 1996

Jules Marchal, E.D. MOREL CONTRE LEOPOLD II,

L’Histoire du Congo 1900-1910, éd. L’Harmattan,

Volume 1

 

Le Congo de Léopold II, roi de Belgique – ou État Indépendant du Congo (EIC) – a fait couler beaucoup d’encre au début du siècle. Que s’y passait-il ? Y commettait-on, contre les Noirs, les crimes les plus abominables, afin d’accélérer l’exploitation coloniale notamment du caoutchouc ou, au contraire, introduisait-on dans ce milieu sauvage, la Civilisation chrétienne indispensable à l’humanité ?

La question du Congo fut à la une de l’actualité en Europe et en Amérique entre 1900 et 1910. Plusieurs journaux furent créés spécialement pour attaquer l’EIC et d’autres pour le défendre. Des dizaines de livres furent publiés aussi bien par les adversaires que par les thuriféraires de l’EIC.

L’ouvrage présent, en deux volumes, donne un large aperçu de cette abondante littérature déversée sur les lecteurs de l’époque. Il analyse les mobiles de leurs auteurs et notamment ceux du journaliste anglais E.D. Morel qui était à la source de cette campagne internationale contre Léopold H.

L’action de l’infatigable Morel est suivie ainsi jour après jour. Mais l’étude dépasse la relation des réactions à l’étranger face aux événements se passant au Congo. On entre directement dans le fait – et le méfait -colonial grâce aux documents d’archives disponibles en Europe et en Amérique, que l’ouvrage analyse, critique, replace dans leur contexte.

On a donc ici la synthèse narrative de l’Histoire véridique du Congo avant que le roi Léopold II, mandaté au départ par les grandes puissances pour en faire une colonie internationale, ne doive le céder à la Belgique sous la pression de Morel.

 

Jules MARCHAL est né en 1924 dans le Limbourg (Belgique). Docteur es philosophie et lettres (Université Catholique de Louvain) ; fonctionnaire territorial au Congo belge (1948-1960) ; conseiller technique au Congo-Zaïre (1960-67) ; diplomate (1968-89).

 

Jules Marchal, E.D. MOREL CONTRE LEOPOLD II,

L’Histoire du Congo 1900-1910, Vol.2, éd. L’Harmattan, 1996

 

(p.408) Et tout ceci s’est passé, et tout ceci a été toléré dans cet âge de progrès. Le crime le plus grand, le plus profond, le crime de la plus grande envergure des annales de l’histoire, a été réservé à ces dernières années. Il y a quelque excuse pour une extermination raciale quand deux peuples, comme les Saxons et les Celtes, luttent pour le même pays qui n’en contiendra qu’un seul. Quelque excuse aussi pour des massacrés religieux quand, comme c’était le cas… pour Alva dans les Pays-Bas, les assassins sectaires croyaient sincèrement que leur œuvre brutale était dans l’intérêt de Dieu. Mais ici les acteurs réels sont assis au loin, le sang froid dans les veines, sachant bien de jour en jour ce qu’ils font, dans le but unique d’accroître leur richesse déjà énorme. Considérez cette circonstance, et considérez aussi les professions de philanthropie avec lesquelles l’immense massacre fut inauguré, la nuée des mensonges avec laquelle il fut caché, la persécution et la calomnie à l’égard des quelques honnêtes hommes qui l’ont découvert, la mise en place de religion contre religion et de nation contre nation dans la tenta­tive de le perpétuer. Après avoir pesé tout ceci, dites-moi où dans le cours de l’histoire il y a eu un événement pareil…

 

(p.447) La conclusion de ce livre peut être très brève. Léopold II a fait une sale guerre, vingt ans durant, aux Congolais. Je dis sale guerre parce qu’elle a été conduite sans merci contre des gens sans défense qu’on prétendait civiliser. Cette guerre, caractérisée par une terreur sans relâche, a fait des millions de victimes par les causes énumérées par Morel dans la Westminster Gazette du 1er juillet 1912.

Morel n’y mentionne pas la maladie du sommeil comme grande faucheuse de victimes, comme on l’a fait généralement. Mais cette maladie, dont les effets néfastes ont été grandement exagérés comme alibi pour la disparition de la population, n’était que la suite directe de la terreur1. Elle n’a par ailleurs jamais été un motif pour arrêter la terreur. L’existence de celle-ci est prouvée, au-delà de tout doute possible, par les faits dénoncés par Morel, et encore davantage par des faits inconnus de Morel : ceux relatés à la partie IV du présent livre et ceux figurant dans mes publications sur la Commission d’Enquête et sur la période 1876-1900 de l’histoire du Congo.

Cette terreur a été évoquée par les grands écrivains contemporains Joseph Conrad, Mark Twain et Arthur Conan Doyle. De ces auteurs il est question assez souvent en Belgique, mais sans qu’il soit fait mention de leurs relations avec les affaires du Congo.

A côté de cette terreur, je ne vois aucun rayon de lumière dans l’œuvre africaine de Léopold II. Il a certes créé un grand pays en Afrique Centrale, mais quel est le mérite d’un grand propriétaire terrien se forgeant par des moyens violents et frauduleux un latifundium pour ses esclaves. Léopold II n’est pas comparable au bâtisseur d’empire de son temps, Cecil Rhodes . (sic) La différence entre eux se tient au fait que Rhodes vivait en Afrique, se sentait Africain et fut enterré, selon son désir, dans les collines Matopos au Zimbabwe.

 

(p.448) a) Les séquelles – William Lever et Morel

 

Morel a chassé Léopold II de son trône. Il l’a fait principalement en tant que journaliste par une campagne de mobilisation de l’opinion publique, fl a ensuite forcé Renkin à liquider le système de l’EIC. Lors de la suppression de la CRA en 1913, lui-même et ses adeptes criaient victoire : la colonie du Congo Belge était devenue une colonie comme les autres. C’était vrai apparemment, mais les séquelles du système perdureraient. L’héritage de Léopold II fut géré sur tous les plans, aussi bien au Congo qu’en Belgique, par des hommes à sa dévotion et imprégnés de son esprit. Le Congo ne devait rien coûter à la Belgique et devait rapporter aux Européens. Renkin commença par décréter un impôt écrasant pour les Africains. Les travaux forcés continuèrent dans les mines de Kilo-Moto. Le recrutement foré pour les mines du Katanga se poursuivit.

 

(p.456) Après la guerre Morel resta la figure dominante de l’Union of Democratic Control. En 1919 il transforma le périodique de guerre plutôt humble du même nom en un respectable journal, Foreign Affairs, le porte-parole de la gauche britannique en matière de politique internationale. Sa campagne se dirigea dès lors contre le Traité de Versailles, lequel partait du principe que seule l’Allemagne était responsable de la guerre29. Erreur selon Morel, admise par ailleurs aujourd’hui par l’historiographie30. Morel lutta pour la révision du traité en faveur de l’Allemagne, ce qui évidemment fut salué avec sympathie dans ce pays.

 

Il attaqua à peu près tout ce que le traité avait réglé : la répartition des colonies allemandes entre les vainqueurs, les paiements de réparation par l’Allemagne, le retour de l’Alsace-Lorraine à la France, le corridor de Dantzig, l’annexion du pays des Sudètes à la Tchécoslovaquie, l’occupation de la Rhénanie. Sur ce dernier point, il se jeta à corps perdu dans la campagne de dénigrement raciste contre les troupes africaines d’occupation incorporées à l’armée française. Ces troupes étaient accusées par les Allemands d’attentats sexuels imaginaires sur des filles et des femmes allemandes.

Le fait que Morel, le champion des Africains, se soit laissé prendre à cette campagne raciste est la meilleure preuve qu’en tout homme un raciste sommeille. Cela lui arriva à peine quelques semaines après la publication de son livre The Black Mans Burden, visant à éclairer l’opinion publique sur le mal infligé par les blancs aux noirs, et à définir les principes fondamentaux de la politique à appliquer par les administrations européennes en Afrique. Morel attaqua violemment le stationnement imposé par la France de troupes africaines en Rhénanie. Il le fit dans de nombreux articles de presse et dans un pamphlet, intitulé The Horror on the Rhine (24 pages), paru en août 1920, réédité sept fois en anglais, publié également en allemand, français, italien et néerlandais. Pour combattre le Traité de Versailles, il fit flèche de tout bois, transformant en l’occurrence les Africains en criminels sexuels. Ceci constitue une souillure à sa réputation, en dépit du fait qu’il soulignait que son accusation ne visait pas tellement les Africains, mais bien le militarisme français, qui les gardait séparés de leurs femmes, après les avoir utilisés comme chair à canon pendant la guerre.

