L'impérialisme français au 20e siècle: torture, viols, génocides, ...

PLAN

1 Analyses

1.1 Généralités

1.2 En France

1.3 Ailleurs

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1 Analyses

1.1 Généralités

ARCHEOLOGIE et COLONIALISME

 

Guillemin, Ph., éd., Archéologie française à l’étranger, Ed. recherche sur les civilisations, 1985

“Il pouvait sembler, après coup (sic), que l’archéologie traditionnelle telle qu’on la pratiquait dans la première moitié du siècle s’était souvent identifiée avec le dégagement des grandes villes de la colonisation romaine, et certains pouvaient y voir le symbole d’un esprit colonial.” (p.288)

 

La religion fasciste – Emilio Gentile, éd. Perrin, LB 13/09/2002

 

Le fascisme italien a revêtu un caractère religieux bien oublié. (…)

Articles de journaux, directives ministérielles et préfectorales, endoctrinement des enfants, délire des idéologues, conception de l’exposition organisée pour le dixième anniversaire du régime à Rome, apparitions théâtralisées de Mussolini, sont ici décrits et disséqués. (…)

Porté par une idéologie anti-catholique, il trouvait ses références et des précédents dans la Révolution française : ses fêtes, ses messes, ses déesses républicaines.

Bref, la religion fasciste illustre à sa manière la brillante interprétation que Raymond Aron a donné des totalitarismes en tant que religions séculières.

 

MB <invalid@wanadoo.fr> a écrit dans le message : 3DD4ACF0.8000906@wanadoo.fr

Trouvé à l’adresse
> http://www.fondationderougemont.org/txt/denis.html
>
> On y lit une présentation d’un livre de Denis de Rougemont, Journal
> d’Allemagne, qui m’a bien plu (Les capitales sont de moi).
>
> —-
> Témoin direct de la vie quotidienne en Allemagne en 1935-1936, l’auteur
> cherche à comprendre la nature profonde de l’hitlérisme.
>
> Pour lui, ce phénomène s’inscrit dans la TRADITION DU JACOBINISME, dont
> il exacerbe certains traits caractéristiques : dictature conduite au nom
> du peuple, nivellement des esprits, ordre militaire oppressif,
> centralisation poussée au maximum, exaltation du rôle de la Nation,
> sacralisation des masses, grand-messes symboliques, etc…

 

 

Yves Benot, Massacres coloniaux, 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises, La Découverte, 2001

 

Maspero François :

(p.II) Puisque, paraît-il, avec le temps les passions s’apaisent, il est dans l’ordre des choses que les temps soient venus de faire un bilan « dépassionné » de l’histoire de l’Empire français :  absence de passion étant ici synonyme d’indulgence, voire de sympathie.

Aucun Empire d’ailleurs, et pas seulement colonial, n’échappe à la mode des révisions nostalgiques. Nous avons vu ainsi fleurir la nostalgie de l’Empire austro-hongrois dont on a découvert qu ‘il savait concilier et assagir sous son sceptre tant de peuples divers. Nous devons donc, en bonne logique et pour les mêmes raisons, nous attendre à voir réhabiliter l’Empire ottoman : car enfin les Turcs n ‘ont-ils pas été les seuls à avoir su maîtriser la poudrière balkanique ? La réhabilitation de l’Empire mussolinien est opérée depuis longtemps dans les esprits de nombre d’Italiens, si l’on en croit les récentes élections : pas seulement parce qu’il a su faire arriver les trains à l’heure, mais parce que, nous dit-on par exemple, le fascisme fut le seul à lutter efficacement contre la mafia. La révision de l’histoire du IIIe Reich est, on le sait, en bonne voie outre-Rhin : nombre d’historiens sérieux savent désormais faire le partage entre un projet visant à assurer la grandeur de la notion allemande et la folie (ou la maladresse) nazie qui l’a fait capoter par ses excès inutiles. S’il est trop tôt encore pour se livrer à la même estimation de l’Empire soviétique (que l’on crédite déjà communément, cependant, des défauts mais aussi des vertus de l’Empire tsariste), cela ne saurait tarder, et le bilan « globalement positif  » cher à Georges Marchois n’a pas dit son dernier mot. A ce train, génocide arménien, shoah ou goulag ne seront plus que des éléments parmi d’outres, odieux certes, mais dont on saura bien nous faire réévoluer le poids réel dons le contexte plus général d’une histoire décidément plus aveugle que la plus noire des pièces de Shakespeare.

 

(p.III) « Globalement positif « , en tout cas, c’est à peu près le jugement que l’on voit se profiler, depuis quelques années, à l’égard du bilan de la colonisation française. Un sondage réalisé en 1991 pour la revue L’Histoire révélait que 56 % des Français considéraient que la présence de la France en Algérie avait été une bonne chose… pour l’Algérie (36 % estimant le contraire}. On voit ainsi se reformer le consensus de la France profonde qui entourait l’Exposition coloniale. Aux tranquilles affirmations de « possession  » du Gallouédec et Maurette des années trente, le manuel d’histoire et de géographie à l’usage des classes de troisième de MM. Kafnou et Zanghellini (éd. Belin) répond en 1994, tout aussi tranquillement et succinctement, que la France ne sut pas opérer pacifiquement une décolonisation rendue nécessaire… par la Charte de l’ONU de 1946et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. « Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les colonies réclament leur indépendance. Les Français et leurs gouvernements refusent cette décolonisation : la guerre d’Indochine secoue la IVe République, la guerre d’Algérie la fait tomber… L ‘acharnement de la France à se maintenir en Algérie nuit à son prestige international. »

Heureusement, de Gaulle vient et tout s’arrange… Rien à redire à ce résumé elliptique. Après quoi, les auteurs peuvent passer à l’évocation, tout aussi succincte, de la fragilité des indépendances dans le tiers monde. Tout cela est déjà tellement loin qu’ils sont autorisés à porter dessus le regard indulgent que l’on réserve aux errements du passé.

En attendant, aujourd’hui, ce qu’exprime majoritairement l’opinion de droite ou de gauche, au sortir d’un certain silence, c’est une sorte de soupir de soulagement, voire un cri du cœur tel que le pousse un Jean Lacouture – lui-même témoin de première main et parfois acteur de cette décolonisation : oui, ça n’a pas été commode, ily a eu des erreurs, des lenteurs, mais, tout

bien pesé, la France a laissé une oeuvre magnifique, dont elle peut être fière. La France des routes, des ponts, des écoles et des hôpitaux. La France des droits de l’homme. On nous montre d’ailleurs ce qui est arrivé dans ses anciennes colonies depuis son départ . misère, guerres civiles, luttes tribales. Le retour de la violence. Bref, la revanche de Caliban après le départ d’Ariel.

La France a construit des routes, des écoles, des hôpitaux et beaucoup d’autres choses magnifiques. Tous les empires ont agi de même. (p.IV) Les Turcs ont couvert les Balkans de ponts et, jusqu’à il y a deux ans, la bibliothèque de Sarajevo était l’une des plus précieuses du monde,. même les Italiens ont doté Tirana – du temps où le Duce avait fait Victor-Emmanuel III roi d’Albanie – d’un urbanisme moderne. Nul ne nie 1’oeuvre immense et plus magnifique encore de l’Empire britannique, grand bâtisseur de ponts s’il en fut. Mais ce qui fait la particularité unique de l’Empire français par rapport à tous les autres, c’est qu’il s’est nimbé à partir de la IIIe République et jusqu’à son dernier jour, d’une justification morale majeure . celle de la mission civilisatrice de la France. Car cette nation colonisatrice n’était pas n’importe laquelle. Elle était celle qui entendait éclai rer le monde en y exportant les Lumières. Elle était celle des droits de l’homme. A u nom des principes mêmes de la Liberté

qu ‘elle incarnait, elle en appelait au droit d’un peuple à en civiliser d’autres et transformait ce droit en mission. (Seule l’Union soviétique s’est présentée comme porteuse d’une telle mission

émancipatrice – avec le résultat que l’on sait.) Georges Leygues, qui fut un grand ministre des Colonies, déclarait en 1906: « Coloniser… c’est accroître le capital national et le capital universel en allumant sur tous les points du globe de nouveaux foyers d’activité, d’espérance et de force; c’est accomplir l’oeuvre de solidarité la plus haute, car la colonisation qui n ‘aurait pas pour but et pour résultat d’élever en dignité, en moralité et en bien-être les peuples qu’elle pénètre, serait une oeuvre grossière, brutale, indigne d’une grande nation. »

L’oeuvre grossière, brutale et indigne ainsi désignée par dénégation, était bien entendu celle de la Grande-Bretagne. Il est vrai que l’Empire britannique, autrement pragmatique, n’avait

jamais nié la primauté de l’exportation des tissus sur celle des Lumières. C’est ce pragmatisme, justement, qui lui a permis de négocier de tout autre façon sa transformation en Commonwealth.

Cette constante contradiction de l’Empire français, cette intolérable distance entre les principes invoqués d’une part, les faits et la nature même de la colonisation qui les bafouaient d’autre part, l’affrontement, le choc qui ne pouvaient qu’en résulter, c’est bien ce que soulignait, avec l’ironie du désespoir, Kateb Yacine, quand il parlait de la reconnaissance qu’il devait aux Français. Et c’est bien ce qu’éclaire remarquablement le présent livre d’Yves Benot.

 

(p.VI) (…) en 1845, les massacres systématiques de populations civiles en Algérie par les colonnes de Bugeaud connus sous le nom d’’enfumades’ firent l’objet d’un débat public à la Chambre des Pairs; et un siècle plus tard, comme le note Yves Benot, les polémiques sur le massacre du Constantinois, le bombardement d’Haïphong, les tueries de Madagascar ne portent pas sur leur réalité mais sur le nombre des victimes. Ici, pas de préméditation théorisée, pas de plan ourdi dans le plus grand secret. La violence, la négation du droit dont est porteuse la colonisation, peuvent être quotidiennes, au grand jour, elles glissent – justement pour cela ?  – sur une couche épaisse d’inaltérable bonhomie : le discours de la démocratie n’en est pas affecté. C’est le mérite d’un travail comme celui d’Yves Benot de mettre en évidence qu’au-delà du discours, c’est la démocratie tout entière qui en était, profondément et systématiquement, atteinte. Et ce n’est qu’en prenant en compte de telles mises en évidence que l’on pourra, enfin, écrire une histoire de la colonisation « dépassionnée ».

 

(p.VII) Mission civilisatrice ? Il eût été difficile de l’invoquer dans un pays qui devra attendre 1848 pour abolir l’esclavage dans ses colonies – avec deux ans de retard sur l’empire ottoman.

(p.VIII) Elle le garda donc, au prix d’un corps expéditionnaire sans cesse renforcé, porté au fil des ans de 30 000 à 120 000 hommes, au prix de plusieurs centaines de milliers de vies humaines du côté français – on n’a jamais comptabilisé les pertes de la population algérienne, mais on estime que celle-ci est passée, entre 1830 et 1856 de trois millions d’habitants à deux millions trois cent mille. (…)

 

Toute la phase militaire de la colonisation – une phase qui n ‘est en fait jamais complètement close – repose sur une notion (p.IX) majeure : la négation de l’autre. Même si les hommes qui débarquent à Sidi Ferruch ne se sentent pas investis d’une mission civilisatrice particulière, ils arrivent imbus de cette certitude innée, spécifiquement française : ils incarnent la civilisation,

puisqu’ils sont français. C’est simple et fruste. En conséquence, quiconque tire sur eux attente à la civilisation. Leur ennemi n ‘est donc pas seulement un ennemi classique, c’est un sauvage. Et surtout quand, une fois vaincue la défense désespérée et inattendue des troupes du bey, ce sont des populations entières mobilisées qui résistent pour défendre leur terre et se vengent de façon atroce sur les envahisseurs qu’ils capturent : ces gens-là n’ont même pas d’État, de gouvernement, enfin tout ce qui fait d’un peuple qu’il existe en tant que tel, et ils continuent pourtant à s’accrocher sur ce sol en prétendant qu’il est leur. Terrorisés, les conquérants répondent par la terreur. Une terreur plus grande encore que celle de l’adversaire, puisqu’elle a les moyens d’une armée moderne.

Il est significatif que les officiers vétérans des campagnes napoléoniennes à l’oeuvre en Algérie évoquent tous, obsessionnellement, la guerre d’Espagne. La seule leçon qu’ils en ont retenue est que, cette fois, ils ne doivent pas céder : les massacres auxquels se sont livrées les armées de 1’empereur n ‘ont pas suffi à assurer la victoire ? Cela prouve seulement qu’ils ne furent pas menés avec assez de sévérité. En 1832, quand Savary, duc de Rovigo, fait massacrer en représailles d’un vol la totalité de la tribu des Ouffas, il ordonne. « Des têtes… Apportez des fêtes, bouchez les conduites d’eau crevées avec la tête du premier Bédouin que vous rencontrerez. » Dix ans plus tard, quand Bugeaud décide d’appliquer la stratégie de la razzia, de brûler les villages et de réduire par la famine les populations de la région du Chélif, il donne pour consigne à ses hommes liges – Cavaignac, Saint-Arnaud, Canrobert, Pélissier – . « Enfumez-les comme des renards.  » Et quand Pélissier revient, mission accomplie, de son enfumade de la grotte du Dahra où sont morts plus d’un millier d’hommes, de femmes et d’enfants, il a ce mot, pour répondre à quelques bonnes consciences inquiètes : « La peau d’un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables. »

 

(p.XI)  La France des Lumières fut-elle donc totalement absente de la colonisation de l’Algérie ? Non. De jeunes officiers – La Moricière, Cavaignac – avaient été à Polytechnique les élèves et parfois les disciples d’Auguste Comte. Ils figurèrent à la tête des massacreurs : par leur formation, justement, ils avaient compris l’importance d’ériger le massacre en système. (En lui donnant, pour se conférer un alibi à toute épreuve, le nom d’une pratique ancestrale de l’ennemi lui-même: la razzia.} Ce système (p.XII) dont Primo Levi nous dit, dans ‘Si c’est un homme’, que lorsqu’il fait passer la négation de l’autre du stade des actes isolés, du dogme informulé, au rang de « prémisse majeure d’un syllogisme », alors, au bout de la chaîne logique, se profilent les camps nazis.

