Généralités

 

En Allemagne, on dénomme la France « imperiale Republik » (république impériale). ..

 

Jean-François Revel, La grande parade / Essai sur la survie de l’utopie socialiste, éd. Plon 2000

 

(p.16) N’oublions jamais en effet qu’en Europe comme en Amé­rique latine, la certitude d’être de gauche repose sur un critère très simple, à la portée de n’importe quel arriéré mental : être, en toutes circonstances, d’office, quoi qu’il arrive et de quoi qu’il s’agisse, antiaméricain. On peut être, on est même fréquemment (p.17) un arriéré mental en politique tout en étant fort intelligent dans d’autres domaines. Parmi d’innombrables exemples, l’auteur dramatique anglais Harold Pinter explique1 l’intervention de l’Otan contre la Serbie en avril 1999 par le fait que, selon lui, les États-Unis n’ont, en poli­tique internationale, qu’un seul principe : « Baise mon cul ou je t’assomme. » Avoir du talent au théâtre n’empêche pas, chez le même individu, la débilité profonde et la nauséabonde vulgarité dans les diatribes politiques. C’est l’un des mystères de la politique que sa capacité à provoquer la brusque dégra­dation de maintes personnalités par ailleurs brillantes. Comment réagirait Pinter si un critique dramatique se permet­tait de tomber aussi bas dans l’imbécillité injurieuse en « com­mentant » une de ses pièces ?

 

(p.88) CHAPITRE SIXIEME

PANIQUE CHEZ LES NÉGATIONNISTES

 

Les négationnistes pronazis ne sont qu’une poignée. Les négationnistes procommunistes sont légion. En France, une loi (loi Gayssot, du nom du député communiste qui l’a rédigée et qui, cela se comprend, n’a vu les crimes contre l’humanité que de l’oeil droit) prévoit des sanctions contre les mensonges des premiers. Les seconds peuvent impunément nier la crimi­nalité de leur camp préféré. Je parle non seulement de camp politique, au singulier, mais aussi de camps de concentration au pluriel : le goulag soviétique de jadis et le laogaï chinois d’aujourd’hui, celui-ci en pleine activité, avec en prime ses milliers d’exécutions sommaires chaque année. Ce ne sont d’ailleurs là que les principaux exemplaires d’un genre d’éta­blissements consubstantiel à tout régime communiste.

On conçoit donc qu’habitués à cette inégalité de traitement, les négationnistes procommunistes aient été frappés de stu­peur lors de la publication du Livre noir, qui établit solide­ment deux vérités : le communisme fut toujours, est toujours intrinsèquement criminogène ; et, en cela, il ne se distingue en rien du nazisme.

 

(p.110) Les véritables principes du socia­lisme n’ont pas été violés par Staline ou Mao quand ils ont pratiqué leurs génocides : ces principes ont été, au contraire, appliqués par eux avec un scrupule exemplaire et une parfaite fidélité à la lettre et à l’esprit de la doctrine.

C’est ce que montre avec précision George Watson1. Dans l’hagiographie moderne, toute une partie essentielle de la théorie socialiste a été refoulée. Ses pères fondateurs, à commencer par Marx lui-même, ont très tôt cessé d’être étu­diés de façon exhaustive par les croyants mêmes qui se récla­maient d’eux sans arrêt. Leurs œuvres, de nos jours, semblent jouir du rare privilège d’être comprises de tout le monde sans que personne les ait jamais complètement lues, même pas leurs adversaires, ordinairement rendus incurieux par la peur des représailles. Dans sa majeure partie, l’histoire est un réar­rangement et un tri, donc une censure. Et l’histoire des idées n’échappe pas à cette loi.

L’étude non expurgée des textes nous révèle par exemple, écrit Watson, que « le génocide est une théorie propre au

 

1. George Watson, La Littérature oubliée du socialisme, Nil Éditions, 1999. Tra­duit de l’anglais par Hugues de Giorgis. Édition originale : The Lost Literature of Socialism, The Lutterworth Press, Cambridge, 1998. George Watson est professeur à St. John’s Collège, Cambridge. Plusieurs passages de ce chapitre sont tirés de la préface que j’ai rédigée pour la traduction française de l’ouvrage de Watson.

 

(p.111) socialisme ». Engels, en 1849, appelait à l’extermination des Hongrois, soulevés contre l’Autriche. Il donne à la revue diri­gée par son ami Karl Marx, la Neue Rheinische Zeitung, un article retentissant dont Staline recommandera la lecture en 1924 dans ses Fondements du léninisme. Engels y conseille de faire disparaître, outre les Hongrois, également les Serbes et autres peuples slaves, puis les Basques, les Bretons et les Écos­sais. Dans Révolution et Contre-Révolution en Allemagne, publié en 1852 dans la même revue, Marx lui-même se demande comment on va se débarrasser de « ces peuplades moribondes, les Bohémiens, les Carinthiens, les Dalmates, etc. ». La race compte beaucoup, pour Marx et Engels. Celui-ci écrit en 1894 à un de ses correspondants, W. Borgius : « Pour nous, les conditions économiques déterminent tous les phénomènes historiques, mais la race elle-même est une don­née économique… » C’est sur ce principe que s’appuyait Engels, toujours dans la Neue Reinische Zeitung (15-16 février 1849) pour dénier aux Slaves toute capacité d’accéder à la civilisation. « En dehors des Polonais, écrit-il, des Russes et peut-être des Slaves de Turquie, aucune nation slave n’a d’avenir, car il manque à tous les autres Slaves les bases histo­riques, géographiques, politiques et industrielles qui sont nécessaires à l’indépendance et à la capacité d’exister. Des nations qui n’ont jamais eu leur propre histoire, qui ont à peine atteint le degré le plus bas, de la civilisation… ne sont pas capables de vie et ne peuvent jamais atteindre la moindre indépendance. » Certes Engels attribue une part de l’« infério­rité » slave aux données historiques. Mais il considère que l’amélioration de ces données est rendue impossible par le facteur racial. Imaginons le tollé que s’attirerait aujourd’hui un « penseur » qui s’aviserait de formuler le même diagnostic sur les Africains ! Selon les fondateurs du socialisme, la supé­riorité raciale des Blancs est une vérité « scientifique ». Dans ses notes préparatoires à VAnti-Duhring, l’évangile de la philo­sophie marxiste de la science, Engels écrit : « Si, par exemple, dans nos pays, les axiomes mathématiques sont parfaitement (p.112) évidents pour un enfant de huit ans, sans nul besoin de recou­rir à l’expérimentation, ce n’est que la conséquence de « l’héré­dité accumulée ». Il serait au contraire très difficile de les enseigner à un bochiman ou à un nègre d’Australie. »

 

Au vingtième siècle encore, des intellectuels socialistes, grands admirateurs de l’Union soviétique, tels H.G. Wells et Bernard Shaw, revendiquent le droit pour le socialisme de liquider physiquement et massivement les classes sociales qui font obstacle à la Révolution ou qui la retardent. En 1933, dans le périodique The Listener, Bernard Shaw, faisant preuve d’un bel esprit d’anticipation, presse même les chimistes, afin d’accélérer l’épuration des ennemis du socialisme, « de décou­vrir un gaz humanitaire qui cause une mort instantanée et sans douleur, en somme un gaz policé — mortel évidemment — mais humain, dénué de cruauté ». On s’en souvient, lors de son procès à Jérusalem en 1962, le bourreau nazi Adolf Eichmann invoqua pour sa défense le caractère « humanitai­re » du zyklon B, qui servit à gazer les Juifs lors de la Shoah. Le nazisme et le communisme ont pour trait commun de viser à une métamorphose, à une rédemption « totales » de la société, voire de l’humanité. Ils se sentent, de ce fait, le droit d’anéantir tous les groupes raciaux ou sociaux qui sont censés faire obstacle, fût-ce involontairement et inconsciemment — en jargon marxiste « objectivement » — à cette entreprise sacrée de salut collectif.

 

Si le nazisme et le communisme ont commis l’un et l’autre des génocides comparables par leur étendue sinon par leurs prétextes idéologiques, ce n’est donc point à cause d’une quel­conque convergence contre nature ou coïncidence fortuite dues à des comportements aberrants. C’est au contraire à par­tir de principes identiques, profondément ancrés dans leurs convictions respectives et dans leur mode de fonctionnement. Le socialisme n’est pas plus ou pas moins « de gauche » que le nazisme. Si on l’ignore trop souvent, c’est, comme le dit Rémy de Gourmont, qu’« une erreur tombée dans le domaine public n’en sort jamais. Les opinions se transmettent hérédi­tairement ; cela finit par faire l’histoire ».

 

(p.113) Si toute une tradition socialiste datant du dix-neuvième siècle a préconisé les méthodes qui seront plus tard celles d’Hitler comme celles de Lénine, Staline et Mao, la réci­proque est vraie : Hitler s’est toujours considéré comme un socialiste. Il explique à Otto Wagener que ses désaccords avec les communistes « sont moins idéologiques que tactiques! ». L’ennui avec les politiciens de Weimar, déclare-t-il au même Wagener, « c’est qu’ils n’ont jamais lu Marx ». Aux fades réformistes de la social-démocratie, il préfère les commu­nistes. Et l’on sait que ceux-ci le payèrent largement de retour, en votant pour lui en 1933. Ce qui l’oppose aux bolcheviques, dit-il encore, c’est surtout la question raciale. En quoi il se trompait : l’Union soviétique a toujours été antisémite. Disons que la « question juive » (malgré le pamphlet de Marx publié sous ce titre contre les Juifs) n’était pas, pour les Soviétiques, comme pour Hitler, au premier rang des priorités. Pour tout le reste, la « croisade antibolchevique » d’Hitler fut très large­ment une façade, qui masquait une connivence avec Staline bien antérieure, on le sait maintenant, au pacte germano-soviétique de 1939.

Car, ne l’oublions pas, tout comme, d’ailleurs, le fascisme italien, le national-socialisme allemand se voyait et se pensait, à l’instar du bolchevisme, comme une révolution, et une révo­lution antibourgeoise. « Nazi » est l’abréviation de « Parti national socialiste des travailleurs allemands ». Dans son État omnipotent2 Ludwig von Mises, l’un des grands économistes viennois émigrés à cause du nazisme, s’amuse à rapprocher les dix mesures d’urgence préconisées par Marx dans le Mani­feste communiste (1847) avec le programme économique d’Hitler. « Huit sur dix de ces points, note ironiquement von Mises, ont été exécutés par les nazis avec un radicalisme qui eût enchanté Marx. »

 

1.  Otto Wagener, Hitler aus nachster nahe : Aufzeichnungen eines Vertrauten, 1929-1939, Francfort, 1978.

2. 1944. Et 1947 pour la traduction française. Livre rédigé aux États-Unis pendant la guerre et dont le titre original est The Omnipotent Government, The Rise of thé Total State and thé Total War. J’ai déjà signalé cette observation de von Mises dans mon livre La Connaissance inutile, 1988, Grasset et Hachette-Pluriel.

 

(p.114) En 1944 également, Friedrich Hayek, dans sa Route de la servitude1, consacre un chapitre aux «Racines socialistes du nazisme ». Il note que les nazis « ne s’opposaient pas aux élé­ments socialistes du marxisme, mais à ses éléments libéraux, à l’internationalisme et à la démocratie. » Par une juste intui­tion, les nazis avaient saisi qu’il n’est pas de socialisme complet sans totalitarisme politique.

 

(p.116) Car tous les régimes totalitaires ont en commun d’être des idéocraties : des dictatures de l’idée. Le communisme repose sur le marxisme-léninisme et la « pensée Mao ». Le national-socialisme repose sur le critère de la race. La distinction que j’ai établie plus haut entre le totalitarisme direct, qui annonce d’emblée en clair ce qu’il veut accomplir, tel le nazisme, et le totalitarisme médiatisé par l’utopie, qui annonce le contraire de ce qu’il va faire, tel le communisme, devient donc secon­daire, puisque le résultat, pour ceux qui les subissent, est le même dans les deux cas. Le trait fondamental, dans les deux systèmes, est que les dirigeants, convaincus de détenir la vérité absolue et de commander le déroulement de l’histoire, pour toute l’humanité, se sentent le droit de détruire les dissidents, réels ou potentiels, les races, classes, catégories profession­nelles ou culturelles, qui leur paraissent entraver, ou pouvoir un jour entraver, l’exécution du dessein suprême. C’est pour­quoi vouloir distinguer entre les totalitarismes, leur attribuer des mérites différents en fonction des écarts de leurs super­structures idéologiques respectives au lieu de constater l’iden­tité de leurs comportements effectifs, est bien étrange, de la part de « socialistes » qui devraient avoir mieux lu Marx. On ne juge pas, disait-il, une société d’après l’idéologie qui lui sert de prétexte, pas plus qu’on ne juge une personne d’après l’opinion qu’elle a d’elle-même.

En bon connaisseur, Adolf Hitler sut, parmi les premiers, saisir les affinités du communisme et du national-socialisme. Car il n’ignorait pas qu’on doit juger une politique à ses actes et à ses méthodes, non d’après les fanfreluches oratoires ou les pompons philosophiques qui l’entourent. Il déclare à Hermann Rauschning, qui le rapporte dans Hitler m’a dit :

«Je ne suis pas seulement le vainqueur du marxisme…. j’en suis le réalisateur.

«J’ai beaucoup appris du marxisme, et je ne songe pas à m’en cacher….. Ce qui m’a intéressé et instruit chez les (p.117) marxistes, ce sont leurs méthodes. J’ai tout bonnement pris au sérieux ce qu’avaient envisagé timidement ces âmes de petits boutiquiers et de dactylos. Tout le national-socialisme est contenu là-dedans. Regardez-y de près : les sociétés ouvrières de gymnastique, les cellules d’entreprises, les cortèges massifs, les brochures de propagande rédigées spécialement pour la compréhension des masses. Tous ces nouveaux moyens de la lutte politique ont été presque entièrement inventés par les marxistes. Je n’ai eu qu’à m’en emparer et à les développer et je me suis ainsi procuré l’instrument dont nous avions besoin… »

 

L’idéocratie déborde largement la censure exercée par les dictatures ordinaires. Ces dernières exercent une censure principalement politique ou sur ce qui peut avoir des inci­dences politiques. Il arrive d’ailleurs aux démocraties de le faire également, comme on l’a vu en France pendant la guerre d’Algérie, sous la Quatrième République comme sous la Cin­quième. L’idéocratie, elle, veut beaucoup plus. Elle veut sup­primer, et elle en a besoin pour survivre, toute pensée opposée ou extérieure à la pensée officielle, non seulement en politique ou en économie, mais dans tous les domaines : la philosophie, les arts, la littérature et même la science. La philosophie, de toute évidence, ne saurait être pour un totalitaire que le mar­xisme-léninisme, la « pensée Mao » ou la doctrine de Mein Kampf. L’art nazi se substitue à l’art « dégénéré », et, parallèlement, le « réalisme socialiste » des communistes entend tordre le cou à l’art « bourgeois ». Le pari le plus risqué de l’idéocratie, et qui en étale bien la déraison, porte toutefois sur la science, à laquelle elle refuse toute autonomie. On se souvient de l’affaire Lyssenko en Union soviétique. Ce charla­tan, de 1935 à 1964, anéantit la biologie dans son pays, congé­dia toute la science moderne, de Mendel à Morgan, l’accusant de « déviation fasciste de la génétique », ou encore « trotskiste-boukhariniste de la génétique ». La biologie contempo­raine commettait en effet à ses yeux le péché de contredire le matérialisme dialectique, d’être incompatible avec la dialectique (p.118) de la nature selon Engels, lequel, nous l’avons vu, affirmait encore, dans l’Anti-Duhring, vingt ans après la publication de L’Origine des espèces de Darwin, sa croyance dans l’hérédité des caractères acquis. Soutenu, ou, plutôt, fabriqué par les dirigeants soviétiques, Lyssenko devint président de l’Acadé­mie des Sciences de l’URSS. Il en fit exclure les biologistes authentiques, quand il ne les fit pas déporter et fusiller. Tous les manuels scolaires, toutes les encyclopédies, tous les cours des universités furent expurgés au profit du lyssenkisme. Ce qui eut en outre des conséquences catastrophiques pour l’agriculture soviétique, déjà fort mal en point après la collectivisa-tion stalinienne des terres. La bureaucratie imposa en effet dans tous les kolkhozes l’« agrobiologie » lyssenkiste, proscri­vant les engrais, adoptant le « blé fourchu » des… pharaons, ce qui fit tomber de moitié les rendements. On proscrivit les hybridations, puisque, pérorait Lyssenko, il était notoire qu’une espèce se transformait spontanément en une autre et qu’il n’était point besoin de croisements. Ses folles élucubrations portèrent le coup de grâce à une production déjà stérili­sée par l’absurdité du socialisme agraire. Elles rendirent irréversibles la famine chronique, ou la « disette contrôlée » (disait Michel Heller), qui accompagna l’Union soviétique jus­qu’à sa tombe.

 

(…) Le critère extra-scientifique de la vérité scientifique chez les nazis découle du même schéma mental, à cette différence près (p.119) que, chez eux, ce critère est la race au lieu d’être la classe. Mais les deux démarches sont intellectuellement identiques, dans la mesure où elles nient la spécificité de la connaissance comme telle, au bénéfice de la suprématie de l’idéologie.

 

(p.122) Cette association délirante entre judéité, individualisme et capitalisme motive les éructations antisémites de Karl Marx, dans son essai Sur la question juive (1843). Essai trop peu lu, mais qu’Hitler, lui, avait lu avec attention. Il a presque littéralement plagié les passages de Marx où celui-ci vomit contre les Juifs des invectives furibondes, telles que celle-ci : « Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, la cupidité (Eigennutz}. Quel est le culte profane du Juif ? Le trafic. Quel est son dieu ? L’argent. » Et Marx enchaîne en incitant à voir dans le communisme « l’organisation de la société qui ferait disparaître les conditions du trafic et aurait rendu le Juif impossible ». Dans le genre appel au meurtre, il est difficile de faire plus entraînant.

 

(p.123) D’où la conception de l’État qui est commune à Lénine et à Hitler. Dans La Révolution prolétarienne et le renégat Kautzky, Lénine écrit : « L’État est aux mains de la classe dominante, une machine destinée à écraser la résistance de ses adversaires de classe. Sur ce point, la dictature du prolétariat ne se dis­tingue en rien, quant au fond, de la dictature de toute autre classe. » Et, plus loin dans le même livre : « La dictature est un pouvoir qui s’appuie directement sur la violence et n’est lié par aucune loi. La dictature révolutionnaire du prolétariat est un pouvoir conquis et maintenu par la violence, que le prolétariat exerce sur la bourgeoisie, pouvoir qui n’est lié par aucune loi. » Si l’on veut bien se reporter au second volume de Mein Kampf, on y verra que, dans le chapitre consacré à l’État, Hitler s’exprime à ce sujet en des termes presque iden­tiques. La « dictature du peuple allemand » y remplace celle du prolétariat. Mais, si l’on tient compte des multiples dia­tribes anticapitalistes du Fùhrer, les deux concepts ne sont pas très éloignés l’un de l’autre. Tout système politique totalitaire établit invariablement un mécanisme répressif visant à éliminer (p.124) non seulement la dissidence politique mais toute différence entre les comportements individuels. La société se sait inconciliable avec la ‘variété’.

 

(p.143) C’est ainsi qu’en 1990, l’Unesco organise une célébration de la « mémoire » d’Hô Chi Minh à l’occasion du centenaire de la naissance du dictateur. Tous les thèmes de cette commé­moration reproduisent sans examen les mensonges de l’antique (p.144) propagande communiste provietnamienne des années soixante et le mythe de Hô Chi Minh qui avait été fabriqué jadis à coups de dissimulation et d’inventions des « orga­nes ». Le sigle Unesco signifie « Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ». Si l’Unesco servait la science, elle aurait convoqué d’authentiques histo­riens, qui n’auraient pu que mettre à mal la légende forgée pour transfigurer Hô Chi Minh. Si elle servait l’éducation, elle ne se serait pas mise au service d’un bourrage de crâne totali­taire. Si elle servait la culture, au lieu de la censure, elle n’au­rait pas verrouillé ce colloque pour en bannir toute fausse note « viscérale anticommuniste ». Peu convaincu par cette « mémoire » sauce Unesco, Olivier Todd, un des meilleurs connaisseurs au monde des questions du Vietnam, où il fut de longues années envoyé spécial et même prisonnier du Viet-cong, consacre avant l’événement au « mythe Hô Chi Minh », une étude où il déplore « l’extraordinaire naïveté flagorneuse de nombreux publicistes et diplomates, preuve des manipula­tions politiques au sein de l’Unesco. Cette organisation inter­nationale, émanation de l’ONU, s’apprête à célébrer en Hô Chi Minh un « grand homme d’Etat », un « homme de culture », un « illustre libérateur » de son peuple. La communauté inter­nationale est invitée à subventionner l’héroïsation et la mythi-fication de « l’Oncle » communiste, et ce, l’année qui suit le passage du communisme mondial aux poubelles de l’Histoire1. »

 

1. Olivier Todd, « Le mythe Hô Chi Minh » dans Hô Chi Minh, l’homme et son héritage. Ouvrage collectif, Duông Moï, La Voie nouvelle, Paris, 1990. Repris dans Commentaire n » 50, été 1990.

 

(p.155) Rappeler que Castro a fait fusiller 17 000 personnes dans un pays de 10 millions d’habitants et Pinochet 3 197 dans une pays de 15 millions d’habitants permet de comparer une terreur à l’autre, sans excuser aucune des deux.

 

(p.157) (…) la gauche française persiste dans son attitude protectrice envers le stalinisme cubain. Elle veille à sauvegarder l’immunité dont jouit Castro. Je serais presque tenté de dire : avant, au moins elle mentait ! Maintenant, elle reconnaît que le régime cas-triste repose entièrement sur les violations les plus extrêmes des droits de l’homme et pourtant elle ne lui retire pas sa solidarité. C’est presque pire. Tous les gens de gauche ne souscrivent pas aux propos de Mme Danielle Mitterrand : « Cuba représente le summum de ce que le socialisme peut réaliser », phrase qui constitue la condamnation la plus accablante du socialisme jamais énoncée. Mais tous — et la droite aussi — n’en confirment pas moins de plus belle leur attache­ment à ce principe (déjà respecté dans les cas des anciens chefs Khmers rouges et d’Erich Honecker) : même quand on sait tout des forfaits d’un bourreau totalitaire « de gauche », il doit rester exempt des peines et même du blâme que l’on doit infliger par « devoir de mémoire » aux bourreaux totali­taires « de droite ».

 

(p.158) Tous ceux qui ont voyagé en RDA pendant les quinze der­nières années de son existence étaient édifiés par l’état de délabrement du pays : immeubles tombant en miettes au point qu’on tendait des cordes le long des trottoirs pour empêcher les piétons d’y marcher, de peur qu’ils ne reçoivent quelque moellon sur la tête ; infrastructures déplorables ; industrie ina­daptée, travaillant avec des machines datant des années vingt, et qui crachait du haut de ses cheminées antiques une pollu­tion noirâtre et poisseuse. Ce cataclysme socialiste fut d’ailleurs attribué par la gauche, aussitôt après la réunification allemande, à… l’irruption de l’économie de marché ! N’ou­blions pas qu’entre 1990 et 1998 ont été transférés aux Lander de l’Est 1 370 milliards de marks, soit, par an, un tiers du budget annuel de la France ! A cet argent public s’ajoutent les investissements privés. Malgré ce flot de capitaux, les Lan­der de l’Est, tout en ayant considérablement progressé, n’ont pas, en 1999, rattrapé le niveau de vie de l’ex-Allemagne de l’Ouest, tant le socialisme est difficile à guérir.

 

(p.162) Les nazis avaient rétabli l’esclavage en temps de guerre, dans des camps de travail où les esclaves étaient des déportés provenant des pays vaincus. Les communistes ont fait mieux : ils ont partout réduit en esclavage une part sub­stantielle de leur propre population, et ce en temps de paix, au service d’une économie « normale », si l’on ose dire. Cet aspect souvent ignoré tend à prouver que, si improductive qu’elle soit, l’économie socialiste réelle le serait encore davan­tage sans le recours à la main-d’œuvre servile.

 

(p.167) /Mao/

Quant à l’examen multilatéral des textes complets, il révèle que Mao n’est pas un théoricien ou du moins pas un inven­teur. Les rares écrits théoriques, « À propos de la pratique », « À propos de la contradiction », se bornent à vulgariser et à simplifier le Matérialisme et Empiriocriticisme de Lénine. Ce sont, d’ailleurs, comme tous ses textes, des écrits de circons­tance, de combat, destinés à véhiculer une pression politique précise sur telle tendance concrète au sein ou en dehors du PC chinois. En fait, l’idéologie léniniste-staliniste, adoptée une fois pour toutes, n’est jamais en tant que telle repensée par Mao. Quand il fait apparemment de l’idéologie, c’est, en réa­lité, de la tactique.

 

(p.168) Dans le discours où il parle des Cent Fleurs, intitulé « De la juste solution des contradictions au sein du peuple » (1957), comme dans des textes plus anciens : « De la dictature démo­cratique populaire » (1949) ou « Contre le style stéréotypé dans le Parti » (1942), ce raisonnement, toujours le même, est celui-ci : la discussion est libre au sein du Parti ; mais, dans la pratique, les objections contre le Parti proviennent de deux sources : des adversaires de la Révolution, et ceux-là ne doi­vent pas avoir le droit de s’exprimer, et des partisans sincères de la Révolution, et ceux-ci ne sont jamais réellement en désaccord avec le Parti. Donc, les méthodes autoritaires sont du « centralisme démocratique », tout à fait légitime, et, dans le peuple, « la liberté est corrélative à la discipline ». (…)

 

En art et en littérature aussi, les Cent Fleurs peuvent intel­lectuellement s’épanouir, mais comme il importe de ne pas laisser se mêler les « herbes vénéneuses » aux « fleurs odoran­tes », Mao en revient vite à un dirigisme culturel identique à celui de Jdanov. L’idée d’« armée culturelle » est très ancienne chez Mao. Là encore, il n’innove pas : la culture est toujours le reflet de la réalité politique et sociale. Une fois accomplie la révolution économique, il faut donc aligner sur elle la culture. Cette vue est entièrement conforme au léninisme mili­tant, sans la moindre variante personnelle.