 

 

1.5   Jean Kestergat, Quand le Zaïre s’appelait Congo, LB, 1985

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, s.d. - 1 Naissance d'un Etat

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 2 Assurer les frontières

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 3 Les royaumes perdus

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 4 "Tristes et vilains côtés"

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 5 Mise en oeuvre

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 6 "Le caoutchouc rouge"

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 7 Colonie belge

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 8 Heures de gloire

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 9 "Dominer pour servir"

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 10 L'aventure des territoriaux

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 11 De rudes missionnaires

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 12 Et les indigènes ?

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 13 Colons et plantations

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 14 Cultures obligatoires

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 15 Les grandes peurs des villages

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 16 Tribus et cultures

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 17 "Union Minière" et les autres...

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 18 Rythme de croisière

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 19 La colonie vue par les Belges

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 20 Simon le prophète

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 21 Psychologie africaine

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 22 1940: le drame

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 26 (en fait: 23) Les grands désarrois de l'an 40

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 28 Mutins en 1944

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 29 renaissance de la Territoriale

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 30 Un certain racisme

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 31 "Bwana Kitoko"

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 32 La colline inspirée

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 33 Pour un plan de trente ans

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 34 La tragédie du 4 janvier 1959

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 37 Encore des atermoiements

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 38 Lumumba marque des points

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 39 Plus rien ne va.

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 41 Les Belges étaient-ils honnêtes?

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 42 La grande déglingue

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 44 Les derniers jours

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 45 Le bouquet final

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 46 Les royaumes du Ruanda-Urundi

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 47 La révolte des Hutu du Ruanda

Jean Kestergat, Quand le Zaïre s'appelait Congo, LB, 1985 - 48 La fin du mandat

1.6   Autres intervenants

1.6.1   A propos de Lumumba

A propos de Lumumba: Jacques Lefevre, député, membre de la commission Lumumba: "Lumumba n'était pas un enfant de choeur": ce fut un assassin, qui a poussé à des meurtres et à des viols

(in: La Libre Belgique, 07/05/2001)

A propos de Lumumba: Dr Marcel Delannay (Bruxelles): Lumumba et ses partisans s'étaient associés aux Balubakat, propageant des théories raciales et tribales: ils assassinèrent des villageois sans défense, détruisirent des hôpitaux

(in: La Libre Belgique, 25/05/2001)

België en Lumumba

(in: Knack Historia, Congo, Meer dan een kolonie, 2018, p.144)

A propos de Lumumba: René Feyereisen (Chaudfontaine) : "Un flop"

(in: La Libre Belgique, 09/05/2001)

1.6.2   Réactions face au mensonge organisé par la France et d’autres pays en vue de discréditer la Belgique sur le plan international

1998

Guy Belleflamme, Haversin (Ciney), Les Fantômes de Léopold II, VA 11/11/1998

 

À propos de l’ouvrage de Hochschild, je constate que tout ouvrage engagé entraîne inévitablement des lectures plurielles.

Je voudrais simplement en tirer quelques phrases qui invitent à rela­tiviser une lecture éventuellement passionnelle qu’on ferait de l’ouvra­ge : « ce qui s’est passé au Congo n’est malheureusement pas pire que ce qui s’est passé dans les territoires voisins. Moins d’une décennie après qu’il eut donné l’exemple, des systè­mes analogues de travail étaient mis en place dans les territoires fran­çais situés à l’ouest et au nord du fleuve Congo, dans la colonie portu­gaise de l’Angola, et au Cameroun allemand. » ; « le massacre fut enco­re pire chez les Hereros du Sud-Ouest africain colonisé par les Alle­mands, l’actuelle Namibie. Les mas­sacres n’étaient pas cachés par un ri­deau de fumée ni dissimulés par des discours philantropiques. C’était purement et simplement un génocide, brutalement annoncé avant son déclenchement. » ; « l’opinion mondia­le ignorait aussi dans une grande mesure les sauvages opérations anti­guérilla menées par les Américains aux Philippines. Leurs soldats y tor­turèrent des prisonniers, incendiè­rent des villages et tuèrent vingt mil­le rebelles ; deux cent mille autres Philippins moururent de faim ou de maladies directement imputables à la guerre. La Grande-Bretagne ne fit l’objet d’aucune autre critique inter­nationale pour le massacre des aborigènes d’Australie. » ; « Ce qui s’est produit au Congo était indubitable­ment de l’assassinat de masse à grande échelle, mais la triste vérité, c’est que les hommes qui appli­quaient cette politique au nom de Léopold n’étaient pas plus meur­triers que de nombreux Européens à l’œuvre dans d’autres régions d’Afri­que. »

Léopold II d’abord, la Belgique ensuite, et leurs sbires coupables ? Sûrement, mais pas rien qu’eux. Il est trop facile de se donner bonne conscience (en invoquant des inten­tions philanthropiques) et en refu­sant de regarder la vérité en face (fai­te aussi et surtout d’intérêts écono­miques). Quand à l’affirmation que la colonisation a, entre autres bien­faits, apporté « l’instruction à des peuples qui, au mieux, avaient at­teint l’âge du fer », j’aime à me sou­venir qu’en 1960, l’immense Congo comptait six diplômés universitai­res, pas un de plus. C’est fort peu au regard de l’effort de promotion des élites intellectuelles accompli par la France à la même époque dans ses colonies : le système d’instruction belge, n’a, quant à lui, suscité l’émer­gence d’aucun Léopold Sédar Senghor ni d’aucun Aimé Césaire…

 

1998

Pol Halut (Huy), Les fantômes du roi Léopold II, VA 06/11/1998

 

Le méchant ouvrage Les Fantô­mes du roi Léopold II n’est qu’un re­make de plus des multiples accusa­tions qui n’ont cessé, de 1900 à 1960, de salir la mémoire de Léo­pold II et l’œuvre des laïcs et mis­sionnaires belges au Congo… dont nos enfants peuvent être fiers. La presse se devrait d’apprendre aux en­fants, puisque la société et l’école le font si mal, que les Belges ont appor­té la « civilisation » au Congo. Il faut aujourd’hui le clamer haut et fort que « civiliser », cela a été :

1. Établir dans cet immense pays la paix, je dirais la pax belgica. Avant notre arrivée, il y avait des guerres tribales incessantes avec leurs séquelles barbares.

2.  Supprimer l’esclavage interne.

3.  Battre et rejeter hors du Con­go, et cela au prix de durs combats au cours desquels nombre de nos compatriotes trouvèrent la mort, les esclavagistes arabes qui, dans l’est et le nord du pays, razziaient de nom­breux villages, emmenant avec eux de nombreux indigènes de tout âge comme esclaves.

4.  Juguler les grandes endémies qui décimaient ces populations en soignant celles-ci avec les moyens médicaux les plus modernes du mo­ment.

  1. Enfin, pour les chrétiens, ap­porter les valeurs évangéliques en Afrique centrale et en même temps l’instruction à des peuples qui, au mieux, avaient atteint l’âge du fer.

 

1998

Pol Mouzon (1010 Bxl), in : LS 16/12/1998

 

(…) Ancien élève de l’Ecole roya­le militaire (105e promotion po­lytechnique), je me sens particu­lièrement offensé par cet article qui dénigre ce que les conqué­rants Belges d’armée) ont fait au Congo, même si quelques ex­cès ont parfois été enregistrés durant toute cette période. (…) Venons-en plutôt à la politique menée par Léopold II dans sa recherche de se forger, dans l’intérêt de la petite Belgique

(…), une place sur le continent africain que se disputent quatre puissances européennes: la France, la Grande-Bretagne, l’Al­lemagne et le Portugal sans par­ler de l’Espagne. La période de conquête du territoire a été sui­vie d’une période de colonisa­tion civilisatrice, pacifique et ad­ministrative; avec exploitation commerciale et logique débou­chant sur des emplois indigènes en surnombre. D’origine latine, les deux mots « colon » et « colo­nie» signifient l’un «cultivateur» et l’autre «établissement agrico­le fondé par une nation dans un pays étranger». (…)

Au contraire des grandes puis­sances de l’époque, Léopold II base surtout sa «conquête» sur une campagne « anti-esclavagis­te » à laquelle les autres nations européennes ne s’associent guère.