Et, surtout, il est juste de rappeler que, dès les premières années, les Saint-Simoniens débarquèrent nombreux à Alger. Le père Enfantin vint y créer un journal en attendant d’y installer des phalanstères fouriéristes. Les projets de communautés idéales, où régnerait l’harmonie du travail et des arts, y proliférèrent. D’autres, plus pragmatiques, mirent sur pied des sociétés modernes par actions pour installer des colonies modèles. Mais, pour tous, cette construction d’une humanité nouvelle avait la même caractéristique : elle excluait radicalement les populations locales. L’humanité était l’affaire des colonisateurs. Pas des autres.

C’est ainsi que, sur le terrain de la colonie, humanistes et massacreurs se rejoignirent dans un même rejet, dans une même négation de l’autre, l’indigène, le futur colonisé.

 

(p.XII) En octobre 1945, Raymond Aron, reprenant presque les termes de son maître Tocqueville, assigne pour tâche urgente à la France la sauvegarde de l’Algérie française, « faute de laquelle

notre pays tomberait encore de plusieurs degrés dans l’échelle des nations « . Ce disant, il se fait le fidèle écho des préoccupations de De Gaulle, qui ne conçoit pas la restauration de la grandeur de la France sons celle de son Empire colonial – c’est-à-dire non seulement la sauvegarde de l’Algérie mais la reconquête de l’Indochine . Yves Benot nous redonne ici le vrai visage du de Gaulle de la Conférence de Brazzaville et souligne ses « lourdes responsabilités dans les répressions coloniales survenues entre janvier 1944 et octobre 1945 ». En cette occasion, Aron se montre un bien piètre analyste de la situation internationale, et de Gaulle devra, au nom même de la grandeur française, opérer, quand il reviendra aux affaires, le volte-face que l’on sait.

 

Yves Benot :

(p.6) Des massacres à partir desquels naît cette réflexion, c’est-à-dire ceux de Rabat-Salé et Fès en janvier-février 1944, de Sétif-Guelma en mai-juin 1945, de Haiphong en novembre 1946, de Madagascar en 1947-1948, de Casablanca en avril 1947, de Côte-d’Ivoire en janvier 1950, on ne s’étonnera pas que celui de Sétif tienne la plus grande place, de par le caractère typique que cette répression a revêtu, de même que par son importance quant aux réactions ou aux absences de réactions en France. Il y a en effet une sorte de schéma général de ces opérations, dont Ia justification met ensuite en oeuvre les mêmes types d’argumentation. En face de cette propagande le plus souvent répétitive, et malheureusement souvent issue de l’ enseignement reçu, la résistance anticolonialiste, ou simplement humaniste, doit, elle, pousser plus loin son élaboration.

 

SETIF, MAI-JUIN 1945

(p.10) Donc, à-Sétif, ville natale de Ferhat Abbas, la manifestation musulmane commence à se former très tôt, vers 7 h 30 ou 8 h du matin, du côté de la ville algérienne,. car, comme dans tout l’urbanisme colonial, il y a un centre européen et une ville ou des quartiers « indigènes », comme disent les coloniaux. La ville européenne est faite de rues à angle droit délimitant des rectangles d’immeubles, avec une ou deux places, comportant mairie, préfecture ou sous-préfecture, commissariat de police, église, sans oublier les monuments aux morts. Précisément, la manifestation algérienne va de la ville musulmane vers la ville européenne, au monument aux morts où une gerbe doit être déposée.

En tête se groupent les Scouts musulmans, organisation légale créée en fait par des militants du PPA; les autorités connaissent une grande part de leurs activités. C’est en tout cas le responsable des Scouts musulmans qui est convoqué par le sous-préfet Butterlin dès le début du rassemblement.

(…) Le défilé arrive dans le centre, à la hauteur du Café de France  il y a toujours un café ou un hôtel de France au centre des villes coloniales.

 

(p.12) bourg (…) – ou, comme on dit alors : centre de colonisation -,

 

(p.12) Ont été utilisés les noms de lieux tels qu’ils étaient en 1945. Voici 1es noms

qui ont été changés après l’indépendance’, Bône = Annaba; Bougie = Bejaia; Chevreul = Arbaoun; Djidjelli = Jijel; Gounod = Abdi; La Fayette = Bougaa; Pascal = Salah Bey. périgotville = Ain el Kebira; Philippeville = Skikda; Reibell = Ksar Chellala ~ Sillegue = Beni Fouda ; Villars = Oued Cheham ; Haussonvilliers = Naciria; Lapaine = Bensmih; Petit = Bou-Mahra Ahmed.

 

(p.14) Le ministre de l’Intérieur, le socialiste Adrien Tixier, annoncera le 18 juillet, à l’Assemblée consultative provisoire de Paris, que les victimes s’élèveraient à environ 1 500, alors qu’en Algérie les nationalistes parlent de dizaines de milliers de morts. Le 28 juin, Le

Populaire fera état de 6000 à 8000 morts algériens, tandis que peu à peu surgit le chiffre souvent répété depuis de 45 000 morts. Quant aux Européens – en fait, uniquement français,

à l’exception de trois « indigènes » tués dans les rangs de l’armée et de deux prisonniers de guerre italiens -, on sait, avec certitude, que 102 ont été tués, dont 14 militaires. Au-delà de

la mort, la précision des données concernant les colonisateurs en face du vague exaspérant de celles qui concernent les colonisés marque l’opposition radicale de ce que l’on appelle alors

les « communautés ».

 

(p.18) Mais la violence qui se manifeste alors du côté algérien par la mise à mort de 85 Français, pour la plupart tués les 8 et 9 mai, n’est pas née exclusivement d’un ardent désir de vengeance contre les répressions urbaines du jour. Dans cette explosion de colère se révèle au grand jour cette volonté de reconquête de l’indépendance que les dirigeants politiques algériens ont proclamée publiquement depuis décembre 1942. Si vengeance il y a, elle ne concerne pas les seules victimes récentes, mais tout ce qui a été subi depuis 1 15 ans de colonisation.

 

(p.33) Qu’une colonisation qui prétend être justifiée par le désir d’étendre outre-mer l’application de la Déclaration des Droits de l’Homme bafoue aussi gravement ces mêmes principes confère à de telles actions un caractère particulier d’hypocrisie, de double langage. Plus encore, quand elles ont lieu au moment où la métropole colonisatrice se réjouit d’avoir triomphé d’une occupation qui amenait avec elle un régime raciste, qui proclamait sous ses deux espèces, allemande nazie ou vichyste, l’abolition de la révolution de 1789 et réintroduisait l’arbitraire et, surtout, la torture.

Mais, en Algérie, racisme et tortures se donnaient libre cours juste en ces jours de délivrance en France. En Algérie, on peut tout se permettre contre les « Arabes », qui tiennent lieu de Juifs. Contre eux, on lance d’autres troupes coloniales, les tirailleurs dits sénagalais – ce terme désignant toutes les troupes recrutées au sud du Sahara, sauf madagascar, quel que soit leur pays d’origine. Méthode qui se répétera constamment, de madagascar au Vietnam et jusqu’à la guerre d’Algérie. Mais il n’est pas (p.34) jusqu’aux motsz employés qui résonnent de manière sinistre à cette date : les civils français armés à Guelma et Sétif ne sont pas gênés de s’intituler « milices » à l’heure où ce mot désigne en France les supplétifs des nazis .

 

(p.34) Or,dans tous les massacres coloniaux de cette période, ce qui est en cause, c’est bien ce droit des peuples dominés à revendiquer par tous les moyens l’égalité et l’autodétermination. En somme, le droit à l’insurrection contre l’oppression, « le plus sacré des devoirs », disait La Fayette en juillet 1789. Au regard de ce que certains défenseurs de la colonisation qualifient d’universalisme apporté par la France, il y a là une contradiction flagrante et douloureuse. Douloureuse parce qu’on n’en sort, dans une telle perspective, que par des attitudes racistes qui finissent par se propager des colonies à la France hexagonale. Et comment justifier qu’au nom d’un pays dont les meilleurs défenseurs viennent de connaître la barbarie de la répression nazie et vichyste, on emploie ces mêmes procédés quand il s’agit des colonisés – et l’ on continuera jusqu’en 1962, comme on sait? Quel que soit le nombre des morts et blessés, il y a là un crime inexpiable, un déshonneur auquel n’échappe pas le gouvernement de la Libération qui, même s’il ne les avait pas ordonnés, les a couverts et en a assumé la responsabilité.

En effet, en ces jours sinistres de mai-juin 1945, la torture sévit partout en Algérie, à Alger aussi bien que dans le Constantinois. Il est vrai qu’ Achiary, commissaire de police avant d’être promu sous-préfet, a été défini, lors du débat à l’Assemblée consultative, comme quelqu’un « qui s’était jusque-là signalé par sa technique de l’électrocution et du gavage à l’eau. ».  Ajoutons : contre des résistants communistes, entre autres. Cela se passe de commentaires, hélas ! Deux cas atroces ont été mis en lumière par Hocine Aït Ahmed (l’un des fondateurs du FLN), et ceux-là ne sont pas situés dans les zones de Sétif ou Guelma, mais l’un à Alger, l’autre à Tizi-Ouzou et de nouveau à Alger. D’après son récit, Ahmed Ouaguenoun est arrêté à Alger à la suite de la manifestation du 1er mai. Il sera libéré trois semaines plus tard sans avoir parlé, mais mourant. Il aura seulement le temps de décrire à sa femme ce qu’il avait subi – l’électricité déjà. A Tizi-Ouzou, c’est le responsable PPA

de la Kabylie, Sid Ali Halit, qui est arrêté à la fin mai, torturé successivement sur place, puis à Alger à la Villa Sesini, pendant trois semaines. Lui réussit à s’évader. Ainsi, les pratiques

nazies – employées aussi contre les résistants algériens ou africains sur le territoire métropolitain – sont d’ores et déjà habituelles, pour ainsi dire institutionnalisées dans le régime colonial, bien qu’officiellement illégales – donc niées le plus souvent par les officiels.

On comprend pourquoi Léopold Sédar Senghor, dans un article daté du 1er mai 1945 mais certainement revu un peu plus tard, a pu écrire que, si l’ Allemagne avait été vaincue, le

nazisme ne l’avait pas été, ni en France ni – surtout – outre-mer. L’est-il d’ailleurs aujourd’hui ?

 

 

(p.37)

Le même rapport Tubert jette une certaine lumière sur la réalité de l’humiliation permanente en ces quelques lignes : « La commission a d’ailleurs constaté que souvent les Européens

répliquent par des termes de mépris, et que le vocable « Sale race ! » résonnait trop fréquemment à l’adresse des indigènes, (p.38) que ceux-ci n’étaient pas toujours traités, quel que soit leur rang social, avec un minimum d’égards, qu’ils étaient l’objet de moqueries ou de vexations. » Encore faut-il remarquer que ce passage atténue la vérité quotidienne en laissant supposer que c’est en réponse aux attitudes nationalistes des Algériens que les colons se laissent aller à ces débordements, alors que ce serait plutôt le contraire, sur le long terme; de même, les termes « souvent » ou « trop fréquemment » évitent d’admettre que c’est là la norme coloniale, ce mépris pour ceux que l’on nomme « indigènes » (dans le meilleur des cas) et que l’on tutoie obligatoirement, connus ou inconnus, la réciproque étant évidemment malvenue…

Plus direct, un capitaine anonyme, qui a participé à la répression de 1945 avec des goumiers marocains envoyés en renfort, dira des Algériens insurgés : « Ces gens-là se vengeaient. Oui,

ils lavaient dans le sang mille petites brimades, mille injustices. » On a déjà entendu le langage banal des colons qui prétendent pourtant être « respectés » par les colonisés, dans

l’ extrait du rapport Tubert, à titre d’ exemple de ces brimades et injustices.

Mais pour mieux percevoir cette longue et collective accumulation de la haine chez les colonisés, il sera peut-être plus parlant d’évoquer une série de menus événements dans une ferme française du Maroc, l’hiver 1949-1950, dans une période en somme tranquille, relativement sans grands drames. Qu’il soit ici question du Maroc sous protectorat au lieu de l’Algérie dite française n’introduit pas grande différence pour ce qui est de la vie quotidienne des colonisés. Peut-être les salaires dans la campagne étaient-ils encore plus bas au Maroc qu’ en Algérie puisque de la région d’Oudjda on partait souvent travailler de l’autre côté de la frontière.

C’était donc une vaste exploitation agricole au bord de l’oued Sebou, qui produisait des oranges, de mauvaise qualité le plus souvent, exportées sous la rubrique « usage industriel » (autrement dit : marmelade), et cependant mises sur le marché comme fruits, une fois arrivées en France. A vingt ou trente mètres de (p.39) la demeure du colon, à étage, se groupaient les gourbis des ouvriers marocains et de leurs familles, surveillés par la maison-prison du chef de village. Ils travaillaient dans la plantation des étoiles aux étoiles, comme on disait, et un peu plus comme on va le voir. Ils assuraient aussi le confort de la maison du maître, en ce sens que, si elle bénéficiait de l’eau courante, c’est que, de très bonne heure le matin, un Marocain allait actionner la pompe, toujours manuelle. Cela coûtait moins cher que d’entretenir un groupe électrogène. Pourtant, la nuit, souvent, des traînées de lueurs électriques trouaient la plaine. C’ étaient les tracteurs qui à cette saison étaient utilisés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour autant, leurs conducteurs marocains ne touchaient pas d’heures supplémentaires, ni d’indemnités pour Ie travail de nuit.