Entendons-nous : je ne porte ici aucun jugement politique sur la Chine, et je suis peut-être « chinois », qui sait ? Mais l’étude des textes oblige à dire que, philosophiquement, il n’y a pas de « version chinoise » du marxisme, il n’y pas de maoïsmel.

 

1. Le Petit Livre rouge. Citations du président Mao Tsé-toung. Seuil, 190 pages. Écrits choisis en trois volumes, par Mao Tsé-toung. Maspero, chaque volume 190 pages.

 

(p.177) Le communisme conserve sa supériorité morale. On le sent à des symptômes parfois anecdotiques, presque puérils. Quand fut réédité, en janvier 1999, le premier album d’Hergé, épuisé depuis soixante-dix ans, Tintin au pays des Soviets, on le décrivit dans plusieurs articles comme une charge outrée et excessive. Or c’est au contraire une peinture étonnamment exacte, pour l’essentiel, et qui dénote, à cette époque loin­taine, chez le jeune auteur « une prodigieuse intuition », ainsi que le signale Emmanuel Le Roy Ladurie répondant à un questionnaire dans Le Figarol. Mais le même Figaro ne semble pas d’accord avec l’historien, puisqu’il juge que la vision d’Hergé « souffre certainement, avec le recul du temps, de manichéisme ». Vous avez bien lu : avec le recul du temps. Ce

 

1. 6 janvier 1999. Répondent également au questionnaire Alain Besançon, Pierre Daix, qui abondent dans le même sens et Alain Krivine, secrétaire général de la Ligue communiste révolutionnaire (trotskiste), qui déplore pour sa part que L’Hu­manité se soit livrée à « un mea culpa affligeant ».

 

(p.178) qui signifie : les connaissances acquises depuis 1929 et plus particulièrement depuis 1989 sur le communisme, tel qu’il fut réellement, doivent nous inciter à l’apprécier de façon plus positive qu’à ses débuts, quand l’illusion pouvait être excu­sable, vu que l’ignorance était soigneusement entretenue. En somme, si je comprends bien, plus l’information est dispo­nible sur le communisme, moins défavorable est le jour sous lequel nous devons le voir.

 

Dans un commentaire sur la même réédition, la station de radio France-Info (10 janvier 1999), nous assure que Tintin au pays des Soviets était « une charge idéologique au parfum aujourd’hui suranné» (je souligne). Conclusion : ce n’était pas l’adulation du communisme qui était idéologique, c’était d’y être réfractaire. Et, surtout, les événements survenus depuis la Grande Terreur des années trente jusqu’à l’invasion de l’Afghanistan, en passant par le complot des blouses blanches et les répressions de Budapest ou de Prague, le Grand Bond en avant, la Révolution culturelle et les Khmers rouges nous invitent clairement à nous départir par rapport au commu­nisme d’une sévérité que l’histoire objective envoie de toute évidence au rancart.

 

Beaucoup de commentateurs n’ont pas manqué d’insinuer qu’Hergé avait peu d’autorité en la matière puisqu’il s’est « mal conduit » sous l’Occupation. Mais je pose la question : va-t-on prétendre qu’une condamnation du nazisme dégage « un parfum suranné » quand elle émane de la bouche d’un ex-stalinien ? Non, car la question de fond n’est pas celle du parcours politique du juge. Elle est de savoir si oui ou non, le nazisme par lui-même a été monstrueux. Le stalinien qui le dit a, sur ce point-là, raison, tout stalinien qu’il soit. Alors, pourquoi y a-t-il un interdit en sens inverse ? Parce que, je l’ai dit, le communisme conserve sa supériorité morale. Ou, plus exactement, parce qu’on s’acharne, au prix de mille men­songes et dissimulations, à entretenir la tromperie de cette supériorité.

 

Devant cette histoire écrite à l’envers, on doit pardonner (p.179) beaucoup aux journalistes lorsqu’ils se laissent glisser dans le sens de la pente. Car les désinformations qui les abusent trou­vent souvent leur origine chez des historiens malhonnêtes. Trop d’entre eux persévèrent, avec une vigilance inaltérable, dans leur défense de la forteresse du mensonge communiste. Ainsi l’auteur du tout récent livre de la collection « Que sais-je ? » sur Le Goulag! trouve le moyen d’épargner Lénine, dont Staline aurait « trahi » l’héritage. Vieille lune mille fois réfutée, mirage faussement salvateur, que la recherche de ces dernières années a dissipé sans équivoque. Néanmoins, pour notre plaisantin, Staline serait en réalité l’héritier… du tsa­risme, et non du léninisme !

Les camps soviétiques datent de Lénine lui-même, c’est bien établi, et les prisonniers politiques tsaristes, si répressif que fût le régime impérial, ne se montaient qu’à une part infime de ce qu’allaient être les gigantesques masses concen­trationnaires communistes. Tout en cherchant à faire passer Staline pour le seul responsable du goulag, notre homme déverse sa bile sur Soljénitsyne, sur Jacques Rossi (à qui l’on doit Le Manuel du Goulag, déjà cité) et sur Nicolas Werth (auteur de la partie sur l’URSS dans Le Livre noir), récusant le témoignage des deux premiers et contestant les capacités d’historien du troisième.

 

1. Jean-Jacques Marie, Le Goulag, PUF, 1999. Voir sur ce livre le compte rendu de Pierre Rigoulot paru dans le n° 12 (été 1999) des Cahiers d’Histoire sociale.

 

(p.181) Le révisionnisme procommuniste s’avère /donc/ être de bon aloi.

 

(p.182) L’Ethiopie du Parti unique emplit tous les critères du classi­cisme communiste le plus pur. Que les tartufes assermentés ne prennent pas la tangente habituelle en gémissant qu’on n’avait pas affaire à du « vrai » communisme. La « révolu­tion » éthiopienne engendra en Afrique la copie certifiée conforme du prototype lénino-staliniste de l’URSS, laquelle, d’ailleurs, lui accorda son estampille, lui octroya des crédits et lui envoya ses troupes pour la protéger, en l’espèce des troupes cubaines, avec de surcroît le concours d’agents de la police politique est-allemande, l’incomparable Stasi. La junte des chefs éthiopiens, le « Derg », se proclame sans tarder héri­tière de la « grande révolution d’Octobre », et le prouve en fusillant, dès son arrivée au pouvoir, toutes les élites qui n’appartenaient (p.183) pas à ses rangs ou n’obéissaient pas à ses ordres, encore que, comme dans toutes les « révolutions », la servilité totale ne fût même pas une garantie de vie sauve. Suit la pro­cession des réformes bien connues : collectivisation des terres — dans un pays où 87 % de la population se compose de paysans — nationalisation des industries, des banques et des assurances.

Comme prévu — ou prévisible — et comme en URSS, en Chine, à Cuba, en Corée du Nord, etc., les effets imman­quables suivent : sous-production agricole, famine, encore aggravées par les déplacements forcés de populations, autre classique de la maison. La faillite précoce oblige à inventer des coupables, des saboteurs, des traîtres puisqu’on ne saurait envisager que le socialisme soit par lui-même mauvais et que ses dirigeants ne soient pas infaillibles. Et, comme d’habitude, le pouvoir totalitaire trouve les canailles responsables du désastre parmi les affamés et non parmi les affameurs, parmi les victimes et non parmi les chefs. Déprimante monotonie d’un scénario universel dont les avocats du socialisme s’achar­nent à présenter chaque nouvel exemplaire comme une « ex­ception » — et encore aujourd’hui maints historiens ! Dix mille assassinats politiques dans la seule capitale en 1978 ; massacre des Juifs éthiopiens, les Falachas, en 1979. Mais ce n’est pas de l’antisémitisme, puisque le Derg est de gauche.

 

Et les enfants d’abord ! En 1977, le secrétaire général suédois du Save thé Children Fund relate, dans un rapport, avoir été témoin de l’exposition de petites victimes torturées sur les trot­toirs d’Addis-Abeba. « Un millier d’enfants ont été massacrés à Addis-Abeba et leurs corps, gisant dans les rues, sont la proie des hyènes errantes. On peut voir entassés les corps d’enfants assassinés, pour la plupart âgés de onze à treize ans, sur le bas-côté de la route lorsqu’on quitte Addis Abeba ‘. »

 

1 Cité par Yves Santamaria, dans le chapitre du Livre noir consacré aux afro-communismes : Ethiopie, Angola, Mozambique.

 

(p.189) L’écart de traitement entre les deux totalitarismes du siècle se décèle également à une foule d’autres petits détails. Ainsi les opérations mani pulite en Italie, et « haro sur l’argent sale des partis » en France ont, ô miracle, contourné avec soin les seuls partis communistes, ou, du moins, s’en sont occupées avec autant de douceur que de lenteur. Pourtant leurs escro­queries ont été percées à jour, qu’il s’agisse des « coopératives rouges » en Italie ou des « bureaux d’étude » fictifs, simples machines à blanchir l’argent volé, du PCF. S’y ajoutaient les sociétés écrans, officiellement vouées au commerce avec l’URSS, façon indirecte pour celle-ci de rétribuer les PC de l’Ouest. Sans parler des sommes directement mais clandesti­nement envoyées par Moscou, jusqu’en 1990, devises non déclarées, tantôt en espèces, tantôt en Suisse (pour le PCI) et (p.190) relevant, pour le moins, du délit de fraude fiscale, et peut-être en outre de celui d’inféodation stipendiée à une puissance étrangère. Chaque fois que de nouveaux documents sont venus confirmer l’ampleur de ce trafic illégal, documents sou­vent corroborés, après la chute de l’URSS, par des indiscré­tions de personnalités soviétiques ou est-allemandes, on était frappé par la somnolente équanimité des médias et la consciencieuse immobilité de la magistrature. Ces pratiques de pillage des entreprises avaient été décrites et bien établies dès les années soixante-dixl. Pourtant ce n’est qu’en octobre 1996 qu’un secrétaire national du PCF, en l’occurrence Robert Hue, a été mis en examen pour « recel de trafic d’in­fluence ». L’instruction s’engloutit dans les profondeurs d’un bienveillant oubli jusqu’au 18 août 1999, date à laquelle le bruit se répandit que le parquet de Paris avait décidé de requérir le renvoi devant le tribunal correctionnel de M. Hue et du trésorier du PC2. Fausse alerte. On apprenait l’après-midi même le démenti du parquet : « Les réquisitions sont en train d’être rédigées. Nous démentons les informations faisant état de ces réquisitions. Il est trop tôt pour affirmer que nous allons requérir dans tel ou tel sens. Les réquisitions ne seront prises que pendant la première semaine de septembre. » Elles le furent finalement fin octobre.

Parfois, l’inégalité du traitement dont sont l’objet les héri­tiers lointains ou proches de l’un et l’autre totalitarismes sus­cite des comportements si dérisoires qu’ils frisent le grotesque. En 1994, la coalition Forza Italia, Ligue du Nord et Alliance nationale gagne les élections en Italie. Silvio Berlusconi devient président du Conseil et prend comme ministre de l’Agriculture un des dirigeants d’Alliance natio­nale, qui, comme on sait, est issue du renouvellement de l’ancien MSI néo-fasciste mais s’est métamorphosée en se

 

1.  Voir notamment Jean Montaldo, Les Finances du PCF, Albin Michel, 1977.

2. Le Parisien-Aujourd’hui : « Robert Hue menacé de correctionnelle », 18 août 1999. Cet article est malicieusement placé dans les « faits divers » et non dans la politique.

 

(p.191) démarquant du passé et en abjurant le mussolinisme. Plu­sieurs vieux fascistes membres de feu le MSI claquent la porte. Malgré cette transformation démocratique, plusieurs diri­geants européens réunis à Bruxelles refusent de serrer la main au nouveau ministre italien de l’Agriculture. Or les dirigeants actuels de l’Alliance nationale n’ont ni l’intention ni les moyens de restaurer la dictature fasciste. Ils ont au contraire rompu avec l’héritage mussolinien et provoqué le départ des nostalgiques du fascisme historique. Ils se sont toujours her­métiquement coupés tant du Front national français que des Republikaners allemands ou de Haider en Autriche. Si le Parti communiste italien redevient fréquentable et digne du pou­voir parce qu’il s’est rebaptisé Parti démocratique de la gauche en abjurant le communisme, pourquoi n’en irait-il pas de même pour l’Alliance nationale, qui, elle aussi, a changé d’étiquette et abjuré le fascisme ? Tant que durera cette dissy­métrie dans le traitement réservé aux convertis de gauche et aux convertis de droite, parler de justice ou de morale et de progrès démocratique ne sera qu’imposture. Le drapeau des droits de l’homme claquera haut dans le vide. De notre temps plus que jamais, ce n’est pas la politique qui a été moralisée, c’est la morale qui a été politisée.

(p.192)

Dès que pointe la plus petite vérité menaçant de profana­tion les icônes communistes, les pitbulls de l’orthodoxie déchirent en lambeaux le porteur de la mauvaise nouvelle. On s’étonne que des universitaires souvent de haut niveau quand ils travaillent sans passion ne soient pas plus habiles dans la polémique quand leurs passions entrent en jeu. On les voit tomber dans des pratiques avilissantes, indignes d’eux : fausses citations, textes amputés ou sciemment retournés, injures pires que celles que les communistes lan­cèrent à Kravtchenko, le dissident qui avait commis le sacri­lège d’écrire J’ai choisi la liberté, il y a un demi-siècle. On trouvera une anthologie de ces exploits de la haute intelli­gentsia dans L’Histoire interdite de Thierry Wolton2. J’y renvoie.

 

1. 18 novembre 1997.

2. Jean-Claude Lattes, 1998.

 

(p.227) (…) c’est le roi Victor-Emmanuel qui, en 1943, signifie à Mussolini son congé et le démet de son poste de chef du gouvernement. Qui, au moment où se dessinait l’effondrement militaire de l’Alle­magne, aurait pu occuper encore une position constitution­nelle qui lui eût permis en vertu de la loi d’en faire autant vis-à-vis d’Hitler ?

 

Quant aux lois antijuives de 1938, plusieurs historiens ita­liens ont récemment contesté qu’elles fussent imputables seu­lement à un opportunisme lié à l’alliance avec Hitler. Ils ont cherché des sources enracinées dans le passé italien. Sans doute y en a-t-il, mais Pierre Milza, étudiant les textes, ne manque pas de constater que, dans la mesure, au demeurant très faible, où ont été esquissées des théories antijuives en Italie, à la fin du dix-neuvième siècle ou au début du ving­tième, elles furent empruntées principalement… à la littérature antisémite française, fort luxuriante à cette époque. Dans la pratique, le peuple italien est l’un des moins antisémites du monde et les lois raciales de Mussolini n’entraînèrent aucune destruction massive. Malgré ces lois, en effet, l’Italie fut le pays d’Europe où le pourcentage de la population juive tuée fut le plus basl. Là encore, en matière d’homicide, un abîme sépare le fascisme mussolinien de la haute productivité du nazisme et du communisme. Ces deux derniers régimes appar­tiennent à la même galaxie criminelle. Le fascisme appartient à une autre, qui n’est pas la galaxie démocratique, bien sûr, mais qui n’est pas non plus la galaxie totalitaire. Si l’on n’a pas encore rétabli les véritables frontières entre tous ces régimes, c’est qu’il y a eu dénazification après 1945, mais qu’il n’y a pas eu décommunisation après 1989.

 

1. Voir L.S. Dawidowicz, The War against the]ews 1933-1945. Harmondsworth, Penguin Books, 1987, p. 480. Cité par Emmanuel Todd, Le Destin des immigrés, 1994, Seuil, p. 273. Voir aussi Renzo De Felice, Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Einaudi, 1961, rééd. 1972.

 

(p.228) Malgré les efforts de dissimulation et d’escamotage déployés par les contorsion-nistes du distinguo procommuniste, la grande menace inédite qui a pesé sur l’humanité au vingtième siècle est venue du communisme et du nazisme, successivement ou simultané­ment. Ces deux régimes seuls, et pour des raisons identiques, méritent d’être qualifiés de « totalitaires ». Le terme « fascis­me » est donc impropre pour désigner autre chose que la dic­tature mussolinienne et ses répliques, latino-américaines par exemple.

 

(p.230) Il y a un noyau central, commun au fascisme, au nazisme et au communisme : c’est la haine du libéralisme.

 

(p.232) (…) on répond souvent que les partis communistes ont au moins été, dans les pays capitalistes, des forces revendica­tives qui par les « luttes » ont contraint les Etats bourgeois à

 

1. Cité par Nicolas Werth dans Le Livre noir du communisme, première partie : « Un État contre son peuple », chapitre 4.

 

(p.233) étendre chez eux les droits des travailleurs. Cela aussi est faux. Disons-le derechef : les plus fondamentaux de ces droits, rela­tifs au syndicalisme et à la grève, furent instaurés dans les nations industrielles avant la guerre de 1914 et la naissance des partis communistes. Quant à la protection sociale — santé, famille, retraites, indemnités de chômage, congés payés etc. — elle fut mise en place à peu près au même moment, soit entre les deux guerres, soit après 1945, dans les pays où les partis communistes étaient inexistants ou négli­geables (Suède, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne) et dans ceux où ils étaient forts (France ou Italie). Elle fut due aussi souvent à des gouvernements conservateurs qu’à des gouvernements sociaux-démocrates. C’est un démocrate réformiste, Franklin Roosevelt, qui créa aux États-Unis le sys­tème des retraites et le Welfare, prodigieusement étendu, trente ans plus tard, par Kennedy et Johnson. C’est un libéral, Lord Beveridge, qui, en Grande-Bretagne, élabora, pendant la Deuxième Guerre mondiale, tout le futur système britan­nique de protection sociale, que les travaillistes n’acceptèrent qu’à contrecœur, craignant qu’il n’endorme les ardeurs révo­lutionnaires du prolétariat1. En France, la politisation de la centrale syndicale CGT, devenue en 1947 un simple appendice du PCF, fit s’effondrer à la fois le taux de syndicalisation des salariés et l’efficacité du syndicalisme.

 

1. Beveridge avait, dès 1911, déjà sous un gouvernement Churchill, fait adopter les premières mesures d’indemnisation du chômage.

 

(p.243) On se prend parfois à se demander si le goût le plus pro­fond d’une assez grande quantité d’intellectuels ne serait pas le goût de l’esclavage. D’où leur propension et leur adresse à reconstituer, au sein même des civilisations libres, une sorte de totalitarisme informel. En l’absence de toute dictature poli­tique externe, ils reproduisent en laboratoire, in vitro, dans leurs rapports les uns avec les autres, les effets d’une dictature fantôme, dont ils rêvent, avec ses condamnations, ses exclu­sions, ses excommunications, ses diffamations, convergeant vers le vieux procès en sorcellerie pour « fascisme », intenté à tout individu qui renâcle aux vénérations et exécrations impo­sées. Bien entendu, dans chaque étouffoir de la liberté de l’es­prit, la tyrannie est mutuelle.

 

(p.250) Certaines réactions irraisonnées, moutonnières et quoti­diennes sont plus révélatrices des mentalités que les querelles des économistes. Ainsi, au matin du 5 octobre 1999, dans une collision entre deux trains, à Paddington, dans la banlieue de Londres, environ trente voyageurs sont tués et plusieurs centaines blessés. Aussitôt bruissent en France sur toutes les ondes, toute la journée, les mêmes commentaires : depuis la privatisation des chemins de fer britanniques, les nouvelles compagnies propriétaires ou concessionnaires, mues par la seule recherche du profit, ont économisé sur les dépenses consacrées à la sécurité, notamment dans les infrastructures et la signalisation. Conclusion qui va de soi : les victimes de l’accident ont été assassinées par le libéralisme.

Si c’est vrai, alors les cent vingt-deux personnes tuées dans l’accident ferroviaire de Harrow en 1952 furent assassinées

 

1. Tiré d’un roman policier de Manuel Vazquez Montalban qui, paraît-il, vaut mieux que sa dégradation télévisuelle.

 

(p.251) par le socialisme, puisque les British Railways étaient alors nationalisés. En France, en pleine gare de Lyon, le 27 juin 1988, un train percute un convoi arrêté : cinquante-six tués et trente-deux blessés, victimes évidentes, par conséquent, de la nationalisation des chemins de fer français en 1937, donc assassinées par le Front populaire. Le 16 juin 1972, la voûte du tunnel de Vierzy, dans l’Aisne, s’effondre sur deux trains : cent huit morts. Là non plus, l’entretien des structures ne paraît pas avoir été d’une perfection éblouissante, tout étatisée que fût la compagnie qui en était chargée.

Après quelques heures d’enquête à Paddington, il s’avéra que le conducteur de l’un des trains avait négligé deux feux jaunes qui lui enjoignaient de ralentir et grillé un feu rouge qui lui enjoignait de s’arrêter. L’erreur humaine, semble-t-il, et non l’appât du gain, expliquait le drame. Que nenni ! rétor­quèrent aussitôt les antilibéraux, car le train fautif n’était pas équipé d’un système de freinage automatique se déclenchant dès qu’un conducteur passe par inadvertance un signal rouge. Sans doute, mais dans l’accident de la gare de Lyon, ce sys­tème, s’il existait, ne semble pas avoir beaucoup servi non plus pour pallier l’erreur du conducteur français. Pas davantage le 2 avril 1990 en gare d’Austerlitz à Paris, lorsqu’un train défonça un butoir, traversa le quai et s’engouffra dans la buvette. S’agissant d’infrastructures, la vétusté des passages à niveau français, mal signalés et pourvus de barrières fragiles ne s’abaissant qu’à la dernière seconde, cause chaque année entre cinquante et cent morts, et plus souvent autour de quatre-vingts, d’ailleurs, que de cinquante. L’infaillibilité du « service public à la française », en l’occurrence, ne saute pas absolument aux yeux. Ce sont là des faits et des comparaisons qui, naturellement, ne vinrent même pas à l’esprit des antilibéraux.

Ajoutons à ces quelques rappels que les chemins de fer bri­tanniques, même du temps où ils appartenaient à l’État, étaient réputés dans toute l’Europe pour leur médiocre fonctionne­ment. Enfin, leur privatisation ne s’est achevée qu’en 1997 !

 

(p.252) Comment la déficience des infrastructures et du matériel rou­lant se serait-elle produite de façon aussi soudaine et rapide en moins de deux ans ? En réalité, British Railways a légué aux compagnies privées un réseau et des machines profondément dégradés, qui mettaient en péril la sécurité depuis plusieurs décennies. La mise en accusation du libéralisme dans cette tra­gédie relève plus de l’idée fixe que du raisonnement.

 

Que l’on me comprenne bien. Je l’ai souvent écrit dans ces pages : il ne faut pas considérer le libéralisme comme l’envers du socialisme, c’est-à-dire comme une recette mirobolante qui garantirait des solutions parfaites, quoique par des moyens opposés à ceux des socialistes. Une société privée est très capable de faire courir des dangers à ses clients par recherche du profit. C’est à l’État de l’en empêcher, et cette vigilance fait partie de son véritable rôle, que précisément, d’ailleurs, le plus souvent il ne joue pas. Mais la négligence, l’incurie, l’incompétence ou la corruption ne font pas courir de moindres risques aux usagers des transports nationalisés. Il faut pousser l’obsession antilibérale jusqu’à l’aveuglement complet pour prétendre ou sous-entendre qu’il n’y aurait jamais eu d’accident que dans les transports privés… Les trente morts dus à la collision entre deux trains de la Compa­gnie nationale norvégienne, le 4 janvier 2000, furent-ils vic­times du libéralisme ?

 

Il en va de même pour les automobiles. Les Renault, à l’époque où cette société avait l’Etat pour actionnaire unique, n’étaient ni plus ni moins sûres que les Peugeot, les Citroën, les Fiat ou les Mercedes, fabriquées par des sociétés privées. Elles l’étaient même plutôt moins, puisque la Renault « Dau-phine », par exemple, devint vite célèbre pour sa facilité à se retourner sur le toit. Etant donné que Renault nationalisée avait en permanence un compte d’exploitation déficitaire, les voitures sorties de ses ateliers, n’étant source d’aucun profit, au contraire, auraient dû, si l’on suit la logique antilibérale, ne provoquer jamais aucun accident dû à des défaillances dans la mécanique ou l’aérodynamisme.

 

(p.253) Je viens de donner deux exemples illustrant l’omniprésence d’un fonds presque inconscient de culture antilibérale, qui jaillit comme un cri du cœur en toute occasion et qui est d’au­tant plus étonnant qu’il persiste à l’encontre de toute l’expé­rience historique du vingtième siècle et même de la pratique actuelle de la quasi-totalité des pays. La pratique diverge de la théorie et de la sensibilité. L’instinct tient compte, plus que l’intelligence, des enseignements du passé. L’antilibéral est un mage qui se proclame capable de marcher sur les flots mais qui prend grand soin de réclamer un bateau avant de prendre la mer. Comment expliquer ce mystère ?

Une première cause en est cette inertie de la pensée que j’ai appelée la « rémanence idéologiquel ». Une idéologie peut survivre longtemps aux réalités politiques et sociales qu’elle accompagnait. On trouvait encore en France, à la fin des années trente, cent cinquante ans après la Révolution, un remuant courant royaliste, avec de nombreux partisans de la monarchie absolue et non pas même constitutionnelle. Sans prendre part directement à la vie politique au Parlement ou au gouvernement, ce courant exerçait sur la société française une influence notable, tant par sa presse que par les auteurs de talent qui propageaient ses idées hostiles à la République. Malgré l’irréalisme de son programme de restauration monar­chique, cette école de pensée jouait dans le débat public et la vie culturelle un rôle qui n’avait rien de marginal.