(…) Pour terminer, j’aimerais ajouter que l’auteur du livre incri­miné fait partie de la nation qui, «elle», a accompli un véritable génocide en exterminant la qua­si-totalité des Indiens (…) et que par après c’est ce même peuple américain qui était le principal acheteur mondial des esclaves noirs (…). Avant de regarder dans l’assiette des autres, Adam Hochschild ferait mieux d’examiner ce que ses ancêtres ont perpétré (…) dans son pro­pre pays dont il est: fils de colonisateurs. Aurait-il publié à bon escient dans son livre que c’est grâce au labeur des coloni­sateurs belges (ses cousins) ex­ploitant les ressources minières d’uranium, acheté par son gou­vernement, que la guerre mon­diale a été abrégée atomique-ment. Cette finalité a permis l’effort économique du plan Mar­shall dont la Belgique a bénéficié.

 

1998

R. Pire – Cercle Royal des Anciens Officiers des Campagnes d’Afrique (Namur), in : LB 16/12/1998

 

Histoire: réactions au compte rendu du livre de l’Américain Adam Hochschild qui apporte un autre regard sur la colonisation du Congo

Le 13 octobre dernier paraissait dans (…) votre journal un article intitulé «Le Congo de Léopold revisité par un iconoclaste».

Soucieuse de défendre la mé­moire de ceux qui ont fait le Congo, notre Association ne peut accepter la qualification de «reîtres venus de toute l’Euro­pe» dans laquelle l’auteur de l’article englobe les 2.260 offi­ciers et sous-officiers belges qui ont servi en Afrique de 1877 à 1908. Ils constituaient la large majorité des cadres de l’Etat indépendant du Congo où ils exercèrent aussi bien des fonc­tions d’administration au sens large du terme que des activités d’encadrement des troupes au­tochtones. Celles-ci étaient peu nombreuses eu égard à l’im­mensité du pays: une centaine en 1888, 700 en 1891, 15.000 en 1900, après que fut institué un recrutement de miliciens. El­les durent faire face (…) aux esclavagistes de l’Est du Congo (ce fut la campagne arabe) et aux madhistes menaçant la fron­tière avec le Soudan (campagne madhiste).

Si des exactions, voire des cri­mes » furent commis, ce ne put être que le fait d’isolés, échappant au contrôle de leurs chefs

européens en raison de leur éloignement ou de leur indisci­pline. Faire porter la responsabi­lité de ces faits aux militaires belges qui encadraient la Force publique est une calomnie.

 

1998

Roger Beelen (Bierghes), A propos du Congo, Le Soir illustré, 25/11/1998

 

L’État libre du Congo a été attribué à notre grand roi Léopold II, lors de la Conférence de Berlin en 1885, les autres nations participantes ne parvenant pas à se mettre d’accord pour se partager le beau morceau; mais, de toutes manières, à la grande rage de l’ Angleterre et de la France entre autres, ce qu’ils ne nous ont encore jamais pardonné.

Le monde entier et l’écrivain en particulier oublient volontiers que:

. Des militaires belges sont morts là-bas en combattant l’ esclavagisme pratiqué par des tribus noires à la solde des marchands arabes.

. Que le roi Léopold II, pour finalement neutraliser un des plus puissants chefs esclavagistes Tipo Tip (vous connaissez?) en a fait un allié en le nommant « gouverneur ».

. Que des régions entières, grandes comme la Belgique, étaient quasiment vides d’habitants, éliminés par la maladie du sommeil (la mouche tsé-tsé a progressé depuis le départ

des Belges) et tant d’autres maladies. 

. Qu’une des premières mesures prises par l’administration coloniale fut de combattre l’anthropophagie.

. Que des centaines d’agents sanitaires et de missionnaires ont passé une grande partie de leur carrière en brousse pour y construire des dispensaires et soigner les innombrables malades.

. Que ce n’est pas nous qui avons inventé la chicote (fouet) mais que ce sont également les Arabes qui infligeaient ainsi une punition aux récalcitrants.

. Que ce sont encore les Arabes qui coupaient la main aux voleurs, coutume d’ailleurs toujours en vigueur dans certains pays.

 

2000

Jean-Marc Goffart (Bruxelles), 30 juin 1960, indépendance du Congo, in : LSI, 12/07/2000

 

Qui osera un jour comparer les bilans des quarante dernières années de la colonisation et des quarante années d’indépendance qui ont suivi ?  Le bilan de la colonisation ferait honneur à la Belgique. Les Congolais qui ont eu le courage de rester au pays le disent, mais la RTBF n’en fera jamais écho.

Que nous ayons libéré l’Afrique cetnrale des raids esclavagistes, le fait d’avoir réduit et maintenu sous contrôle les maladies endémiques dévastatrices et davoir réussi à faire cohabiter dans la paix des ethnies tojours prêtes à se faire la guerre, nous sera reproché jusqu’à la fin des temps (…).

Depuis quarante ans, la RTBF, média officiel des pliticiens belges de la métropole, hargneux envers les Belges sur place, matraque ses auditeurs par de véritables campagnes de désinformation. Rien de ce que les Belges ont réalisé avec enthousiasme, intelligence, courage et humanité n’est cité. Ceux qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes sont présetnés comme des monstres sangunaires, coupeurs de mains, sillonnant la Colonie l’injure à la bouche et le fouet au poing. Les informations de la RTBF représentent quatre décennies d’appels à la haine raciale anti-Belge, ce racisme étant, comme chacun le sait, favorablement admis en Belgique et même valorisant pour ceux qui le pratiquent. »

 

2001

Louis De Clerck (Braine-l’Alleud), Colonialisme et esclavage, LB 25/09/2001

 

Je me réfère à votre éditorial dans « La Libre Belgique » du 10 septembre (p.10) intitulé « Un succès. Durban ? » Vous écrivez qu’ « on aurait aimé se réjouir » de l’adoption, par la conférence de Durban, de la déclaration que « l’esclavage est un crime contre l’humanité et aurait toujours dû être reconnu comme tel. » Quelques lignes plus loin, vous écrivez :  « Aucune nation qui a un passé colonial n’est autorisée, en effet, à ne pas se sentir directement concernée; et chacune d’entre elles, dont la Belgique notamment, doit encore faire sien cet acte de Rédemption. »

Vous confirmez par ces propos de confusion, soigneusement entretenue par les journalistes de la presse radiophonique et télévisée, entre la condamnation du colonialisme et celui de l’esclavage. Les journalistes sont souvent ignares de l’histoire et plus souvent encore imbus de préjugés. Ce n’est certainement pas votre cas, et je suis désolé de constater que vous commettez la même erreur.

La Belgique peut se réjouir sans arrière-pensée de la condamnation de l’esclavage. Non seulement les Belges, et leurs ancêtres des Pays-Bas du Sud, n’ont pas participé à la traite des esclaves, mais l’Etat indépendant du Congo de Léopold II a largement contribué à mettre fin à ce trafic, qui s’est poursuivi en Afrique centrale et de l’Est européens bien après que les Etats cessèrent de le pratiquer. Les victoires des troupes de l’Etat indépendant du Congo, en 1892 et 1893, sur les trafiquants d’esclavages et arabisés qui régnaient en maîtres dans l’est du pays, ont débarrassé définitivement le Congo de ce fléau. Il faut lire les écrits du Dr Livingstone, le missionnaire-explorateur, pour se faire une idée des ravages épouvantables que le trafic des esclaves faisait à l’époque dans cette région de l’Afrique.

L’esclavage est un fait historique, la colonisation en est un autre. Et, en ce qui concerne la Belgique, il est injustifié de confondre colonisation et esclavage. La colonisation du Congo a été accompagnée de graves abus à l’époque de l’Etat indépendant du Congo, et la colonisation belge, depuis 1908, n’en a pas été exempte, mais elle a eu le mérite de mettre fin à la traite des esclaves au Congo. Si l’on veut être objectif, cela doit être relevé dans le  débat en cours sur l’esclavage et la colonisation.

 

2002

L. Bauchau (Bruxelles), Afrique / Propos calomnieux sur l’époque coloniale, in : LB 14/10/2002

 

« LA LIBRE BELGIQUE » DU 23 SEPTEMBRE 2002 publie en page 21 un article sur l’art des Bakongo.

On écrit sur l’art africain : « le colonialisme et l’action mis­sionnaire l’ayant trop souvent anéanti ».

Ce sont là encore une fois pro­pos calomnieux sur l’époque coloniale.