Ils étaient payés, certes, mais ils devaient accepter le calcul des heures tel qu’il était fait par le patron ou son comptable. Toutes sortes de retenues réduisaient le salaire réel. D’abord, le patron avançait aux ouvriers le paiement de l’impôt, le tertib, sorte d’impôt sur le capital de ceux qui n’en avaient pas; sans doute se rattrapait-il avec intérêt… Intervenaient ensuite toutes sortes d’amendes, par exemple pour une vache marocaine qui s’était égarée parmi les orangers… Et, sans nul doute, de singulières erreurs de calcul. Il était vain de protester, le colon, ou son comptable avait toujours raison. Et quand une protestation collective a fini par avoir lieu, tous rejetant leur enveloppe sur la table, c’est le comptable qui s’est fait menaçant,

tout prêt à ne plus rien payer du tout. Et si, à la différence des esclaves des plantations antillaises, ces ouvriers agricoles restaient « libres » de s’en aller ailleurs s’ils en avaient envie, ils en étaient dissuadés par la certitude qu’ en ce cas, le colon ne manquerait pas de découvrir qu’ils lui devaient encore de l’argent, amendes ou impôt, et qu’ils se feraient arrêter pour dettes. Le colon, lui, pouvait être largement endetté, il ne risquait pas, en tant que Français, d’être si facilement emprisonné…

Mais voici plus dramatique. Il advint que le colon avait acheté un terrain à un caïd du voisinage à un prix extraordinairement avantageux. Tout joyeux, il était allé se promener sur le territoire de sa nouvelle acquisition, vers le soir. Au milieu du chemin surgit brusquement un vieux fellah, fort courroucé, qui lui fit comprendre que ce terrain était le sien, et lui demanda de s’en retourner à son auto. L’autre s’obstinant, et ne voulant pas (p.40) reconnaître que le caïd avait vendu une terre qui ne lui appartenait pas, il reçut une gifle, tandis que les fils du vieux paysan accouraient et reconduisaient l’intrus à sa voiture, non sans quelque peine. Mais ensuite, ce fut la descente de la gendarmerie alertée par le colon, l’arrestation des fellahs et la torture à l’électricité qui se pratiquait, comme on l’a déjà vu avec Achiary, bien avant la guerre d’ Algérie, et dans tout le Maghreb. On en parlait peu, puisque c’était réservé aux « indigènes « , et d’ailleurs la censure, toujours en vigueur au Maroc, a empêché de le révéler dans le cas que je viens d’evoquer. Bref, le terrain est resté entre les mains de son acheteur illicite.

Pour ce qui est des acquisitions foncières, l’exemple n’est pas isolé. Dans cette même ferme, l’instituteur arabe du village (fkih) avait vendu en 1939 un bout de terrain au même colon,

alors associé avec un autre; les associés, en 1950, étaient depuis longtemps separés et brouilles. Le contrat de 1939 prevoyait un paiement sous forme d’une rente viagère au lettre, laquelle fut en effet payée la première année, peut-être la deuxième, et ensuite, plus rien. Une requête adressée au service du cadastre permit de savoir que, le contrat n’ ayant pas été rempli, le terrain etait toujours inscrit au nom de Si Bouchta. Bien entendu, il ne le recupera pas pour autant, ni la rente qui lui était due.

C’était trop tard… Il est bon de préciser que le caïd, que l’on aurait appelé en France, sous l’Occupation, un collabo, n’en était pas plus estimé par le colon qui en parlait comme d’ un quelconque imbécile. Le colon avait été avant guerre aux Terres Rouges d’Indochine, et il en gardait une nostalgie qui se traduisait par des remarques de ce genre : « Au moins, là-bas, il n’y avait pas de salopards parmi les Français » (textuel). Les « salopards » du Maroc se bornaient en fait à quelques centaines qui appartenaient au parti communiste marocain, plus quelques autres que l’on pourrait definir comme « libéraux », et dont nous aurons à reparler. Mais sa bête noire restait le responsable local du parti de l’Independance (Istiqlal), un commerçant de la ville alors nommée Petitjean du nom d’un obscur officier français tué pendant la conquête. I1 s’indignait de ne pas le voir encore en prison. Il a été emprisonné effectivement, mais plus tard, au temps où le sultan avait été déposé et exilé par les soins du général Guillaume. Le curé du coin partageait tous les bons sentiments du colon, et s’abstenait de tout rapport avec les Marocains, sauf pour avoir une domestique.

 

(p.41) Pensera-t-on qu’il en allait beaucoup mieux à la ville ? Il est de fait que dans une grosse bourgade comme l’était Petitjean, Français et Marocains avaient tout de même des contacts plus fréquents et plus humains, y compris dans les trois cafés européens où l’on rencontrait quelques Marocains aisés, et, par exemple, le responsable Istiqlal déjà mentionné. Restaient tous les autres. Et, par exemple, il y avait un jeune apprenti marocain dans un atelier de réparation d’ automobiles, auquel on n’apprenait d’ailleurs rien. Un jour, il ne parut pas. Quand il revint, il expliqua que la police avait fait une descente dans un café maure où il se trouvait, et l’avait arrêté, au hasard, pour rien – un café ou l’auteur de ce livre prenait parfois un thé à

la menthe. C’était ainsi, rien à expliquer. Et si l’on imagine que le colon cité était particulièrement mal embouché, on mettra en parallèle un jeune instituteur français de Petitjean qui se déclarait raciste et affirmait être plus ému par les souffrances d’un âne que par celles d’un Marocain. Sur quoi il voulait à toute force que tout Français arrivant au Maroc devienne nécessairement raciste à son tour, même s’il ne l’était pas en débarquant. A quelqu’un qui lui protestait sa certitude de ne pas le devenir, il finit par en trouver la clef. « Mais vous êtes peut-être anormal ? » En effet, et pourquoi pas ?

Quelques petits faits, en des jours où il ne se passe rien, rien qui mérite l’attention des historiens. Des petits faits, sans grande portée, mais qui suffisent à créer un climat déjà  invivable. Deux ou trois autres, du même niveau, à Casablanca. Un gendarme français passe un matin dans un hôtel marocain où habitaient deux ou trois de ces Français dits « salopards » par notre colon ; contrôle d’identité d’un des Français, et le gendarme se tourne vers le gardien marocain : « Je t’avais pourtant dit de ne pas prendre des gens comme ça f. » Dans un café de la ville européenne, un jeune Marocain, qui a commandé une bière, s’entend demander par le garçon s’il a la carte qui l’y autorise – car le protectorat a prévu des dérogations bureaucratique- ment enregistrées, dans son souci de « protéger » l’islam. Ville européenne, car la ville de Casablanca est divisée, on devrait dire ségrégée, en trois éléments bien distincts: la vieille ville, le centre historique abandonné aux Marocains ; la ville européenne, elle aussi le long de la mer ; la nouvelle médina, entourée de larges boulevards qui permettent de l’isoler et de faire circuler à leur aise des convois de blindés, sans parler des bidonvilles. Je le répète, cette ségrégation urbaine est la règle générale.

(p.42)

Encore ces brèves esquisses de vie quotidienne restent-elles en dessous de ce qui se passait plus loin» en Afrique noire ou en Indochine. Arrivant au Cameroun en 1944» l’instituteur communiste Gaston Donnat apprend tout de suite ce que sont les coutumes coloniales : « Une maîtresse de maison pouvait adresser une demande à la région ou à la subdivision et obtenir qu’un « police » vienne prendre livraison du boy dont elle avait à se plaindre. Celui-ci était conduit dans le lieu prévu pour cela et on lui administrait le nombre de coups de chicotte correspondant à sa faute. » Le même donne quelques exemples, plus tragiques encore : « Un transporteur qui dans un moment de colère avait tué son chauffeur à coups de cale de camion /…/ et qui, bien sûr, n’avait pas été inquiété… C’était un médecin, ivre aussi, qui avait abandonné son patient africain en pleine table d’opération… »

(Donnat gaston, Afin que nul n’oublie…, L’Harmattan, Paris, 1986, p.80, 83 not.)

 

(p.43) Faut-il encore rappeler que, auparavant, les quartiers européens des villes d’Afrique

étaient interdits aux Africains pendant la nuit sauf s’ils avaient un laissez-passer, et que la police les arrêtait s’ils s’y égaraient ? Le roman de Ferdinand Oyono, Le Vieux Nègre et la Médaille, l’apprenait en 1956 aux Français de l’Hexagone qui ne s’en doutaient guère.

 

(p.49) Dans les déclarations officielles sur Sétif, dès le premier communiqué, le gouvernement général mentionne des « éléments d’inspiration hitlérienne », ce qui a été admis un peu vite en France, y compris à gauche. Aujourd’hui, le recueil de documents publié par le Service historique de l’ armée de terre révèle des rapports secrets concernant la présence de petits groupes d’Allemands, sans doute restés sur place après la défaite de l’armée Rommel en Tunisie, ou débarqués par un sous-marin comme on semble le suggérer; du coup, il paraît que l’ on incite à faire revivre ces hantises. Des obsessions de ce genre ont pesé sur l’opinion française en mai-juin 1945, bien que la guerre fût déjà terminée. Il est pourtant certain que, pour nous en tenir à l’Algérie, pas plus Messali Hadj que Ferhat Abbas n’ avaient la moindre

 

(p.59) Ainsi, des rivalités entre impérialismes, qui subsistent en effet sans pour autant se traduire par des guerres ni par des annexions territoriales, fournissent à l’impérialisme français un argument d’apparent bon sens pour maintenir sa domination directe. Ce qui est fâcheux et introduit la confusion, c’est qu’on découvre l’expression la plus brutale de cet argument très gaullien lors du congrès du Parti communiste français de juin 1945. Le représentant du Parti communiste algérien, Caballero, déclare :

« Ceux qui réclament l’indépendance de l’ Algérie sont des agents conscients ou inconscients d’un autre impérialisme. Nous ne voulons pas changer un cheval borgne pour un cheval aveu-

gle. » D’après L’Humanité du 30 juin, le congrès applaudit juste à cette phrase… Nettement plus mesuré dans son style, Maurice Thorez avait affirmé que « les populations » d’ Afri-

que du Nord « savent que leur intérêt est dans leur union avec le peuple de France ». L’ennui, c’est que les Algériens ont affaire avec l’État français, sa police et son armée, et non avec

le peuple ; aussi ne savent-ils pas ce que Thorez affirme qu’ils savent. Le pluriel de Thorez est révélateur de son souci de tenir compte des intérêts de la population française d’ Algérie. De

toute façon, il projette cet objectif dans un futur qu’il croit proche, (…).

 

(p.60) Cela dit, et sur quoi on s’est souvent chargé d’attirer l’attention depuis nombre d’années, il faut aussi relever que L’Humanité tente très vite de parler clairement de la répression et de

la dénoncer, mais elle se heurte à la censure militaire, qu’elle prend soin de rendre visible aux lecteurs. Il faut aussi souligner qu’ elle s’ en prend essentiellement aux fonctionnaires vichystes, aux « Cent Seigneurs » de la colonisation agraire, et que les critiques contre certains éléments musulmans sont, en regard, relativement marginales. Le numéro daté des 13-14 mai reproche au gouvernement général d’ Alger de rejeter « l’entière responsabilité des troubles sur des éléments musulmans » alors que c’est au gouvernement général que sont les responsables. Le 15 mai, le journal proteste pour la première fois, et seul à cette date, contre les milices d’ordre armées à Constantine, qu’il qualifie de vichystes. Ce jour-là, huit lignes sont censurées. Le 16 mai. il proteste encore contre le récit officiel des événements où « on persiste […] à rejeter sur les musulmans la responsabilité des troubles ». Le 18 mai, un article de 165 lignes est «différé » par 1a censure. L’article du 19 mai comporte divers passages censurés, en tout quinze lignes. Il rappelle que le chiffre de cent victimes « est très loin de correspondre à la réa1ité ». Il mentionne le rôle de la Légion étrangère, des tirailleurs séné-

galais et marocains, et aussi de la marine et de l’aviation. Il demande que l’on cesse d’employer engins blindés, artillerie, marine et aviation pour des expéditions punitives. Le 25. puis le 26 mai, encore des articles « différés » par la censure. Le 28 mai, l’article « Où veut-on mener l’Algérie? » n’est pas celui qui a été censuré le 26 à la demande de Tixier. Le journal

annonce qu’« il nous faudra attendre la prochaine session de l’ Assemblée consultative pour faire connaître la politique pour le moins étrange pratiquée par le ministre de l’Intérieur en Algérie ». Cette discussion, à laquelle je me suis déjà référé, n’aura lieu qu’à partir du 10 juillet. En tout cas, l’article du 28 mai proteste contre les « opérations de représailles parfaitement (p.61) injustifiées » qui se poursuivent, alors que le gouvernement affirme que l’ordre est parfaitement rétabli. L’Humanité a donc tenté de lancer dès le mois de mai une campagne contre la répression du Constantinois ; celle-ci s’est heurtée à une censure qui n’est pas d’ordre exclusivement militaire, mais aussi politique. Il serait injuste de ne pas le souligner à son crédit, même s’il faut aussi analyser ses incompréhensions à l’égard du mou-

vement national algérien.

 

(p.62) Mais au-dessus de tous les autres plane le silence du président du gouvernement provisoire, celui de de Gaulle. En dehors de son message musclé du 11 mai, il ne dira rien, et pas davantage dans ses Mémoires (trois lignes). Pourtant, quand Chataigneau, (p.63) inquiet, envoie la commission Tubert enquêter sur la répression, c’ est de Gaulle lui-même qui ordonnera de la rappeler immédiatement. N’est-ce pas assumer la responsabilité d’une répression que le chef de l’État couvre de toute son autorité ? Plus tard, le général Tubert, devenu conseiller de la République, accusera le gouvernement qui a admis toutes les illégalités de la répression, sans cependant nommer directement de Gaulle (29 août 1947). Ainsi s’instaure une politique de double langage dont la IVe République recueillera l’héritage ; dans l’Hexagone, la République s’ affirme antifasciste, invoque les principes de 1789, tandis qu’aux colonies, eUe tolère le fascisme, fort bien identifié par Charles-André Julien, qui lui sert à maintenir, sous couvert d’Union française, l’ancienne domination coloniale.