 

1.  Voir La Connaissance inutile (1988) et Le Regain démocratique (1992).

 

(p.256) Homme de gauche, et il l’a prouvé en payant le prix fort, idole vénérée par les socialistes français au vingtième siècle, Zola était néanmoins assez intelligent pour comprendre que toute société est inégalitaire.

 

(p.266) Le plus piquant est que l’Etat, quand il veut corriger — lisez : escamoter — ses erreurs économiques, les aggrave. Il peut se comparer à une ambulance qui, appelée sur les lieux d’un accident de la route, foncerait dans le tas et tuerait les derniers survivants. Pour masquer, autant que faire se pouvait, le trou creusé au Lyonnais par sa sottise et sa canaillerie, l’État crée, en 1995, un comité baptisé Consortium de réalisation (CDR), chargé de « réaliser » au mieux les créances douteuses de la banque. Prouesse : le CDR a augmenté les pertes d’au moins cent milliards1 ! C’est la droite, alors au pouvoir, qui, désirant, avec son dévouement habituel, effacer les fautes et les escroqueries de la gauche, inventa cette burlesque « pompe à phynances ».

 

1 Voir les détails dans le mensuel Capital, n° 94, juillet 1999.

 

(p.268) L’élévation meurtrière de la fiscalité en France ne sert principalement ni à créer des emplois ni à soulager ceux qui n’en ont pas, ni à la productivité ni à la solidarité. Elle sert avant tout à combler les trous creusés par les gaspillages et l’incompétence d’un État qui refuse de réformer sa gestion, comme le refusent les collectivités locales, caractérisées, elles aussi, par les folies dépensières et le mépris des contribuables.

 

(p.269) Tout individu qui accepte de s’anéantir devant le Parti se voit garantir en échange un emploi. Sans doute cet emploi est-il très médiocrement payé (en moyenne l’équivalent de dix dollars par mois, soixante francs, en 1999 à Cuba, par exemple) ; et c’est bien pourquoi, en échange, très peu de travail est exigé. L’emploi presque sans travail et presque sans salaire est garanti à vie. D’où la plaisanterie mille fois entendue par les voyageurs de jadis en URSS : « Ils font semblant de nous payer, nous faisons sem­blant de travailler. » Orlov, chercheur scientifique lui-même, cite des cas où des collaborateurs scientifiques sont demeurés des mois absents de leur laboratoire ou bien ont fourni des résultats truqués, sans faire l’objet de la moindre sanction. En effet, les promotions découlent de la fidélité idéologique plus que de la compétence professionnelle. « L’affectation de tra­vailleurs à des fonctions ne correspondant pas à leur qualifica­tion mais donnant droit à une rémunération supérieure, l’exagération des travaux exécutés dans le calcul des primes » sont des gratifications courantes, mais qui ne s’octroient qu’aux citoyens loyaux. Cette servilité politique sans restric­tion implique pour celui qui s’y plie le sacrifice de sa liberté et de sa dignité. Mais l’existence qu’elle lui procure n’est pas dénuée de confort psychique. On peut comprendre qu’une population élevée depuis plusieurs générations dans cette médiocrité douillette et docile supporte mal d’être brutalement

 

1. Op. cit.

 

(p.270) plongée dans les eaux tourbillonnantes de la société de concurrence et de responsabilité.

Quand on écoute certains ressortissants des sociétés ancien­nement communistes d’Europe centrale, on se rend compte qu’ils escomptaient de la démocratisation et de la libéralisa­tion de leur pays qu’elles maintiennent le droit à l’emploi à vie dans l’inefficacité tout en leur octroyant le niveau de vie de la Californie ou de la Suisse. L’idée ne les effleure pas qu’à partir du moment où existe un choix entre une automobile de mauvaise qualité « Trabant », fabriquée en Allemagne de l’Est, et une meilleure voiture fabriquée à l’Ouest pour le même prix, les clients, à commencer par les Allemands de l’Est eux-mêmes, achèteront la deuxième. Ainsi, à bref délai, les usines Trabant devront fermer — ce qui s’est effectivement passé.

 

(p.280) L’erreur de la gauche archaïque est de méconnaître que la libéralisation ne contraint pas à l’abandon des programmes sociaux. Elle oblige, il est vrai, à mieux les gérer. Pour les socialistes français, le critère d’une bonne politique sociale, c’est l’importance de la dépense, pas l’intelligence avec laquelle elle est faite. Le résultat est secondaire.

 

(p.280) Les Pays-Bas, la Suède (qui était quasiment en faillite en 1994) ont réussi à libéraliser leurs économies un peu à la manière de la Nouvelle-Zélande et sans renoncer pour autant à leurs budgets sociaux, mais en les gérant mieux. Et, surtout, en libéralisant fortement la production. La Suède s’est lancée dans la concurrence et l’entreprise. Elle aussi a privatisé les indus­tries, les télécommunications, l’énergie, les banques et les trans­ports

 

1 Le 26 février 1985, le dollar atteint le cours record de 10,61 francs. Il était à environ 5,50 francs en 1981. Mais, naturellement, si le franc est tombé de moitié, c’est la faute… des Américains.

 

(p.303) L’intolérance d’un groupuscule d’intellectuels, lorsqu’il sert de modèle, finit par imprégner ce qu’on pourrait appeler le bas clergé de l’intelligentsia. Ainsi, en 1997, une documenta­liste du lycée Edmond-Rostand à Saint-Ouen-l’Aumône, sou­tenue par un « collectif d’enseignants », ce qui est alarmant, expurge la bibliothèque dudit lycée. Elle en retire des ouvrages d’auteurs considérés par elle comme d’« extrême droite », fascistes, entre autres ceux de deux éminents écri­vains et historiens, Marc Fumaroli et Jean Tulard. Pis : le tribunal de Pontoise débouta les auteurs censurés, qui avaient porté plainte pour atteinte à la réputation. Il allégua « qu’on ne saurait considérer que Mme Chaïkhaoui a commis une faute en établissant une liste de titres qu’elle jugeait dange­reux»1. En quoi Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, de Fumaroli, ou le Napoléon de Tulard sont-ils dangereux, de quel point de vue et pour qui ? En vertu de quelle légitimité, de quel mandat et de quelle compétence Mme Chaïkhaoui est-elle qualifiée pour se prononcer sur le « danger » d’une œuvre de l’esprit et pour la censurer ? A-t-on rétabli l’Inquisition ? Acte injustifiable et déshonorant.

 

1 Voir à ce sujet mon article « L’index au xxe siècle », dans mon recueil Fin du siècle des ombres, Fayard, 1999, p. 585.

 

(p.304) En revanche, lorsqu’en 1995, le maire du Front national d’Orange avait entrepris de rétablir lui aussi l’« équi­libre idéologique » dans la bibliothèque municipale, qui comptait, selon lui, trop d’ouvrages de gauche, la presque totalité de la presse fut fondée à comparer ce sectarisme avec les autodafés de livres sous Hitler. Mais lorsque l’autodafé vient de la gauche, même s’il repose de surcroît sur une incul­ture crasse et une ignorance flagrante des auteurs censurés, l’Éducation nationale et l’Autorité judiciaire lui donnent leur bénédiction.

Nous vivons dans un pays où un simple employé peut expurger une bibliothèque en se bornant à imputer, contre toute vraisemblance, aux épurés des sympathies fascistes ou racistes et pourquoi pas ? la responsabilité de l’holocauste. Nos élites réprouvent la censure et la délation calomnieuse lorsqu’elles viennent du Front national, rarement quand elles émanent d’une autre source idéologique. L’idéologue, quant à lui, ne perçoit le totalitarisme que chez ses adversaires, jamais en lui-même puisqu’il est sûr de détenir la Vérité abso­lue et le monopole du Bien. Les intellectuels flics et calomnia­teurs ont proliféré ces dernières années plus encore à gauche qu’à l’extrême droite. Or, quand elles atteignent le stade du sectarisme persécuteur, la droite et la gauche cessent de se distinguer pour fusionner au sein d’une même réalité, le totali­tarisme intellectuel. Les principes dont elles se réclament res­pectivement l’une et l’autre n’ont plus aucun intérêt. Ils s’effacent devant l’identité des comportements, qui les rend indiscernables.

 

1. 18 septembre 1998. R. Redeker appartient à la rédaction des Temps modernes, dont, comme on sait, Claude Lanzmann est le directeur.

 

(p.307) Ce populisme, qui se réduit à l’affirmation sans cesse réité­rée de ce que son « élite » aux abois souhaite qu’on lui dise, tend, ne l’oublions pas, vers ce but éternel et primordial : rétablir la croyance selon laquelle le marxisme reste juste et le communisme n’était pas mauvais, en tout cas moins que ne l’est le capitalisme. D’où le zèle que déploie, par exemple, Le Monde diplomatiquel pour assurer la diffusion en français de l’ouvrage du marxiste anglais Eric Hobsbawm, L’Âge des extrêmes (1914-1941), impavide négationniste s’il en fut, qui va jusqu’à refuser d’admettre, aujourd’hui, que les Soviétiques soient les auteurs du massacre de Katyn, bien que Mikhaïl Gorbatchev lui-même l’ait reconnu en 1990 et que plusieurs documents sortis des archives de Moscou l’aient confirmé depuis lors.

 

1.  Voir le résumé de l’« affaire Hobsbawm » dans Le Monde, 28 octobre 1999.

 

(p.308) Depuis la fin de l’Empire soviétique, il en subsiste au fond un seul, c’est l’antiaméricanisme. Prenez la France, pays auquel je me réfère volontiers parce qu’il est le laboratoire paradigmatique de la résistance aux enseignements de la catastrophe communiste. Si vous enlevez l’antiaméricanisme, à droite comme à gauche, il ne reste rien de la pensée politique fran­çaise. Enfin, ne lésinons pas, il en reste peut-être, mettons (p.309) trois ou quatre pour cent, du moins dans les milieux qui occu­pent le devant de l’éphémère.

La mondialisation, par exemple, est rarement analysée en tant que telle, pas plus que les fonctions de l’Organisation mondiale du commerce. L’une et l’autre font peur. Pour­quoi ? Parce qu’ils sont devenus synonymes d’hyperpuissance américaine1. Si vous objectez que la mondialisation des échanges ne profite pas unilatéralement aux États-Unis, les­quels achètent plus qu’ils ne vendent à l’étranger, sans quoi leur balance du commerce extérieur ne serait pas en déficit chronique ; ou si vous avancez que l’OMC n’est pas foncière­ment néfaste aux Européens ou aux Asiatiques, sans quoi on ne comprendrait pas pourquoi tant de pays qui n’en sont pas encore membres (la Chine, par exemple, dont l’entrée a finale­ment été décidée en novembre 1999) font des pieds et des mains pour s’y faire admettre, alors vous haranguez des sourds. Car vous vous placez sur le terrain des considérations rationnelles alors que votre auditoire campe sur celui des idées fixes obsessionnelles. Vous ne gagnerez rien à lui mettre sous les yeux des éléments réels de réflexion, sinon de vous faire traiter de valet des Américains. Pourtant, l’OMC a tranché en faveur de l’Union européenne plus de la moitié des différends qui l’opposaient aux États-Unis et a souvent condamné ceux-ci pour subventions déguisées. Loin d’être la foire d’empoigne du laissez-passer, l’OMC a été au contraire créée afin de ren­dre loyale la concurrence dans les échanges mondiaux.

La haine des États-Unis s’alimente à deux sources distinctes mais souvent convergentes : les États-Unis sont l’unique superpuissance, depuis la fin de la guerre froide ; les États-Unis sont le principal champ d’action et centre d’expansion du diable libéral. Les deux thèmes d’exécration se rejoignent, puisque c’est précisément à cause de son « hyperpuissance » que l’Amérique répand la peste libérale sur l’ensemble de la planète. D’où le cataclysme vitupéré sous le nom de mondialisation.

 

1. Voir le sondage paru dans Les Échos, 2 novembre 1999.

 

(p.310) Si l’on prend au pied de la lettre ce réquisitoire, il en ressort que le remède aux maux qu’il dénonce serait que chaque pays mette ou remette en place une économie étatisée et, d’autre part, se ferme hermétiquement aux échanges internationaux, y compris et surtout dans le domaine culturel. Nous retrou­vons donc là, dans une version post-marxiste, l’autarcie éco­nomique et culturelle voulue par Adolf Hitler.

 

En politique internationale, les États-Unis sont plus détestés et désapprouvés, même par leurs propres alliés, depuis la fin de la guerre froide qu’ils ne l’étaient durant celle-ci par les partisans avoués ou inavoués du communisme. C’est au point que l’Amérique soulève la réprobation parfois la plus haineuse, même quand elle prend des initiatives qui sont dans l’intérêt évident de ses alliés autant que d’elle-même, et qu’elle est seule à pouvoir prendre. Ainsi, durant l’hiver 1997-1998, l’annonce par Bill Clinton d’une éventuelle intervention mili­taire en Irak, pour forcer Saddam Hussein à respecter ses engagements de 1991, fit monter de plusieurs degrés le senti­ment hostile envers les États-Unis. Seul le gouvernement bri­tannique prit position en leur faveur.

 

Le problème était pourtant clair. Depuis plusieurs années, Saddam refusait d’anéantir ses stocks d’armes de destruction massive, empêchait les inspecteurs des Nations unies de les contrôler, violant ainsi l’une des principales conditions accep­tées par lui lors de la paix consécutive à sa défaite de 1991. Étant donné ce dont le personnage est capable, on ne pouvait nier la menace pour la sécurité internationale que représentait l’accumulation entre ses mains d’armes chimiques et biolo­giques. Mais, là encore, le principal scandale que trouvait à dénoncer une large part de l’opinion internationale, c’était l’embargo infligé à l’Irak. Comme si le vrai coupable des pri­vations subies de ce fait par le peuple irakien n’était pas Saddam lui-même, qui avait ruiné son pays en se lançant dans une guerre contre l’Iran en 1981, puis contre le Koweït en 1990, enfin en entravant l’exécution des résolutions de l’ONU sur ses armements. Le soutien que, par haine des États-Unis, (p.311) les censeurs de l’embargo apporteraient ainsi à un dictateur sanguinaire venait aussi bien de l’extrême droite que de l’ex­trême gauche (Front national et Parti communiste en France) ou des socialistes de gauche (l’hebdomadaire The New States-man en Grande-Bretagne ou Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, en France), et de la Russie autant que d’une partie de l’Union européenne. Il s’agit donc d’un commun dénominateur antiaméricain plus que d’un choix idéologique ou stratégique cohérent.

 

Beaucoup de pays, dont la France, ne niaient pas la menace représentée par les armements irakiens, mais déclaraient pré­férer à l’intervention militaire la « solution diplomatique ». Or la solution diplomatique était, précisément, rejetée depuis sept ans par Saddam, qui avait tant de fois mis à la porte les représentants de l’ONU ! Quant à la Russie, elle clama que l’usage de la force contre Saddam mettrait en péril ses propres « inté­rêts vitaux ». On ne voit pas en quoi. La vérité est que la Russie ne perd pas une occasion de manifester sa rancœur de ne plus être la deuxième superpuissance mondiale, ce qu’elle était ou croyait être du temps de l’Union soviétique. Mais l’Union soviétique est morte de ses propres vices, dont la Russie subit encore les conséquences.

Il y a eu dans le passé des empires et des puissances d’échelle internationale, avant les Etats-Unis de cette fin du vingtième siècle. Mais il n’y en avait jamais eu aucun qui attei­gnît à une prépondérance planétaire. C’est ce que souligne Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller à la Sécurité du prési­dent Jimmy Carter, dans son livre, Le Grand Échiquier1. Pour mériter le titre de superpuissance mondiale, un pays doit occuper le premier rang dans quatre domaines : économique, technologique, militaire et culturel. L’Amérique est actuelle­ment le seul pays — et le premier dans l’histoire — qui rem­plisse ces quatre conditions à la fois.

 

1 Trad. fr., Bayard éditions, 1997.

 

(p.313) Car la prépondérance de l’Amérique est venue, sans doute, de ses qualités propres, mais aussi des fautes commises par les autres, en particulier par l’Europe. Récemment encore, la France a reproché aux États-Unis de vouloir lui ravir son influence en Afrique. Or, la France porte une accablante res­ponsabilité dans la genèse du génocide rwandais de 1994 et dans la décomposition du Zaïre qui a suivi. Elle s’est donc discréditée toute seule, et c’est ce discrédit qui a creusé le vide rempli ensuite par une présence croissante des États-Unis. (…)

 

(p.314) La superpuissance américaine résulte pour une part seule­ment de la volonté et de la créativité des Américains. Pour une autre part, elle est due aux défaillances cumulées du reste du monde : la faillite du communisme, le suicide de l’Afrique débilitée par les guerres, les dictatures et la corruption, les divisions européennes, les retards démocratiques de l’Amé­rique latine et surtout de l’Asie.

À l’occasion de l’intervention de l’Otan au Kosovo la haine antiaméricaine s’est haussée encore d’un cran. Dans la guerre du Golfe, on pouvait plaider que, derrière une apparente croi­sade en faveur de la paix, se cachait la défense d’intérêts pétroliers. On négligeait ainsi, d’ailleurs, ce fait que les Euro­péens sont beaucoup plus dépendants du pétrole du Moyen-Orient que ne le sont les États-Unis. Mais au Kosovo, même avec la pire foi du monde, on ne voit pas quel égoïsme améri­cain pouvait dicter cette intervention dans une région sans grandes ressources ni grande capacité importatrice et où l’ins­tabilité politique, le chaos ethnique, les crimes contre la popu­lation faisaient courir un grave danger à l’équilibre de l’Europe, mais aucun à celui des États-Unis.

Au cours du processus de mobilisation de l’Otan, ce sont plutôt les Américains qui ont eu le sentiment d’être entraînés dans cette expédition par les Européens, et plus particulière­ment par la France, après l’échec de la conférence de Ram­bouillet. Ame de cette conférence, en février 1999, Paris avait déployé tous ses efforts et engagé tout son prestige pour convaincre la Serbie d’accepter un compromis au sujet du Kosovo. Si le refus des Serbes ne leur avait valu ensuite

(p.315) aucune sanction, c’est l’Europe, et en premier lieu la France, qui auraient ainsi donné le spectacle d’une pitoyable impuis­sance, au demeurant réelle. La participation américaine à l’opération militaire de l’Otan eut pour fonction à la fois de la pallier et de la masquer. Sur neuf cents avions engagés, six cents étaient américains, ainsi que la quasi-totalité des satel­lites d’observation1. Car les crédits que les États-Unis à eux seuls consacrent à l’équipement et à la recherche militaires sont deux fois plus élevés que ceux des quinze pays de l’Union européenne ; et, en matière de défense spatiale, dix fois plus. Si la volonté d’agir au Kosovo fut européenne, les moyens, dans leur majorité, furent et ne pouvaient être qu’américains. De surcroît, la barbarie qu’il s’agissait d’éradiquer résultait de plusieurs siècles d’absurdités d’une facture inimitablement européenne dont la moindre n’était pas la dernière en date : avoir toléré le maintien à Belgrade, après la décomposition du titisme, d’un dictateur communiste reconverti en nationaliste intégral.

 

Mais, puisqu’il fallait comme d’ordinaire imputer aux Amé­ricains les fautes européennes, cette constellation d’antécé­dents historiques presque millénaires et de facteurs contemporains visibles et notoires fut recouverte du voile de l’ignorance volontaire par de copieuses cohortes intellectuelles et politiques en Europe. À la connaissance on substitua une construction imaginaire selon laquelle les exterminations interethniques au Kosovo étaient une invention américaine destinée à servir de prétexte aux États-Unis pour, en interve­nant, mettre la main sur l’Otan et asservir définitivement l’Union européenne. Pascal Bruckner a dressé un inventaire édifiant de ce sottisier2. (…)

 

1.  Pierre Beylau, « Défense : l’impuissance européenne », Le Point, 14 mai 1999.

2. Pascal Bruckner, « Pourquoi cette rage antiaméricaine ? », « Point de vue » publié dans Le Monde, 1 avril 1999. Et « L’Amérique diabolisée », entretien paru dans Politique internationale, n° 84, été 1999.

 

(p.316) La convergence entre l’extrême droite et l’extrême gauche frôle ici l’identité de vues. Jean-Marie Le Pen est indiscernable de Régis Debray et de quelques autres quand il écrit dans l’organe du Front national, National Hebdo2 : « Le spectacle de l’Europe (et de la France !) à la botte de Clinton dans cette guerre de lâches et de barbares moralisants est écœurant, ignoble, insupportable. J’ai été pour les Croates et contre Milosevic. Aujourd’hui, je suis pour la Serbie nationaliste, contre la dictature que les Américains imposent. »

Pour Didier Motchane, du Mouvement des citoyens (gauche socialiste), le but secret des Américains était d’attiser l’hostilité entre la Russie et l’Union européenne. Pour Bruno Mégret, de l’extrême droite (Mouvement national), il était de créer un précédent dont pourraient s’autoriser un jour les Maghrébins, bientôt majoritaires dans le sud de la France,

 

1. Le Monde, 1″ avril 1999.

2. 22 avril 1999.

 

(p.317) pour exiger un référendum sur l’indépendance de la Pro­vence, voire son rattachement à l’Algérie. Pour Jean-François Kahn, directeur de l’hebdomadaire de gauche Marianne, le même calcul pervers tendait à inciter à la même démarche les Alsaciens, s’il leur venait à l’esprit de vouloir redevenir Allemands. En cas de refus du gouvernement français, l’Oncle Sam se sentirait alors en droit de bombarder Paris, tout comme il a bombardé Belgrade en 1999. Jean Baudrillard confie de son côté à Libérationl sa version de l’événement : le dessein réel de l’Amérique est selon lui d’aider Milosevic à se débarrasser des Kosovars ! Allez comprendre… C’est d’ail­leurs également l’Amérique, affirme Baudrillard, qui a pro­voqué la crise financière de 1997 au Japon et dans les autres pays d’Asie. Ni ces pays ni le Japon n’ont donc la moindre responsabilité propre dans leurs malheurs boursiers. Pas plus que les Européens dans la genèse de l’inextricable écheveau des haines balkaniques. La conscience morale de ces philo­sophes n’est pas effleurée par l’hypothèse que l’Union euro­péenne aurait été déshonorée si elle avait laissé se poursuivre, au cœur de son continent, la boucherie du Kosovo. Il est vrai que, selon eux, le projet global de Washington est de « barrer la route à la démocratie mondiale en lente émergence2 ». Le nettoyage ethnique du Kosovo était donc « une démocratie en lente émergence ? » Avec ce passe-partout en main, plus n’est besoin de se casser la tête à étudier les relations internatio­nales ou même à s’en informer. Comme le souligne judicieuse­ment Jean-Louis Margolin3, «la lecture du monde est alors simple : Washington est toujours coupable, forcément coupa­ble ; ses adversaires sont toujours des victimes, forcément vic­times ». J’ajouterai : ses alliés aussi ! Toujours coupable, c’est bien le mot. Si les Américains renâclent à s’engager dans une opération humanitaire, ils sont stigmatisés pour leur peu d’empressement à secourir les affamés et les persécutés. S’ils

 

1.  29 avril 1999.

2.  Denis Duclos, Le Monde, 22 avril 1999.

3. Le Monde, 29 mai 1999.

 

(p.318) s’y engagent, ils sont accusés de comploter contre le reste de la planète

(…) C’est nous surtout, Européens, qui nous adonnons à cette projection sur les États-Unis des causes de nos propres erreurs. L’« unilatéralisme » américain que dénonce le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin, Hubert Védrine, n’est souvent que l’envers de notre indéci­sion ou de nos mauvaises décisions. Pour la France, se figurer tenir tête à cet « unilatéralisme » en tapant du pied pour imposer la vente de nos bananes antillaises au-dessus du prix (p.319) du marché ou pour protéger outrageusement Saddam Hussein est dérisoire. De même, l’obséquiosité avec laquelle la France a reçu le président chinois en octobre 1999 découlerait, a-t-on dit, d’un « grand dessein » consistant à promouvoir le géant chinois pour contrebalancer le géant américain. Ainsi, la France, en août 1999, est allée jusqu’à dénoncer comme « dés­tabilisant pour la Chine » le projet américain d’installer des boucliers antimissiles aux Etats-Unis et dans certains pays d’Extrême-Orient. Nous reconnaissons là un vieux canasson de la propagande pro-soviétique de jadis, selon laquelle c’était la défense occidentale qui constituait la seule menace pour la paix car elle semait l’angoisse au Kremlin.

 

(p.322) Les deux pilotes de la réunification furent d’abord, naturelle­ment, le président soviétique et le chancelier ouest-allemand. Mais il leur fallait une garantie internationale et un soutien exté­rieur, pour le cas où une partie des responsables soviétiques et notamment des généraux auraient décidé de s’opposer à Gor­batchev et d’intervenir militairement pour prolonger par la force l’existence de la RDA. Cette garantie internationale et ce soutien extérieur, ce furent les États-Unis qui les leur apportè­rent. Le président américain, George Bush, par des signaux dénués d’ambiguïté, fit comprendre aux éventuels va-t-en-guerre de Moscou qu’une reprise de l’opération « Printemps de Prague » en RDA se heurterait, cette fois-ci, à une riposte amé­ricaine. N’ayant saisi ni l’importance ni la signification des évé­nements qui arrachèrent l’Europe centrale au communisme, et n’y ayant joué aucun rôle positif, les Européens occidentaux n’ont aucun droit de déplorer l’« hyperpuissance » américaine, laquelle provient de ce que l’Amérique a dû combler leur propre vide politique et intellectuel, dans des circonstances où, (p.323) cependant, c’étaient les intérêts vitaux de l’Europe, une fois de plus, qui étaient en jeu.