J’ai vécu 15 ans au Kasaï occi­dental. Dans cette région il y avait à l’initiative de l’adminis­tration deux musées locaux d’art africain, l’un à Mushenge, l’autre à Tshikapa. Dans la région de Mushenge, un père missionnaire de l’or­dre des Joséphites s’occupait de promouvoir l’art des Kuba. Dans la région de Tshikapa, un artiste peintre belge, engagé par l’administration, s’occupait de promouvoir l’art des Pende et des Tsjokwe. Bien d’autres actions exis­taient en d’autres lieux du Congo.

 

2004

Jean-Marc Veszely, Le dossier noir de Léopold II, LSM 07/04/04

 

Suivant Lucas Catherine, qui a servi de guide à Bruxelles à l’équipe de la BBC ayant tourné le documentaire du cinéaste anglais Peter Bate, « on ne peut pas comparer Léopold II à Hitler. Léopold II est un produit de son époque. Il faut donc le comparer aux autres colonisateurs de son temps. Les autres monarques étaient coupables de la même façon que lui. Les Hollandais ont anéanti des populations entières de certaines îles d’Indonésie pour contrôler le trafic du clou de girofle. Les Français et les Anglais étaient de grands trafiquants d’esclaves. Soixante millions de Noirs de l’est de l’Afrique furent déportés comme esclaves..

 

2004

Léopold II : la controverse, LB 08/04/2004

 

Diffusion sur « la deux » de la version française du film à thèse de Peter Bate, « White King, Red Rubber, Black Death ».

Une vision ‘génocidaire’ du Congo sous Lépolod II, qui suscite de vives polémiques.

 

2004

Mario Spandre (avocat) , Carte blanche d’un enfant né au Congo, L’élaboration d’un mensonge, LSM 07/04/2004

 

Nous donnons, dans le cadre de ce dossier, la parole à Mario Spandre, avocat au barreau de

Bruxelles, qui a vécu près de quarante ans au Congo.

 

Le film sur Léopold II produit par la BBC que nos deux chaînes nationales diffusent ces jours-ci a été – élaboré à partir d’un livre intitulé : « Les fantômes du roi Léopold – Un holocauste oublié  » écrit par le journalite américain Adam Hochschild. Il a l’air très

savant, bourré de notes qui peuvent laisser croire qu’ il serre au plus près la vérité historique. Or la thèse qui le sous-tend, que « jusqu’ à l’ apparition de Hitler, Léopold II était un des hommes les plus cruels d’Europe  » et que par ce qui peut être considéré comme « un des plus importants massacres de notre époque  » dix millions d’hommes ont péri, est fausse. D’autres expliqueront pourquoi. Mais ce qui est tout aussi intéresssant est de rechercher comment et pourquoi un tel mensonge a pu être élaboré. Cela permet de mesurer le peu de crédit qu’il y a lieu d’accorder à celivre.

L’auteur confesse que l’idée et la base de son livre proviennent de sa rencontre avec l’oeuvre d’Edmund Dene Morel qui selon lui est le promoteur du « premier grand mouvement international pour les Droits de l’Homme » .

Ce serait une merveilleuse histoire si elle était vraie. Il se trouve qu’ elle est fausse et que Morel a été, au contraire, l’ auteur dela première et de la plus efficace campagne de « lobbying  » qu’a connu le XXe siècle.

Avant que Léopold II n’ ait obtenu, par la Conférence de Berlin, la souveraineté sur le Congo, Morel travaillait pour des sociétés de Liverpool qui « commerçaient  » en Afrique. Ce commerce consistait à « importer » du continent des esclaves triés à Liverpool et « dispatchés  » vers l’ Amérique et à « exporter  » vers les recruteurs d’ esclaves les armes, les munitions,

et l’alcool dont ils avaient besoin.

C’est cete activité qui a enrichi la ville, ses commerçants et Monsieur Morel. À la fin du siècle, cinq sixièmes du commerce avec l’Afrique (et donc du commerce des esclaves) étaient concentrés à Liverpool,.. En 1807le nombre de bateaux de Liverpool engagés dans

le trafic d’esclaves était de l85, transportant 49 213 esclaves par an (Encyclopaedia Britannica – édition l966). On sait que durant le XIXe le commerce des esclaves se développa jusqu’ au moment où Léopold II, par les campagnes anti-esclavagistes qu’il a financées, est parvenu

à mettre fin à cette activité…

Lorsque la Conférence de Berlin attribua le Congo à Léopold II et que celui-ci déclara qu’il allait mettre fin à l’ esclavage et au monopole des « African Companies » enrichies par l’esclavage, les commerçants de Liverpool prirent peur et engagèrent et financèrent E. D.

Morel. Avec un génie pervers, il monta et organisa des campagnes de presse et de lobbying qui, comme le démontre le livre de Hochschild, étendent leurs effets jusqu’à nos jours.

Morel commença à écrire au sujet du Congo dans « West Africa», un hebdomadaire  appartenant à John Holt, un négociant de Liverpool qui avait des intérêts en Afrique et un

véritable monopole sur le commer ce du Congo. Morel fonda par la suite son propre organe, le «West African Mail», en association avec Holt et d’ autres bailleurs de fonds de Liverpool. Cette activité lui permit de vivre très confortablement, de voyager et de se «médiatise» en

Europe et en Amérique.

C’est ainsi que fut accréditée l’accusation «d’holocauste». Hochschild, avec perfidie, justifie ce terme et écarte celui de génocide parce que, dit-il, « les hommes de Léopold II cherchaient simplement de la main- d’oeuvre, comme l’avaient fait pendant des siècles les marchands d’esclaves qui écumaient l’ Afrique. Et si la recherche et l’utilisation de cette main-d’ oeuvre faisaient des milliers de victimes, c’était une considération accessoire ». Ainsi, insinue-t-il,

l’oeuvre de Léopold II pourrait être le prolongement de l’ esclavage, alors que c’est lui quiy a mis fin. 

Perfidie est un terme insuffisant. Mauvaise foi est plus approprié. En effet, la bibliographie d’ Hochschild cite au moins 300 ouvrages, plus des journaux et des périodiques et des sources inédites et des archives, mais omet – et ce ne peut être que volontaire – un ouvrage de 634 pages publié à Londres et à New York en 1905 qui démonte les accusations de Morel et relate un intéressant procès qui s’est déroulé en 1904 devant la « King’s Bench Division of the High Court of Justice » à Londres. Dans les campagnes de propagande organisées en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, il avait été publié un livre d’un certain Guy Burrows qui avait commis l’ imprudence d’ accuser le Capitaine Henri de Keyser d’un certain nombre de crimes. Il apparut que ces accusations étaient fausses et le tribunal condamna Monsieur Burrows à payer cinq cent livres sterling, ce qui était enorme à l’ époque.

Il est plus que probable que ce livre avait été commandité. Il apparaît donc que le travail mercenaire de Monsieur Morel n’ est pas « le premier grand mouvement international pour les Droits de l’Homme » mais bien, en utilisant les moyens modernes que permet 1’internationalisation des médias (on ne parlait pas encore de mondialisation), la première campagne du XXe siècle de propagande en vue de tromper l’ opinion publique. Depuis lors nous avons appris que « l’opinion publique dans le marché libre des démocraties était fabriquée tout comme d’ autres produits de masse – savonnettes, interrupteurs, ou pain

coupé. Nous savons que tandis que légalement et constitutionnellement, la parole est libre, l’espace dans lequel cette liberté peut atre exercée nous a été arraché et a été adjugé au plus haut renchérisseur… Et, naturellement, ceux qui peuvent se la payer, utilisent cette liberté de parole pour manufacturer ce type de produits, confectionner cette sorte d’ opinion publique qui convient à leur intérêt». (Arundhati Roy; The loneliness of Noam Chomsky in «The Ordinary Person’s Guide to Empire»). Il est évident que 1’on ne peut accorder aucun crédit à un livre fondé sur une campagne de lobbying inspirée et financée par les marchands d’esclaves de Liverpool à qui Léopold II, a retiré le quasi-monopole du commerce qu’ils avaient sur le bassin du Congo.

 

2004

Michel Konen, Léopold II et son Congo, LB 08/04/2004

 

Est-ce un hasard ? la diffusion, par la RTBF, du documpentaire consacré au Congo de Léopolod II tombe quasiment le jour où, au Rwanda, ont lieu les commémorations du dixième anniversaire du génocide ! (…)

Des crimes furent commis au Congo, mais en 1899, le Roi écrivait : « Ces horreurs doivent cesser ou je me retirerai du Congo. Je me refuse à me laisser éclabousser de sang et de boue. »

« Le patriote » combattait la politique coloniale du Roi, et dès 1906, F. Cattier, professeur à l’ULB, dressait un réquisitoire impitoyable sur la politique congolaise du souverain. d’autres, ensuite, dénoncèrent ces hures noires.