 

(p.67) S’i1 s’agissait de provoquer des manifestations violentes, le but est atteint dès les premières heures de la matinée du 29 janvier 1944, à Rabat, puis dans la ville jumelle de Salé. A Rabat, des milliers de Marocains, furieux, marchent vers le palais du sultan. Au passage, comme à Sétif, leur colère se tourne contre quelques Français rencontrés par hasard. Gendarmes et blindés interviennent, d’abord à Rabat le matin, puis à Salé l’après-midi. La manifestation est encore plus massive dans cette dernière ville, mais la médina sera encerclée, puis occupée et les troupes et la police perquisitionnent et arrêtent. Il y a quatre morts français, quelques-uns du côté marocain. A Casablanca, autre tentative de manifestation : trois morts marocains. Mais le lendemain, le 30 janvier, comme pour faire contrepoint à l’ouverture de la conférence de Brazzaville, c’est Fès, l’ancienne capitale et centre religieux, la ville où le traité du protectorat de 1912 a été imposé, qui se soulève, et ici l’affaire sera de plus grande ampleur. Pour briser l’insurrection, il faudra un véritable siège d’une semaine. L’aviation survole la ville, contre laquelle des canons sont braqués. Il paraît que Gabriel Puaux, venu sur place le 2 février, se serait opposé à un bombardement d’ artillerie que le général Suffren s’apprêtait à ordonner. Ici aussi, les tirailleurs sénégalais sont envoyés en première ligne, et sont vivement pris à partie s’il s’ en trouve un d’isolé. Il y eut des dizaines de morts, entre plus de trente et soixante selon les estimations, des milliers d’arrestations. Des années après, le bruit courait toujours au Maroc que Fès avait été attaquée au canon. Chemin faisant, deux autres dirigeants de premier plan de l’Istiqlal, Lyazidi et Laghzaoui, ont été arrêtés : eux aussi resteront détenus de longs mois, sans jugement ni instruction.

 

 

DE SAIGON A HAIPHONG

 

(p.72) Quant à de Gaulle, s’il a pris soin de se taire sur Sétif, il a lui-même hautement revendiqué son rôle dans la mise en route du conflit franco-vietnamien. Il l’a même encore redit quelques mois après les accords de Genève qui mettaient fin, le 21 juillet 1954, à la guerre française du Vietnam, tout en contenant les germes de la guerre américaine au Vietnam. Le résumé qu’il donne des événements survenus sous son premier règne, à cette

conférence de presse du 30 juin 1955, mérite d’être d’abord cité, (p.73) avec tout ce qu’il a de subjectif, mais aussi d’aveu dépouillé d’artifice : « Il y aura bientôt dix ans, le gouvernement provisoire ramena la France en Indochine. […/ En envoyant en Indochine le haut-commissaire de France et le corps expéditionnaire [80 000 hommes, a-t-il dit le 24 avril 1947, en fait, 30 0001, je donnai à d’ Argenlieu et à Leclerc des instructions qui consistaient en ceci : prenez pied dans le Sud, c’est-à-dire en Cochinchine et dans le Sud-Annam, ainsi qu’au Cambodge et au Laos. Ramenez l’ordre et la paix. A partir de là, prenez tous les contacts possibles avec toutes les tendances, quelles qu’ elles soient, qui se partagent le Nord de l’Indochine, Tonkin et

Annam du Nord. Mais n’y allez pas en force avant que je vous le prescrive. […/ Quand, quatre mois après, en janvier, je me retirai du pouvoir, nous étions, en effet, réinstallés à Saigon, à Hué, à Phnom Penh, à Luang Prabang. Le calme était revenu dans le Sud. A Hanoi, la mission Sainteny négociait avec le gouvernement de fait qui était celui d’Hô Chi Minh. Les Anglais

s’étaient retirés, sans avoir, d’ailleurs, aucunement cherché à nous nuire. Les Chinois juraient qu’ils allaient en faire autant. Les Américains mettaient une sourdine à leur méfiance. […] Il

y avait une politique française […] et tout le monde le savait. »

 

Tout ce qui a suivi, l’échec de la reconquête, c’est évidemment la faute du fameux « régime des partis » selon de Gaulle. Mais ce prétendu « régime » n’ a-t-il pas tout simplement continué l’entreprise gaulliste ? Dans l’exposé précédent, la proclamation de l’indépendance du Vietnam dans son unité, son intégralité, est passée sous silence comme une péripétie négligeable. Le vocable employé quand il faut bien parler de cet État, « gouvernement de fait », c’est celui que de Gaulle appliquait précédemment à… pétain et Vichy ; on ne saurait être plus insultant. Et quant à ces « tendances » qui se partageraient le Vietnam du Nord, il s’agit en fait des partis représentés à cette date dans le gouvernement de Hanoi, où le Vietminh n’est pas seul.

(p.74)

En tout cas, de 1947 à 1954, de Gaulle, censeur sourcilleux des gouvernants de la IVe République, n’a pas cessé de soutenir la guerre au Vietnam, y compris avec sa mythique solution Bao Dai, et il tire gloire d’avoir envoyé là-bas le premier des forces militaires importantes. Plus encore, le 12 novembre 1953, après l’armistice mettant fin à la guerre de Corée, il déclarait avec fierté : « Enfin, la France est la seule puissance du monde dont l’ armée combatte en ce moment contre les communistes. » Il n’y a donc, sur ce terrain, nulle différence entre la politique menée par les gouvernements issus de ce « régime des partis » honni par de Gaulle et celle qu’il a engagée et qu’il continue à prôner.

 

(p.77) Du temps où il était officiellement chef de l’État, de Gaulle avait déjà couvert d’autres tueries que celles du Constantinois. Mais celles-là avaient fait encore moins de bruit en France à l’époque. On a vu cependant qu’un esprit en éveil comme celui de Joseph Rovan avait mentionné les événements de Douala (septembre 1945) et Conakry (octobre 1945) dans sa protestation contre la reconquête du Vietnam. En revanche, le massacre de Thiaroye avait pu être étouffé par la censure militaire parce qu’il avait eu lieu le 1er décembre 1944, donc alors que la guerre durait encore.

Il s’ agissait là de tirailleurs sénégalais libérés des camps de prisonniers de guerre allemands, et démobilisés. Débarqués le 21 novembre à Dakar, ils avaient été rassemblés au camp de

Thiaroye, à quelques kilomètres de la capitale. Mais ils attendaient de recevoir les arriérés de leur solde et de pouvoir échanger leurs marks. En France, malgré leurs réclamations, on le

1eur avait refusé sous divers prétextes, et on leur avait promis que tout cela se ferait au Sénégal. Mais ici non plus rien ne venait; ils recevaient seulement un nouvel ordre de départ…

C’en était trop. Les tirailleurs protestèrent, manifestèrent sans doute. Aussitôt l’armée française intervint et ouvrit le feu. Combien de morts ? 25, 38, 60 ou plus ? En tout cas, encore un massacre, aisé de surplus puisque les tirailleurs n’avaient pas d’armes. Et pour la peine d’avoir réclamé leur dû, quelques-uns de ceux qui n’ avaient pas été tués passèrent en jugement et furent emprisonnés jusqu’à une grâce présidentielle en avril 1947, lors du voyage de Vincent Auriol en AOF. C’était le 1er décembre 1944. Or, Suret-Canale rappelle que, dès le 27 novembre, « on faisait courir en milieu européen le bruit d’une « révolte », d’un « soulèvement noir », d’un « massacre des Européens » ». Et il se demande si les chefs de l’armée n’ont pas voulu chercher un prétexte pour une répression préventives. De Gaulle, là aussi, couvrit tout.

 

(Grève à Douala / Cameroun)

(…) la foule marcha sur l’aéroport, en fut repoussée. C’est alors que les colons armés sont entrés en action et ont ouvert le feu sur les Africains. Il y aurait eu 60 à 80 tués. Gaston Donnat, à Yaoundé, a entendu parler de centaines de morts. Et comme il y avait, parmi les Français, quelques militants syndicaux, quelques communistes aussi, les mêmes milices coloniales vont s’en prendre à eux. Sa maison envahie, Lalaurie, secrétaire du syndicat des cheminots, ne peut sauver sa vie qu’en tuant le premier (p.79) des agresseurs. Arrêté, expulsé mais retenu par les colons qui veulent le lyncher, de nouveau emprisonné – « pour sa sécurité » -, Lalaurie passera en jugement et sera acquitté. A Yaoundé, des communistes français sont également séquestrés, en danger de mort, et finalement mutés ou expulsés. Il fallut tout de même rappeler le gouverneur Nicolas, envoyer des troupes et désarmer les milices. Un gouverneur libéral, Delavignette, remplaça Nicolas .

A quoi s’ ajoutent les événements de Conakry des 16 et 17 octobre 1945, à la veille des élections, où la répression a fait cinq morts. Ici, les manifestations initiales avaient pour cause

la découverte de pratiques frauduleuses dans la préparation du vote ; et l’on n’a plus guère de doute aujourd’hui sur les interventions constantes de l’ administration coloniale dans les élections. Le député socialiste Diallo Yacine, en Guinée, a bénéficié jusqu’à sa mort du soutien de cette administration, ce n’était pas un secret. Et jusqu’en 1956, il y a constamment eu de vives contestations en Guinée concernant la régularité des opérations électorales, avec d’autres manifestations – et d’autres morts…

 

(p.80) (…) de 1958 à 1969, de Gau1le a eu de lourdes responsabilités dans les répressions coloniales survenues entre janvier 1944 et octobre 1945.

(p.81) En couvrant ces massacres, de Gaulle a donné des habitudes, tracé une voie que les gouvernements suivants emprunteront à leur tour. Avec cette différence que de Gaulle disposait, par la force des choses, dans cette période, d’un pouvoir institutionnellement sans contrôle, tandis que les gouvernements de la IVe République peuvent être accusés d’avoir pris beaucoup de libertés avec la Constitution qu’ils avaient contribué à élaborer.

Entre le de Gaulle de 1944-1946 et celui de 1960-1962, il n’y a pourtant ni contradiction ni, en dépit de l’apparence, évolution. Le nationalisme, ou le patriotisme, si on juge l’autre mot (p.82) un peu agressif» de de Gaulle est une donnée immédiate» qui ne découle pas de grands principes à la manière de la défense nationale de l’ An II. Au contraire, il va de pair avec ce réalisme ou ce pragmatisme que les penseurs de droite d’ avant guerre n’ont cessé de vanter, quitte à scandaliser ultérieurement Bernanos, pourtant sorti de leur mouvance. C’est-à-dire que l’idée vague, mais permanente, de la grandeur de la France ne définit en rien quelle forme doit prendre cette grandeur, qu’ elle s’accommodera de toutes celles qui se présenteront selon les circonstances. En 1945, de Gaulle la pense liée à la préservation de l’Empire, quel que soit le nom qu’il va prendre et quelles que soient les réformes (octroyées) qui seront nécessaires. En 1958, la décolonisation lui apparaît comme une condition de la préservation de la grandeur française – au demeurant, la IVe République agonisante n’a-t-elle pas déjà reconnu l’indé-

pendance du Maroc et de la Tunisie, sans que de Gaulle y fasse opposition ?

 

DECEMBRE 1946 : le bombardement de HAIPHONG

LES 6000 MORTS DE HAIPHONG

(p.101) Debès, ainsi couvert, passe à l’action le matin du 23 novembre; à 9 h, il lance un ultimatum de trois quarts d’heure, puis l’attaque terrestre qui rencontre de la résistance. Aussitôt, il fait appel à la marine qui ouvre le feu avec les canons de trois vaisseaux de guerre. Sur quoi ? En fait, sur une foule de civils qui fuient la zone des combats, et que les officiers de marine, de loin, ont peut-être pris pour des fantassins à l’assaut (selon Paul Mus). Les obus démolissent des quartiers entiers, et tuent par milliers. Paul Mus révélera dans un article de Témoignage chrétien du 10 février 1950 que l’amiral Battet avait mené une enquête huit jours après, et en avait conclu que le bombardement avait fait 6 000 morts, estimation à laquelle on s’est généralement tenu.

 

(p.101) Mieux vaut citer ici ce qu’avait noté, peu de jours après, Jacques Raphaël-Leygues, alors commissaire de la marine : « La vision de Haiphong, après les bombardements du 23 novembre sur lesquels l’amiral Battet a été chargé de faire une enquête, est horrible. La ville est complètement détruite [il s’agit de ses quartiers chinois et vietnamiens, Y .B.]. Les murs tronqués (p.102) fument et la ville est sillonnée de jeeps conduites par des légionnaires allemands à barbe blonde qui font la loi. L’amiral Battet est arrivé à Haiphong huit jours après les massacres, et me dit : « Les Annamites, terrorisés, se jettent dans les fossés à l’arrivée des Français et quelquefois grattent la terre pour retrouver quelques poteries ou de vagues débris de leur maison. » Cependant, le général Valluy, qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu, reste optimiste. Il a même délégué spécialement un colonel pour nous informer que les Tonkinois ont eu leur correction et qu’on peut être tranquille avec eux pour six mois… » .

(p.107)

Le commissaire de la marine Jacques Raphaël-Leygues ne publiera qu’en 1976 cette note datée du 31 mars 1946: « Un de mes camarades, officier de marine, a assisté cet après-midi sur une jonque armée par la marine nationale, à la torture et à l’assassinat d’un jeune Vietnamien, par un second-maître, qui voulait seulement montrer : « Les Nhac [paysan, autrement dit vietnamien, Y.B.], on n’en a pas peur… » Ce Vietnamien a été torturé devant dix matelots et l’officier pendant une heure, puis le second-maître lui a coupé la tête d’un coup de sabre. L’officier n’a rien dit. Nous avons appris la chose tard dans la soirée par un officier marinier qui ne pouvait pas dormir et qui nous (p.108) l’a dit. Certains officiers supérieurs du bord trouvent que Battet (1′ amiral) a eu tort de prendre des sanctions. » Plus inquiétant que tout est la dernière phrase. Elle montre que, très vite, il ne s’ agit plus d’ excès ou de « bavures » individuelles, mais de la responsabilité du commandement qui, s’il ne les ordonne pas, couvre résolument ces pratiques de type nazi – l’ amiral Battet faisant figure d’ exception.