Appartenir à l’Europe, être l’allié de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, ne fut d’aucun secours à Helmut Kohl en 1989 et en 1990 dans la conduite de l’opération la plus risquée, la plus lourde de conséquences de l’histoire récente de son pays. En revanche, être l’allié des États-Unis lui permit de mener la réunification à bien dans la paix tout en parachevant la décommunisation de l’Europe centrale. En outre, George Bush sut s’abstenir de tout triomphalisme sus­ceptible d’irriter les opposants soviétiques à la politique de Gorbatchev. Le président américain refusa, en particulier, de suivre l’avis de ses conseillers, qui l’incitaient à se rendre à Berlin au lendemain de la chute du Mur. Il eut la décence de respecter la résonance purement allemande des retrouvailles des deux populations. Il ne fut pas du spectacle, mais il avait été du combat. L’Europe en avait été absente. Voilà pourquoi ni Jacques Chirac, ni Tony Blair, ni Massimo D’Alema n’assis­tèrent à la commémoration du 9 novembre 1999 au Bundes-tag, dans Berlin réunifiée.

L’antiaméricanisme onirique provient de deux origines dis­tinctes, qui se rejoignent dans leurs résultats. La première est le nationalisme blessé des anciennes grandes puissances euro­péennes. La deuxième est l’hostilité à la société libérale chez les anciens partisans du communisme, y compris ceux qui, sans approuver les sanguinaires totalitarismes soviétiques, chi­nois ou autres, avaient fait le pari que le communisme pourrait un jour se démocratiser et s’humaniser.

 

Le nationalisme blessé ne date pas de la fin de la guerre froide. Il apparaît au lendemain de la Deuxième Guerre mon­diale. Son plus brillant et catégorique porte-parole fut le géné­ral de Gaulle. « L’Europe occidentale est devenue, même sans s’en apercevoir, un protectorat des Américains », confie-t-il en 1963 à Alain Peyrefitte1. Pour le premier président de la

 

1. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, op. cit., tome II, dont sont extraites égale­ment les citations qui vont suivre.

 

(p.324) Cinquième République, il existe une équivalence entre la rela­tion de Washington avec l’Europe occidentale et celle de Mos­cou avec l’Europe centrale et orientale. « Les décisions se prennent de plus en plus aux États-Unis… C’est comme dans le monde communiste, où les pays satellites se sont habitués à ce que les décisions se prennent à Moscou. » Malheureuse­ment les Européens de l’Ouest, hormis la France, « se ruent à Washington pour y prendre leurs ordres ». « Les Allemands se font les boys des Américains. » D’ailleurs, déjà pendant la guerre, « Churchill piquait une lèche éhontée à Roosevelt ». « Les Américains ne se souciaient pas plus de délivrer la France que les Russes de libérer la Pologne. »

 

De Gaulle développera publiquement cette thèse dans sa conférence de presse du 16 mai 1967 : les États-Unis ont traité la France après 1945 exactement comme l’URSS a traité la Pologne ou la Hongrie. Rien ne l’en fait démordre. En 1964, le président Johnson adresse aux Départements d’État et de la Défense un mémorandum leur disant qu’il n’approuvera aucun plan de défense qui n’ait au préalable été discuté avec la France. De Gaulle déclare alors à Peyrefitte : «Johnson cherche à noyer le poisson. » S’il n’avait pas prescrit de consulter la France, Johnson aurait assurément montré par-là son « hégémonisme ». Quand il proclame au contraire la liberté de choix française et la volonté américaine de n’adop­ter aucun plan sans l’accord de Paris, alors c’est qu’il désire « noyer le poisson ». Le dispositif mental que nous connais­sons est bien en place : les États-Unis ont toujours tort.

 

Chez le nationaliste, donc, la pensée tourne dans le laby­rinthe passionnel de l’orgueil blessé. Même dans la science et la technologie, le retard de son propre pays ne provient pas, selon lui, de ce qu’il a fait fausse route, ou d’une inaptitude — pour des raisons, par exemple, de raideur étatique — à voir et à prendre la direction de l’avenir. Si un autre pays saisit avant lui les occasions de progrès, ce ne saurait être que par malveillance et appétit de domination. L’intelligence n’y est pour rien, ni le système économique. Ainsi, en 1997, (p.325) Jacques Toubon, alors ministre français de la Justice, déclare à l’hebdomadaire américain US News and World Report que « l’usage dominant de la langue anglaise sur l’internet est une nouvelle forme de colonialisme ». Bien entendu, la cécité tech­nologique d’une France crispée sur son Minitel national n’a joué aucun rôle dans cette triste situation. En 1997, nous avions dix fois moins d’ordinateurs reliés à l’internet que les Etats-Unis, deux fois moins que l’Allemagne et arrivions même derrière le Mexique et la Pologne ! Mais la faute en est toujours à l’autre, qui a eu le front de voir plus clair plus tôt que nous et dont la souplesse libérale a permis l’initiative des créateurs privés. En France, la bureaucratisation d’une recherche confite dans le CNRS, la distribution de l’argent public à des chercheurs stériles, mais amis du pouvoir, n’est-ce pas un boulet ? Dans un texte de 1999, intitulé Pour l’exemption culturelle, Jean Cluzel, président du Comité fran­çais pour l’audiovisuel, persiste dans la voie protectionniste et peureuse. Il écrit : « Face à l’irruption fracassante des nou­velles technologies de la communication, au service de la culture dominante américaine, la souveraineté culturelle fran­çaise est fortement menacée. » Irruption fracassante ? Pour quelles raisons ? Est-elle tombée du ciel ? Le remède ? Etu­dier les causes de cette irruption ? Que non pas ! Il faut ins­taurer des quotas, subventionner nos films et feuilletons télévisés, revendiquer l’universelle francophonie, tout en lais­sant la langue française se dégrader dans nos écoles et sur nos ondes.

 

Toute interprétation délirante par laquelle le moi blessé impute ses propres échecs à autrui est intrinsèquement contra­dictoire. Celle-là ne manque pas à la règle. En effet, les Fran­çais haïssent les Etats-Unis, mais, si quelqu’un proteste contre les américanismes inutiles qui envahissent le parler des médias de masse, on traite aussitôt le récriminateur de vieux ringard, de puriste étriqué et de pion ridiculement accroché au passé. Nous réussissons ce tour de force de conjuguer l’impérialisme francophonique et le hara-kiri langagier. Nous voulons imposer (p.324) au monde une langue que nous parlons nous-mêmes de plus en plus mal, et que nous méprisons donc, délibérément. La contradiction règne avec le même brio au cœur de l’antiaméricanisme de la gauche. Mais le sien est idéologique plus que nationaliste. Dans les cas aigus, il est souvent les deux à la fois. Lorsque Noël Manière, député vert, et Olivier Warin, journaliste télévisuel pour Arte, intitulent un livre commun Non, merci, Oncle Sam1, cela ne peut signifier qu’une chose, à la lumière de l’histoire et non de l’illusion : ces deux auteurs auraient préféré voir l’Europe hitlérienne ou stalinienne plutôt qu’influencée par les États-Unis. Cependant l’Amérique est exécrée à gauche surtout parce qu’elle est le repaire du libéralisme. Or, le libéralisme, quand on gratte un peu, cela continue pour les socialistes à être le fascisme. L’ul-tragauche procède ouvertement à cette assimilation. Et il ne faut pas pousser très loin un interlocuteur de la gauche « mo­dérée » pour qu’il y vienne aussi, trahissant le fond de sa pen­sée. Combien de fois, dans les pages qui précèdent, n’avons-nous pas rencontré, chez les orateurs qui ne donnaient par ailleurs aucun signe d’aliénation, l’expression « libéralisme totalitaire » et autres équivalents ? L’inférence naturelle de ce verdict devrait donc être de préconiser la restauration de la société communiste, le retour aux racines du socialisme, l’abo­lition de la liberté d’entreprendre et de la liberté des échanges. Et c’est là qu’est la contradiction. Car, vu le bilan du commu­nisme, et même celui du social-étatisme à la française des années quatre-vingt, aujourd’hui trop bien connus, la gauche recule devant cette conclusion, encore qu’une proportion sub­stantielle de ses prédicateurs les plus ardents la couvent du regard. Mais, comme un tel programme ne peut donner lieu désormais à aucune politique concrètement menée par un gouvernement responsable quel qu’il soit, ce sont surtout les intellectuels de gauche qui, fidèles à leur mission historique, n’ont pas manqué cette occasion trop belle de s’en faire les hérauts.

 

1. Ramsay, 1999.

 

(p.327) Ainsi Günter Grass, dans un roman paru en 1995, Ein mettes Feld (« Une longue histoire ») chante rétrospective­ment les charmes berceurs de la République démocratique d’Allemagne, réservant toute sa sévérité à l’Allemagne de l’Ouest. La réunification allemande ne fut rien d’autre à ses yeux qu’une « colonisation » (nous avons déjà rencontré ce terme dans ce contexte) de l’Est par l’Ouest et donc une inva­sion de l’Est par le « capitalisme impérialiste ». Il aurait fallu faire l’inverse, dit-il, se servir de la RDA comme du soleil à partir duquel le socialisme aurait rayonné sur l’ensemble de l’Allemagne. Façon de parachever la beauté de la démonstra­tion, le héros du roman de Grass est un personnage que vous et moi considérerions naïvement comme infect et nauséabond, puisqu’il a passé sa vie à espionner ses concitoyens et à les moucharder, en servant d’abord la Gestapo, ensuite la Stasi. Mais Grass le juge, quant à lui, tout à fait respectable, dans la mesure où cet homme a toujours servi un État antilibéral et s’est inspiré des antiques vertus de l’esprit prussien ! Tels sont la sûreté de vues historiques et les critères de moralité du prix Nobel de littérature 1999 ‘. Ils sont logiques dans la perspective d’une « résistance » à l’influence américaine, puisque les deux seules productions politiques originales de l’Europe au vingtième siècle, les seules qui ne doivent rien à la pensée « anglo-saxonne » sont le nazisme et le communisme. Restons donc fidèles aux traditions du terroir !

 

1. Voir le compte rendu plus détaillé de ce roman par Rosé-Marie Mercillon, < La nostalgie de Günter Grass », Commentaire, n » 72, hiver 1995-1996.

 

(p.329) LA HAINE DU PROGRES

L’opération qui absorbe le plus l’énergie de la gauche inter­nationale, en cette fin du vingtième siècle, et pour probable­ment plusieurs années encore au début du siècle suivant, a ainsi pour but d’empêcher que soit traitée ou même posée la question de sa participation active ou de son adhésion passive, selon les cas, au totalitarisme communiste. Tout en feignant de répudier le socialisme totalitaire, ce qu’elle ne fait qu’à contrecœur et du bout des lèvres, la gauche refuse d’exami­ner, sur le fond, la validité du socialisme en tant que tel, de tout socialisme, de peur d’avoir à découvrir ou, plutôt, à reconnaître explicitement que son essence même est totali­taire. Les partis socialistes, dans les régimes de liberté, sont démocratiques dans la proportion même où ils sont moins socialistes.

 

(p.330) Le bruit assourdissant et quotidien de l’orchestration du « devoir de mémoire » à l’égard de ce passé déjà lointain semble en partie destiné à épauler le droit à l’amnésie et à l’autoamnistie des partisans du premier totalitarisme, lequel a sévi plus tôt, plus longuement, beaucoup plus tard et sévit encore par endroits sur de vastes étendues géographiques et un peu partout dans bien des esprits. Ces partisans couvrent ainsi la voix de ceux qui vou­draient l’évoquer et ils expliquent au besoin cette honteuse insistance à parler du communisme par une sournoise compli­cité rétrospective avec le nazisme.

 

(p.331) Le communisme est, pour la gauche, comme un membre fantôme, un bras ou une jambe disparus, mais que l’amputé continue à sentir comme s’il était encore présent. Et si l’on a vu disparaître le communisme en tant qu’idéologie globale, façonnant tous les aspects de la vie humaine dans les pays où il était implanté et destinée à régir un jour la totalité de la planète, cela ne signifie pas qu’il ait cessé de contrôler des pans entiers de nos sociétés et de nos cultures. C’est ce que Roland Hureaux, dans Les Hauteurs béantes de l’Europe2, appelle « l’idéologie en pièces détachées ». L’idéologie n’est pas nécessairement un bloc, observe-t-il. « Des phénomènes de nature idéologique peuvent être à l’œuvre dans tel ou tel secteur de la vie politique, administrative ou sociale sans que l’on soit pour autant dans une société totalitaire. »

Un bon échantillon de ces idéologies en pièces détachées est fourni par le courant d’émotions négatives suscité par la mondialisation des échanges.

La guérilla urbaine qui se déchaîna en novembre-décembre 1999 à Seattle contre l’Organisation mondiale du commerce, plus enragée encore que celle de Genève en 1998, incarne bien la survivance de la folie totalitaire. On n’ose même plus dire, devant une telle dégradation, « idéologie » totalitaire. L’idéologie, en effet, préserve au moins les apparences de la

 

1. Éditions F X. de Guibert, 1999.

 

(p.332) rationalité. A Seattle, le spectacle était donné par des primitifs de la pseudo-révolution. Ils braillaient des protestations et revendications d’une part hors de propos, sans rapport avec l’objet réel de la réunion ministérielle de l’OMC, d’autre part hétéroclites et incompatibles entre elles.

Hors de propos parce que l’OMC, loin de prôner la liberté sans frein ni contrôle du commerce international, a été créée en vue de l’organiser, de le réglementer, de le soumettre à un code qui respecte le fonctionnement du marché tout en l’encadrant de règles de droit. Les manifestants s’en prenaient donc à un adversaire imaginaire : la mondialisation « sau­vage ». Elle se révéla l’être bien moins qu’eux-mêmes et à vrai dire l’être si peu que ce fut le protectionnisme, gavé de sub­ventions, auquel s’accrochèrent certains grands partenaires de la négociation, qui provoqua au contraire l’échec de la confé­rence. Un autre reproche gauchiste, celui fait aux pays riches de vouloir imposer le libre-échange, en particulier la libre cir­culation des capitaux, aux pays moins développés pour exploiter la main-d’œuvre locale, ses bas salaires et l’insuffi­sance de sa protection sociale, se révéla être un autre de ces fruits de la pensée communiste qui survivent sous forme de paranoïa. En effet, ce furent les pays en voie de développe­ment qui, à Seattle, refusèrent de s’engager à adopter des mesures sociales, le salaire minimal garanti ou l’interdiction du travail des enfants. Ils arguèrent que les riches voulaient, en leur imposant ces mesures, réduire leur compétitivité, due à leur faibles coûts de production, prometteurs d’un décollage économique et donc d’une élévation ultérieure de leur niveau de vie. Contrairement aux préjugés des gauchistes, c’étaient les pays les moins développés, en l’occurrence, qui récla­maient le libéralisme « sauvage » et les pays capitalistes avancés qui, grevés d’un coût élevé du travail, demandaient une harmonisation sociale parce qu’ils redoutent la concur­rence des pays moins avancés. C’est aux moins riches que la liberté du commerce profite le plus, parce que ce sont eux qui ont, dans certains secteurs importants, les produits les plus (p.333) compétitifs. Et ce sont les plus riches, avec leurs prix de revient élevés, qui, dans ces mêmes secteurs, craignent le plus la mondialisation. Au vu des divisions qui, à propos de la mondialisation commerciale, opposent aussi bien les pays riches entre eux que l’ensemble des pays riches à l’ensemble des pays moins avancés, on constate que l’idée fixe selon laquelle régnerait partout une « pensée unique » libérale n’existe que dans l’imagination de ceux qui en sont hantés.

 

De même, au rebours des slogans écologistes, fort bruyants eux aussi chez les casseurs de Seattle, ce ne sont pas les multi­nationales, issues des grandes puissances industrielles, qui rechignent le plus à la protection de l’environnement, ce sont les pays les moins développés. Ils font valoir qu’au cours d’une première phase au moins leur industrialisation, pour prendre son essor, doit, comme le fit jadis celle des riches actuels, laisser provisoirement au second plan les préoccupa­tions relatives à l’environnement. Argument également for­mulé par les pêcheurs de crevettes d’Inde ou d’Indonésie, auxquels les écolos de Seattle entendaient faire interdire l’em­ploi de certains filets capturant aussi les tortues, espèce mena­cée. Quel spectacle comique, ces braillards bien nourris des grandes universités américaines s’efforçant de priver de leur gagne-pain les travailleurs de la mer peinant aux antipodes ! Pourquoi nos écolos ne s’en prennent-ils pas plutôt à la pêche européenne, à la sauvagerie protégée avec laquelle, persistant à employer des filets aux mailles étroites qui tuent les poissons non encore adultes, elle extermine les réserves de nos mers ? Il est vrai qu’aller affronter les marins pêcheurs de Lorient ou de La Corogne ne va pas sans risques. Et charrier des pan­cartes vengeresses contre la liberté du commerce, dans une ville comme Seattle, où quatre salariés sur cinq, à cause de Microsoft ou de Boeing, travaillent pour l’exportation, ne va pas sans ridicule.

 

Autre détail amusant : les mêmes énergumènes qui manifes­tent par la violence leur hostilité à la liberté du commerce militent, avec une égale ardeur, en faveur de la levée de l’embargo  (p.334) qui frappe le commerce entre les États-Unis et Cuba. Pourquoi le libre-échange, incarnation diabolique du capita­lisme mondial, devient-il soudain un bienfait quand il s’agit de le faire jouer au profit de Cuba ou de l’Irak de Saddam Hussein ? Bizarre ! Si la liberté du commerce international est à leur yeux un tel fléau, ne conviendrait-il pas de faire l’inverse et d’étendre l’embargo à tous les pays ?

 

On ne saurait expliquer ce tissu de contradictions affichées collectivement par des gens qui, pris chacun isolément, sont sans doute d’une intelligence tout à fait normale, sans l’envoû­tement par le spectre regretté du communisme, qui a condi­tionné et conditionnera encore longtemps certains sentiments et comportements politiques. Selon ces résidus communistes, le capitalisme demeure le mal absolu et le seul moyen de le combattre est la révolution — même si le socialisme est mort et si la « révolution » ne consiste plus guère qu’à briser des vitrines, éventuellement en pillant un peu ce qu’il y a derrière.

Ce simplisme confortable dispense de tout effort intellec­tuel. L’idéologie, c’est ce qui pense à votre place. Supprimez-la, vous en êtes réduit à étudier la complexité de l’économie libre et de la démocratie, ces deux ennemis jurés de la « révo­lution ». L’ennui est que ces bribes idéologiques et les mimes révolutionnaires qu’elles inspirent servent de paravent à la défense d’intérêts corporatistes bien précis. Derrière la cohue des braillards incohérents s’engouffraient à Seattle les vieux groupes de pression protectionnistes des syndicats agricoles et industriels des pays riches qui, eux, savaient fort bien ce qu’ils voulaient : le maintien de leurs subventions, de leurs privilèges, des aides à l’exportation, sous le prétexte en appa­rence généreux de lutter contre « le marché générateur d’inégalités ».

Les cris de joie de la révolte « citoyenne! », proclamée telle

 

1. Ce terme est, depuis quelques années, employé adjectivement dans le sens de l’adjectif « civique », qui existait déjà et n’avait pas besoin d’un doublet incorrect. Civique : « propre au bon citoyen » (Grand Robert, 1985) ; « qui concerne les citoyens, qui appartient à un bon citoyen » (Littré) ; « qui concerne le citoyen comme membre de la cité » (Académie française).

 

par elle-même, des ONG, de l’ultragauche anticapitaliste, des écologistes, de tous les troupeaux hostiles au libre-échange, qui se sont attribué la gloire du fiasco de la conférence de Seattle, ce triomphe bruyant est un véritable festival d’incohé­rences. Répétons-le, ce qui a provoqué l’échec de Seattle n’est pas du tout l’« ultralibéralisme » supposé de l’Union euro­péenne et des États-Unis, mais au contraire leur protection­nisme excessif, notamment dans le domaine de l’agriculture, protectionnisme générateur de ressentiments dans les pays émergents, en développement ou dits « du groupe de Cairns », qui sont ou voudraient être gros exportateurs de produits agricoles. Le vainqueur, à Seattle, ce fut le protec­tionnisme des riches, n’en déplaise aux obsédés qui stigmati­sent leur libéralisme. Là où les pays en voie de développement ont marqué un point, c’est en refusant les clauses sociales et écologiques que l’OMC souhaitait leur faire accepter. En les soutenant, la gauche applaudit par conséquent le travail des enfants, les salaires de misère, la pollution, l’esclavage dans les camps de travail chinois, vietnamiens ou cubains. Rarement la nature intrinsèquement contradictoire de l’idéologie se sera manifestée avec une aussi béate fatuité.

 

Nous saisissons là sur le vif une autre propriété de la pensée idéologique, outre son ignorance délibérée des faits et son culte des incohérences : sa capacité à engendrer, sous des mots d’ordre progressistes, le contraire de ses buts affichés. Elle prétend et croit travailler à la construction d’un monde égalitaire et elle fabrique de l’inégalité. Une autre de ces inver­sions de sens entre les intentions et les résultats a été accom­plie par la politique française de l’Éducation depuis trente ans. Elle aussi est un bon exemple d’une idéologie totalitaire s’appropriant un secteur de la vie nationale au sein d’une société par ailleurs libre.

Le 20 septembre 1997, je publie dans Le Point un modeste éditorial intitulé «Le naufrage de l’École»1. Modeste parce

 

1. Repris dans mon recueil Fin du siècle des ombres, op. cit., p. 589.

 

(p.336) que je n’y développais, je l’avoue, rien de bien original, tant fusaient depuis des années de toutes parts les lamentations sur la baisse constante du niveau des élèves, sur les progrès de l’illettrisme, de la violence et de ce que l’on appelle par pudeur l’« échec scolaire », apparemment une sorte de cata­strophe naturelle ne dépendant en aucune façon des méthodes suivies ou imposées par les responsables de notre enseigne­ment public. Dès le lendemain, je reçois une lettre à en-tête du ministère de l’Education nationale, signée d’un nommé Claude Thélot, « directeur de l’évaluation et de la prospec­tive ». Tout en me servant ironiquement du « Monsieur l’Aca­démicien » et du « Cher Maître », cet important personnage daignait me notifier que mon éditorial était d’une rare indi­gence intellectuelle et, pour tout dire, « navrant ». Obligeant, le magnanime directeur se tenait à ma disposition pour me fournir sur l’école les lumières élémentaires dont j’étais visi­blement dépourvu.

Or voilà que, dès la semaine suivante, la presse rend public un rapport de cette même Direction de l’évaluation et de la prospective. Il en ressort, entre autres atrocités, que 35 % des élèves entrant en sixième ne comprennent pas réellement ce qu’ils lisent et que 9 % ne savent même pas déchiffrer les lettres ‘.

Au vu de cet accablant constat, largement diffusé, je me posai aussitôt la question de savoir si par hasard il était tombé sous les yeux de M. Claude Thélot. Celui-ci ne serait-il pas ce qu’on appelle en anglais un self confessed idiot, un sot qui se proclame lui-même être tel, puisque la Direction de l’évalua­tion, au sommet de laquelle il trône, corroborait mon article ? Ou alors un paresseux qui n’avait même pas pris la peine de lire les études réalisées par ses propres services ? J’écartai ces deux hypothèses pour me rallier en fin de compte à l’explication

 

1. Voir dans Le Point du 27 septembre 1997 l’article où Luc Ferry, lui-même président du Conseil national des programmes, expose, analyse et commente lon­guement ce rapport. Voir aussi, dans le même numéro, l’éditorial de Claude Imbert sur le sujet.

 

(p.337) que l’arrogant aveuglement de M. Thélot était dû à la toute-puissance de l’idéologie, qui s’était emparée de son cer­veau et de toute sa pensée. De même qu’un apparatchik était jadis incapable fût-ce d’envisager que l’improductivité de l’agriculture soviétique pût provenir du système même de la collectivisation, ainsi les bureaucrates du ministère de l’Edu­cation nationale ne peuvent pas concevoir que l’écroulement de l’école puisse être dû au traitement idéologique qu’ils lui infligent depuis trente ans. Pour un idéologue, obtenir durant des décennies le résultat contraire à celui qu’il recherchait au départ ne prouve jamais que ses principes soient faux ou sa méthode mauvaise. Nous saisissons-la sur le vif ce phénomène fréquent d’un « segment totalitaire » au sein d’une société par ailleurs démocratique1. De nombreux tronçons idéologiques, aujourd’hui surtout de filiation communiste, continuent ainsi de flotter ça et là de par le monde, alors même que disparaît le communisme comme entité politique et comme projet global. Comment et pourquoi ont pu apparaître, comment et pour­quoi peuvent se perpétuer, en quelque sorte à titre posthume, ces trois caractéristiques souvent évoquées dans ces pages, des idéologies totalitaires et plus particulièrement de l’idéologie communiste : l’ignorance volontaire des faits ; la capacité à vivre dans la contradiction par rapport à ses propres princi­pes ; le refus d’analyser les causes des échecs ? On ne peut entrevoir de réponse à ces question si l’on exclut une réponse paradoxale : la haine socialiste pour le progrès2.

 

1.  Voir Liliane Lurçat, La Destruction de l’enseignement élémentaire. Éditions F.-X. de Guibert, 1998. À l’occasion du Salon de l’Éducation, organisé par le minis­tère gour la première fois en novembre 1999 (il est plus facile d’organiser un Salon de l’Education que l’éducation), Mme Ségolène Royal, ministre chargée de l’Ensei­gnement  scolaire,  « déclare la guerre  à l’illettrisme »  (journal du dimanche, 28 novembre 1999). Si elle lui déclare la guerre, c’est donc qu’il existe, n’en déplaise à M. Thélot. Pis : grâce à une enquête de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, rendue publique fin novembre 1999, nous apprenions qu’une proportion croissante des élèves admis en sixième non seulement ne savent pas lire mais ne sont même plus capables de parler !