On n’en parle nullement dans le documentaire.

Nous sommes en présence d’une instruction menée à charge uniquement.

 

2004

 

P.V., Empires belges, français, anglais… : tous pareils ?, LB 08/04/2004

 

Non, répond Joël Kotek (ULB), coauteur  du « Siècle des camps ».

Le travail forcé au Congo qui est, comme dans les colonies britanniques, du racisme d’exploitation, est différent de l’élimination des héréro en Namibie par les Allemands.

De même, les camps ouverts par les Britanniques en Afrique du Sud dans le cadre de la répression des Boers – qui avaient pour but non d’exterminer mais d’interner les civils à titre préventif – ont inspiré Herman Göring, qui les a connus par son père, ancien gouverneur de Namibie.

« Quand les nazis ont ouvert leurs tout premiers camps, ils ont même affirmé qu’on y mourait moins que dans les camps africains des Anglais. »

 

2004

Paul Vaute, Une instruction à charge, LB 08/04/2004

 

Le professeur Jean-Luc Vellut (UCL), spécialiste de la colonisation belge, décortique le film de la BBC.

Il y épingle nombre d’approximations et d’outrances sensationnalistes.

Ainsi, on traite comme un génocide ce qui fut un ensemble de brutalités.

Pendant la période dite « du caoutchouc » qui a duré une dizaine d’années dans une région où il y avait une centaine d’Européens.

Ensuite, le film fait la part belle aux dénonciations venues d’Angleterre , sans un mot sur ceux qui ont dénoncé les brutalités chez nous à l’époque. Le sensationnalisme est poussé jusqu’à présenter l’attitude de la Belgique comme négationniste.

On ne doit pas perdre de vue que les violences dont il est question au temps des ‘mains coupées’ ont concerné quelques milliers de personnes

 

Les gens des compagnies de caoutchouc se sont accommodés facilement de ces brutalités. Ils les ont utilisées pour leur propre profit. Les exploitants des mines de diamant font la même chose aujourd’hui. Ce qui se passe actuellement en Afrique est bien pire qu’à l’époque coloniale. 

 

Du côté des experts apparaît surtout comme un guide constant du début à la fin Elikia M’Bokolon, directeut d’études à l’Ecole des hautes études en science sociales à Paris . Auteurs d’ouvrages en Afrique noire en général et le rôle de la France, il n’est pas inscrit au régime des experts de la colonisation belge.

Les spécialistes qui font le plus autorité sur notre passé africain, tels que Ginette Kurgan (ULB) ou Jean-Luc Vellut (UCL) n’ont pas été rencontrés par l’équipe anglaise.

 

2004

Victimes de l’esclavagisme musulman, LB 08/04/2004

 

Le film de Peter Bate ne s’étend pas sur le passé précolonial du Congo. On estime qu’avant la campagne anti-esclavagiste, les trafiquants de « bétail humain » – Arabes, arabisés, sang-mêlés et sultans –  exportaient environ 70 000 Congolais par an. Et de nombreux massacres accompagnaient les razzias dans les tribus.

 

2005

Jean-Marc Goffart (Bruxelles), Le Congo à Tervuren, in : Le Vif 14/10/2005

 

L’exposition sur le Congo colonial à Tervuren aura été extrêmement décevante. La volonté de masquer les nombreuses réalisations belges était évidente.

La médecine? Quelques mètres carrés de panneaux lamentables, une boîte de secours datant des années 1920 et puis plus rien. J’ai un souvenir d’enfance, celui de l’hôpital général pour Africains d’Elisabethville. Des hôpitaux comme celui-là, il y en avait dans toutes les villes. Ne parlons pas des milliers de petits dispensaires et maternités dans « l’intérieur ». Le volet « santé » de cette exposition est un camouflet pour ceux qui ont créé, avant 1960 au Congo, les services médicaux les plus perfor­mants d’Afrique.

Les barrages et la production d’électri­cité ? A peine cités ! Pourtant, même à Butembo, le colonisateur avait installé un groupe électrogène. Il y avait de l’électricité dans toutes le villes. Les universités? Le guide de l’exposi­tion reconnaissait que le colonisateur avait construit Lovanium. Il oubliait le campus d’Elisabethville et l’université en construction à Kisangani. Il oubliait également les instituts d’enseignement supérieur, qui sont devenus des insti­tuts supérieurs pédagogiques après l’indépendance. Ce guide insistait sur le fait qu’on n’avait pas diplômé d’uni­versitaires congolais, c’est faux. Il eût été mieux inspiré de reconnaître que ce fut un véritable exploit que d’avoir créé trois universités en un temps si court. Les missions? Leur enseignement pri­maire, secondaire, professionnel et de promotion sociale, leurs actions huma­nitaires au sein des populations… Je n’ai rien trouvé sur le dévouement des missionnaires. Cette exposition aura fait une présentation exclusive d’élé­ments anciens (de la période de pion­niers) et de l’indépendance. Il eût fallu montrer le Congo de 1958. Les visiteurs belges en seraient sortis fiers de ce que les petits Belges ont été capables de faire en Afrique en quelques courtes décennies.

 

2005

William Bourton, Belgique: l’histoire continue, LS 14/11/2005

 

Mark Van den Wijngaert (KUL) : Concernant Léopold II, quand l’Américaiin Adam Hochschild écrit un livre sur « l’holocausdte oublié » du Congo, et parle de dix millions de victimes noires, il s’agit d’une exagération énorme. Un certain nombre d’historiens ont été en mesure de le démontrer et de dénoncer la manœuvre.

 

2007

Van: roland marico [mailto:roland.marico@telenet.be] Verzonden: zondag 1 april 2007

 

17:01 Onderwerp: DE ACHT VAN STANLEYSTAD Een mensonterende gijzeling DE ACHT VAN STANLEYSTAD Dit boeiende boek is zeker een aanrader !!! Wij zijn zes maanden gefolterd en mishandeld geweest door de rebellen in Congo.Waar ik nu nog steeds de gevolgen van draag.Het boek is niet geschikt voor gevoelige lezers. Ter info:Mijn naam is Roland Marico  geboren te Vlamertinge (Ieper) en  woont nu  te Leopoldsburg 3970  in de Guillaumelaan 5

E mail : roland.marico@telenet.be

 

Als jongen van 19 jaar ben ik als militair verplicht geweest twee maal naar Congo te gaan 1960 en1961, daar ben ik zes maanden gevangen genomen geweest door de rebellen. Wij zijn gefolterd en mishandeld, wat kunnen toch sommige mensen gruwelijk zijn.

Mijn goede vriend Frans Alaeys uit Vlamerting heeft zijn leven gelaten in Congo. Ze hebben hem nooit meer terug gevonden. De vliegbacis van Koksijde is naar hem genoemd.   Momenteel komt het boek  DE ACHT VAN STANLEYSTAD uit. Het heeft ongeveer 4 jaar in beslag genomen om al de nodige gegevens te verzamelen en te verwerken. Het is een waar gebeurd verhaal dat handelt over 8 Belgische soldaten, waarvan ik er  een was. Zes maanden krijgsgevangen, in een hel van  een Congolese gevangenis waar mishandelingen en folteringen dagelijks gebeurden. . Een verhaal waar men dagelijks in doodsangst en in dramatische onzekerheid moest leven. In  de kranten werden hardnekkige geruchten verspreid met de melding over onze terechtstelling  Het was op dat ogenblik dat Lumumba vermoord werd.Wij waren geen paras, maar gewone soldaten .Senator Wouter Beke (CD&V) mijn dorpsgenoot uit Leopoldsburg Telf; 011-391974 heeft onlangs  naar Congo geweest, en de plaats bezocht waar ik gevangen  gezeten heb. Indien U het rijk gellustreerde boek(160 bladzijden) in uw bezit wilt krijgen kan dat voor de spotprijs van   12,70..  onderstaand adres of bestellen via E-mail of via de telefoon.   Mijn adresgegevens: Marico Roland Guillaumelaan 5 B3970 Leopoldsburg (0475/66 42 81  of 011/747782) E-mail: roland.marico@telenet.be   Indien U mijn boek wenst kan je telefoneren, mailen,opsturen, of er zelf om komen, er word een overschrijving bij het boek gevoegd  Tel     : 011-747782  Betaling kan geschieden na ontvangst van het boek d.m.v. bijgevoegde overschrijving

Drie van ons zijn gestorven.