 

 

1947-1948 : INSURRECTION ET GUERRE A MADAGASCAR

(p.117) Un bataillon de tirailleurs sénégalais – qui, rappelons-le, ne proviennent pas nécessairement du Sénégal – occupe alors le camp, sous le commandement d’officiers français dont plusieurs dorment dans le bourg, où ils seront surpris. Ils n’ ont en effet pas été avertis de l’imminence de l’insurrection. De plus, il semble que quelques soldats malgaches, également présents dans le camp, se soient mutinés. En tout cas, les insurgés, qui sont déjà 2 000, surgissent d’abord dans le bourg, tuent les officiers français à leur hôtel – dont le commandant du camp -, enfin se ruent sur le camp lui-même. Le combat durera toute la nuit. Les tirailleurs, bien mieux armés, résistent et repoussent l’attaque ; les insurgés ne (p.118) parviendront pas à s’emparer de l’armement quileur fait défaut. Au petit matin, ils se retirent, mais en parcourant la campagne, ils entraînent avec eux toute la population rurale; s’ils ont échoué militairement, ils remportent un succès politique. Dans la région, les plantations européennes sont attaquées, les communications, par route ou par voie ferrée, ne sont bientôt plus possibles sans escorte militaire. En avril, il y aura même des combats aux abords immédiats de Tamatave et de Tananarive, les deux terminus de la ligne. Mais à Moramanga, au matin du dimanche 30 mars, les tirailleurs prennent leur revanche en envahissant le bourg dont ils massacrent toute la population malgache. C’est ce que Pierre Boiteau, agronome et haut fonctionnaire présent à Madagascar à cette date, ensuite conseiller de l’Union française tcommuniste), a appelé « l’Oradour malgache ».

Plus loin, dans le Sud, toujours vers 22 h ce samedi, les insurgés attaquent le terminus côtier de la voie ferrée qui va à Fianarantsoa. Ils s’emparent de quelques armes, se replient et se

répandent dans toute la région; ils repoussent dans la région  d’ Ambila une attaque de renforts envoyés de Manakara. La voie ferrée sera bloquée pendant quelque temps. Ici aussi, les paysans malgaches sont entraînés dans l’insurrection, et les villes ou bourgades où sont encore les Français sont pratiquement assiégées. Le 1er avril, l’insurrection s’empare d’un de ces bourgs, Vohipeno, et elle va l’occuper pendant plusieurs semaines. Dans une proclamation lancée le 30 mars, les insurgés du Sud annoncent : « C’est le jour où nous nous libérons du joug de la colonisation. 1…] Nous avons combattu cette nuit et nous continuerons à combattre. » Mais les insurgés entendent aussi se libérer des soutiens actifs de la colonisation que sont ces membres du Padesm qui ont agressé les nationalistes dans les semaines précédentes, qui ont aidé l’ administration et contribué à faciliter les nombreuses arrestations de militants du

 MDRM qui ont eu lieu ici comme dans toute l’île. Plusieurs centaines de membres du Padesm – on a dit 1 900 – seront en effet pourchassés et tués. Mais l’ampleur de l’insurrection dans  toute cette zone – dont la population insurgée a été estimée à près d’un million – montre suffisamment que le Padesm était bien loin d’y avoir cette majorité sur laquelle comptait le pouvoir colonial.

 

(p.120)

En attendant, et dès les premiers jours, il commence par armer les colons (dont beaucoup le sont déjà). Et c’est aussi par la terreur, les exécutions et les massacres que l’on va répondre

militaires, policiers et civils sans distinction – à la volonté d’indépendance dans les campagnes. On a déjà mentionné le massacre de Moramanga. A Fianarantsoa, on a fusillé des insurgés faits prisonniers dans la nuit même, sous prétexte de « tentative d’évasion ». Dans le Sud encore, à Mananjary, plus d’une cinquantaine de détenus sont abattus à la prison, d’autres dans un bâtiment des douanes, dès le 1er avril. Parmi eux, se trouvent d’anciens combattants de la guerre de 1914. Des exécutions ont lieu un peu partout, jusque dans les rues de Tananarive, ainsi que le signale un rapport demandé par Marius Moutet au député Gaston Defferre. Mais dans les campagnes, ces atrocités qui vont devenir la règle, loin de décourager les masses rurales – du moins dans un premier temps – ne font que les exaspérer et renforcer l’insurrection.

 

89 000 morts chez les insurgés

 

(p.121) Vers la fin avril, l’insurrection s’étendait de la région du lac Alaotra au nord de Tananarive jusque vers Manakara, plus bas que Fianarantsoa. Mais avec l’arrivée des renforts, la reconquête commence. La chronologie révèle ce qu’avait été l’extension des zones libérées. Vohipeno avait été évacué par les insurgés le 20 mai, mais ils restaient dans ses abords immédiats. En août cependant, les forces coloniales réoccupent successivement Fort-

Carnot le 1er, Beparasy le 2, Anosibé le 7, Lakato le 13, Ampasimanjeva le 25. Ces opérations sont menées conformémement aux traditions coloniales, avec incendies de villages, exécutions de non-combattants, viols…  

(p.122)

La guerre a été meurtrière et atroce. Il y aurait eu 550 morts du côté des occupants, dont 350 militaires de toutes origines. On admet généralement que la répression a fait quelque 89 000

morts malgaches chez les insurgés, estimation qui était celle de l’état-major à la fin de 19487. En 1950, un chiffre de 11 342, plus « modéré » sera avancé officiellement. Inutile de s’engager plus avant dans une polémique dont l’allure de statistique objective cache mal le désir de minimiser les horreurs de cette guerre coloniale. Mais les horreurs demeurent. A celles qui ont déjà été évoquées, il faut ajouter un autre massacre à Moramanga : du 5 au 8 mai, 166 Malgaches arrêtés sont enfermés dans des wagons à bestiaux; le train, arrêté en gare de Moramanga, est mitraillé la nuit sur ordre, il y a 95 tués. Des 71 survivants, 70 seront exécutés le 8 mai, sur ordre du commandant supérieur des troupes. Le soixante et onzième qui révélera le scandale échappe par hasard à la mort, n’ayant été que blessé lors de l’exécution collective.

(p.123)

Ainsi s’expliquent des pratiques comme celles du prétendu juge Vergoz qui sévit à Madagascar. I1 ignore qu’un inculpé doit être assisté d’un avocat de son choix. Il est vrai que les avocats de Tananarive ont pris la décision, non moins contraire à leur déontologie, de ne pas défendre les MDRM. De plus, Vergoz travaille la main dans la main avec la police dirigée par Baron, à qui il renvoie les inculpés qui n’avouent pas, sachant fort bien que Baron emploie la torture pour obtenir des aveux. Et ce que les accusés doivent avouer, c’est que Rabemananjara a donné l’ordre d’insurrection, en accord avec Ravoahangy et les autres

dirigeants du parti. Coups de nerf de boeuf, tête plongée dans un bidon d’urine, simulacre de tribunal militaire, enfermement dans des sortes de poulaillers… ce sont les moyens par lesquels la Sûreté de Tananarive et son complice Vergoz obtiennent des aveux. Résultat : toute la direction du MDRM est en prison, comme l’avait désiré Henri Teitgen. Reste le troisième député, Raseta, qui est à Paris. Vergoz lance un mandat d’arrêt contre lui, toujours sous couvert de « flagrant délit continu « .

 

(p.124)  Soit dit en passant, un des grands travaux de la colonisation française au Maroc a consisté dans la construction de bordels grandioses en style pseudo-mauresque… Non loin du lieu de la rixe se trouve un garage dont les propriétaires, deux frères, sont connus pour être des militants actifs de l’Istiqlal. Peut-être est-ce un hasard, mais la rumeur publique au Maroc établit un rapprochement entre les deux faits. Les Sénégalais s’en vont, regagnent leur caserne, ameutent leurs camarades, se pourvoient d’armes de combat avec une facilité déconcertante. Après quoi, ils reviennent en ville en tenue de guerre et commencent à tirer dans le tas. C’est seulement le dimanche matin vers 8 h que le massacre prendra fin. Quelques années plus tard, un personnage fort respecté au Maroc, Si Mameri, indiquera au résident général Gilbert Grandval que les Sénégalais « avaient, selon lui, tué ou blessé 180 Marocains, dont des femmes et des enfants ».

 

Madagascar dans la presse parisienne

 

(p.125) Si l’ on se reporte à la presse quotidienne parisienne de ces semaines cruciales, on relèvera que de vigoureuses protestations et rappels aux principes ont été formulés par Franc- Tireur et L’Humanité notamment, par Combat aussi. Mais des journaux du soir, France-Soir et Le Monde, ont entrepris un (p.126) travail de désinformation, pour ne pas dire de décervelage. Le Monde daté du 2 avril demande si le MDRM va désavouer la violence ou « s’engager dans la dangereuse voie du Vietminh ». Mais quand il est obligé d’informer ses lecteurs du télégramme des députés à Moutet qui désapprouve les actes de violence, Le Monde n’est pas satisfait pour autant . vont-ils désavouer leurs propres partisans, demande-t-il ? Le lendemain, dans un long article signé Édouard Sablier – qui deviendra le spécialiste du Moyen-Orient de ce journal -, c’est une mise en demeure qui est adressée aux dirigeants du MDRM . « Or, le parti de la rénovation malgache est aujourd’hui devant ses responsabilités. Si dans les jours qui viennent, il s’affirme parti de gouvernement, en désapprouvant les violences commises par ses partisans, en manifestant son sincère désir de coopération, il faudrait sans hésiter l’associer à l’ oeuvre de réforme. Sinon il appartiendra aux autorités d’élargir le contact avec les populations, de rechercher les éléments véritablement représentatifs de ces dernières […] et, avec eux, de s’attaquer aux causes du malaise. » S’agirait-il d’un chantage ? Les deux députés, ce 4 avril, sont encore en liberté, pour une semaine, et l’on sait que Sablier a des relations avec divers services gouvernementaux. Son article n’aurait-il pas un caractère officieux ? Le seul mot de « coopération  » a de quoi inquiéter si l’ on songe au sens qu’il revêt dans le langage des polices et des services secrets. Les députés sont donc invités à se dissocier de la base de leur mouvement, à s’isoler du peuple malgache, et pas seulement à répudier l’action violente – ce qu’ils ont déjà fait. On imagine sans peine que, sur cette voie, il leur faudrait venir à dénoncer les patriotes malgaches. Pas plus Raseta à Paris que les deux autres ne l’entendent ainsi.  

 

(p.128) Ce n’est pas tout : « Les représailles sont effrayantes. Des prisonniers malgaches sont chargés en avion et lâchés vivants au-dessus des villages dissidents comme « bombes démonstratives ». A d’ autres endroits, les rebelles, enfermés dans des cases, sont brûlés vifs. » Ce paragraphe sera cité à l’ Assemblée le lendemain par Mezerna, député MTLD, et par Lamine Gueye, toujours membre de la SFIO, sans parvenir à ébranler une majorité parlementaire décidée à soutenir la répression et toutes ses horreurs et illégalités.

 

MASSACRES ET ENQUETES EN COTE-D’IVOIRE

 

(p.149) Entre Bouaflé et Dimbokro s’était placée la tentative d’arrestation de Houphouët lui-même, chez lui, à Yamoussoukro, le 27 janvier. Mais Houphouët, instruit par le précédent des députés malgaches, refuse de suivre ce juge Pautrat qui invoque à son tour un « flagrant délit » (de la veille…). D’Arboussier, secrétaire général du RDA, présent aux côtés de Houphouët,

parle de forfaiture, et, à ce qu’il semble, les policiers présents hésitent à exécuter les ordres de Pautrat. Celui-ci doit s’en aller, bredouille. A peine la nouvelle connue, des milliers et des mil-

liers d’Africains se mettent en marche pour venir défendre Houphouët à Yammoussoukro… C’est alors que se prépare le massacre de Dimbokro et un autre crime. Il faut noter que parmi les forces de l’ordre figurent en Côte-d’Ivoire ceux qu’on appelle les Alaouites, autrement dit des hommes employés autrefois dans la police française de Syrie-Liban, et qui ont suivi l’armée française dans sa retraite. A leur tête, un certain colonel Lacheroy, dont on entendra encore parler dans la guerre d’Algérie. C’est à eux qu’est attribué, avec toute vraisemblance,

le meurtre du sénateur RDA Biaka Boda, « disparu » à Bouaflé, alors qu’il se rendait à Abidjan, et dont les restes ne seront découverts qu’en juillet. Mais à Dimbokro, où le commandant de cercle fait tirer sur une foule qui manifestait devant la résidence, il apparaît que, en dehors des forces de l’ordre, ce sont des civils européens qui ont tiré’, parmi eux, on cite le juge Darras. Les moeurs de la magistrature coloniale sont décidément plus proches de celles de la police que de la justice.

 

(p.156) Néanmoins, les morts de Côte-d’Ivoire ne sont pas les seules victimes de la répression en AOF. Au Tchad, on compte vingt morts à Mondou le 18 avril 1952, au Dahomey (Bénin

aujourd’hui), deux morts à Porto-Novo en avril 1951 ; au Togo, dix morts à Vogan en 1951, d’autres morts à Conakry lors des manifestations contre les truquages électoraux en 1951 et 1954… La liste n’est pas exhaustive. On remarquera seulement que les massacres cités sont tous postérieurs au ralliement de Houphouët, preuve que la répression vise bien les masses, plus que les dirigeants. Parmi ces derniers, le virage à droite du 18 octobre 1950 n’ a pas été accepté par tous aussi aisément. Outre d’ Arboussier qui va rompre avec le RDA officiel (pour

un temps), la section camerounaise, l’Union des populations du Cameroun (UPC), se refuse à rentrer dans le rang, et continue à revendiquer l’indépendance et à s’adresser à l’ONU – puisqu’il s’agit d’un territoire sous tutelle. Conséquent avec sa nouvelle politique, Houphouët la fera exclure en juillet 1955, juste au moment où le pouvoir vient de la dissoudre 17 ! Il en

résultera la seule guerre de libération qui ait été tentée dans les colonies françaises au sud du Sahara, et qui se prolongera au-delà de l’indépendance truquée de 1960.