2. Sur les rapports ambigus de la gauche avec l’idée et la réalité du progrès au cours des deux siècles écoulés, Jacques Julliard a en préparation un ouvrage à paraître chez Gallimard. Je me borne ici à quelques notations.

 

(p.338) Nous avons vu au chapitre treizième comment les théori­ciens du Parti communiste et ceux de l’ultragauche marxiste condamnent en bloc tous les moyens modernes de communi­cation comme étant des « marchandises » fabriquées par des « industries culturelles ». Ces prétendus progrès n’auraient pour but selon eux que le profit capitaliste et l’asservissement des foules. L’édition, la télévision, la radio, le journalisme, l’internet, pourquoi pas l’imprimerie ? n’auraient ainsi jamais été des instruments de diffusion du savoir et des moyens de libération des esprits. Ils n’auraient au contraire servi qu’à tromper et à embrigader.

 

Ce qu’il faut se rappeler, c’est que cette excommunication de la modernité, du progrès scientifique et technologique et de l’élargissement du libre choix culturel plonge ses racines dans les origines de la gauche contemporaine et, de façon éclatante, dans l’œuvre de l’un de ses principaux pères fonda­teurs : Jean-Jacques Rousseau. Nul ne l’a mieux vu et mieux dit que Bertrand de Jouvenel dans son Essai sur la politique de Rousseau1, sinon, bien longtemps avant lui, mais cursivement, Benjamin Constant dans De la liberté des anciens comparée à celle des modernes. Le texte qui a rendu Rousseau instantané­ment célèbre est, chacun le sait mais rares sont ceux qui en tirent les conclusions appropriées, un manifeste virulent contre le progrès scientifique et technique, facteur, selon lui, de régression dans la mesure où il nous éloigne de l’état de nature. Ce texte va donc à l’encontre de toute la philosophie des Lumières, selon laquelle l’avancement de la connaissance rationnelle, de la science et de ses applications pratiques favo­rise l’amélioration des conditions de vie des humains. L’hosti­lité que les philosophes du dix-huitième siècle, notamment Voltaire, vouèrent rapidement à Rousseau ne découle pas seu­lement d’animosités personnelles, comme on le répète sans trop d’examen : elle a pour cause une profonde divergence

 

1. 1947. Repris en Introduction de l’édition du Contrat social dans la collection Pluriel, 1978.

 

(p.339) doctrinale. Au rebours du courant majeur de son temps, Rousseau considère la civilisation comme nocive et dégra­dante pour l’homme. Il vante sans cesse les petites commu­nautés rurales, il prône le retour au mode de vie ancestral, celui de paysans éparpillés dans la campagne en hameaux de deux ou trois familles. L’objet de son exécration, c’est la ville. Après le tremblement de terre de Lisbonne, il clame haute­ment que ce séisme n’aurait pas fait autant de victimes… s’il n’y avait pas eu d’habitants à Lisbonne, c’est-à-dire si Lis­bonne n’avait jamais été bâtie. L’ennemi, à tous points de vue, c’est la cité. Elle est corruptrice et, de plus, expose les humains à des catastrophes qui ne les frapperaient pas s’ils continuaient à vivre dans des cavernes ou des huttes. Ainsi, l’humanité se porterait beaucoup mieux, culturellement et physiquement, si elle n’avait jamais construit ni Athènes, ni Rome, ni Alexandrie, ni Ispahan, ni Fez, ni Londres, ni Séville, ni Paris, ni Vienne, ni Florence, ni Venise, ni New York, ni Saint-Pétersbourg.

 

Une fois de plus, les visions passéistes et le protectionnisme champêtre d’une certaine gauche, celle d’où est issu le totalita­risme, coïncident avec les thèmes de l’extrême droite traditio­naliste, adepte du « retour aux sources ». Cette convergence se retrouve jusque dans les débats les plus brûlants de la der­nière année du vingtième siècle : certains réquisitoires contre l’« ultralibéralisme » et la « mondialisation impérialiste » étaient à ce point identiques sous des plumes communistes ou ultragauchistes et sous des plumes « souverainistes » de droite qu’on aurait pu intervertir les signatures sans trahir le moins du monde la pensée des auteursl.

Dans sa logique hostile à la civilisation, tenue pour corrup­trice, Rousseau est l’inventeur du totalitarisme culturel. La

 

1. C’est le cas de deux articles parus le même jour, 8 décembre 1999 : l’un dans Le Monde, de Charles Pasqua, président du Rassemblement pour la France (droite gaulliste) et intitulé « La mondialisation n’est pas inéluctable » ; l’autre d’Alain Kri-vine et Pierre Rousset, tous deux membres de la Ligue communiste révolutionnaire, intitulé « Encore un effort, camarades ! » et publié dans Libération. Ces deux « Libres opinions » sont exquisément interchangeables.

 

(p.340) Lettre à d’Alembert sur les spectacles préfigure le jdanovisme « réaliste-socialiste » du temps de Staline et les œuvres « révo­lutionnaires » de l’Opéra de Pékin du temps où c’était Mme Mao Tsé-toung qui le dirigeait. Pour Rousseau, comme pour les autorités ecclésiastiques les plus sévères des dix-septième et dix-huitième siècles, le théâtre est source de dégradation des mœurs. Il incite au vice en dépeignant les passions et pousse à l’indiscipline en stimulant la controverse. Les seules représentations qui soient à son goût sont celles de pièces de patronage, de ces saynètes édifiantes que l’on improvise quelquefois dans les cantons suisses, les soirs de vendanges. Si Jean-Jacques s’était appliqué à lui-même l’esthé­tique de Rousseau, il se serait interdit d’écrire les Confessions et aurait ainsi privé la littérature française d’un chef-d’œuvre. Quant aux institutions politiques, Le Contrat social garantit la démocratie exactement de la même manière que la constitu­tion stalinienne de 1937 en Union soviétique. Partant du prin­cipe que l’autorité de leur État émane de la «volonté générale » du « peuple tout entier », nos deux juristes stipu­lent que plus aucune manifestation de liberté individuelle ne doit être tolérée postérieurement à l’acte constitutionnel fon­dateur. C’est dans Le Contrat social que s’exprime, avant la lettre, la théorie du «centralisme démocratique» ou de la « dictature du prolétariat » (dans un autre vocabulaire, bien sûr). Du reste, il est un symptôme qui ne trompe pas : Rous­seau exalte toujours Sparte au détriment d’Athènes. Au dix-huitième siècle et jusqu’à Maurice Barrés, c’était presque un code, un signe de ralliement des adversaires du pluralisme et de la liberté. Benjamin Constant relève bien ce penchant pour le permanent camp de rééducation Spartiate, cher à la fois au redoutable abbé de Mably, l’un des plus inflexibles précur­seurs de la pensée totalitaire, et au bien intentionné Jean Jacques : « Sparte, qui réunissait des formes républicaines au même asservissement des individus, excitait dans l’esprit de ce philosophe un enthousiasme plus vif encore. Ce vaste cou­vent lui paraissait l’idéal d’une parfaite république. Il avait (p.341) pour Athènes un profond mépris, et il aurait dit volontiers de cette nation, la première de la Grèce, ce qu’un académicien grand seigneur disait de l’Académie française : « Quel épouvantable despotisme ! Tout le monde y fait ce qu’il veut.  » »

Comme le note avec ironie Bertrand de Jouvenel, Rousseau a été loué depuis deux siècles en tant que précurseur d’idées en complète opposition avec celles qui avaient été vraiment les siennes. Il préférait « les champs plutôt que la ville, l’agri­culture plutôt que le commerce, la simplicité plutôt que le luxe, la stabilité des mœurs plutôt que les nouveautés, l’égalité des citoyens dans une économie simple plutôt que leur inéga­lité dans une économie complexe et… par-dessus tout, le tradi­tionalisme plutôt que le progrès ». Mais en ce sens, s’il ne fut pas, contrairement à la légende, un fondateur intellectuel de la démocratie libérale, il le fut bel et bien de la gauche totalitaire.

À l’instar de Jean-Jacques Rousseau, Friedrich Engels, dans sa célèbre Situation des classes laborieuses en Angleterre, publiée en 1845, dépeint l’industrialisation et l’urbanisation avant tout comme des facteurs de destruction des valeurs morales traditionnelles, notamment familiales. Dans les nou­velles cités industrielles, les femmes sont, dit-il, amenées à tra­vailler hors du foyer. Elle ne peuvent donc remplir le rôle qui leur a été dévolu par la nature : « veiller sur les enfants, faire le ménage et préparer les repas ». Pis : si le mari est au chô­mage, c’est à lui qu’incombé cette tâche. Horreur ! « Dans la seule ville de Manchester, des centaines d’hommes sont ainsi condamnés à des travaux ménagers. On comprend aisément l’indignation justifiée d’ouvriers transformés en eunuques. Les relations familiales sont inversées1. » Le mari est privé de sa virilité, cependant que l’épouse, livrée à elle-même dans la grande ville, s’expose à toutes les tentations. Il n’échappera pas au lecteur que nous n’avons pas précisément affaire là, dans le sermon du révérend Engels, à un programme annon­ciateur de la libération de la femme.

 

1. Chapitre septième.

 

(p.342) Les sociétés créées par le « socialisme réel » furent de fait les plus archaïques que l’humanité ait connues depuis des mil­lénaires. Ce « retour à Sparte » caractérise d’ailleurs toutes les utopies. Les sociétés socialistes sont oligarchiques. La mino­rité dirigeante y assigne à chaque individu sa place dans le système productif et son lieu de résidence, puisqu’il y est interdit de voyager librement, même dans le pays, sans une autorisation, matérialisée par le « passeport intérieur ». La doctrine officielle doit pénétrer dans chaque esprit et consti­tuer sa seule nourriture intellectuelle. L’art même n’existe qu’à des fins édifiantes et doit se borner à exalter avec la plus hilarante niaiserie une société nageant dans le bonheur socialiste et à refléter l’extase de la reconnaissance admirative du peuple envers le tyran suprême. La population est, bien entendu, coupée de tout contact avec l’étranger, qu’il s’agisse d’information ou de culture, isolement qui réalise le rêve de protectionnisme culturel cher à certains intellectuels et artistes français depuis qu’ils se sentent menacés par le « danger » de la mondialisation culturelle. Ils dénoncent en celle-ci un risque d’uniformisation de la culture. Comme si l’uniformité culturelle n’était pas, au contraire, de façon éclatante la marque des sociétés closes, au sens où Karl Popper et Henri Bergson ont employé cet adjectif ! Et comme si la diversité n’était pas, tout au long de l’histoire, le fruit naturel de la multiplication des échanges culturels ! C’est dans les sociétés du socialisme réel que des camps de rééducation ont pour fonction de remettre dans le droit chemin de la « pensée uni­que » tous les citoyens qui osent cultiver une quelconque dif­férence. Cette même rééducation a en outre l’avantage de fournir une main-d’œuvre d’un coût négligeable. Encore en l’an 2000, plus d’un tiers de la main-d’œuvre chinoise est constituée d’esclaves. Point d’étonnement à ce que les pro­duits qu’ils fabriquent ainsi presque gratuitement parviennent sur les marchés internationaux à des prix « imbattables ». Et qu’on ne vienne pas dire qu’il s’agit-là d’un méfait du libéra­lisme : le libéralisme suppose la démocratie, avec les lois sociales qui en découlent.

 

(p.343) Il paraît incroyable qu’il puisse y avoir encore aujourd’hui des gens assez nombreux qu’habité la nostalgie de ce type de société, soit en totalité, soit en « pièces détachées ». Et pour­tant c’est un fait. La longue tradition, échelonnée sur deux millénaires et demi, des œuvres des utopistes, étonnamment semblables, jusque dans les moindres détails, dans leurs pres­criptions en vue de construire la Cité idéale, atteste une vérité : la tentation totalitaire, sous le masque du démon du Bien, est une constante de l’esprit humain. Elle y a toujours été et y sera toujours en conflit avec l’aspiration à la liberté.

 

in : Delta, 4, 2007, p.9

 

« La Guerre secrète » en de aanbevelingen van Kardinaal Richelieu…

(of: zouden de ogen van onze autonomisten, independentisten en separatisten nu nog niet opengaan?)

A la guerre ouverte il faut préférer la guerre secrète, plus efficace et moins coûteuse. Dans les pays visés il faut:

– travailler les esprits;

– intriguer ouvertement ou secrètement par­tout et toujours;

– maintenir les affaires de ces pays dans la plus grande difficulté;

– profiter de toutes les divisions. Au besoin les provoquer. Exciter les susceptibilités ;

– amener ces pays à se complaire dans leur impuissance;

– inciter les subdivisions territoriales à se faire valoir au niveau international;

– les engager à demander la protection française ;

– payer largement les agents qui se prêtent à ces besognes.

 

Recommandations de Richelieu.

 

in : Delta, 1, 2008, p.9-12

 

(…) (p.10) De Griekse staatsconceptie tegenover de Romeinse

 

« Veel energie werd besteed aan polemieken over de voor- en respectievelijk nadelen van een fédérale staat. Actie en discussie werden soms geschaad door de wazigheid van opvattingen en begrippen: federalisme werd niet zelden verward met decentralisatie, zelfbestuur en andere termen ».

Voor ware federalisten is er daarom geen dringender opdracht dan een einde te stellen aan de verwarring die rond het begrip federa­lisme in stand wordt gehouden. Het beste middel om tot duidelijkheid te komen, lijkt ons de fédérale staatsvisie te stellen tegenover de visies die aan haar tegengesteld zijn.

 

De Griekse staatsconceptie te­genover de Romeinse

 

Grosso modo zijn er twee manieren om de politieke gemeenschap te organiseren. Men kan vertrekken van een centraal steunpunt, een gezagscentrum en daar dan omheen de territoriale en sociale geledingen ordenen.

Men kan echter ook vertrekken van bestaande basisgemeenschappen en deze, uit eigen beweging, door vrije associatie dus, het ganse staatsbestel laten optrekken.

Men zou de eerste formule de Romeinse kunnen noemen en de tweede de Helleense.

Het verschil tussen de twee werkwijzen ligt al besloten in de nuance die er bestaat tussen het begrip « vrede » bij de Latijnen en de bij de Grieken.

In algemene zin betekenen « pax » en « eirènè » hetzelfde. Maar… naar de stam waarvan de twee woorden zijn afgeleid, zit in het Latijnse pax ook de betekenis: bedingen, vrede opleggen, onderwerpen, bedwingen. En dit stemt volkomen overeen met de realiteit van de Pax Romana.

Het Griekse « eirènè » daartegen wijst op: verzoenen, een geschil bijleggen, overleg plegen. De pan-helleense wereld steunde minder op de gezagsfactor, dan wel op een samenhorigheidsgevoel dat voortsproot uit eenzelfde conceptie van mens en gemeenschap.

 

De Helleense federaal-democratische praxis (1)

 

Griekenland was bij uitstek het land van de stadstaten. Zijn politieke structuur berustte op de autonomie van zijn stedelijke gemeenschappen.

Om deze autonomie te vrijwaren werd de nood aan een bepaalde eendracht en groepsvorming aangevoeld. Daartoe werden instellingen in het leven geroepen die wij aïs de « oervormen » van een federale organisatie mogen beschouwen.

Uit eigen beweging, door een daad uit vrije wil, werden door de steden bonden en associaties opgericht waarvan de regels door over­leg werden vastgelegd. Men zou de geschiedenis van de Helleense wereld kunnen opvat-ten aïs het verhaal van opgang, bloei en ontbinding van stedelijke bonden.

In zijn leerrijk boek « Fédéralisme et Intégration Européenne » schrijft François Cardis:

« L’exemple d’organisation des rapports entre les cités grecques à partir de Vllme siècle avant J.C. nous paraît particulièrement inté­ressant puisqu’il constitue la première applica­tion pratique des principes fédéralistes et qu’elle se déroule dans un contexte politique qui rappelle sur bien des ponts celui de l’Europe moderne ». (…) « La Grèce ne fut-elle pas, en effet, il y a plus de vingt-cinq siècles, en même temps que l’origine, une sorte de préfiguration de l’Europe? » (…) « Divisée parla nature en une multitude de bassins et de plai­nes autonomes, jaloux de leur indépendance mais pourtant reliés entre eux, composée de peuples à la fois divers et contrastés, elle n’en devait pas moins éprouver assez tôt le besoin d’une union étroite, données politiques et économiques d’un « monde » dont les parties étaient devenues, déjà à cette époque recu­lée, interdépendantes » (…) « C’est ainsi que (p.10) dès l’origine jusqu’à la conquête romaine, l’histoire de ce pays voit s’échelonner une série d’efforts accomplis par ses plus célèbres cités en vue de se fédérer ».

 

De vormen van samenwerking en de aard zelf van deze stedenbonden waren zeer verschillend.

•   op religieus gebied had men de amphictyonieën;

•   op militait gebied de sunmachieën of geor-ganiseerde, min of meer bestendige allianties;

•   op politiek gebied de sumpolities’.

Deze sumpolities waren echte Bondsstaten, die meerdere steden en gemeenten omvatten. Zij putten hun gezag uit de vrijwillige opdracht van een aantal bevoegdheden.

De modaliteiten van de samenbundeling, m.a.w. de constituties van deze federaties waren aangepast aan de noden die zij in het leven riepen. In ieder geval was er steeds een overkoepelend bestuur, een gemeenschappelijke volksvergadering, jurisdictie en administratie.

 

Griekenland kende ook het fenomeen van de contractie met samenbundeling van gemeen­ten, wat wij thans de intercommunale samenwerking in streekverband zouden noemen: de synoikismos.

Van belang is dat de politieke structuren van onder naar boven werden opgericht, dat de federatie door spontane aggregatie, verdragsmatig, tot stand kwam.

 

De Romeinse staatsgedachte

 

Het Romeinse Rijk daarentegen was van bo­ven naar onder gestructureerd. Dit kwam doordat zijn geleidelijke uitbreiding zich zelden door spontané toetreding maar haast uitsluitend door onderwerping voltrok.

Alle gezag was in Rome samengetrokken. Al de bevoegdheden bleven er geconcentreerd. Ten tijde van de Republiek bij de Senaat, daarna bij de tribunus-imperator.

Van dit ene centrale punt gingen de verordeningen uit; de macht van de prefecten en de rectoren in de administratieve omschrijvingen waren slechts een gedelegeerde macht, die te allen tijde kon worden teruggenomen.

 

De provinciën waren vaak arbitraire onderdelen van het onderworpen geheel. De gewesten aan deze zijde van de Rijn waren opgedeeld in provincies met typische benamingen zoals Belgica Prima, Belgica Secunda en Germania Inferior. Men waant zich bij een verkaveling.

Met een verdachte aandrang heeft men de Romeinse politieke methodiek opgehemeld en aïs voorbeeld gesteld, terwijl men eerder laatdunkend over de Griekse sprak. Men heeft ons in onze schooljaren trouwens maar karig geïnformeerd over de buitengewone leerrijke Helleense federaal-democratische praxis.

 

Tegen de superioriteit van de Romeinse poli­tieke praktijk zou men veel kunnen aanvoeren. De Romeinse geschiedenis levert weliswaar een heel wat verrukkelijker politiek en militair spektakel dan dit van Griekenland, met zijn steeds weer oplaaiende conflicten tussen steden en stedenbonden. Toch mag men niet uit het oog verliezen dat het Griekse Gemenebest met zijn politiek wel en wee ruim een millennium heeft stand gehouden, dat het een ongeëvenaarde levensintensiteit heeft ontwikkeld en een geestelijke rijkdom heeft voortgebracht waartegen de Romeinen hoog moesten opkijken.

Nadat Rome Griekenland had overmeesterd, heeft het Romeinse « establishment » de Griek­se taal en cultuur overgenomen. Men kent niet zoveel voorbeelden van zegevierende volkeren die de cultuur van de overwonnene zo slaafs hebben nagevolgd.

 

Men mag bovendien niet vergeten dat Hellas haarden van cultuur en beschaving over drie werelddelen heeft uitgezaaid die tot in de late Middeleeuwen hun invloed hebben doen gelden en waar wij heden ten dage nog altijd de vruchten van plukken. Deze levensintensiteit

(p.11) en culturele vruchtbaarheid heeft Hellas onder meer te danken gehad aan zijn uiterst gedecentraliseerde en gediversifieerde politieke structuur.

 

De Franse conceptie en deze van het Middenrijk

 

Ook moet er gewezen worden op het grondige verschil tussen enerzijds de Franse staatsfilosofie, gegrondvest op de leer der Legisten, die zelf doordrongen waren van de, Romeinse staatsgedachte, en an derzijds de politieke praxis in de landen van het Europese Middenrijk, de redelijk smalle landstroo die zich uitstrekt van Zuidoost Engeland, de Nederlanden, het Rijn land, Zwitserland en Noord-ltalië. (2)

Aangaande de genoemde Frans conceptie schrijft Henri Brugman in « La Pensée politique du Fédéralisme »:

« Il est vrai que cette société différenciée à l’extrême (du Moyen Âge) ne survécut pas à la Renais­sance. Sans doute l’instauration de l’Absolutisme moderne – dynastique d’abord, républicain ensuite, fut-elle inévitable. Corpo­rations et féodalités avaient épuisé leurs for­ces vitales. Mais sous l’aspect de la pensée politique et de l’exercice des droits de l’homme, ce fut là une régression. De Saint-Louis à Louis XIV, puis à Robespierre et à Napoléon, nous nous éloignons des libertés médiévales, en nous rapprochant à nouveau de Haroun-al-Rachid.

(…)

« Un roi; une foi, une loi »: il est troublant de constater combien l’idéal de Louis le Grand annonce celui d’Hitler: « Ein Reich, ein Volk, ein Führer ». Troublant aussi de constater combien l’esprit moderne y incline instinctive-ment ».

« Enfin, la Révolution jacobine sacralisa la « rai­son d’Etat », en lui donnant une base populaire que Machiavelli n’avait jamais espérée. A tra­vers l’enthousiasme des foules, la « vox populi » était devenue la « vox Dei » et cette voix « divine » mena au pire cléricalisme d’Etat ».

 

De Joodse historicus J. L. Talmon, publiceerde in 1952 een indrukwekkende studie over « Les Origines de la démocratie totalitaire », waarin hij de oorsprong van het moderne totalitaris­me situeert bij bepaalde mystieke stromingen die met de gedachtegang van de Franse Revolutie verweven zijn.

In het Middenrijk daartegenover staan wij in de vroege Middeleeuwen voor eenzelfde sociaal-economisch verschijnsel als in Hellas: namelijk een veelvuldigheid van bloeiende leden en rusteloze handels- en nijverheidscentra op de grote handelswegen die Zuid en Noordwest Europa met elkaar verbinden.

 

In de 10e eeuw wordt hier de stedelijke autonomie afgedwongen, in de 13e eeuw de regionale autonomie. Het middel daartoe was de toestemming tot het heffen van de belastingen: (…) (geen taten, geen geld). Zodat in deze landen een gunstige voedingsbodem ontstond voor federale experimenten. Zoals b.v. et Zwitsers Eedgenootschap, de Elzasser « Zehnstädtebund » (Decapole), het Bourgondische Gemenebest, de Republiek der Verenigde Provinciën.

In de loop van de 17e en 18e eeuw waait dit federaal-democratisch erfgoed over naar de overzijde van de oceaan. De jonge kolonistengemeenschappen van Noord-Amerika hebben deze traditie in ère gehouden: deze van de Magna Carta en de Common Law, de persoonlijke vrijheid, de gemeentelijke en régio­nale autonomie, de soevereiniteit in eigen kring, de volksinspraak, de vrije associatie en zelfs het Privilegium Brabantinum, d.i. het recht opstand te plegen wanneer de vorst de toegestane charters niet eerbiedigt.

 

De grondleggers van wat de Verenigde Staten zouden worden, hebben bewust de politieke tradities van het Europese Middenrijk tot een merkwaardige synthèse verwerkt. Hun constitutie is een monument van politieke wijsheid. Zij vormt de grondslag van de spectaculaire opgang van een aanvankelijk beperkte federatie van kolonistengemeenschappen tot een (p12) wereldmacht.

Merkwaardig is dat deze heropleving van de federaal-democratische gedachtegang haar aanloop nam precies op het ogenblik dat in Europa de Franse staatsfilosofie, zoals zij bijgewerkt werd door de jacobijnen, in vele landen wordt opgedrongen door een combinatie van ideologische hersenspoeling en militair geweld.

 

De superioriteit van de federale praxis

 

Deze tegenstelling tussen het Franse politieke denken en dit van het Europese Middenrijk zou grondig moeten uitgediept en bestudeerd worden. Zij zou ons een héél andere kijk geven op onze eigen politieke geschiedenis. Zij zou een rijke inspiratiebron kunnen zijn voor al degenen die zich om de hernieuwing van on­ze instellingen bekommeren.

 

Niet zonder reden werd in ons artikel het ac­cent gelegd op de tegenstelling tussen de Griekse en de Romeinse politieke praxis. De Helleense filiatie van de federaal-democratische gedachtegang heeft immers een vérstrekkende betekenis. Vinden wij de levensintensiteit en culturele rijkdom, die door de Griekse politieke ordening werd mogelijk gemaakt, niet terug in het Europese Midden­rijk?

Denken wij maar aan de Stadsstaten van Noord-Italië en de uitstraling van hun quattro­cento.

Denken wij ook aan de nijverige gewesten van ‘Herrewaartsover’, gelegen aan de monding van Schelde, Maas en Rijn, met hun verbluffende artistieke productiviteit, vanaf het stede-lijk tijdperk der Vlaamse Primitieven tot en met de tijd van de Hollandse Gouden eeuw.

 

Is er in heel Europa een dergelijk beperkte ruimte te vinden met zulke onafgebroken en langdurige culturele bloei?