 

2008

H. Falesse (Champion), Parler le swahili était un honneur, LS 18/01/2008

 

On peut être professeur philo­sophe à l’UCL et Harvard et malheureusement transmettre un avis erroné.

Nous ne mettons pas en cause l’avis général de la Carte blanche de Philippe Van Parijs, dans Le Soir du 12 et 13 janvier, sauf son point de vue sur la façon dont « le co­lon» s’est distingué pendant sa présence dans l’ex-Congo Belge.

Oui, d’accord pour les Anglais et les Français, non pour les Belges. Car aussi bien les colons que les membres de l’Administration coloniale avaient, à la base, l’obliga­tion d’apprendre, soit le swahili, soit le lingala pour se mettre au travail,.et pas l’inverse.

Cela n’était pas en dessous de notre dignité d’adopter la langue locale, au contraire, nous en étions fiers! Cela nous permettait de nous rendre aussi en Ouganda ou au Kenya ! Y parler le swahili était un honneur très apprécié par les autochtones.

 

L'histoire de la Force publique racontée par le général Janssens

(LB, 28/03/1980)

Katanga / Les "Affreux" et leur légende (Christian Souris)

(in: Pourquoi Pas?, 24/08/1983)

Congo / Nos paras sautaient sur Stanleyville et Paulis (Isy Laloux)

(VA, 18/11/1989)

Le médecin-colonel Jacobs, chef de l’équipe médicale à Stan(leyville) et Paulis

Léopold II, Congo, Namur (Etienne Delmotte (Profondeville)), Grâce pour Léopold II (Jean Gérard (Beez))

(VA, 25/06/2511)

Jimmy Sierens, ex-paracommando: "Gruwelijke dingen gezien in Afrika" (in nieuwe Canvas-reeks "Den Troep")

(in: HLN, 25/10/2013)

Léopold II, un grand roi (Luc Matthys)

(in: Le Vif, 25/01/2013)

L'essor de la Belgique sous Léopold II et entêtement d'un parti fasciste, Ecolo, à le nier

(Ubu, 07/02/2013)

Gérard Dasnois: Accueillir l'Afrique? (à propos des infrastructures magnifiques laissées par la Belgique au Congo et de la déglingue totale dans ce pays à l'heure actuelle)

(VA, 04/11/2014)

Congo / Les Arabes, esclavagistes, y pratiquaient la politique des mains coupées, les Africains eux-mêmes punissaient leurs victimes en leur coupant la/ les mains et/ou une oreille (ou deux).

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.41-42)

Mise au point concernant les mains coupées : dans des zones où régnait la Charia ! / La population du Congo lors des 60 ans de colonisation a ... triplé !

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.44)

Congo / A propos de l'acte colonial

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.45)

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.134)

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.136)

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.163)

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.164)

Pierre-Luc Plasman (UCL): Léopold II, potentat mais pas génocidaire

(VA, 24/03/2018)

Mia Vossen: mise au point concernant le Congo belge

(DH, 05/01/2019)

La vérité sur le Congo belge

(in: UBU, 11/05/2016)

Congo belge / Philippe Lebacq (Namur) - Namur et notre passé colonial: mise au point

(VA, 30/03/2019)

(La Belgique contre les trafiquants d’esclaves, arabo-musulmans, au Congo) (coll. J. Huens)

Léopold II, réhabilité par un professeur d'histoire congolais, Jean-Pierre Nzeza

(Echo, 13/02/2019)

Congo belge : mise au point (M.V. (Rochefort))

(in: Pan, 15/02/2019)

Repentance pour nos colonies (Viviane Marlier)

(VA, 20/02/2019)

1900 - scheutist Constant De Deken: Twee jaar in Congoland

(in: Walter Pauli, De Congoliteratuur in Vlaanderen, Knack, 13/11/2019, p.115)

Historicus Zana Mathieu Etambala over Leopold II

(in: De Morgen, 04/03/2020)

2.   L’économie au Congo belge

L'économie au Congo belge: mise au point

(Pan, 17/01/2020)

L'économie au Congo belge: mise au point

(Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.141)

L'économie au Congo belge: mise au point - 52 années de travail et de progrès (Union Royale belge pour les Pays d'Outre-Mer)

(p.40) 

L'économie au Congo belge: mise au point - Steamer Thysville à Boma

L'économie au Congo belge: mise au point - pont de lianes

 (Congo belge, s.d., p.549)

L'économie au Congo belge: mise au point – pont sur le Sankuru

(Congo belge, s.d., p.549)

L'économie au Congo belge: mise au point – Matadi

(Congo belge, s.d., p.552)

L'économie au Congo belge: mise au point – chemin de fer

(Congo belge, s.d., p.552)

L'économie au Congo belge: mise au point – route

(Congo belge, s.d., p.552)

L'économie au Congo belge: mise au point – usine de Panda (Katanga)

(Congo belge, s.d., p.553)

L'économie au Congo belge: mise au point – le fleuve Congo

(Congo belge, s.d., p.553)

L'économie au Congo belge: mise au point – arbres à caoutchouc

(Congo belge, s.d., p.555)

L'économie au Congo belge: mise au point – l'Anversville 1924 (bateau)

L'économie au Congo belge: mise au point – le bateau Elisabethville

(1925 & intérieur: 1924)

3.   Le volet social au Congo belge

Le cannibalisme au Congo avant l'arrivée des colons belges: atrocités

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Copngoi belge, 2016, p.26-27)

Les soins de santé au Congo belge: un prestigieux bilan (Jo Gérard)

(in: LB, 02/12/1980)

La médecine tropicale au Congo belge

(Jo Gérard, in: LB, 11/07/1988)

le tam-tam pour régler la circulation au Congo belge

(in: Georges Antippas, Pionniers méconnus du Congo belge, 2016, p.142)

Hôpital belge de campagne au Congo

(coll. Musée africain, Namur)

4.   La richesse culturelle du Congo (belge et indépendant)

carte ethnique du Congo

(Musée africain, Namur)

la musique au Congo (belge et indépendant)

(in: Le Congo belge, p.566, 267: flûte)

riche collection culturelle du Musée africain de Namur

Musée africain (Namur): à visiter

Musée du Génie (Jambes, désormais à Amay) - section consacrée au Congo

Kongo, een dramareeks

Terres brûlées / Le Congo tel qu'il est (affiche)

3 films belges sur le Congo (belge): Le Soldat Inconnu, Terres Brûlées, En avant la musique

(in: VA, 29/07/1997)

"Revivez la grande histoire du Congo belge": Congo belge (Gérard De Boe, André Cauvin, Ernest Genval (2 DVD)

5.   Présentation des menteurs anti-belges concernant le Congo belge

Le cinéaste anglais Peter Bate, réalisateur du film "Le Roi blanc, le caoutchou rouge, la mort noire" est un sale menteur. Critique par le professeur Jean-Luc Vellut (UCL)

(LB, 08/04/2004)

La statue de Léopold II à Salzinnes: un lecteur de l'Avenir, Willy Colette (Saint-Marc), déraille.

(VA, 18/06/2011)

Le Vif (contrôlé de la France) déraille à propos de Léopold II

(Le Vif, 11/01/2013)

Emile Vandervelde baisait avec les Anglais contre le Congo belge.

(in: UBU, 07/02/2013)

Un journaliste (sic) de Vers l'Avenir déraille concernant le Congo belge. Mise au point par Gérard Dasnois (Bertrix).

(VA, 04/11/2014)

Mensonges de Marc Wiltz dans son navet "Il pleut des mains sur le Congo".