 

(p.157) Après cela, on peut sans doute juger que la décolonisation au sud du Sahara a été relativement moins sanglante qu’ailleurs – très relativement, comme on a vu. Encore faudrait-il insister sur cette donnée de fait que, outre les victimes africaines, les centaines de milliers de morts d’Algérie ont pesé d’un poids décisif pour que soient obtenues les concessions partielles de 1956 (loi-cadre) et 1958 (Communauté française) avant les indépendances de 1960. Plus encore, s’il est vrai qu’il n’y a pas eu ici des milliers de massacrés, en revanche, l’indépendance, tout comme à Madagascar, a été octroyée à des gouvernements sûrs, à des hommes déjà englués dans beaucoup de compromissions avec le pouvoir métropolitain. C’était déjà un mauvais départ. Quant aux deux exceptions, là où l’indépendance a été prise,

et non octroyée, Guinée en 1958 et Mali en 1959, la reconquête, en quelque sorte, est venue plus tard. . .

 

MAROC ET TUNISIE

(p.159) Cependant, de tels avertissements ne sont pas entendus à Paris. Les massacres ne s’arrêtent pas. Il y en aura d’autres, au Maroc, en décembre 1952, plus encore d’août 1953 à 1955, en Tunisie, de janvier 1952 à août 1954, avant que la IVe République, déjà engluée dans la guerre d’Algérie, ne reconnaisse leur indépendance – précisément pour pouvoir se concentrer sur cette guerre. Ce sont là des indépendances dont nous sommes bien placés, en 1994, pour mesurer à quel point elles se sont révélées profitables pour un certain nombre de capitalistes français. Or, dans ces deux protectorats, dès 1945, Paris avait affaire à des interlocuteurs tout prêts à cette indépendance dans l’interdépendance, selon la formule adoptée par Edgar Faure en octobre 1955 pour le Maroc. D’ ailleurs, Mohamed V et Bourguiba, à qui la France a fini par remettre le pouvoir, étaient déjà en 1945 des nationalistes modérés.

(p.165)

La torture aux colonies ne surgit pas brusquement au cours de la guerre d’Algérie aux heures sombres de Lacoste et Massu associés. Elle est, elle a été permanente. Bien entendu, la IVe République officiellement la désavoue; et cependant elle ne s’interrompt guère, même si les ministres s’efforcent de l’occulter ou de la nier. Si l’objectif était bien, comme l’a écrit plus

tard – et toujours avec fierté ! – Georges Bidault, d’« écarter toute menace de dislocation ou d’affaiblissement de la présence française en aucun des territoires dont le gouvernement

/celui de juin-novembre 1946] avait reçu le dépôt « , et qu’il (p.166) n’allait « pas sans peine)), comme le dit le même auteur, l’emploi massif de la torture a été un des principaux moyens

pour retarder une échéance dont le caractère inéluctable était déjà constaté en 1946.

Le scandale devient vite intolérable, parce que ces monstruosités, largement pratiquées au Vietnam, après l’Algérie de 1945, n’ont pas été ignorées du pouvoir, qui les couvre. Rappelons

qu’en 1947, on avait commémoré le cinquantenaire de l’affaire Dreyfus. Or si, en ces temps lointains, un ministre avait pu proclamer « Il n’y a pas d’affaire Dreyfus « , la version 1948 de

cette attitude devient, dans la bouche de Paul Coste-Floret, alors ministre de la France d’outre-mer : « Ne parlons pas de tortures par respect pour ceux qui les ont subies « , ces derniers ne

pouvant être que les résistants français, jamais les résistants malgaches ou vietnamiens. Mais en procédant ainsi, aux applaudissements de la majorité dont nous avons tracé les contours,

ne selivre-t-on pas à une entreprise de destruction du sens moral de toute la société française ? A cette date, divers journaux, L’Humanité, Franc-Tireur, La Défense, ont déjà publié des

photographies insoutenables. En 1949, les témoignages sur les horreurs commises au Vietnam se multiplient – après ceux concernant celles de Madagascar. Témoignage chrétien publie un

reportage très documenté, de Jacques Chégaray, et que son journal primitif, L’Aube (MRP), avait refusé. Le journaliste a vu dans un poste avancé une « machine à faire parler « , que lui montre un officier : c’est une dynamo, autrement dit ce que l’on appellera la « gégène  » pendant la guerre d’ Algérie. Chégaray ajoute : « Ce qui m’a frappé dans la découverte de cette

torture, c’est qu’elle est admise, reconnue, et que nul ne s’en formalise. Dans les trois cas cités plus haut, je me suis présenté comme journaliste de France. L’on savait donc que je venais

pour m’informer, pour noter les informations, pour les transmettre dans la presse. Mais chaque fois, on m’ a présenté la chose comme normale… Le colonel était bien étonné d’ailleurs que l’on se formalisât pour si peu…  » Le 12 août 1949, le premier des articles de Paul Mus, qui vont se succéder pendant plusieurs mois, porte en titre, et en gros caractères : « NON, PAS

ÇA. ! »

(p.167)

Mais ce qui frappe l’opinion de gauche, ce sont, (p.168) les méthodes dignes de la Gestapo employées une fois de plus pour arracher des aveux. Voici le témoignage d’un des avocats

français qui ont participé à la défense des nationalistes algériens, Pierre Braun. « L’usage de la torture était tout à fait systématique. A ce moment, le supplice à l’électricité n’était pas très

répandu. La torture la plus employée était celle de la « baignoire ». C’était également l’utilisation d’objets divers, bâtons et bouteilles enfoncés dans l’anus. J’avais appris que quelqu’un avait été arrêté et j’étais allé voir un juge d’instruction qui s’appelait Bavoillot. J’avais réussi à savoir que celui que je cherchais se trouvait dans les locaux de la Sûreté à Blida. Bavoillot me dit, très joyeux : « Vous savez ce qu’on est en train de faire à votre client ? On est en train de le faire asseoir sur une bouteille, il paraît qu’il aime ça. » » Ainsi, comme à Madagascar en 1947, justice et policiers tortionnaires travaillent la main dans la main, les premiers couvrant, parfois encourageant les seconds. C’est pourquoi, au procès de Blida, le dernier de la série, en novembre-décembre 1951, viennent témoigner pour les accusés, et contre la torture, non seulement Marcel Dufriche de la CGT, mais aussi Claude Bourdet et l’abbé Pierre, tandis que Jean-Marie Domenach et Albert Camus envoient des lettres de protestation au président du tribunal.

La torture est donc installée partout dans l’Union française telle qu’ elle existe réellement. Elle est en quelque sorte consacrée, car si tous ces crimes ont été révélés, si des tortionnaires

ont été identifiés, aucune sanction n’a jamais été prise sérieusement. Aucun de ces fonctionnaires n’est passé en justice, pas même devant une commission paritaire habilitée à juger de leur comportement professionnel. De temps à autre, on a déplacé ou muté l’un d’eux. Ainsi Marcel de Coppet a-t-il finalement révoqué Marcel Baron, le chef de la Sûreté à Madagascar en 1947, mais il lui reprochait surtout de ne pas l’ avoir averti en temps voulu de l’imminence de l’insurrection. Après quelques allers et retours, Baron s’est installé aux Comores (d’où il avait précédemment tiré quelques auxiliaires de police) et y est mort

tranquillement avant leur indépendance. Les policiers en fonction à Alger en l950, et qui le seront encore en l954, Costes, Havard, Touron, Forcioli, Carcenac, seront rappelés et mutés

par Mendès France en janvier l955, et ce sera un des chefs (p.169) d’accusation de la droite contre lui quand il sera renversé, peu après. Mais eux non plus n’auront jamais à rendre compte d’un comportement contraire aux principes de la Constitution. Tout cela était pourtant bien connu du pouvoir. Quand J.-M. Domenach écrivait dans Esprit en juillet 1949 : « Au sein du MRP et du parti socialiste, jusque parmi les indépendants de droite, nous connaissons des hommes qui pensent à peu près comme nous sur l’Union française, mais Qui n’osent le dire tout haut », il va de soi que ceux-là connaissaient les méthodes gestapistes en usage. –

 

(p.169)

Naissance d’un racisme d‘Etat

 

Dans la même période, et avec les mêmes complicités – à moins Qu’il ne s’agisse d’une impulsion -. on voit monter très vite le racisme antimaghrébin, plus exactement anti-algérien. Dès septembre 1952, sous le ministère de « ce bon M. Pinay ».,comme disent certains, Les Temps modernes sont en mesure de (p.170) dresser un premier bilan, auquel j’emprunte les précisions qui suivent; il est établi par Henri Moscat et Marcel Péju.

 

(p.171) Le gouvernement se préoccupe, lui, d’organiser les contrôles policiers, les rafles, l’interdiction de leurs manifestations : par exemple celle qui était prévue le 8 décembre 1951, en vue d’une réception au Vel’ d’Hiv’ des délégations arabes présentes à une session de l’ONU qui se tenait à Paris. Pour l’empêcher, il y aura pas moins de 6 000 arrestations ! Il est également significatif qu’ au lendemain de la manifestation contre le général Ridgway (le commandant des forces alliées en Europe), le 28 mai 1952, la préfecture de Police, dans son décompte des quelque 700 arrestations opérées, mette à part « 85 Nord-Africains ».

Les organisations politiques algériennes se retrouvent dans cette immigration ; mais c’ est le MTLD qui prédomine indiscutablement. La participation des ouvriers algériens aux syndicats CGT est massive et combative. Quelques-uns d’entre eux s’inscrivent aussi au PCF – parfois en pratiquant la double appartenance. L’illégalité des saisies de journaux, relevée par Jacques Fauvet à propos de celles de décembre 1947, prend une allure systématique quand il s’agit de la publication du MTLD, L’Algérie libre, saisie trois fois sur quatre à Paris, oU elle s’est transférée faute de pouvoir paraître en Algérie. De même, un livre comme celui de M.C. Sahli, L’Algérie accuse, est purement et simplement interdit.

 

La participation disciplinée des ouvriers algériens MTLD aux manifestations traditionnelles de la classe ouvrière française, les ler-Mai ou l4-Juillet, exaspère tout autant les pouvoirs publics. Enfin, le l4-Juillet l953, à l’issue du défilé, la police tire et tue six ouvriers algériens. Moyennant quoi, l’ année suivante, le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, interdit le défilé, et le 14-Juillet commence à devenir un rite vidé de signification. C’est ainsi qu’avant la guerre d’Algérie prend naissance un racisme que l’on est en droit de qualifier de racisme d’État, comme on a parlé, à juste titre, dans l’Italie de l969, de « massacre d’État ». Il a pour raison profonde le fait que les travailleurs algériens ont fait leurs les valeurs révolutionnaires dont la France se vante si volontiers : en réponse, un pouvoir qui, certes, s’en revendique rhétoriquement, mais pratique l’inverse, (p.172) on l’a vu, s’acharne sur eux, notamment à l’occasion de la répression des grands mouvements ouvriers qui jalonnent cette période. Nombre de morts qui tombent alors sous les balles de la police sont des Algériens. On mentionnera seulement deux exemples hautement parlants, qui s’ajoutent aux six victimes du

14 juillet 1953. Le 28 mai 1952, lors de la manifestation déjà évoquée contre Ridgway, il y a un mort : c’est un ouvrier algérien. Le 1er juin 1958, lors de la dernière manifestation sous la

IVe République, que le Parlement enterre ce jour-là pour s’en remettre à de Gaulle, il y a aussi un mort parmi ceux qui se rassemblent contre le Général : c’est un ouvrier algérien de Saint-

Denis. Et combien d’ autres, tués ou blessés ? Il importe aujourd’hui de rappeler la part qui a été celle de l’immigration algérienne dans toutes les luttes, syndicales ou politiques, progressistes de la IVe République, ces luttes qui l’ont empêchée de dériver autant que certains – un Pinay, par exemple – l’auraient voulu…

 

CONCLUSION : CONTRE LA « REVISION » DE L’HISTOIRE COLONIALE

 

(p.173) I1 est aisé de dire, non sans quelque emphase du discours, que les sacrifices de tous ces milliers et milliers de morts n’ont pas été vains puisque la décolonisation a eu lieu, en fin de compte. Mais ici, nous sommes obligés d’insister sur l’autre aspect, c’est que toutes ces tueries n’ont pas non plus été sans résultat puisque l’impérialisme français (nous nous limitons à lui) a largement survécu aux indépendances, qu’elles aient été conquises ou – apparemment – octroyées. Et, pour commencer par le trait le plus visible, la France est aujourd’hui la seule puissance ex-colonisatrice de l’Afrique à disposer sur ce continent de bases militaires permanentes : Sénégal, Côte-d’Ivoire, Tchad, Centrafrique, Gabon, Djibouti, Mayotte, liste qui laisse à part l’encadrement de certaines armées par des « conseillers militaires » comme au Togo, hier à Madagascar dans les derniers temps de Ratsiraka, longtemps au Zaïre. Donnée archi-connue, tout autant que les interventions ponctuelles, à Kolwezi au profit de Mobutu en 1978, au Tchad, au Gabon il n’y a pas si longtemps, en Guinée au début de 1986, etc. Nous ne parlons pas à cet égard de la participation à des interventions collectives sous l’égide de l’ONU qui relèvent d’un tout autre chapitre.

 

 

Chronologie sommaire, 1942-1954

 

1942

22 décembre : message des représentants musulmans algériens aux autorités françaises.

 

1943

31 mars : remise au gouverneur Peyrouton du « Manifeste du peuple algérien « .

11 mai : à Tunis, Moncef bey est déposé par les autorités militaires françaises.

11 juin : remise au gouverneur Catroux de l’ additif au « Manifeste du peuple algérien ».

Juin : en AOF, le gouverneur vichyste Boisson est limogé.

23 décembre : au Maroc, fondation du parti de l’Istiqlal.

 

1944

11 janvier. remise au sultan du Maroc du Manifeste de l’Istiqlal, adressé aussi au résident général Gabriel Puaux.

28 janvier. Puaux et Massigli, commissaire aux Affaires étrangères du gouvernement d’Alger. rendent visite au sultan.

Nuit du 28 au 29janvier, arrestation de Balafredj et de plusieurs dirigeants nationalistes marocains.

29 janvier. manifestations réprimées à Rabat-Salé et Casablanca.