Indien wij Europa weer intens willen laten heropleven, dan moeten wij niet de Franse of de Romeinse, maar de Helleense en de oud-Nederlandse politieke praxis in acht nemen.

Wie het verschil tussen beide concepten duidelijk ziet, begrijpt meteen wat federa­lisme wezenlijk is.

Dan kunnen wij beginnen met de herbronning van ons staatkundig denken, met het bevorde-ren op alle niveaus van het beginsel van:

•   de soevereiniteit in eigen kring,

•   het aanwakkeren van de wil tot gemee-telijk en provinciaal self-government,

•   met de bekommernis om samen te bundelen wat samen hoort.

Dan maken wij van onze Lage Landen weer de haard, het brandpunt van een nieuw en rijker leven en de aandrijver van een hechte en vruchtbare Europese eenheid.

 

André Belmans

 

1 Victor Ehrenberg, « L’Etat grec », Ed. Maspero, Paris, 1982

2 Over de hedendaagse betekenis van dit Mid­denrijk verklaarde enkele jaren geleden de toenmalige Franse Minister van  Ruimtelijke Ordening, Olivier Guichard:  Tes régions de l’axe de puissance, Italie du nord – Grande-Bretagne, rassemblent plus de la moitié de la population de l’Europe et plus des deux-tiers de sa richesse y est produite ».

 

Ludo Baeten, Bedenkingen bij de ontmanteling van een staat (2), p. 10-12, in : Delta 6/ juni 2006

 

Jacobinisme versus federalisme (p.11)

 

Sinds lang was men in vele kringen al tot de overtuiging gekomen dat er moest worden afgestapt van de Franse Jacobijnse staatsvisie uit de 19e eeuw, Volgens deze visie werd de totaliteit van de bestuursmacht aan de cen­trale instellingen toevertrouwd. De lagere organen hadden slechts gedelegeerde machten en dan nog alleen maar onder streng toezicht van de centrale overheid.

Deze zienswijze en deze praxis waren een toepassing van het axioma dat alle machten onverdeeld aan de « natie » toekwamen. Het natiebegrip zelf, zoals het in de loop van de 19e eeuw uitgewerkt werd, was een product van de Franse Revolutie. In feite was het niet min of niet meer dan de weerspiegeling van de Franse politieke maatschappij zoals deze was voortgekomen uit een eeuwenlang volgehouden streven naar eenvormigheid en centralisatie.

Deze eenvormigheid werd aïs een ideaal vooropgesteld en gold aïs een rechtvaardiging voor de uitschakeling van tientallen minoriteiten in den lande. Met het uitdrijven van religieuze minderheden werden ook tientallen taalkundige minderheden stelselmatig achteruit gezet en tôt assimilatie gedwongen. Wat deze laatste betreft, zij werden met des te meer ijver vervolgd, daar de taal als de voornaamste factor van nationale samenhorigheid en eenheid werd beschouwd.

 

Op het einde van de 18e eeuw, ongeveer gelijktijdig met de Franse Revolutie, werd er aan de overzijde van de Oceaan gestalte gegeven aan een staatsconstructie die in vele opzichten afweek van de Franse. De Verenigde Staten van Amerika waren een samenbundeling van zelfstandig geworden gebieden, die met behoud van hun identiteit en van een ruime mate van zelfbestuur, het beheer van de gemeenschappelijke belangen aan een overkoepelende federatie hadden overgelaten. Het waren daarbij niet louter historische omstandigheden die de Amerikaanse kolonisten ertoe brachten hun toevlucht te nemen tot dergelijke formule. Er was daarbij ook de invloed van de Angelsaksische maatschappij en de daaruit voortgekomen

rechtsbeginselen. Daarbij werd uitgegaan van het concept van vrij burgerschap. Ook in onze Lage Landen was dit concept van oudsher diep ingeworteld: de stedelijke democratie tijdens de middeleeuwen.

 

De Engelse burgers die uitgeweken waren, werden geacht de « common law » te eerbiedigen alsmede allé rechten verbonden aan hun status van vrije burger. Treffend in dat opzicht is het feit dat de kolonisten die in 1620 aan boord van de « Mayflower » de Oceaan overstaken, nog vóór zij aan wal gingen, vrij onder (p.12) elkaar een « covenant” opstelden, waarbij zij de regels vastlegden volgens dewelke zij de te stichten nederzettingen zouden inrichten.

Niet een opgedrongen gezagscentrum (Frankrijk) of een ideologische samenhorigheid was staatsvormend, maar de vrije wil van burgers die zich lieten leiden door het besef van lotsverbondenheid: een belangengemeenschap en een overeenstemming van maatschappelijke inzichten. Op die wijze wordt het staatsbestel opgetrokken van onder naar boven en niet meer volgens het concept van de ene en onverdeelbare soevereiniteit. Op grond van de soevereiniteit in eigen kring zijn de lagere bestuursorganen niet langer « ondergeschikte organen », maar levende gemeenschappen toebehorende aan de burgers die ze samenstellen en die ze(f hun bestuur kiezen.

Wegens de overwoekering door het Franse politieke gedachtegoed vond in Europa deze federale staatsvisie slechts schoorvoetend navolging. Vanzetfsprekend was Zwitserland het best voorbereid om deze richting te volgen. Door de nieuwe Grondwet van 1848 werd de vrij impotente Zwitserse Confederatie omgevormd tot een federale democratie. Het uitgangspunt daarbij was niet een of andere ideologie, noch een gemeenschappelijke taal, maar de bekommernis om het « Bonum Com­mune » op al de trappen van de politieke ordening te handhaven.

 

Ook in het naar hereniging strevende Duitsland werd vanaf 1815 in diverse contexten de federale formule nagestreefd. De hoofdbekommernis bleef er echter lang doorweven met nationalistische strekkingen, zodat dit streven uiteindelijk uitmondde op streng cen­tralisme en zelfs, tijdens het nazibewind, op totalitarisme. Na de ineenstorting van het Derde Rijk, knoopte West-Duitsland (en nadien uiteraard ook Oost-Duitsland) weer aan bij de federaal-democratische staatsvisie.

 

De 20e eeuw bracht de doorbraak van deze visie. Steeds meer landen namen hun toevlucht tôt fédérale organisatietechnieken, zowel landen met een grote interne homogeniteit, als landen met een vrij sterke heterogene samenstelling. De bedoeling is steeds tegemoet te komen aan de nood aan een ruimere eenheid en aan de bekommernis de territoria­le geledingen de kans te geven hun eigenheid zelfstandig te ontplooien.

 

André Belmans, Frankrijk begaat een historische vergissinig, in: Delta, 5, 2003, p. 4-6

 

De Verenigde Staten leerden ons hoe in een tijdspanne van amper twee eeuwen een geduchte wereldmacht kan worden opgebouwd. Moest Europa de regels voorgeschreven door de Conventie van Philadelphia in acht nemen, het zou in korte tijd de Amerikaanse macht evenaren en zelfs overtreffen. Het was een Fransman, Alexis de Tocqueville, die reeds in 1848 voorspelde dat de Verenigde Staten van Amerika een wereldmacht zouden worden (« De la Démocratie en Amerique »).

Maar het Gaullistische Frankrijk wil er niet van weten. Het blijft onwrikbaar trouw aan de aloude Machiavellistische richtlijnen van Richelieu. Het waant zich nog steeds een machtscentrum met satellietstaatjes, vazalstaatjes en invloedssferen, waarin strategische ondernemingen worden opgekocht en ijdele politici worden omgekocht. In tijden van oorlog spreken de wapens en in vredestijd haalt men zijn slag thuis met geld.

 

Met zulk een partner gaat Europa nog bittere teleurstellingen tegemoet. P H. Spaak had dat al vijftig jaar geleden voorzien. Met zijn Bonapartistische geestesgesteltenis is Frankrijk onbekwaam een nuttige bijdrage te leveren tot de opbouw van een Verenigd Europa. Het sleurt integendeel Europa mee in zijn teloorgang (Alain Peyrefitte « Le Mal Français » Ed. Plon).

 

Andermaal begaat Frankrijk een historische vergissing. Het meent dat Europa slechts kan verenigd worden dank zij een strijd tegen een gemeenschappelijke vijand en deze vijand is thans de oppermachtig geworden Amerikaanse Unie (3).

 

Deze mening knoopt aan bij oude herinneringen. Sedert de Honderdjarige Oorlog hebben de Angelsaksers steeds de Franse ambities in de weg gestaan. Zij hebben Lodewijk XIV gedwarsboomd, zij hebben de inspanningen van Bonaparte verijdeld (4) , zij hebben het meesterschap over de wereldzeeën veroverd , zij hebben een wereldrijk gesticht dat het Franse rijk overtrof…

 

Bij de teloorgang van deze « imperia » heeft de Atlantische dochter van het Britse Rijk het heft overgenomen, De Amerikaanse monomacht zit Frankrijk dwars. Zij heeft dit land de opperste vernedering toegebracht toen zij Frankrijk van een hachelijke Duitse bezetting heeft bevrijd.

 

Generaal de Gaulle heeft veel bijgedragen om deze aloude Franse geestesgesteldheid weer op te wekken en diep in te prenten. Sedert lang reeds voor de crisis om Irak ontwikkelde de Franse propaganda stelselmatig een anti-Amerikaanse stemming. (p.4-5)

 

Oppermann Mathias, Und das prangere ich an! Das stelle ich zur Diskussion! / Aber wird Jacques Chirac es am Ende auch verbieten? Die Geschichte der französischen Vetopolitik, FAZ 27/03/2003

 

„Frankreich hat keine Freunde, sondern nur Interesse.“ Mit diesen Worten hat Charles de Gaulle nicht nur ein aussenpolitisches Glaubensbekenntnis formuliert, sondern auch seine Sicht auf die Realität einer anarchischen Staatenwelt beschrieben. (…)

 

Dass das Frankreich der Vierten Republik bereits 1947 die gegen die niederländischen Versuche der Wiedereroberung Indonesiens gerichtete Entschliessung des Rates blockierte, folgte der Logik seine eigenen Politik in Indochina. Ebenso konform mit den eigenen Bedürfnissen handelte die französiche Regierung, als sie im Juni 1950 der Resolution zur militärischen Unterstützung Südkoreas gegen die nordkoreanische Invasion zustimmte und sich auch daran beteiligte. (…)

 

Aufgrund des Algerienkriegs fand sich Frankreich in einem dauerhaften Konflikt mit den Vereinten Nationen. Denn der General war keinesfalls bereit, die Einmischung der Weltorganisation in eine innere Angelegenheit zu dulden. Gleichermassen stand er der Intervention einer UN-Friedenstruppe in der Kongokriese skeptisch gegenüber. (…)

 

(…) nur eines /= ein Veto/ legte Frankreich allein ein, als es 1976 die Resolution über die Unabhängigkeit der Komoren ahlehnte, da sich die Insel Mayotte unter französischen Schutz gestellt hatte. Ganze zehn Vetos, die Frankreich zusammen mit Grossbritannien und den Vereinigten Staaten traf, verhinderten Sanktionen gegen Südafrika, unter auch dessen Ausschluss aus den Vereinigten Nationen. Dieses Verhalten fügte Frankreichs Ansehen in der Dritten Welt Schaden zu.

 

Jean-Marie Nicolay (Vlessart), René Dumont de 1940 à 1945, LS 21/06/2001

 

Le rappel de la collaboration du disparu à un journal maréchaliste et celui de son éloge de l’agriculture nazie.

 

« René Dumont, pacifiste, fasciste et tiers-mondiste, candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974, est mort. La presse salue à juste titre son œuvre d’agronome (…).

/Mais/ René Dumont milita d’abord contre la guerre avec l’Allemagne nazie, puis, après la débâcle, pour al Collaboration. Il écrivit des articles très techniques sur l’agriculture dans un grand hebdomadaire fasciste rural, « La Terre française ». Cette publication de propagande soutenait la révolution nationale de Philippe Pétain, militait pour le retour forcé des citadins à la terre et pour le corporatisme agricole. Les éditoriaux d’André Bettancourt (alors responsable français de la Propaganda Staffel, aujourd’hui actionnaire de référence de L’Oréal et de Nestlé) prêchaient l’union du christianisme et du nazisme et appelaient au châtiment des Juifs et des francs-maçons. René Dumont émaillait ses articles de considérations politiques. Il citait l’agriculture nazie en modèle, invitait à s’unir derrière le Maréchal, et exhortait les paysans à faire des enfants pour régénérer la race et disposer d’une main-d’œuvre abondante.

 

La Belgique félicitée, LB 03/09/2002

 

L’association française « Survie » se consacre à pourfendre « la Françafrique » – les réseaux politico-mafieux qui lient Paris aux dictatures africaines.

 

in: Delta, 6, 2005, p.24

 

Frankrijk is een ‘ziek land’ volgens Simeoni. « Het lijdt aan ernstige grootheidswaan. Het beschouwt zich als de oudste dochter van de Roomse Kerk, ais de bakermat van de mensen­rechten, van het humanisme en de vrijheid. In eigen ogen hebben de Fransen een messiaanse opdracht en hebben ze al op veel plaatsen verlichting en beschaving gebracht. Je hoeft maar naar de geschiedenis van Vietnam, Cambodja, Algerije en heel voormalig Frans-Afrika te kijken om te weten dat het tegendeel waar is. Maar voor de Fransen is dat geen reden om hun kolo­niale mentaliteit bij te stellen. Heel Europa moet steeds onder hun juk door. Blind voor het feit dat ze allang niet meer dan een middelgroot land als veel andere zijn, proberen ze in hun eigenwaan zelfs een echter grootmacht als Amerika op de knieën te dwingen. Het is zielig om te zien. »

 

Hoewel autonomie geen doel van het referendum is, zal die vroeg of laat ingevoerd worden, weet Simeoni. « Dit nieuwe statuut zal weinig veranderen, maar Frankrijk zal zelf verdwijnen. Er wordt aan twee kanten aan het land getrokken: door de voortschrijdende Europese eenwor­ding enerzijds en door de toenemende decentralisatie anderzijds. Of ik het zelf nog zal bele­ven, weet ik niet. Een strijd als deze lever je altijd voor anderen. Het belangrijkste is dat er eens een Corsicaanse jeugd in vrijheid de eigen identiteit kan beleven. Diversiteit is de kracht van de mensheid. Dat zegt president Chirac ook steeds tegen anderen, zonder het op zichzelf te betrekken. Dat is tekenend voor het egoïsme van het sentimentele, bange land dat Frankrijk is. »

 

in: Delta, 6, 2007, p.19

 

La prétention de la France de se mêler de tout, partout dans le monde, est devenue anachroni­que. Et surtout, contraire à ses propres intérêts. (…) Le décalage entre les prétentions françai­ses et les moyens de la France est devenue intenable.

(R. Gubert en E. Saint-Martin in L’Arrogance française)

 

General

1974

Comment on devient président de la république française, LB 04/05/1974

 

Chaque Français peut, en principe, présenter sa candidature à l’élection présidentielle, moyennant une caution et la signature de 100 élus locaux, provenant d’au moins 10 départements.

Cette année, le Conseil constitutionnel a notamment « refusé la candidature de M. Robert Lafont, candidat des ‘minorités nationales’. Le Conseil constitutionnel n’avait pas donné les raisons de son refus mais il semble qu’il ait décidé que cette candidature portait atteinte à l’intégrité nationale. » (…)

« Les pouvoirs du président de la République française sont énormes. On les a comparés à ceux que détenaient Louis XIV. »

 

1975

Présence savoisienne, 24, 1975

 

‘… un (autre) record est celui de l’incohérence, de la contradiction et d’une politique de contradiction:

le séparatisme est encouragé par la France au Québec, mais la simple autonomie culturelle ou administrative réclamée par une région de France, est un crime.’

 

1980s

L’Association Internationale des Maires francophones

(membre: Dehousse, bourgmestre de Liège)

 

1982

Denis Buican (anc. Prof. De l’univ. de Bucarest), Contre le vol spatial conjoint Moscou – Paris, LB 23/06/1982

 

« Du point de vue strictement scientifique, un tel vol spatial ne peut rien apporter d’irrem­plaçable à la science française. Tout d’abord car; quelles que soient les expériences envisa­gées, elles sont déjà dépassées a priori par la cosmobiologie américaine et soviétique, et sur­tout, parce que l’on ne peut envisager des recherches scientifiques cruciales sous l’oeil vigilant d’une grande puissance étrangère qui est l’adversaire potentiel avant de devenir, éventuellement, l’adversaire réel.

Il n’est pas moins vrai que certains bureaucrates et hauts bureaucrates de la science peuvent trouver leur compte dans de tels vols conjoints: se faire une certaine publicité qui fait défaut à leurs propres mérites et feindre de participer à la recherche biocosmique de pointe, fût-ce dans les fourgons spatiaux de l’étranger.  Leurs protocoles d’expériences qui ne peuvent guère faite avancer la science feront, sans doute, avancer leur carrière.

(…) Et il sera indécent maintenant, quand l’Afghanistan sai­gne sous le poids de la répres­sion soviétique, quand la Pologne  est occupée par sa propre armée téléguidée par Moscou, quand Sakharov et tant d’autres hommes qui se veulent libres remplissent les résidences forcées, les prisons et les camps de concentration de l’U.R.S.S., de lancer dans l’espace un tel tremplin pour la propagande intérieure et internationale du Kremlin.

Veut-on prouver devant les yeux de l’opinion publique et devant tous les écrans de télévision de l’URSS et des pays satellisés que Paris et Moscou mènent le même combat de conquête, fut-elle spatiale ?

 

1987

Association des parlementaires de langue française (AIPLF): in: Des élus francophones pour la culture … et la politique, LB 10/02/1987

 

« L’A.I.P.L.F., …, se compare même à une sorte de « pouvoir législatif de la francophonie ». »

 

1989

Quand la capitale redevient (sic) le centre du monde, Le Nouvel Observateur, 2228, 1989, p.1

 

Mission du Bicentenaire et de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du Citoyen, Programme du Bicentenaire

« Montrons au monde la superbe perspective de la France, l’ ensemble de ses besoins, de ses ressources, de ses droits, de ses espérances. » (Mirabeau, septembre 1789, Assemblée Nationale)

 

1990

Alain Decaux, Universalité sans complexe colonial, pp. 60-65, In: GEO, 138, 1990

 

 » L’ avenir de la communauté de langue française en Europe passe nécessairement aussi par la défense interactive des autres langues parlées sur le Vieux Continent . (… ) Le trilinguisme sera l’arme la plus efficace pour porter la culture française, faire entendre sa voix . » (p. 64)

 

 » Si on paye des études pendant trois ans à quelqu’ un, je crois qu’ il sera un ambassadeur dans son pays pendant quarante ans .  » (p. 65)

 

1990s

Geneviève Delaunoy, La décolonisation, priorité des Nations Unies, LB, s.d.

 

17 territoires ne sont pas encore indépendants, dont la Nouvelle-Calédonie (France).

 

1990s

Il existe un pays où, depuis son palais, le chef de l’État recrute librement des mercenaires et pilote des guerres civiles sur un autre continent.

Ce livre donne des noms, des dates, des témoignages.

 

Il existe un pays qui attise les conflits ethniques et déverse des armes sur des régions à feu et à sang, pour rester maître du seul vrai pouvoir : l’argent.

Ce livre raconte ces crimes sans tribunal.

 

Il existe un pays qui, pour défendre ses intérêts, autorise ses services spéciaux à s’allier, en terre étrangère, avec les réseaux mafieux et les milices d’extrême-droite.

Ce livre recoupe les enquêtes en France et à l’étranger pour démonter l’engrenage.

 

Il existe un pays où un candidat à l’élection présidentielle, deux fois ministre de l’Intérieur, peut s’appuyer, en toute impunité, sur les circuits des casinos et des ventes d’armes.

Ce livre donne des clés pour comprendre son ascension et son pouvoir.

 

Il existe un pays qui, loin de ses frontières, truque des élections et couvre l’assassinat de ses propres coopérants.

Ce livre permet de comprendre la logique de ce monde absurde.

 

Ce pays, c’ est la France.

Le continent humilié, c’est l’Afrique.

Leur liaison incestueuse, c’est la Françafrique.

 

Comment en finir avec un aussi noir silence ?

 

FRANÇOIS-XAVIER VERSCHAVE préside l’association Survie, qui oeuvre à de nouvelles relations franco-africaines, considérée, en France et à l’étranger, comme une oasis d’intégrité. Son précédent livre, La Françafrique (Stock), a été un grand succès.

 

Noir Silence se prolonge sur Internet. www.arenes.fr

 

1990

Voyage chez les francophones (dossier), Géo, 138, 1990

 

(Alain Decaux) (p.60) « Peu soupçonnable d’avoir désormais des visées coloniales, la France … »

(p.62) « Le temps est venu où la France est au-dessus de tout soupçon de néo-impérialisme. »

 

1990

Voyage chez les francophones (dossier), Géo, 138, 1990

 

(p.74) « Il y a une maison mère, la République française,… » (S. Briand)

(p.77) « De nouveaux pays se joignent à la communauté francophone et la pression internationale pousse la France à un engagement croissant. »

(P.86) (Christian Nugue) « Les mille Alliance française ».

« Trois présidents de la république ont fait partie du conseil d’administration sur lequel le soleil ne se couche jamais: … »

 

(p.66) « Part de la France dans le commerce extérieur des Etats »: …

(p.66sv) »Nombre de Français à l’étranger ou hors métropole ».

« Nombre d’élèves apprenant le français … dans le monde. »

 

(p.96) (Gabriel Véraldi) (au Val d’Aosta)

« Un attaché linguistique de l’ambassade de France à rome a été détaché en permanence dans la capitale de la région autonome et les fonctionnaires de l’administration locale ne peuvent avoir leur poste qu’après un contrôle de leurs connaissances en français. »

– manichéisme francophone.

 

(s.p.) Le nombre de francophones indique pour qui le français est langue maternelle et ceux pour qui il est langue d’enseignement:

 

1991

Marc Opsomer, Addition française, LB 13/06/1991

 

« Le gouvernement de Mme Cresson compte également faire adopter par les députés – en ayant recours comme au bon vieux temps de M. Rocard, à une procédure d’urgence (l’article 49.3 de la Constitution) qui coupe court au débat – un train de « dispositions d’ordre économique et fiscal » qui devrait entraîner 97 milliards de FB de « ressources nouvelles », 60 milliards supplémentaires devant suivre sous peu. »

 

1992

Le Pen dépose plainte contre Tapie, LB 31/01/1992

 

Tapie l’avait qualifié de ‘salaud’ lors d’un meeting à marseille.

 

1998

Hubert Védrine, Ministre des Affaires Etrangères, in: Le Nouvel Observateur, 28105-03/06/1998

 

Jean Daniel: Quel sera la place de la France dans cet ensemble européen ?

Hubert Védrine: Toujours essentielle. Notre objectif est: le plus d’influence française possible dans l’Europe la plus forte possible… 

 

1998

Daniel Vernet, Le Monde, 12/02/1998

 

« … L’important est que les « grands » pensent aux réactions de leurs partenaires et que la France s’assure l’appui, sinon la voix, de « petits» qui peuvent parfois faire la différence. Il ne s’agit évidemment pas de revenir à la politique des zones d’influence ou à la recherche d’une « clientèle » à l’intérieur de l’Union Européenne, à l’image de ce que les grands Etats européens ont pratiqué pendant des décennies jusqu’au milieu de ce siècle, avec les conséquences désastreuses que l’on sait… ».

 

2000s

Weber-Lamberdiere, FRANKREICH/ Zerrütete Ehe im Elysée, Focus, S. 306

 

(Aber) nach den Attentaten in den USA brach auch dieser Damm: Ohne Jospin zu informieren, gab Chirac via Bildschirm eine Bitte der Amerikaner um militärische Unterstützung bekannt.

 

2000

Une spécificité très anachronique, LB 28/08/2000

 

La France s’articule en un nombre ahurissant de pouvoirs – l’Etat, les régions, les départements, les communautés urbaines, les syndicats intercommunaux et les communes, sans parler des cantons, des départements et territoires d’outre-mer et des collectivités à statut particulier (Paris, Lyon, Marseille, Mayotte, etc.).  La France compte aussi, à elle seule, plus de communes que les 4 autres pays de l’Union européenne : plus de 36.000, à 80 % peuplées de moins de 1.000 habitants.  C’est encore le seul pays européen à disposer d’un échelon de pouvoir intermédiaire comme le département, institution remontant à 1789.

Quant aux régions, alors que l’Espagne en compte 17 (les Communautés autonomes), et l’Allemagne 16 (les Länder), on en dénombre 22 dans la seule France métropolitaine, dépourvues pour la plupart de l’espace physique et des budgets nécessaires à leur développement.  Le budget de la catalogne équivaut à lui seul à l’enveloppe allouée à la totalité des 22 régions françaises et est 33 fois plus élevé que celui de sa voisine, la région Midi-Pyrénées … »

 

(…) « Historique et /ou politique, cet immobilisme confère à la France un visage particulier dans le paysage institutionnel européen.  Le Royaume-Uni pemet à l’Ecosse de modifier le taux de l’impôt sur le revenu.  L’Allemagne concède le titre – honorifique mais tout de même – d’ « Etat libre » à la Bavière, la Saxe ou la Thudinie (sic).  L’Espagne laisse la Navarre et le Pays Basque recouvrir l’impôt, la Catalogne et le Pays Basque disposant de leur propre police.  La France, elle, reste la France : immuable dans ses certitudes, imperméable au succès dans toute l’Europe du principe de subsidiarité, prompte à voir partout l’atteinte à l’unité nationale. Partout, y compris dans les réformes finalement les plus anodines comme le Plan Jospin pour la Corse. »

 

2001

Bernard Delattre, Les électeurs et eux seuls jugeront Chirac, LB 27/04/2001

 

Malgré sont passé visiblement très trouble à la mairie de paris et à la tête du RPR, Jacques Chirac ne sera vraisemblablement jamais traduit en justice . (…)

Maire de la capitale (1977-1995), Chirac aurait été l’instigateur et le principal bénéficiaire d’un dispositif de trucage des marchés de construction et de rénovation passés par l’office gérant les logements sociaux de la ville de Paris. (…)

La logique aurait voulu qu’au vu de tels indices, M. Chirac soit au minimum convoqué par le juge en tant que témoin assisté. Le problème est que, juridiquement, le Président français figure parmi les chefs d’Etat les mieux protégés au monde. A l’inverse de nombre de ses homologues, ilne peut pendant la durée de son mandat être poursuivi que pour haute trahison, devant la Haute-Cour de justice de la République. La Consitution est muette sur les possibilités de son audition en tant que simple témoin ainsi que sur le traitement juridique à réserver aux actes relevant de sa vie privée ou posés avant son entrée en fonctions.