Marc Wiltz, Il pleut des mains sur le Congo, éd. Magellan & Cie, 2015
magellan-infos@sfr.fr

(p.11-12) On parle aujourd’hui de dix millions de morts et disparus entre 1885 et 1908, soit le tiers de la population concernée. Sans compter les mutilés, impossibles à dénombrer. Dix millions, victimes de la cupidité d’un seul. A-t-on déjà vu cela dans notre époque « moderne » où pourtant les exemples ne manquent pas ? On connaît Hitler et Mussolini. On a aimé un temps en Occident la nouvelle impulsion initiée par Mao, en pleine concurrence meurtrière avec les déplacements de populations ordonnés par Staline, autrement appelé le « petit père des peuples ». On redécouvre le génocide arménien, que les Turcs contestent encore avec vigueur. On a subi plus récemment les Khmers rouges de Pol Pot au Cambodge (trois millions de morts et disparus) et l’épouvante du Rwanda avec les massacres au coupe-coupe entre les Hutus et les Tutsis. Et d’autres carnages ailleurs. On dispose de tous les chiffres de ces foisonnements du sang des innocents, de ces geysers rouges en forme de feux d’artifice. On a même reconnu, et presque admis, que le grand Empire américain s’est forgé dans le sang des Indiens, jusqu’à les exclure définitivement de leur territoire légitime en un siècle à peu près – un record sur une géographie aussi vaste-, exterminant au passage treize millions d’individus libres et égaux en droit. Dans ces grands chambardements criminels, il y avait les aiguillons de la politique, de la volonté de puissance, avec la ferveur d’une « religion » du dépassement de soi. On a subi cette époque cruelle, violente, incroyablement violente. C’est notre époque, avec laquelle on compose, qu’on essaye de comprendre, souvent de justifier. Quelques-uns tentent de passer outre pour lui redonner des couleurs d’humanité. C’est tout à leur honneur car la tâche est (p.13) bien lourde. Ces leaders couverts de sang ont tous voulu mener les hommes. Mais vouloir prendre en charge la destinée d’autrui, si l’on n’est pas animé d’une vraie générosité et d’une abnégation intrinsèque, est une folie.

(p.13) Dans le cas du Congo, on parle de dix millions de morts, mais personne ne s’en soucie vraiment. Il n’y a pas eu de commissions d’enquête dignes de ce nom ou de repentir. Il n’y a presque pas de conscience de cette tragédie. Il n’y est jamais fait allusion pour servir d’exemple ou de référence dans les débats nombreux où la barbarie est évoquée. La chose a glissé et rien ne reste. Dix millions. Le chiffre est considérable et se situe en bonne place dans le palmarès de cette modernité sanguinaire. Il est le fait d’un seul, sans une goutte de sang sur ses mains restées propres, laissant agir cette invraisemblable cupidité, transmise, démultipliée et lui rendant compte. Dix millions de (p.14) morts pour le caoutchouc du Congo, en vingt ans, pour amasser une énorme fortune personnelle. Sans compter les mains coupées et les très seyants colliers d’oreilles. Dix millions de morts sur la conscience de Léopold II, roi des Belges.
(p.14) En fait, on ne connaît pas précisément le nombre de ces morts et on ne le connaîtra jamais. On a juste une idée approximative de l’ampleur du phénomène. Les plus « conservateurs » sur ce point, les « minimalistes » qui défendent la couronne par principe ou par éducation, parlent de quelques centaines de milliers, ce qui est déjà considérable. D’autres ont poussé l’extrême jusqu’à trente millions, en se basant sur les estimations de populations réalisées par Stanley, l’explorateur prestigieux qui avait compté ces indigènes. Ils étaient venus le voir et l’admirer pendant sa descente du fleuve Congo entre 1874 et 1877. Il a extrapolé, pensant avec sincérité que le pays comptait alors au moins quarante millions d’habitants, mais sans vraiment tenir compte du fait que les forêts profondes sont nécessairement moins peuplées. Ses premiers détracteurs se sont emparés de ses propres chiffres pour mieux le discréditer. D’autres chiffres, plus réalistes, parlent d’une population de vingt-sept millions d’habitants. Mais il n’y a pas eu de recensement. Le rapport Casement de 1904 évoque des centaines de milliers de morts. Un autre expert de la même époque en mentionne cinq millions. L’historien américain contemporain Adam Hochschild en comptabilise dix, et (p.15) c’est peut-être ce chiffre inouï le plus vraisemblable. Les encyclopédies modernes, avec leurs innombrables sujets traités par des spécialistes, situent le chiffre astronomique de la perte de population entre huit et trente millions de personnes, histoire de ratisser large et de couvrir la marge d’erreur. Alors dix millions, pourquoi pas ? Les derniers chiffres avancés sont inférieurs. Admettons. Divisons même par deux ou par dix ces données aléatoires : le résultat reste démesuré, la cruauté des méthodes employées par l’administration de l’« État indépendant du Congo » est indigne.
(p.16) Le jeune Lumumba a été l’un des rares (p.17) Congolais à bénéficier des prémisses de l’éducation « pour tous » voulue par le roi Baudouin, l’un des j successeurs de Léopold ; il a cru au début à « l’œuvre géniale » du roi des Belges, au point d’écrire ces mots lui-même, tels qu’on les lui avait appris, avant que sa curiosité le pousse dans les pages de l’Histoire, puis de la politique. De libéral pro-belge, il est devenu 7 nettement et définitivement indépendantiste. Comme d’autres, il paiera de sa vie son impatience légitime, assassiné en janvier 1961 par les services secrets belges, avec l’aide de la CIA, quand le chaos s’installait dans le pays. Il avait trente-cinq ans. Le texte intégral 4 de son discours, qui a tellement choqué les autorités bientôt ex-coloniales présentes dans l’auditoire, est pourtant mesuré, voire doux. Il demande sans violence l’exercice du pouvoir par les Congolais eux-mêmes. Rien d’autre.
Quel que soit le chiffre réel que l’histoire finira par figer dans ses livres, il s’agit bien là d’un génocide, d’un démocide, d’un ethnocide, d’un multi-ethnocide exercé à l’encontre de quatre cents peuples différents, rassemblés sur le cours du fleuve Congo. C’est la destruction à grande échelle de populations innocentes, en dehors de toute guerre, et c’est le premier « génocide » européen avéré.

 

(p.18) Mes seules passions, devenues ma raison de vivre depuis vingt ans, sont le goût des voyages et le goût des livres. Je suis toujours admiratif de ces quelques individus capables de mettre un pied devant l’autre pour aller au bout du monde, à la rencontre de leurs rêves. Henry Morton Stanley, l’un des plus incontestables « découvreurs » de l’Afrique, a éveillé ma curiosité. J’en ai publié une biographie signée Adolphe Burdo, initialement parue en 1888. J’ai republié aussi son récit original (1872) de la recherche du docteur Livingstone, perdu en pleine brousse, et raison première de sa présence sur le continent noir. (…)
(p.34) (…) la grande tache morale du commerce des esclaves par ces affreux Arabes s’efface de la régi L’affaire est réglée par la froce, entre 1892 et 1893.on.

(p.68) Cinquièmement, le traitement des prisonniers est cruel. Les condamnés, quelles que soient les infractions commises, sont attachés ensemble par le cou à la chaîne des forçats, ce qui provoque de larges plaies difficiles à soigner dans cette chaleur et cette humidité, et dont les mouches se repaissent. Nulle part, dans un autre gouvernement, qu’il soit barbare ou civilisé, on n’inflige pareil châtiment. Il y a aussi quelques prisons dans l’eau, laissant juste la tête dépasser, dont la justification est contestable. Surtout, à la moindre occasion, les condamnés sont frappés à l’aide d’une chicotte, un morceau de peau d’hippopotame séchée qui fait couler le sang et tue en quelques coups. Tous les témoignages ultérieurs à celui de George Washington feront une large place à ce qui est presque devenu le symbole de l’administration de Léopold. C’est un certain capitaine Chicot, doué de sens pratique, qui l’aurait inventé. Grâce à cet instrument vite passé entre les mains de tous les détenteurs de l’autorité, il a obtenu séance tenante la satisfaction de toutes ses exigences.
(p.115) De la part de Morel, les flèches les plus acérées ont / toujours été dirigées vers Léopold, l’unique responsable de ce désastre humain, qui a préféré adopter une voie « qui l’a conduit de l’illégalité à la violence et de la violence à la barbarie ».
La Congo Reform Association s’organise. Un comité directeur énergique se met en place. Morel et ) Casement se dépensent sans compter.