30 janvier-7 février. insurrection de Fès (50 morts ?).

30 janvier-8 février. conférence de Brazzaville.

7 mars : en Algérie, ordonnance sur 1’« élargissement » de la citoyenneté (permettant l’accès à la citoyenneté française d’environ 60 000Algériens).

14 mars : en Algérie. fondation des Amis du Manifeste et de la liberté (AML).

3 juin : naissance du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) sous la présidence de de Gaulle (col. : Pleven ; AE : Massigli).

6 juin : débarquement allié en Normandie.

10 juillet : création du syndicat agricole africain en Côte-d’lvoire.

28 août : de Gaulle à Paris.

2 septembre : nouveau gouvernement de Gaulle (col. : Pleven ; AE : Bidault).

14 novembre : remaniement du gouvernement de Gaulle (col. : F. Giaccobi).

1er-2 décembre : massacre de Thiaroye au Sénégal.

 

1945

22 février : Manifeste du peuple tunisien.

3-4 mars : conférence des AML à Alger.

22 mars : fondation de la Ligue arabe au Caire.

24 mars : déclaration du GPRF sur l’.Indochine, première apparition de l’Union française.

26 mars : Bourguiba quitte la Tunisie.

23 avril : déportation de Messali Hadj.

25 avril : ouverture de la conférence de San Francisco qui va créer l’ONU.

1er mai : manifestations nationalistes à Alger, Oran, Damas.

Beyrouth.

 

8 mai : Manifestations nationalistes en Algérie, réprimées à Sétif, Guelma, Bône.

8 mai-15 juin : insurrection et répression militaire dans le Constantinois.

29-31 mai : tentative de reconquête de Damas par l’armée française, stoppée par l’ultimatum anglais, qui impose l’évacuation des troupes françaises.

Juin : Mohamed V , le sultan du Maroc, en visite en France.

17 août : l’amiral Thierry d’ Argenlieu est nommé haut commissaire en Indochine, et le général Leclerc commandant des troupes.

29 août : ordonnance sur la participation des colonies aux élections pour l’ Assemblée constituante en France.

2 septembre : signature de la capitulation japonaise à bord du cuirassé américain Missouri. A Hanoi, proclamation de l’indépendance du Vietnam.

9 septembre : les troupes chinoises entrent au Vietnam-Nord.

24 septembre : reprise des bâtiments administratifs de Saigon par les Français avec l’ aide des Anglais.

24-26 septembre : au Cameroun, grèves de Douala et tentatives de putsch des colons blancs (ils seront désarmés seulement le 9 octobre).

5 octobre : Leclerc à Saigon.

16-17 octobre : manifestations et morts à Conakry.

21 octobre : élections à la Constituante. La gauche obtient la majorité.

12 novembre : à Paris, meeting pour l’amitié entre les peuples français et vietnamiens avec l’écrivain Andrée Viollis.

21 novembre : nouveau gouvernement de Gaulle (col. : J. Soustelle; AE : G. Bidault).

 

1946

20 janvier : de Gaulle démissionne.

26 janvier. gouvernement Gouin (FOM : Moutet; AE : Bidault).

Février : fondation à Paris du Mouvement démocratique de rénovation malgache (MDRM).

6 mars : accords Hô Chi Minh-Sainteny à Hanoi. Leclerc débarque à Haiphong.

 

21 mars : les députés malgaches à la Constituante demandent l’indépendance de Madagascar dans le cadre de l’Union française.

11 avril : abolition du travail forcé dans les colonies françaises (loi Houphouët-Boigny).

12 avril : création du FIDES (Fonds d’investissement et de développement économique et social des territoires d’outre-mer).

25 avril : loi accordant la citoyenneté à tous les ressortissants de l’Union française (loi Lamine Gueye).

5 mai : la première Constitution est rejetée par référendum ; l’outre-mer a voté pour.

19 mai : arrivée à Tananarive du gouverneur Marcel de Coppet et manifestation nationaliste.

2 juin : élections à la seconde Constituante.

23 juin : gouvernement Bidault (FOM : Moutet; AE : Bidault).

1er juillet : création du Padesm à Madagascar.

6juillet-1er août : conférence franco-vietnamienne de Fontainebleau : c’est un échec.

20 juillet-3 août : états généraux de la colonisation à Paris, dominés par les ultra-conservateurs.

Août : retour des tirailleurs malgaches à Madagascar.

27 août : déclaration de de Gaulle et discours d’Herriot pour la défense de la colonisation française.

14 septembre : signature à Paris du modus vivendi Hô Chi Minh-Moutet.

21 septembre : vote de la deuxième Constitution qui crée l’Union française.

13 octobre : référendum ratifiant la Constitution.

17 octobre : Hô Chi Minh de retour à Hanoi.

18-21 octobre : congrès de Bamako qui fonde le Rassemblement démocratique africain (RDA).

10 novembre : élections législatives.

23-27 novembre : bataille de Haiphong et bombardement par la marine; 6 000 morts.

5 décembre : attaque française sur Da Nang.

16 décembre : gouvernement Blum (AE : Blum; FOM : Moutet).

19-24 décembre : bataille de Hanoi, le Vietminh échoue.

23 décembre : d’ Argenlieu de retour à Saigon.

 

1947

2 janvier : interview de d’ Argenlieu à France-Soir on ne peut plus traiter avec Hô Chi Minh.

Début janvier : Moutet et Leclerc en mission au Vietnam.

16janvier : Vincent Auriol est élu président de la République.

28 janvier : gouvernement Ramadier (AE : Bidault; FOM : Moutet).

5 mars : Bollaert est nommé haut-commissaire en Indochine à la place de d’ Argenlieu.

18 mars : appel de Stockholm contre la bombe atomique.

18-22 mars : débats à l’ Assemblée nationale sur les crédits

militaires pour la guerre au Vietnam : les communistes votent contre, leurs ministres s’abstenant.

29 mars (au soir) : début de l’insurrection à Madagascar.

30 mars : élections au Conseil de la République à Madagascar. A Moramanga, massacre de la population civile malgache par l’armée : 2 000 morts?

3 avril-20 mai: les insurgés malgaches occupent Vohipeno, dans le Sud.

7-8 avril : émeute des tirailleurs sénégalais à Casablanca : plus de 60 morts.

7 avril : à Strasbourg. fondation du Rassemblement du peuple français (RPF) par de Gaulle.

10 avril : discours du sultan du Maroc à Tanger.

12 avril. à Tananarive. arrestation des députés Joseph Ravoahangy et Jacques Rabemananjara. Le MDRM est dissous à Madagascar .

16 avril : à Paris. Conseil des ministres orageux sur Madagascar : la rupture est évitée cependant.

16-23 avril : arrivée de renforts à Madagascar.

20-30 avril. voyage de Vincent Auriol en Afrique (Dakar et Bamako).

5 mai : les ministres communistes sont exclus du gouvernement.

5-8 mai : à Madagascar. massacre de Moramanga : 165 morts.

12 mai : le MDRM est dissous en France.

14 mai: le général Juin est nommé résident général au Maroc.

15 mai : discours colonialiste de de Gaulle à Bordeaux.

31 mai : ramené de la Réunion en France. Abd el-Krim

s’évade à Suez et se réfugie au Caire.

6 juin : l’ Assemblée nationale lève l’immunité parlementaire du troisième député malgache. Joseph Raseta. aussitôt arrêté.

 

18 juin : à Madagascar» I’armée dégage Ies abords de Tamatave.

5 août : en Tunisie, grèves et manifestations à Sfax : 29 morts.

15 août : indépendance de I’Inde et du Pakistan.

20 septembre : vote du statut de I’ Algérie.  

12 octobre : de Gaulle a Alger s’adresse aux « bons Français ».

19-26 octobre : élections municipales ; en Algérie» succès des nationalistes.

28 novembre : gouvernement Robert Schuman (AE : Georges Bidault; FOM : Paul Coste-Floret).

6 décembre. rencontre Bollaert-Bao Dai en baie d’Along.

 

1948

11 février : Marcel-Edmond Naegelen est nommé gouverneur de l’ Algérie.

4- 11 avril : élections truquées pour l’ Assemblée algérienne.

5 juin : signature des accords de la baie d’Along avec Bao Dai.

20 juillet : à Madagascar, le dirigeant des insurgés du Sud» Michel Radaoroson, est tué.

2 septembre : a Madagascar, le dirigeant des insurgés du Nord, Victorien Razafindrabe, est fait prisonnier (il mourra peu après en prison).

11 septembre : gouvernement Queuille (AE : Robert Schuman; FOM : Paul Coste-Floret).

3 octobre : à Madagascar, verdict dans le procès des parlementaires : Ravoahangy et Raseta sont condamnés a mort.

 

1949

2-6 janvier. deuxième congrès du RDA à Abidjan.

22 janvier. les communistes chinois entrent a pékin.

6 février : heurts a Treichville (Abidjan) entre RDA et partisans de Djaument.

7 février. à Abidjan, arrestation de huit membres du comité directeur du Parti démocratique de Côte-d’ Ivoire, section du RDA.

3 mars : en Côte-d’Ivoire, incidents de Ferkessédougou : cinq morts.

8 mars : à Paris, Auriol et Bao Dai signent les accords reconnaissant l’indépendance du Vietnam, sous la protection de l’armée française.

 

4 avril : signature du pacte atlantique.

20-25 avril : premier congrès des « partisans de la paix ».

Mai-juin : mission du général Revers au Vietnam et rapport pessimiste.

29 juin : publication de la lettre de Herriot à Auriol de janvier, lui signalant les irrégularités du procès des parlementaires malgaches.

7 juillet : la Cour de cassation confirme le verdict de Tananarive.

15 juillet : Auriol gracie les parlementaires malgaches.

9 septembre : Bourguiba de retour à Tunis.

1 er octobre : proclamation de la République populaire de Chine.

28 octobre : gouvernement Bidault (AE : Robert Schuman ; FOM : Letourneau).

12-29 décembre : grève de la faim des détenus RDA de Grand-Bassam.

21-24 décembre : marche des femmes sur la prison de Grand-Bassam.

 

1950

21 janvier.

. en Côte-d’Ivoire, fusillade de Bouaflé : trois morts.

27 janvier : tentative d’arrestation de Félix Houphouët-Boigny à Yamoussoukro.

28 janvier. en Côte-d’Ivoire, « disparition » du sénateur RDA Biaka Boda.

31 janvier. en Côte-d’Ivoire, fusillade de Dimbokro : quatorze morts.

2 février : en Côte-d’ Ivoire, fusillade de Séguéla : trois morts.

16 février : l’Assemblée nationale décide l’envoie d’une mission d’ enquête parlementaire en Côte-d’ Ivoire.

2-8 mars . violents débats à l’ Assemblée nationale pour le vote d’une loi contre le « sabotage », en fait contre les actions s’opposant à la guerre du Vietnam.

10 avril : discours de Robert Schuman à Thionville sur la Tunisie.

13 juin : le nouveau résident généra1 en Tunisie, périllier, annonce un programme de réformes.

25 juin : début de la guerre de Corée.

13 juillet : gouvernement Pleven (AE : Robert Schuman; FOM : François Mitterrand).

 

18juillet-25 août : la commission d’enquête parlementaire se rend en Côte-d’Ivoire.

17 août : en Tunisie, ministère Chenik avec participation du Néo-Destour.

9-10 octobre : au Vietnam, défaite française de Cao Bang.

18 octobre : désapparentement du RDA.

Octobre : voyage infructueux du sultan du Maroc en France.

20 novembre : grève d’Enfidaville en Tunisie : sept morts.

5 décembre. de Lattre de Tassigny est nommé haut-commissaire au Vietnam.

12 décembre : au Maroc, le général Juin expulse les membres nationalistes du Conseil du gouvernement.

 

1951

Janvier-février. agitation au Maroc organisée par la résidence générale, pour contraindre le sultan à abdiquer.

12 février : en Gold Coast (Ghana), Kwane Nkrumah prend la direction du gouvernement autonome.

24-25 février. au Maroc, le sultan cède aux exigences de Juin et désavoue l’Istiqlal.

9 mars : gouvernement Queuille (AE : Robert Schuman; FOM : François Mitterrand).

17 juin : élections législatives, truquées en Algérie et en Afrique noire.

8 août : gouvernement Pleven (AE : Robert Schuman ; FOM : Louis Jacquinot).

27 août : au Maroc, le général Juin est remplacé par le général Guillaume.

15 décembre. note française au gouvernement tunisien : fin de non-recevoir quant aux réformes demandées.

 

1952

11 janvier. mort de de Lattre de Tassigny.

13 janvier : arrivée à Tunis du résident de Hautecloque, qui remplace Périllier.

14 janvier : plainte tunisienne à l’ONU.

16 janvier. le congrès du Néo-Destour est interdit.

18 janvier. Habib Bourguiba est arrêté et déporté à Tabarka.

22 janvier. manifestations et grèves en Tunisie. Le colonel Durand est tué à Sousse. Au moins dix-sept morts tunisiens.

28 janvier-1er février. ratissages du cap Bon.

 

6 février : à l’ Assemblée nationale, les députés RDA s’ apparentent à l’UDSR de Pleven-Mitterrand.

6 mars : gouvernement Pinay (AE : Robert Schuman ; FOM : Pierre Pflimlin).

25-26 mars : à Tunis, M’hamed Chenik et les ministres présents sont arrêtés.

9 septembre : lettre du bey de Tunis à Vincent Auriol, sans résultat.

3 novembre : grève générale en AOF pour le code du travail.

22 novembre : le code du travail pour l’ outre-mer est enfin voté.

3 décembre : grève générale en Tunisie.

5 décembre : assassinat du dirigeant syndical tunisien Ferhat Hached par les terroristes de la « Main rouge ».

8-9 décembre : à Casablanca, manifestations de protestation contre l’assassinat de Ferhat Hached. Répression sanglante du général Guillaume, interdiction de l’Istiqlal, fermeture de la

Bourse du travail.

 

1953

7 janvier : gouvernement René Mayer (AE . Georges Bidault ; FOM : Louis Jacquinot).