 

2002

Adam Sage, Villagers revolt in a pocket of feudal France, The Times, 15/04/2002

 

The Countess of Liedekerke runs the small French village of Theuville, 40 miles north of Paris, with the benevolent authority of a true autocrat.

All the cottages but one – the one belonging to her mother, the Countess du Chastel de la Howarderie -, are owned by her.

But relations with some villagers deteriorated sharply when five of the tenants took the unprecedented decision to challenge the Countess’s uncontested election as village mayor.

One of the five rebels has been told to leave the cottage. A second is moving out after seeing his rent double. (…)

After all, it is a village that has retained the customs and appearance of the « ancien regime » for which France secretly yearns. The country may have stumbled into a Revolution 200 years ago, but it has been trying ever since to find a route back to the past.

In the 19th century Napoleon served this purpose. In the 20th General de Gaulle did the same, creating a presidential regime with a head of state more like the Queen than Tony Blair.

 

2002

Rachel Crivellaro, L’abstention, phénomène européen, LB 11/06/2002

 

France législatives 2002: 1er tour: 35,58 % d’abstentions.

 

2002

Nicolas Robert, Le crime de la France, AL 04/02/2002

 

La France a condamné un vieux général et deux éditeurs, au motif qu’ils auraient fait l’apologie de la torture et des exécutions sommaires. Dans leur livre, il est écrit en effet que ces pratiques étaient inéluctables sinon légitimes pendant la guerre d’Algérie.

La France, qui a trouvé là une façon de se donner bonne conscience, ne voudra donc jamais savoir que sa glorieuse armée avait été une troupe de tortionnaires. C’est pourtant elle qui lui avait voté l’état d’urgence et donné carte blanche pour maintenir l’ordre français sur cette terre africaine. Elle veut aussi ignorer qu’elle a toujours eu recours à des services secrets dont la raison d’être est précisément d’accomplir des actes que la morale réprouve et qui tombent sous le coup de la loi. Dans sa logique, ne devrait-elle pas d’ailleurs couvrir de son secret, plutôt que de les condamner, ces pires besognes perpétrées sur son injonction ?

Quand est-ce que ce pays, qui se revendique tant des droits de l’homme, admettra que les interrogatoires à la gégène et les assassinats de son vieux général sont tout simplement le crime de la France, commis par les politiques qu’elle avait démocratiquement élus et qui ne pouvaient donc s’exprimer et agir qu’en son nom ?

La France qui condamne l’apologie de la torture est aussi celle qui voudrait se persuader qu’elle n’a mené en Algérie que des opérations de pacification sur un morceau de son territoire national. Et qui ne veut toujours pas reconnaître que sa guerre était coloniale, qu’elle n’était pas chez elle de ce côté-là de la Méditerranée, qu’elle y jouait le rôle de l’occupant. Et c’est aussi cette France qui ne se demande jamais pourquoi, aujourd’hui, elle fait toujours appli-

quer sa loi si loin de chez elle et claquer son drapeau sous des latitudes qui ne sont vraiment pas les siennes.

 

2002

Bernard Delattre, L’apothéose pour Le Pen, LB 03/05/2002

 

Lors des présidentielles, le nombre de signatures requises pour les futurs élus est passé en 1981 de 100 à 500.

 

2002

Une exception française, LB 25/09/2002

 

Dans aucun autre pays démocratique, la collusion entre les intérêts financiers et les médias n’est aussi criante qu’en France.

 

2002

France / Pas de droite de vote pour les étrangers, LB 27/11/2002

 

L’Assemblée nationale a rejeté une proposition de loi socialiste visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne à toutes les élections locales.

 

2002

France / L’immunité présidentielle consacrée, LB 13/12/2002

 

Le président Chirac a demandé jeudi au gouvernement de mettre à l’étude la proposition d’inscrire dans la Constitution une immunité élargie du chef de l’Etat devant toutes les juridictions ordinaires, ainsi qu’une procédure de destitution encadrée et limitée. (…) L’immunité deviendrait donc une règle suprême de la République, alors qu’elle ne résulte pour l’instant que de la jurisprudence.

 

2003

Bernard Delattre, France / Grandes ambitions, petits moyens, LB 02/12/2003

 

La diplomatie française est en crise : des centaines d’agents ont fait grève pour protester contre les restrictions budgétaires.

Une grogne sans précédent.

Derrière les Etats-Unis, la France possède le plus grand réseau diplomatique au monde (154 ambassades, 9000 agents).

« La France affiche beaucoup d’ambition à l’étranger et son budget ne suit pas », affirmait un syndicaliste.

Ainsi, au Quai d’Orsay même, le personnel a été confronté à une pénurie de papier pendant plusieurs jours et nombre de ses ascenseurs en panne ne sont plus réparés .

 

2003

Drieu Godefridi, Pax Americana ou projet pour l’humanité ?, LB 18/04/2003

 

Les Nations unies, dans leur organisation actuelle, ont vécu. Il n’est plus acceptable que des Etats dictatoriaux comme la Libye y jouent un rôle central (en présidant, par exemple, la Commission des Droits de l’homme), nique des Etats coupables de crimes contre l’humanité soient investis du pouvoir de voter, sur un pied d’égalité avec les Etats démocratiques, à l’Assemblée générale et au Conseil de Sécurité. Du point de vue européen, plus rien ne justifie l’importance particulière donnée à la France, aux dépens des autres grands Etats européens continentaux, comme l’ Allemagne, l’Espagne et l’Italie. (…)

C’est d’une profonde évolution des rapports intra-européens que l’entrée des dix sera l’occasion. L’axe franco-allemand ne manquera pas d’être débordé : la nouvelle Union sera multipolaire, et nettement plus portée à l’anglophilie que l’Union actuelle. La France en particulier sera ramenée à une position plus en rapport avec son importance effective et ses mérites dans l’histoire récente, qui ne sont, somme toute, pas considérables.

 

Au-delà de l’Onu et de 1’UE, c’est la philosophie même des relations internationales qui évolue sous nos yeux. L’attentisme traditionnel des Européens et la paralysie onusienne ne sont plus de mise : le temps est à l’action. Le régime de Saddam Hussein était une dictature parmi les plus abjectes de notre planète, ayant gazé sa propre population et menaçant l’humanité entière avec ses armes de destruction massive : rappelons que les inspecteurs de l’Onu, en 1998, ont rapporté que le régime saddamite disposait des moyens de produire des milliers de litres d’anthrax et de gaz VX (140 litres suffisent à tuer des centaines de milliers de personnes). Personne n’a jamais prétendu que Saddam était prêt à lancer des ogives nucléaires à destination des cinq continents: mais comment imaginer que l’on prenne plus longtemps le risque d’un seul attentat chimique ou biologique dans une grande ville américaine, israélienne ou européenne ? Faut-il rappeler pourquoi les Américains sont spécialement sensibilisés à ce type de « risque » ? (…)

 

Comme les Congolais ont, longtemps après leur indépendance, continué de percevoir la Belgique comme une puissance européenne, il n’y a plus guère que les Belges (en dehors des Français eux-mêmes) à penser que la France est une grande puissance. Cela fait quelques années déjà que leurs déplacements d’ air ont achevé de décrédibiliser les Européens de l’Ouest aux yeux du monde : posez la question aux Afghans, aux Kosovars musulmans (qui se promènent sur l’avenue Bill Clinton) ou aux Irakiens récemment libérés, mais aussi aux Tchèques, aux Hongrois, aux Croates, aux Bosniaques, aux habitants des pays baltes, etc. La Pax à venir ne sera américaine que par défaut.

 

2003

Soens Bart, De in besluiteloosheid Verenigde Naties, in: Delta 9, 2003, p.2-4

 

(p.2) Hoe geloofwaardig is Frankrijk als voorvechter van de VN? En hoe geloofwaardig zijn de VN als voorvechters van de internationale rechtsorde?

 

Bij de bevrijding van Irak stond en staat Frankrijk op de eerste rij om de USA te bekritiseren en waar mogelijk stokken in de wielen te steken. Frankrijk springt op de barricaden voor de VN, wiens gezag door het unilateralisme van de Amerikanen ondergraven wordt. In 1991 besliste de Veiligheidsraad nochtans dat de toen lopende militaire operatie tegen Irak

slechts beëindigd zouden worden indien het regime van Saddam hoessein aan een aantal strikte voorwaarden voldeed waarvan de bekendste de ontwapening onder toezicht van wapeninspecteurs is. Irak lapte deze zoals bekend aan zijn laars, wat in 1998 culmineerde in de uitwijzing van de wapeninspecteurs. Toen was er niemand om het gezag van de VN te handhaven. Er waren geen massale vredesdemonstraties tegen Saddam. En ook Frankrijk liet begaan. Meer nog: (p.3) het was juist de houding van de Fransen die Saddam ertoe aanzette de internationale rechtsorde te negeren. Door Irak te laten begaan verkregen Franse (en Russische) bedrijven lucratieve contracten toegeschoven van de Irakese overheid. Het meest perfide waren de oliecontracten: Franse en Russische oliemaatschappijen gingen exploratie- of ontginningscontracten aan in weerwil van het door de VN ingestelde embargo. Het juridische aardigheidje (contracten onder opschortende voorwaarde van het aflopen van het embargo) dat ze daartoe bedachten belet niet dat daardoor de hele opzet van het VN-embargo, namelijk Irak de toegang tot de internationale kapitaalmarkt ontzeggen, omzeild werd. Eind jaren negentig liet Frankrijk dus niet al leen bewust toe dat Irak de VN resoluties negeerde, het ondergroef ook nog eens het belangrijkste machtsinstrument dat de VN toen hanteerden, namelijk het olie-embargo. En dit alles tot meerdere eer en glorie van de Franse industrie. Toppunt van cynisme is dat Fransen en Russen nu van de Amerikanen ook nog eens  verwachten dat ze die infame oliecontracten gaan honoreren.

 

Frankrijk heeft dus meer schade toegebracht aan de VN dan wie ook. Hadden ze in 1998 het gezag van de VN verdedigd, had President Bush in 2003 geen oorlog hoeven te beginnen. Maar zelfs los daarvan klinkt het Franse standpunt hol. Dat luidt dat de legitimiteit van internationale acties afhangt van de toestemming van de VN-veiligheidsraad, Ongeacht de inhoud of het doel van die actie. De achterliggende gedachte is dat de leden van de Veiligheidsraad in het belang van wereldvrede de voorgestelde actie zullen toetsen aan het internationaal recht. Uiteraard is dit een bijzonder naïeve voorstelling van zaken. De VN leden zijn allen natiestaten die in de VN gewoon hun eigen nationaal belang najagen. En de optelsom van alle nationale belangen is niet het wereldbelang, maar slechts een kakofonie van onderling tegenstrijdige en botsende nationale aspiraties en pretenties. Door de VN-veiligheidsraad als ultieme bron van internationaal recht te gaan beschouwen voert men in feite het wetpositivisme opnieuw in. VoIgens het wetpositivisme, dat vooral rond 1900 hoogtij vierde, is iedere rechtshandeling wettig zolang zij maar door de daartoe bevoegde autoriteit werd gesteld en zolang daartoe de juiste procedure werd gevolgd. De inhoud van de rechtshandeling doet er niet toe. Het wetpositivisme is dus erg aantrekkelijk voor totalitaire staten. Strikt juridisch gezien viel er weinig of niets aan te merken op Nazi-DuitsIand: Hitler bleef steeds netjes binnen de grenzen van de wet. Ook in de Sovjetunie gingen de juristen een geheel eigen ‘socialistische legaliteit’ ontwikkelen. Recht tegenover het wetpositivisme staat het natuurrecht. Er gelden ongeschreven regels waaraan geen enkele heerser of wetgever afbreuk kan doen. Het natuurrecht veronderstelt een a priori opvatting van goed en kwaad en komt zo fataal in botsing met de door de wetgever geclaimde (absolute) soevereiniteit. Het natuurrecht is een erfenis van de christelijke rechtsfilosofie, die in de Middeleeuwen voorhield dat niemand, wereldlijke noch kerkelijke macht afbreuk kan doen aan de goddelijke wet. Hieruit vloeide de idee voort van de door geen enkele overheid aantastbare fundamentele mensenrechten. Sinds WO II is onder impuls van de VN gepoogd het natuurrecht enigszins te codificeren door het concept van de  misdaden tegen de menselijkheid in te brengen in de positieve wetsorde. Denk hierbij ook aan de oprichting van het Permanent Internationaal Strafhof. Men kan zich afvragen of hiermee geen afbreuk wordt gedaan aan een fundamenteel kenmerk van het natuurrecht en of dit wel bijdraagt tot een effectiever handhaving ervan. Wat er ook van zij: binnen de VN blijft het conflict tussen natuurrecht en wetpositivisme volop aanwezig in de Veiligheidsraad daar ook totalitaire staten er worden toegelaten en  gelijkwaardig zijn aan democratische staten. Een beslissing (p.4) van de Veiligheidsraad die tot stand kwam door staten als Syrië, Libië of communistisch China is dus bekleed met de waardigheid van het internationaal recht en daarom in principe superieur aan de nationale wetgeving van een democratische lidstaat. Enkel het vetorecht van 3 westerse landen verhindert dat de VN uitgroeit tot een instrument van het totalitarisme, want de democratieën zijn slechts zelden in de meerderheid in de vijftienkoppige Veiligheidsraad. De geloofwaardigheid van de VN als bron van internationaal recht is dus op dubbele wijze structureel aangetast: enerzijds door de inrichting van de Veiligheidsraad als een directorium van natiestaten, anderzijds door de dominantie ervan door regimes die de door de VN uitgedragen humanitaire principes zelf met de voeten treden. In de door Frankrijk beleden wetpositivistische opvatting ontleent een regime zijn legitimiteit aan de erkenning door de VN-veiligheidsraad. In de Amerikaanse bij het natuurrecht aanleunende opvatting ontleent een regime zijn legitimiteit aan de instemming van de bevolking. Voor het wetpositivisme is de VN de ultieme en superieure bron van internationaal recht. Volgens het natuurrecht is

ook het internationaal recht en zijn bronnen onderworpen aan hogere beginselen.

 

De VN heeft zijn nut, en is zelfs onmisbaar als permanent internationaal overlegorgaan, als internationaal bemiddelaar en crisismanager of door het waardevolle werk van zijn  agentschappen. Als bron van recht daarentegen,..

 

Naast deze filosofische twijfels kan men ook de praktische werking van de VN bezwaarlijk efficiënt noemen. Ironisch genoeg was het Charles De Gaulle, de dagelijks aanbeden patroonheilige van het huidige Franse regime, die de VN ooit geringschattend ‘le grand machin’ noemde. Al zal hij daarbij dan wel niet gedacht hebben aan de arbitrair verdeelde vetorechten.

 

Tot slot kan men zich afvragen wie in de Tweede Golfoorlog nu de werkelijke tegenstander is van de VN? De USA die zonder toestemming van de andere leden van de Veiligheidsraad unilateraal ingrijpen om de resoluties van diezelfde Veiligheidsraad af te dwingen? Of de leden van de VN die weigeren om hun eigen resoluties af te dwingen tegen een tiran? De VN-

veiligheidsraad verzuipt in zijn eigen wetpositivistische contradicties.

 

2003

Bart Soens, Het leiderschap van de nieuwe wereldorde, in : Delta, 10, 2003, p.3-7

 

(p.5) De sleutel tot het succes van het Amerikaanse wereldleiderschap is dat Amerika de incarnatie is van waarden die universeel aanspreken. Dit verklaart ook het succes van de VSA als immigratieland : overal ter wereld voelen mensen zich aangetrokken tot Amerika.

Overal ter wereld zijn er mensen die streven naar democratie en vrijhandel en daarbij opkijken naar de VSA, want hun wetenschappelijk-technologische, economische, politieke en militaire macht is het meest tastbare bewijs van de superioriteit van liberaal-democratische waarden. De VSA toont wat landen kunnen bereiken als ze zich deze waarden eigen maken.

 

(p.6) De Atlantische Oceaan is niet zo diep als de Oeral hoog is. Alle anti-Amerikaanse retoriek van Europese en andere ‘leiders’ is uiteindelijk slechts oppervlakkig gewauwel en dient enkel tot persoonlljk profilering. Na de tweede Golfoorlog was het herstellen van de relaties met Amerika de topprioriteit van Frankrijk en Duitsland. Als beide landen werkelijk het Amerikaanse leiderschap in de beschaafde wereld willen aanvechten, dienen ze hun politiek en economisch systeem nog beter te maken dan dat van de VSA.

 

2003

Tanguy Struye de Swielande (UCL), Joseph Henrotin (ULB), Paris et les valeurs glissantes de l’idéalisme et du réalisme, LB 24/10/2003

 

Une nuancée nous  montre pourtant l’image d’une politique française au réalisme mutant, poursuivant, parfois en se drapant de l’intérêt de l’Union européenne (UE), ses intérêts propres.

Modèle pour certains d’une vision idéaliste, kantienne du monde durant le débat sur la crise irakienne en automne 2002, elle intervenait à cette époque unilatéralement, sans mandat de l’Onu et au nom du droit d’ingérence, en Côte-d’Ivoire. De même, l’Otan, soutenue par la France, est intervenue au Kosovo sans mandat onusien. L’urgence de la situation, qu’il ne faut tout de même pas avoir le cynisme de minimier, avait permis de passer outre les contingences d’un droit structurellement limité par le fonctionnement mêmed es nations Unies. Aussi, comme le note André Glucksmann (…), « l’incroyable exégèse, qui avalise les bombardements sur Belgrade et démonise les bombardements sur le palais du Raïs, prouve combien la référence dévote a la prétendue « légalité internationale » tourne à l’équilibrisme funambule et nage en pleine hypocrisie. »

(…)

Le soutien du président Chirac aux réformes devant faire de l’Onu une organisation adaptée aux menaces et enjeux de ce XXIe siècle impose des règles du jeu que, par certains égards, elle ne respecte pas. La France n’a en effet nullement l’intention d’abandonner au profit de l’Union européenne son siège permanent à l’Onu, lequel lui procure le droit de veto.

(…)

(car) si nous contraire : accusons les Etats-Unis d’unilatéralisme, la France en adopte une variation plus nuancée à l’Onu comme à l’UE, passant notamment par des entorses au Pacte de stabilité, à la Politique agricole commune, ou par le non-respect du Traité de Kyoto, pourtant signé et ratifié par Paris.

 

2003

Echange de vues sur la crise irakienne, Lux. Wort 07/03/2003

 

La francophonie parlementaire réunie à Luxembourg.

En présence de l’ambassadeur de France au Luxembourg…

 

2003

21/03/2003 

Michel Bellégo <wxcvbn@free.fr> a écrit dans le message : 3ecbf722$0$11690$626a54ce@news.free.fr

Ø    Dommage que la guerre d’Irak ait fini si vite.
> C’était un super sujet de discussion.
> A propos de l’attitude de gouvernement français,
> j’ai apprécié le point de vue publié par une
> prof d’histoire de Paris.
> Un petit extrait:
> (c’est la derniere phrase qu’est la mieux).
>
> http://www.fahayek.org/index.php?article=101
>
> Institut Hayek Institute
> Brussels  6-5-2003
> Les choix de la diplomatie française
> par Françoise Thom
> […]
> […] En politique étrangère, la France a, en quelque
> sorte, chaussé les bottes de la défunte Union Soviétique :
> * même politique d’obstruction à l’ONU,
> * même démagogie tiers-mondiste,
> * même alignement sur le monde arabe,
> * même ambition de prendre la tête d’une coalition
> d’Etats « anti-impérialistes » dirigée contre Washington.
> […]
> L’obsession anti-américaine fait que la France
> n’est guère regardante quant à la nature des
> régimes auxquels elle accorde son appui au nom
> de la multipolarité. Irak, Algérie, Zimbabwe,
> Soudan : en un mot, la France semble s’entendre
> mieux avec les Etats-voyous et les Etats ratés
> qu’avec les Etats dont elle partage la civilisation.
> Elle prétend défendre le droit international en
> s’appuyant sur des Etats qui ignorent tout du droit.
> L’analogie avec l’Union Soviétique va plus loin
> qu’il n’y paraît. En effet, la diplomatie française
> est moins inspirée par une Realpolitik cynique (d’où
> les échecs évoqués plus haut) que par une vision
> idéologique des choses. SON ANTIAMÉRICANISME
> EST LA PROJECTION SUR LA SCÈNE
> INTERNATIONALE DE SON JACOBINISME
> INTERNE.[…]
> […]

 

2003

Chirac’s preemptive strike, IHT 10/04/2003

 

France regularly intervenes in civil wars, such as that currently under way in the Ivory Coast, without any UN authority.

 

2003

in: Delta, 5, 2003, p.23

 

Titelatuur. Sinds kort draagt de Franse Minister van Buitenlandse Zaken de officiële titel

« Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération et de la Francophonie. Stel u voor hoe men te keer zou gaan moest zijn Duitse tegenhanger zijn titel voltooien met « .., und für das Deutschtum im Ausland »?

 

2003

RDB (Brussel), in : Delta, 5, 2003, p.20

 

De Fransen verwijten de Verenigde Staten van Amerika dat zij een mono-macht zijn. Ik heb echter de indruk dat het juist de Amerikanen zijn die verder in de toekomst kijken, in tegenstelling tot de Fransen die zich nog altijd inbeelden een grootmacht te zijn en die niet

verder kijken dan de neus van Richelieu, Mazarin, Lodewijk XIV, Bonaparte, de Gaulle en Asterix-Chirac lang is.

 

Met hun concept van « l’Europe des nations » beletten zij Europa uit te groeien en zich te ontwikkelen tot een wereldmacht ten bate van de beschaving en van de hele mensheid. Alleen de federale methode, die Frankrijk verwerpt, is daartoe vruchtbaar. Het is met deze methode dat de V S. een wereldpolitiek aankunnen, waarvan Europa vooralsnog alleen kan dromen.

 

Een vooruitziend politoloog verklaarde onlangs dat de V S. bezig zijn met een « containment policy », Ditmaal niet meer tegen de gewezen Sovjet-Unie, maar tegen een veel gevaarlijker opkomende nieuwe wereldmacht, China. Uw hoofdredacteur heeft dit in zijn voorwoord in het maartnummer zeer goed gezien. ln Vietnam beten de Amerikanen weliswaar in het zand, maar in Afghanistan en Irak zijn zij momenteel aan de winnende hand, terwijl zij in Japan, op de Filippijnen en in Zuid-Korea steunpunten hebben.

 

Indien onder Franse druk Europa de V S, de rug zou toekeren, dan is het met dit continent gedaan. Of we dit nu graag horen of niet. Was het Louis Gueuning niet die op een vergadering van Europese federalisten uitriep: « Ce sont des gens d’ici (hij bedoelde de Lage Landen) qui feront l’Europe ou elle ne se fera pas ».

 

De taak van Delta kan moeilijk overschat worden. Hou moed!

 

2004

Adam Sage, Les Misérables : who’d be a prime minister ?, The Times 08/03/2004

 

« Whenever there is an international summit and a chance to pose with other heads of state, the president attends. But when the farmers start protesting, the president steps aside and leaves the prime minister in the firing line.

Most prime ministers – Mr Raffarin among them – are appointed by the president and therefore have little democratic legitimacy in their own right.”

 

2004

Pierre Kottman, Probeer het eens bij het kerkhof, zegt de boer, NRC 09/11/2004

 

Frankrijk weet zich geen raad met dunbevolkte departementen. Op 23 oktober dienden 260 burgemeesters, wethouders en deputeerden van de streek tussen Limoges en Clermont-Ferrand hun ontslag in.

 

2004

A. Beced (Bruxelles), France / Tout passe avant les droits de l’homme, LB 03/02/2004

 

MAINTENANT QUE LA TEN­SION AVEC l’AMÉRIQUE SEMBLE RETOMBÉE, on entend beaucoup de voix en France s’émouvoir du peu de références aux « droits de l’homme » dans les discours que le prési­dent Chirac a tenu à son visi­teur chinois. Pourtant, il s’agit du même principe qui a fait que le Président français s’est opposé à la politique des Amé­ricains en Irak, c’est-à-dire, faire passer le commerce fran­çais avant les « droits de l’hom­me » des Irakiens.

 

2004

Ben van der Velden, Frankrijk als wereldmacht, in : De Groene Amsterdammer 26/11/2004

Frankrijk voelt zich geroepen om een rol van betekenis te spelen op het wereldtoneel. Sinds Amerika geen tegenhanger meer heeft, is dat gecompliceerd.