 

(p.136) Composée d’une quinzaine d’hommes, avec un médecin et un naturaliste, là où Stanley se déplace avec une véritable caravane, l’équipée de Brazza va durer trois ans, entre 1875 et 1878. Il voyage et découvre, plutôt qu’il ne conquiert ; il noue des relations avec les chefs locaux, plutôt qu’il ne les soumet. Il y retourne entre 1879 et 1882, financé cette fois par la Société de Géographie et des subsides ministériels. Il parvient sur le fleuve Congo en 1880, signe un véritable traité de protection avec le roi des Tékés et installe là un établissement qui deviendra Brazzaville, à la stupéfaction de Stanley. (…)
(p.137) Au fil des accords noués avec les tribus, c’est toute 1 la rive nord qui passe ainsi dans le giron français sous la forme d’un protectorat. La légende se construit. Les Français sont ravis de faire ainsi la nique à ce Stanley américain, mais gallois, donc britannique, mais belge, on ne sait plus… Tout s’est passé en douceur, sans y consacrer des fortunes, sans morts violentes susceptibles de heurter l’opinion publique. (…)

Sauf que ce célèbre garçon rechigne quand des années plus tard il entrevoit les nouveaux développements de « mise en valeur » de cette colonie, décidés par les ministères successifs de la République française. L’affaire de Léopold est maintenant connue, avec tous ses débordements. Si les débuts congolais de la France ont touché à l’idéal, l’accent est porté désormais sur la conquête militaire : soumettre les populations sans trop se soucier de leurs droits et installer un capitalisme de concessions cédées à des sociétés privées, comme sur la rive d’en face. Il s’y oppose avec vigueur, ce qui a pour conséquence sa mise à la retraite d’office en 1898.
(p.138) Le 14 juillet 1903, un énorme scandale éclate. Un administrateur des colonies (Georges Toqué) et un responsable des affaires indigènes (Fernand Gaud) décident de faire un exemple pour montrer à ces pauvres nègres de quel bois se chauffe l’autorité quand elle le juge nécessaire. En ce jour de fête nationale, un malheureux chef, un peu rebelle, un peu guide, un peu interlocuteur à tout faire du Blanc, explose avec de la dynamite attachée autour de son cou, dit-on avec pudeur. En réalité, puisque les festivités du 14 juillet incitent à des exagérations, les deux zigotos lui ont fourré ce gros bâton dans le cul, avant d’allumer la mèche. C’est effectivement assez marrant ! Le procès est retentissant, la valeur civilisatrice de la colonisation en prend un sacré coup, mais comme tous les procès, il passe. Par un drôle de scrupule à retardement, les autorités proposent à Brazza de sortir alors de sa retraite et d’aller inspecter les conditions de vie dans les colonies. Il y a quelques inquiétudes « nationales » qui motivent ce revirement. Brazza, bon prince, s’y rend évidemment, trop content de revoir ces gens et ce pays qu’il aime. Mais son écœurement est manifeste. Il ne reconnaît rien. Il n’y a plus que des rapports de domination qu’il juge abjects et complètement C déplacés, lui l’aristo qui croit en l’homme. Félicien Challaye en parle ainsi : « De ces sinistres (p.139) découvertes, M. de Brazza souffrit au plus intime de son cœur. Ce chagrin héroïque, cette tristesse sublime usèrent ses forces, hâtèrent sa fin. »
On le dit fatigué, malade, mourant… Quelques-uns, dont sa femme, affirment qu’il a été empoisonné. C’est possible, mais rien n’est prouvé. On le dit aussi trop faible pour avoir rédigé le rapport que ses commanditaires attendaient de lui. Là, rien n’est prouvé non plus, mais c’est impossible. Ce rapport a existé, plusieurs témoins l’ont vu l’écrire. Il a été transmis justement parce qu’il était atteint de faiblesse. Le document a disparu sur quelque étagère obscure d’un ministère, et jamais retrouvé… Les mystères de la diplomatie et de la paix sociale s’accommodent parfois de ceux de l’intendance. Pas vu ! Pas compris ! Désolé pour le dérangement. Il reste de cet homme du ~ monde, au sens propre comme au sens figuré, une ombre splendide, un peu évanescente, qui surplombe les intérêts plus terre-à-terre de ses concitoyens.

(p.140). Depuis que le Congo français est passé en 1899 aux mains des sociétés concessionnaires (quarante dûment enregistrées), les deux rives se sont mises à se ressembler furieusement. Exactement ce que Brazza ne voulait pas. Léopold a réussi le tour de force de dépecer son territoire grand comme l’Europe occidentale avec une brutalité de sauvage ; sur le sien, la France républicaine s’y met à son tour, par capillarité.
(p.141) Monseigneur Augouard, prêtre qui construira la cathédrale de Brazzaville, résume la situation : « Plus de deux mille Noirs ont déjà été tués par la malheureuse question de l’impôt et il faut avouer à notre honte que dans le Congo français on a dépassé toutes les atrocités tant reprochées à nos voisins belges. […] Jusqu’à présent, qu’a-t-on fait pour l’indigène, ou même pour les colons blancs ? Rien, absolument rien. Tout l’argent de la colonie est employé exclusivement à payer les fonctionnaires. » André Gide, dans son Voyage au Congo (1927) et son Retour du Tchad (1928), splendides livres de voyage par leur simplicité et leur authenticité, dénonce (p.142) avec une telle vigueur les abus en tout genre du colonialisme à la française.
(p.143) /Georges Simenon a dénoncé dans « Coup de lune » (1933) au Gabon le coté pour le moins abusif (sic) de la colonisation française en Afrique.

 

(p.147) « Le plus grand crime de tous les temps. » Voilà qui clot en 1909 l’affaire du Congo de Léopold, quelques semaines avant la mort du roi des Belges. Cette épitaphe sans concession est signée d’Arthur Conan Doyle (1859-1930).
(p.170) /Jules Marchal, ancien haut fonctionnaire colonial, corrobore es propos de Casement sur les mains coupées. /
(p.175) Adam Hochschild est l’auteur de la somme définitive sur le sujet avec « Les fantômes du roi Léopold » (1898).
(p.187) La seule chose déroutante reste encore l’ignorance publique générale ; c’est la véritable victoire de Léopold. Il faut donc au moins lui refuser la paix, débaptiser les rues et les places innombrables en (p.188) Belgique qui portent son nom et déboulonner ses statues, en particulier la majestueuse statue équestre qui trône en plein cœur de Bruxelles, siège du Conseil de l’Union européenne. A Paris, il existe une avenue Léopold II dans le 16e arrondissement. Peut-on accepter de nos jours de telles complaisances ? Il faut aussi le faire savoir en expliquant ses actes en détail. Les libérateurs qui se sont soulevés un peu partout contre l’oppression l’ont fait pour moins que ça. Les bonnes consciences ont exigé des sanctions lourdes contre des fauteurs de trouble insignifiants en comparaison. Les prisons ont accueilli des criminels politiques ou des tyrans moins endurcis. Au panthéon des malfaisants, il revient une place de choix à Léopold. Qu’on se le dise.
(p.188) Les guerres qui ont opposé ces nations /Congo, Rwanda, Ouganda/ entre 1996 et 2003 ont à nouveau provoqué la mort de quatre millions de Congolais. Dans sa postface à l’édition du livre de Conan Doyle, la journaliste belge Colette Braeckman explique que l’histoire se répète. À la fin du xixe siècle, l’ivoire et le caoutchouc étaient les causes de ces déchirements. Le cuivre et l’uranium sont venus ensuite, permettant aux Alliés de produire la bombe atomique. Aujourd’hui, d’autres matières premières suscitent les mêmes cupidités dans un pays qui déborde de richesses : l’or, les mines de diamants ou le coltan, ce minerai rare, composant essentiel du développement des ordinateurs et des téléphones portables, dont le Congo est le plus important producteur au monde.

(p.188) Léopold a été celui qui le premier a violemment inscrit le Congo dans le cercle infernal de la mondialisation. La chaîne de violence qui a suivi ses méfaits est toujours en vigueur. La chose à entreprendre qui ne soit pas de l’ordre du constat attristé ou de la réparation symbolique serait de donner la possibilité au Congo de tenir un rôle influent dans le concert des nations et de l’aider à sortir de l’état guerrier endémique dans lequel le pays reste englué, victime de toutes les convoitises.

 

Bruno De Lille et Benoît Hellings, négationnistes de Groen-Ecolo à propos du Congo belge

(De Standaard, 17/12/2015)

Bas De Roo (UGent), négationniste à propos du Congo belge

(DS, 30/09/2016)

Revue allemande négationniste (Fragen & Antworten) à propos du Congo belge

(9/2016) 

L'Université Queen Mary (Londres), négationniste à propos de Léopold II

(Sept Dimanche, 18/12/2016)

Georges-Louis Bouchez (MR) nie les crimes de Lumumba

(DH, 14/08/2017)

Benoît Hellings et Ecolo: négationnisme envers la colonisation au Congo belge

(DH, 14/08/2017)

Le bobo Théophile De Giraud, négationniste concernant Léopold II

(DH, 14/08/2017)

Gaëtan Bangisa (PS pas très socialiste), Germain Mugemangango nient les crimes de Lumumba

(DH, 14/08/2017)

»Max

(LW, 26/08/2017)

Le grand (sic) acteur Ben Affleck va faire un film (négationniste) sur le Congo belge.

(Echo, 23/11/2019)

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Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire).

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