PARIJS – Op de herverkiezing van de Amerikaanse president George W. Bush is in Frankrijk van rechts tot links op dezelfde manier gereageerd. Amerika mag dan het machtigste land van de wereld zijn, de Russen, de Chinezen, de Indiërs en de Brazilianen vormen ook machten waar rekening mee gehouden moet worden, zei de Franse minister van Buitenlandse Zaken, Michel Barnier. En Europa wil ook een grote macht worden, vertelde hij erbij. De leider van de socialistische oppositie, François Hollande, noemde Bush’ herverkiezing een uitdaging aan Europa om een eigen buitenlandse politiek en een defensiemacht op te zetten, anders beslist het Amerikaanse imperium alleen over het lot van de wereld.
Die Franse reactie heeft met meer te maken dan alleen het Franse meningsverschil met Bush over de oorlog in Irak. Het gaat ook niet alleen om principiële bezwaren tegen het aan de kant schuiven door Bush van multilaterale besluitvorming. Belangrijk is dat Frankrijk zich geroepen voelt om een rol van betekenis te spelen op het wereldtoneel. Dat zou moeten door middel van de « multipolaire wereld » die volgens de Franse president Jacques Chirac het alternatief is voor een Amerikaanse dominantie.

Chirac vertelt graag dat hij het belangrijk vindt als overal in de wereld Frans gesproken wordt. Hij deed dat ook bij een bezoek onlangs aan Vietnam. Hij legde daar uit waarom hij zo veel waarde hecht aan de francophonie. Als mensen Frans spreken, wordt de wereld niet gedomineerd door één taal, het Engels. Dat is de taal van het machtigste land, de Verenigde Staten. Door Frans te spreken tonen mensen dat zij hechten aan een wereld die niet door één cultuur wordt gedomineerd. Verschillende talen, en dus culturen, moeten als gelijken naast elkaar kunnen voortbestaan.

Voor Frankrijk is de taal een instrument van de buitenlandse politiek. Dat is niet zomaar een gevolg van Franse trots op de eigen taal. Er zijn Fransen die vinden dat hun taal kwaliteiten heeft waaraan geen enkele andere kan voldoen. Maar Chirac is geen Franse taalpurist. Het gaat hem om de politiek. Toen ik hem in het Elysée eens vroeg of hij zijn mededeling dat het gesprek off was, in goed Frans kon herhalen, moest hij het er lachend bij laten zitten. Een medewerkster hielp hem uiteindelijk en zei dat het gesprek niet geciteerd mocht worden.

De Franse minister van Buitenlandse Zaken, Michel Barnier, zei afgelopen zomer op een bijeenkomst in Parijs van alle Franse ambassadeurs dat de Franse taal een «universele taak» heeft. Hij voegde daar direct aan toe dat culturele verscheidenheid in de wereld nodig is. Hij zei dat er regels moeten komen «om het recht van ieder volk op zijn identiteit en zijn eigen kenmerken te garanderen». Het doel is niet om de hele wereld Frans te laten spreken, maar om de Franse taal te laten fungeren als symbool van de verscheidenheid. Culturele verscheidenheid is ook het argument dat Frankrijk aanvoert als het bepleit om in Hongkong voor de moderne kunst in plaats van een dependance van het Guggenheim Museum in New York een vestiging van het Parijse Centre Beaubourg neer te zetten.

Frankrijk als wereldmacht. Kort nadat Chirac in 1995 tot president was gekozen, sprak zijn premier Alain Juppé in de Franse Nationale Vergadering deze ambitie uit. Hij kreeg een kamerbreed applaus. Van links tot rechts is men voortdurend bezorgd dat Frankrijk op een dag niet in staat zal zijn de rol van belangrijke mogendheid te vervullen. Toen Frankrijk zich begin 2003 binnen de Veiligheidsraad uit alle macht verzette tegen de Amerikaanse plannen voor een oorlog tegen Irak waren niet alle Fransen het met die houding van hun regering eens. Politiek commentator Jean-François Revel zag er een bevestiging in van de juistheid van zijn stelling dat Frankrijk leed aan een «anti-Amerikaanse obsessie». Maar dat Frankrijk een land is waar de wereld naar moet luisteren, werd door niemand in twijfel getrokken.

In de tijd van de Koude Oorlog was het voor generaal Charles de Gaulle nog tamelijk eenvoudig om met een eigen atoommacht het internationale buitenbeentje te spelen. Hij bleef met zijn principe van Franse onafhankelijkheid wel binnen het westerse kamp. Na de val van de Berlijnse Muur is de Franse positie moeilijker geworden. Frankrijk heeft te maken met de unieke positie van de Verenigde Staten, waarvoor enkele jaren geleden de toenmalige socialistische minister van Buitenlandse Zaken, Hubert Védrine, de term hypermacht bedacht. Vroeger had Frankrijk de ruimte voor een flirt met de tegenhanger van de Verenigde Staten, de Sovjet-Unie. Maar sinds Amerika geen tegenhanger meer heeft, is het gecompliceerder geworden om een exclusieve Franse politieke invloed in de wereld uit te oefenen.
Franse politici begrijpen ook wel dat ze niet in hun eentje een tegenwicht voor de Verenigde Staten kunnen vormen. Ze realiseren zich pijnlijk goed dat hun politieke en militaire macht niet te vergelijken is met die van Amerika. Hun zorgen over de beperkingen van de Franse macht zijn zelfs al veel ouder dan de opkomst van de Amerikaanse hypermacht. Volgens Pascal Boniface, de directeur van het Parijse Institut de Relations Internationales et Stratégiques, is de toekomst van de Franse macht al sinds 1870, na de militaire nederlaag van de Duitsers, een vast centraal element van het Franse politiek-intellectuele debat.

Maar de Fransen willen wat. Ze vinden dat ze met hun Franse Revolutie als drijvende kracht achter de Universele Verklaring van de Rechten van de Mens in een uitzonderlijke positie zijn om een rol te spelen op het wereldtoneel. Het is onvermijdelijk dat zo’n principe van mensenrechten niet altijd past bij het Franse nationale belang, dat de buitenlandse politiek ook moet dienen. Toen president Chirac onlangs in China opdrachten voor de Franse industrie probeerde binnen te slepen, manoeuvreerde hij voorzichtig aangaande mensenrechten.

Omdat ze in vergelijking met de Verenigde Staten niet sterk zijn, proberen de Fransen op het wereldtoneel slim te zijn. Frankrijk bepleit niet alleen om principiële redenen een multilaterale, multiculturele wereld als tegenhanger van het unilateraal optredende Amerika. De waarde die Frankrijk hecht aan besluit vorming binnen het kader van de Verenigde Naties, binnen de Europese Unie en andere internationale organisaties heeft direct te maken met de machtspositie van Frankrijk zelf. Binnen de Europese Unie kan Frankrijk proberen een stempel op het buitenlandse beleid te zetten. Dat lukt niet altijd, maar dat is een andere kwestie. Binnen de Verenigde Naties kan Frankrijk zich inspannen om een leidende positie te krijgen onder de landen die zich niet zomaar bij de wensen van de Verenigde Staten willen neerleggen.

De verhouding tot Amerika is bij die Franse buitenlandse politiek essentieel. Toen Chirac begin oktober naar een Europees-Aziatische topbijeenkomst ging, verheugde een medewerker van de Franse president zich dan ook over het feit dat dit «een van de weinige toppen is waar de Amerikanen niet aanwezig zijn, waardoor er meer vrijuit gepraat kan worden».

Eenvoudig is het Franse recept niet om via internationaal overleg een machtspositie te verwerven. Voormalig minister van Buitenlandse Zaken Védrine beschreef in 1996 al hoe ingewikkeld dit kan worden. In verschillende gremia, zoals de Europese Unie, de Veiligheidsraad en de G8, komt Frankrijk dezelfde andere landen tegen. Die andere landen hebben hun eigen wensen. Als Frankrijk bij één van die internationale instellingen iets gedaan wil hebben, moet het zelf ook een concessie doen aan verlangens van andere landen. Maar daarbij riskeert het al gauw dat die concessie binnen een andere internationale organisatie tot ontevredenheid leidt bij een land waarvan Frankrijk steun wil hebben. Volgens Védrine leidt dit tot processen die in de huidige tijd van permanente onderhandelingen in allerlei organisaties moeilijk te beheersen zijn.

Een ander probleem voor de Franse diplomatie is de arrogantie. Het zijn Fransen zelf die dit probleem benoemen. Toen Chirac onlangs naar China reisde schreef Le Figaro nadrukkelijk dat het beeld van Frankrijk dat hij daar ging presenteren «vooral niet arrogant» zou zijn. Volgens Boniface is één van de regels waarvan het succes van de Franse multilaterale aanpak afhangt het «voorkomen van de traditionele Franse arrogantie (de narcistische voldoening die later kostbaar kan blijken te zijn) ».

Of het nu om de arrogantie gaat waarover de Fransen het zelf hebben of over iets anders, in ieder geval kan Frankrijk zich zo gedragen dat anderen er nog lang vervelende herinneringen aan overhouden. Minister van Buitenlandse Zaken Ben Bot kreeg er ervaring mee toen hij nog diplomaat was. Bots voorganger, minister Hans van Mierlo van Buitenlandse Zaken, wilde meer Nederlandse aandacht aan Frankrijk geven. Diplomaat Bot zag toen dat als gevolg daarvan Parijs zich niet meer met Nederland ging bezighouden. Frankrijk dacht niet: ik heb een nieuwe vriend, die moet ik wat over de bol aaien. Frankrijk ging ervan uit dat er weer iemand bij gekomen was die deed wat Parijs wilde. De vanzelfsprekendheid waarmee Frankrijk de verandering van het Nederlandse beleid accepteerde, dat wil zeggen het gebrek aan belangstelling voor Nederland, werd in Den Haag als grievend ervaren.
«Frankrijk is niet groot als het arrogant is. Frankrijk is niet sterk als het alleen staat», zei de Franse minister van Buitenlandse Zaken, Michel Barnier, onlangs.

 

2004

Moscovici Pierre (anc. ministre français des Affaires européennes, vice-président du parlement européen), L’influence française recule-t-elle ?, LB 17/09/2004

 

Le recul de l’influence française en Europe est hélas (sic) incontestable, mais il n’est ni fatal ni souhaitable (sic).

 

2005

M. F.C., Autres dictateurs déchus, autres procès. Beaucoup de grâces, LB 20/10/2005

 

Bokassa (Centrafrique) s’exila notamment en France.

Idem pour Didier Ratsiraka (Madagascar), qui y coule des jours heureux.

 

2005

Bernard Delattre, Des leaders du FN reçus à Matignon, LB 28/06/2005

 

Près d’un mois après le référendum, le Premier ministre Villepin consulte les partis – extrême droite comprise –  sur l’Europe

 

2006

Bernard Delattre, Réformer ? Le gâchis, LB 20/03/2006

 

La France peut être réformée. Mais pas à la hussarde, pas sans prendre le temps de se concerter, d’expliquer, d’écouter, de respecter. Ce que n’a pas fait Matignon, ou pas assez.

C’est loin d’être une première. Jean-Pierre Raffarin déjà avait agi de la sorte avec la réforme des retraites, et Lionel Jospin avant lui avec les 35 heures. Cette manière de concevoir et de pratiquer la politique n’est donc pas spécifiquement « villepinienne », elle est plus largement parisienne: révélatrice d’un pouvoir lointain, déconnecté, hautain, buté.

 

2007

Manfred Weber-Lamberdiere, Gedränge unter der Trikolore, in: Focus, 16/2007, S.192-195

 

Im Endspurt zum Präsidentenamt setzen Linke wie Rechte aufs Nationale.

(Ségolène Royal) „Alle Franzosen müssen unsere Nationalflagge zu Hause haben.“

(Nicolas Sarkozy) „Frankreich liebt man – oder man geht.“

(Jean-Marie Le Pen) „Ni pote, ni black, ni beur, Français“.

 

2007

Pas de « malentendu » : Cécilia Sarkozy a rendu sa carte de crédit, LB 05/07/2007

 

« Afin d’éviter tout malentendu », dixit l’Elysée mercredi, l’épouse de Nicolas Sarkozy a rendu « il y a quelques jours »‘la carte de crédit qui – du jamais vu pour une Première dame – lui avait été attribuée afin que ses « frais de représentation » soient directement débités au Trésor public. Cette carte, a justifié le porte-parole du gouvernement lui avait été octroyée pour « des raisons de facilité et de traçabilité ». Elle a été utilisée deux fois en un mois et demi.

 

2007

Robert G. (Seneffe), Le président de tous les Français ?, in : DH 16/05/2007

 

Nicolas Sarkozy a été élu président par 18.983.408 voix contre 16.790.611 voix pour Ségolène Royal, soit une dif­férence de 2.192.797 voix. Selon les sondages effectués le dimanche soir, 66 % des électeurs de Jean-Marie Le Pen au premier tour, soit 2.530.789 personnes, ont voté au second tour pour Nicolas Sarkozy. Il apparaît donc clairement que Nicolas Sarkozy a été élu président uniquement grâce au re­port massif des voix de l’extrême droite. Il est aussi intéressant de noter que, selon un sondage effectué le 6 mai, parmi les électeurs de Sarkozy la majorité sont des femmes (52 %), des personnes âgées de 50 à 64 ans (59 %), de 65 ans et plus (64 %), des ar­tisans, commerçants et chef s d’entre­prise (82 %), des retraités (58 %), des sans-diplôme (59 %) et des personnes dont le revenu mensuel dépasse 3.000 euros (57 %). Avec un tel électorat, Sarkozy peut-il être considéré comme le président de tous les Fran­çais? Son premier geste sera en faveur des nantis, vedettes du show-biz, spor­tifs de haut niveau, dont les revenus in­décents sont une injure à tous les tra­vailleurs. On a déjà compris comment la France sera dirigée pendant cinq ans. Il est étonnant qu’une majorité du peuple français lui ait fait confiance. Ce personnage me fait irrésistiblement penser à un autre N, mégalomane, dont les Français ont fait un empereur dix ans à peine après avoir guillotiné leur roi…

 

2007

V.S., Les chichis du président, DH 10/02/2007

 

« Jacques Chirac ne se refuse visiblement rien. Petit tour d’horizons des privilèges de la fonction

 

PARIS C’est presque un euphémisme d’affirmer que Jacques Chirac aime la grande vie. Certes, son traitement de président ne s’élève qu’à 81.023,23 euros bruts par an, ce qui est largement inférieur à ce que percevaient Valéry Giscard d’Estaing (144.400€ en 1977) ou Mit­terrand (93.950€ en 1987), voire au traitement du Premier ministre (248.318€) ou d’un secrétaire d’État (157.266 €), mais le président fran­çais n’a par contre pas lésiné à sur les dépenses pour s’entourer de tout le confort rêvé !

À commencer par le personnel : pas moins de 963 personnes tra­vaillent pour lui (contre 818 sous François Mitterrand), soit une aug­mentation de la masse salariale de 6,1 millions d’euros par an. Être au service du président n’est, d’ailleurs, pas un boulot à dédaigner, tant par le prestige qu’il apporte que par les petits bonus que Jacques Chirac oc­troie à ses employés chaque année. En moyenne, ce sont ainsi 6,9 mil­lions d’euros qu’ils se partagent De manière assez inégale, certes, mais cela s’élève malgré tout, en moyenne, à 7.262 euros par an et par personne.   (Etc.)

 

2007

Au pays des extrêmes, in : LB 17/04/2007

 

Le 21 avril 2002, plus de 9.000.000 de français, soit un électeur sur trois, avaient voté pour des candidats.

 

Le Pen : (dans un des ses discours)

une ode à « la France de sainte Clothilde et de sainte Ge­neviève, de saint Bernard et de saint Benoît, la France de Jeanne d’Arc, celle de Saint-Louis, la France des cathédrales et des hauts lieux qui approchent du ciel, le Mont-Saint-Michel, le Mont-Saint-Odile, le Puy, Lourdes, Sainte-Anne d’Auray, Marceilles en Limoux ou Citeaux« . Et une citation de mémoire de Charles d’Or­léans prisonnier à Azincourt. La salle dé­faille devant tant d’histoire et de culture. Elle chante debout le couplet de La Mar­seillaise spécialement choisi par le candi­dat du FN: le quatrième couplet, celui qui exalte le « sang impur qui abreuve nos sillons » et « l’amour sacré de la patrie qui soutient nos bras vengeurs ».

Au dîner-débat chez De Villiers, un militaire à la retraite excuse la gégène pendant la guerre d’Algérie.

 

2007

Bernard Delattre, A peine élu et déjà critiqué, LB 10/05/2007

 

… accusations d’enrichissement immobilier indu.

Chirac avait aussi été critiqué pour ses coûteuses villégiatures.

Mitterrand utilisait sans vergogne et sans limites les moyens de la République pour ses vacances dans les palaces et / ou pour loger sa seconde famille.

 

2007

Droite extrême, LS 10/05/2007

 

La société française semble en­core plus basculer dans le na­tionalisme, qui est une forme du ra­cisme. Le candidat de droite sur­tout, maintenant largement élu, a, sur un ton d’aboyeur, voulu glori­fier la nation française. Elle lui a tout donné, dit-il, et il veut tout lui rendre. Quelle prétention !

Il reprend quasi mot pour mot la devise de Vichy : travail, famille, pa­trie. Il tient des propos que les Français auraient condamnés dans la bouche de l’extrême droi­te. Il se prononce péremptoire­ment sur l’origine génétique de certains délits, semblant tout igno­rer de la biologie. Il semble penser que la France va vaincre la maladie d’Alzheimer par décret, ignorant tout de la démarche scientifique. Il aiguise chez ses concitoyens le na­tionalisme, cette plaie de l’humanité qui a envoyé tant d’innocents  se faire tuer pour des dictateurs.

La France n’a pas gagné. Elle a perdu un peu plus de la grandeur des idées au profit des idées de grandeur.

 

MARCEL ACKERMAN

 

2007

Franse huursoldaat Robert Denard is overleden, DS 15/10/2007

 

‘Kolonel’ Denard werd op 7 april 1929 geboren in Bordeaux aïs Gil­bert Bourgeaud. Hij heeft zeven vrouwen gehad en acht kinderen, en bekeerde zich tot de islam.  … Denard begon zijn loopbaan in’ het Franse léger, waar hij diende in het toenmalige Franse Indochina (Vietnam, Laos en Cambodja) en in Marokko. Zijn opleiding genoot hij bij de para’s in Vietnam. In 1952 verliet hij het léger en werd hij politieman in Marokko, dat toen nog onder Frans bestuur stond. Twee jaar later werd hij tot 14 maanden veroordeeld wegens een moordcomplot tegen de toen­malige Franse premier Pierre Mendès.

 

Vanaf de jaren zestig leidde hij een leven als huursoldaat, door letterlijk te vechten voor welke rebellengroep hem daarvoor ook wilde betalen. Dertig jaar lang vocht Denard vooral in Franstalig Afrika en in het Midden-Oosten.

In 1961 vocht hij ook in Congo, aan de zijde van de Katangese rebellen.

Daarna was hij huurling in Noord-Jemen, nogmaals in Con­go, in Gabon, Angola, Rhodesië (nu Zimbabwe), Bénin, en in Iran en Jemen.

Zijn favoriete speelterrein bleven echter de Comoren, waar Denard aan meerdere staatsgrepen deelnam. Tijdens de jaren tachtig leidde hij er het leger en de presidentiële garde. Na de moord op président  Ahmed  Abdallah vluchtte hij eerst naar Zuid-Afrika en daarna naar Frankrijk. Zijn betrokkenheid bij de staat-greep tegen président Said Moha­med Djohar, in 1995, werd Denards laatste wapenfeit. Op de Comoren heerste gisteren ontgoocheling, omdat Denard enkel op Franse bodem is berecht. ‘Zijn dood laat veel vragen over onze recente geschiedenis onbeantwoord’, zei de vakbondsleider Ibrahim Ali.

 

Sommigen geloofden Denard, de zelfverklaarde ‘piraat van de Franse republiek’, die een leven lang volhield dat hij steeds met medeweten en zelfs met de stilzwijgende steun van de Franse geheime diensten had gehandeld. Volgens anderen probeerde De­nard met die bewering zijn affai­risme en zijn banden met extreem-rechts te verdoezelen. (iro)

 

2007

Le Monde / Incoherencia, EP 04/11/2007

 

(…) Francia ha adoptado una actitud sorprenden-te: favorable a las sancio-nes europeas contra Te­heran, se opone, por el contrario, (…) a las sanciones que atanen las cuestiones petroliferas y a las medidas financieras propuestas contra los di-rigentes de Rangún.

(…) En el caso birmano, las sanciones ya adoptadas por Australia y las que esta preparando EEUU están enfocadas directamente contra los diligentes militares. Es verdad que los embargos son un error, sin embargo, una politica de medi­das financieras con un objetivo muy claro puedé resultar muy eficaz. (…) En la ONU, Francia ha abogado siempre por las sanciones « intcligentes ». La pusilanimidad frances a respecte a las sanciones contra la Junta de Rangún es, por tanto, incomprensible.

 

2008

TOUS POUR UN, R.E., 75 – 05/2008

 

Et tout pour la poche de celui-là. Jac­ques Chirac est à la retraite, mais pas dans la gêne pour autant. En France, un président de la république ne l’est pas à vie comme un roi et il est dès lors de simple prévoyance qu’il cotise pour sa retraite. Il n’est que juste qu’il reçoive la pension correspondante : 5.000 euros (par mois). Mais comme il a cotisé aussi quand il était député et qu’il peut cumuler les pensions, et qu’il a cotisé aussi comme maire de Paris, et aussi au conseiller régional, et comme il est justement rétribué comme membre à vie du Conseil constitutionnel, sa pension mensuelle est arrondie à un peu plus de 30.000 euros. Comme la France a heureuse­ment mis fin aux abus de la monar­chie absolue, elle en a sans doute les moyens. Sarkozy, qui n’est pas encore

près de se retirer, ne s’est jusqu’à pré­sent acquis de droit qu’à 23.250 euros de pension de retraite mensuelle, mais il lui reste du temps pour en remettre un fameux bout à son pré­décesseur et ami.

 

2009

DEMOCRASSIE, in: R.E., 79/2009, p.17

 

R&A épingle le fait que l’Assemblée Nationale s’est voté comme un seul homme un parachute doré (il passe de 6 mois à 60 mois à 15.000€) pour consoler les nombreux députés déçus qui ne sont pas réélus. En comparaison, les députés belges ne perçoivent qu’un chômage de misère : 12 mois à 5.000€, portés à 24 mois lorsqu’ils ont plus de six années de fonction.

 

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Et certains voudraient une république !!!

 

Du coût des royautés contemporaines en Europe et de celui de la présidence de la république française…

 

L’un de nos amis, qui vit au Royaume de Belgique, nous a communiqué une étude qui date du mois d’avril 2012 et qui, à ma connaissance – et on se demande bien pourquoi (!!!) – , n’a pas fait l’objet de diffusion dans les grands media français : il s’agit du sixième rapport sur le coût des chefs d’Etats européens publié par Monsieur Herman Matthijs, professeur d’administration et de finances publiques à l’Université de Gand.
Le Professeur Matthijs est connu pour sa probité intellectuelle et sa rigueur, on ne peut lui reprocher de faire intervenir des idées partisanes ou des préjugés idéologiques dans son travail.
Le Professeur Matthijs publie des chiffres : ces chiffres parlent d’eux-mêmes sans avoir besoin d’être longuement interprétés…

Le rapport du Professeur Herman Matthijs révèle donc que le président de la république française est le chef d’État le plus coûteux d’Europe : en effet, le budget de la présidence de la république française s’élevait, à la parution du rapport, à 111,7 millions d’euros.
Le budget de la présidence de la république fédérale d’Allemagne, s’élevait, lui, à 30,7 millions d’euros.

Par ordre décroissant, voici ensuite le budget des différentes royautés européennes :
– pour la couronne néerlandaise : 39,4 millions d’euros ;
– pour la couronne britannique : 38,2 millions d’euros ;
– la couronne norvégienne : 25,2 millions d’euros ;
– la couronne belge : 14,2 millions d’euros ;
– la couronne suédoise : 13,9 millions d’euros ;
– la couronne danoise : 13,2 millions d’euros ;
– la couronne luxembourgeoise : 9,2 millions d’euros ;
– la couronne espagnole : 8,2 millions d’euros.

Habituellement, dans ces royautés, les souverains ne partent pas à la retraite, tandis que la république française doit pourvoir à la retraite de trois anciens présidents qui ont coûté chacun 1,5 millions d’euros en 2012.

En outre, il faut ajouter que, dans les pays où il y a un roi ou une reine, la succession est réglée à l’avance, tandis qu’en France elle fait l’objet d’élections dont le coût s’avère absolument exorbitant : pour les élections présidentielles de 2012, il a atteint 228 millions d’euros.

Si les budgets annuels restent à peu près stables, et malgré le décret de la fin août 2012 qui a réduit de 30% la rémunération du président de la république, le coût du quinquennat de François Hollande s’élèvera à près de 809 millions d’euros, en tenant compte des élections présidentielles et des retraites.

Selon les mêmes conditions et pour la même période, la royauté néerlandaise devrait coûter 197 millions d’euros.
La royauté britannique, 191 millions d’euros.
La royauté norvégienne, 126 millions d’euros.
La royauté belge, 71 millions d’euros.
La royauté suédoise, 69,5 millions d’euros.
La royauté danoise, 66 millions d’euros.
La souveraineté luxembourgeoise, 46 millions d’euros.
La royauté espagnole, 41 millions d’euros.

Ainsi donc, alors que la présidence de la république devrait coûter aux Français quelque 809 millions d’euros sous le quinquennat de François Hollande, dans le même temps les huit principaux souverains européens réunis ne devraient coûter que 807,5 millions d’euros à l’ensemble de leurs sujets, c’est-à-dire qu’à eux huit ils atteignent à peine le coût total de l’actuel président et des trois présidents retraités, en France !

Avec un budget annuel de 40 millions d’euros par an, un Roi de France reviendrait donc 75% moins cher que l’actuel président de la république.

Et après cela, malgré l’implacable objectivité des chiffres, en France, on persiste à faire croire aux gens que la royauté est un régime dispendieux et que ce sont les Rois qui dilapident les finances publiques…

 

Lully.

 

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