28 juin : gouvernement Laniel (AE : Georges Bidault ; FOM : Louis Jacquinot).

14 juillet : à Paris, la police tire à la fin du défilé populaire : six ouvriers algériens et un ouvrier français tués.

27 juillet : armistice de Panmunjon en Corée.

20 août : déposition du sultan du Maroc, déporté en Corse, par le général Guillaume.

21 août : Ben Arafa est proclamé sultan du Maroc.

11 septembre : premier attentat contre Ben Arafa (d’ autres suivront).

22 septembre : à Paris, démission de François Mitterrand, ministre d’État, en désaccord avec la politique marocaine.

26 septembre : en Tunisie, de Hautecloque est remplacé par Voizard.

22 décembre : René Coty est élu président de la République.

 

1954

26janvier : Mohamed V est déporté de Corse à Madagascar.

18 février. à Berlin, la conférence des Quatre décide une conférence à Genève sur les problèmes asiatiques.

13 mars-7 mai : défaite de l’armée française à Diên Biên Phû.

26 avril : ouverture de la conférence de Genève.

20 mai : au Maroc, le général Guillaume est remplacé par Francis Lacoste.

18 juin : gouvernement Mendès France (AE : Mendès France ; FOM. Robert Buron).

20 juillet : signature des accords de Genève, fin de la guerre du Vietnam.

31 juillet-3 août : Pierre Mendès France en Tunisie : annonce de la reconnaissance de l’autonomie interne.

1er novembre : début de la guerre d’Algérie.

Novembre : fin de la guérilla en Tunisie. .

 

French atrocities

 

Posted: April 29, 2003
1:00 a.m. Eastern

By Tom Marzullo
© 2003 WorldNetDaily.com

Like many of you, I have been struggling to understand why the French have behaved as they do regarding the United States. As this is one subject fraught with opinion but very little fact, a bit of digging seemed to be in order.

Some of the trail led to Africa, where France has continued its century-long, « sphere of influence » (read as « assumed ownership ») of parts of that continent. France has regularly behaved in a such a well-documented, murderous manner that, were it the United States, it would prompt an unheard-of level of universal international condemnation.

You should know that today’s actions simply follow the well-established pattern of government actions under DeGaulle’s Jacques « Papa » Foccard, who was infamous for his Machiavellian intrigues in formerly French Africa.

The United Nations debate over Iraq has been a most welcome diversion, as France has long managed to support and direct bloody dictatorships, genocide and at-will military interventions across the map of Africa with self-assured impunity.

Take for instance, the latest French military intervention, Operation Unicorn, in the Ivory Coast beginning in late 2002.

A former colony, Cote d’ Ivoire was given nominal independence in 1958 while France artfully maintained the lion’s share of governmental functions and ownership of businesses. French businesses routinely returned just a quarter of the market value of Ivorian exports to the country, while maintaining French dominance in imported goods.

In a shift of policy from his predecessors, Ivorian President Laurent Gbagbo ruled in the French manner by segregating and allocating power within the country’s population along ethnic and religious lines with the immigrant workers and Muslim north forcibly kept in thrall to the Christian south.

A failed coup this past September that was outwardly instigated by ousted Ivorian leader, Gen. Robert Guei (killed early in the ensuing ethnic fighting) endangered French business interests and French President Chirac responded in typically Gallic fashion by sending in increasing numbers of the French Foreign Legion’s famed Paras. Initially touted as a « peace-keeping » force, the troops were soon authorized to shoot anyone who might obstruct them. These orders are a very far cry from those given to American peacekeepers, but their issuance drew no significant international notice.

The Ivorian government then quickly began to field French-made light armor and Russian-made heavy attack helicopters provided through the good offices of the Belgians, while significant quantities of Russian-made small arms and some armored vehicles came in via the Angolans.

According to reports, the forces of the French-backed government then embarked on a series of murders of immigrants in areas under their control, whilst the French troops kept rebel forces at bay. This is not to say the rebels did not perpetrate the same horrors as well, for the literal eye-for-an-eye is a particularly African custom.

If not for the debate over Iraq, President Chirac might have suffered some embarrassing publicity over such actions. Not that he would deign to take notice.

Another example still waiting to be prosecuted is France’s Rwandan Operation Turquoise and its predecessor actions. For those who missed that one, Turquoise was their 1994 military action that assisted in the fully armed escape of the French-backed and equipped perpetrators who initiated the Hutu-Tutsi genocide that eventually claimed 800,000 lives. The French government also provided transport and de facto sanctuary for Agathe Kanziga (wife of the Rwandan dictator) and her entourage that were fully involved in the governmentally instigated genocide.

On Dec. 15, 1998, the French parliamentary committee appointed to examine their own country’s culpability in the genocide pronounced themselves wholly innocent … it was the U.N. that did it – but of course. The Rwandans disagreed and, in August of 2002, quoted a 1994 telephone conversation from a top French official to a Rwandan military official discussing the shipment of weapons and who then asked him to stop killing Tutsi people on camera. « Kill them, but do it off camera. » Imagine the uproar if an American official had uttered that one.

While briefly reported in America, these French-empowered mass murders have not drawn the ire of our liberal media as they seem to be truly possessed of the ethnic and racial stereotyping they so raucously accuse others of with such strident speechifying. Think on the case of Rodney King for just a moment.

As for the French, their studied policy is to simply ignore the outcry.

This brings us back to just why the French behave toward America in the way that they do.

Gallic hauteur and pride is so universally accepted as part of their national character that its display goes almost without any notice, except for a shrug – even by the French themselves. It is this untoward pride of place along with their own self-awareness of their habitual, almost casual misdeeds that prompt them to malign America. It is because they truthfully cannot tolerate the notion of a country with standards of ethical conduct better than their own well-documented, venerable thuggish, murderously thieving and oppressive behavior.

While we are far less than perfect, pray we never sink to the level of the French.

 

 

Tom Marzullo is a former Special Forces soldier and a veteran of submarine special operations. He resides in Colorado.

 

 

http://www.boycottfrance.com/history_french_anti_semitism.php

 

HISTORY OF FRENCH ANTI-SEMITISM

Many of those who minimize the current situation blame the problem on a small number of Moslem immigrants from North Africa. But the history of anti-Semitism in France is singular and unique the history of the world. It is not a mere coincidence that anti-Semitism has been so tolerated in this country. Furthermore, the inaction of the government to the current situation – whomever the perpetrators – has been too little.

Ironically enough, the entire state of Israel ultimately owes its existence in no small part to the French. After all, it was from his reporting of the Dreyfuss Affair that Theodore Herzl became convinced of the need for a Jewish State.

We must not forget that it was in Vichy France during World War II that French police voluntarily rounded up and delivered 61,000 Jews to the Nazis. All of these people were murdered in Nazi death camps.

Despite the efforts of the French to revise the history of the Nazi occupation, it is unequivocal that large numbers of French collaborated willingly with the Nazis. Only a small number of French, mostly communists, fought against the Nazis.

Charles de Gaulle, when cutting off support for Israel when they defended themselves in the 1967 war, denounced the Jews « as an elite people, sure of themselves and domineering. »

And it was the French government that financed and built the nuclear power plant in Iraq. Does anyone today regret that Israel destroyed it? The French government today still votes against further UN sanctions against Iraq for its refusal of visits from UN inspectors. This is also the French government that refused US planes to use its airspace on the way to bomb Quadaffi’s terrorist organization in Libya. And it is the same French government that cut a deal with the PLO in which it allowed the PLO to use it as a base for planning terrorism.

In December of last year, the French ambassador to England referred to Jews as « those people, » and Israel as a « shitty little country. » Despite the outcry over this outrageous statement, Chirac maintained his support for Ambassador Bernard

AND IT IS NOT JUST THEIR ANTI-JEWISH BEHAVIOR; IT IS THEIR ANTI-AMERICAN AS WELL.

Americans are alarmed when they learn that the number one best selling book in France alleged that the United States government staged the entire Pentagon Crash in order to create justification for an invasion of Afghanistan. L’Efroyable Imposture was number one on the Amazon.fr web site, and was number 1 on the Associated Press weekly top 10 for france. The book is listed as non-fiction. The Author, Thierry Meyssan, says the United states lied about September 11. He says it staged the events to justify going to war.

 

De Gaulle and the new anti-Semitism

Israel Insider | November 28, 2003 | Jonathan Eric Lewis

Posted on 11/30/2003 7:22:50 AM PST by S Jackson

 

Much has been written on the ‘new anti-Semitism’ and rightfully so. Looking back several years, it is almost astonishing that the Jewish people are now being subject to an orchestrated campaign of hatred and violence that has not been around since the Second World War. From Internet chat rooms to the synagogues of Istanbul, Jews have been attacked both verbally and physically. Celebrities warn of ‘Straussian cabals’ and the nefarious deeds of ‘neo-conservatives,’ while human rights groups ignore Sudanese barbarism and put every Israeli action under a microscope. Jews are once again struggling to understand the hatred against them.

Some anti-Zionists, in their frenzied rage against the Jewish State, have even hinted that Israel’s very existence is the cause for the new anti-Semitism. Yet, upon closer inspection, it appears that the ‘new anti-Semitism’ isn’t that new after all. Indeed, one only needs to look to Paris thirty-six years ago to begin to understand the fact that the ‘new anti-Semitism’ has been around for quite some time and may have its origins in the ill-chosen words of one of Europe’s best-known statesmen.

Following the stunning Israeli in the Six Day War and the inability of France to influence events in the region, French President Charles De Gaulle deliberately ushered in a new era of anti-Semitism on November 28, 1967, when he asserted in a press conference that Jews, through the ages had been, « an elite people, self-confident, and domineering » and alleged that the Jewish people had been responsible for « provoking ill-will in certain countries and at certain times. » This, of course, was a political ploy designed to gain France the sympathy of an Arab world seething with anger and disbelief at stunning Israeli military victories that cost them east Jerusalem, the Sinai, Gaza, the West Bank, and the Golan Heights. It was not the first time in twentieth-century French history that anti-Semitism would be exploited for political gain. Given De Gaulle’s first-hand knowledge of Vichy France, he should have known better. But, in an attempt to win friends in the Arab world, he chose expediency over principle.

Perhaps the most insightful comment in reaction to De Gaulle’s speech came from Joel Marcus, the European correspondent for Haaretz who asserted, that the « real cause of De Gaulle’s anger was the realization forced on him by the Six Day War that France had no influence over world events. » With this statement is hyperbolic, the failure of De Gaulle’s hope that France would gain influence on the world stage by acting as a mediator in the Arab-Israeli crisis may have led to his decision to invoke classic anti-Semitic canards as a means of masking France’s own political failures.

President De Gaulle’s comments did not go unnoticed by the French Jewish community. Indeed, Raymond Aron, a French-Jewish intellectual who had previously been sympathetic to De Gaulle, wrote that « to call the people of the ghettos ‘self-assured and domineering’ still seems to me today to be as ludicrous as it is hateful. » Aron went on to assert, correctly in my estimation, that « General De Gaulle knowingly and deliberately initiated a new phase of Jewish history. »

De Gaulle’s sentiments would, in the decades ahead, be echoed by the European chattering classes. Despite numerous Israeli plans to return land in exchange for peace and recognition throughout the 1970s, many European intellectuals gradually came to subscribe to President De Gaulle’s view of Jews as a ‘domineering’ people that needed to be resisted. Such sentiments contributed to widespread support for the Palestinian cause among left-wing European intellectuals, for it was the Palestinian people who were fighting on the front lines against alleged Jewish ‘domination.’ European intellectuals, of course, have never much cared about the plight of the long suffering Palestinian people; they have, however, expressed great, irrational fears about Israel’s military might. Such thinking has now permeated into the fabric of European public life. The recent European Union poll demonstrating that a majority of Europeans see Israel as a major threat to world peace is a result of this line of thinking.

De Gaulle, in my estimation, simultaneously broke the post-Holocaust taboo against anti-Semitism in France and introduced a new anti-Jewish discourse that would, slowly but surely, be but one component of the anti-Semitic rhetoric engulfing the world today. Indeed, it was such thinking that led many French politicians and the French security services to initially downplay the wave of anti-Jewish violence that erupted in Paris and other French cities following the breakdown of the Camp David negotiations in 2000. Thus, rather than viewing mobs of uneducated Muslim men burning synagogues as hate crimes, the French elite initially viewed these acts of hate as being provoked by (allegedly unjust) Israeli responses to Palestinian terror. In other words, the Jews themselves were responsible, as De Gaulle’s said, for ‘provoking ill-will.’

Such is the world in which we find ourselves today, where attacks on Jews in France are blamed on the Israeli-Palestinian conflict and where European intellectuals from Amsterdam to Athens freely spout off nonsense about the Middle East. Much like in 1967, anti-Semitism is being used and excused as a political weapon, this time by some Europeans who view anti-Semitism as useful means to divide Europe from the United States. Whether they realize it or not, however, these ‘new’ anti-Semites are taking a page from De Gaulle’s playbook.

France, of course, once again finds itself increasingly isolated in the world and unable to influence events in the Middle East to its liking. Despite the bluster of French diplomats, Paris was neither able to prevent the American/British liberation of Iraq, nor was it able to shape a post-war strategy for the international community. More to the point, France no longer has a friend in Iraq in the guise of Saddam Hussein and will not likely be looked at favorably by the Shi’a and Kurdish dominated government that is likely to emerge in mid-2004. France is losing influence and support in both the Ivory Coast and Mauritania, two Francophone countries that may shift their foreign policies closer to the United States in the years ahead. As French influence fades, anti-Semitism resurfaces.

The ‘new’ anti-Semitism, particularly in France, thus must not be seen merely as an imported ideology from North African Muslim immigrants, but also as a product of both the French Left’s anti-Zionism and the political repercussions of De Gaulle’s fateful speech. In 1967 as in 2000, French anti-Semitism was a response to the inability of French diplomacy to influence the Middle East.

This, of course, begs the question: between the Six Day War and Operation Iraqi Freedom, has that much changed in France when it comes to anti-Semitism among the French cultural and intellectual elite? President Jacques Chirac, to his credit, has condemned anti-Semitism. He will likely never admit, however, that the ‘new’ anti-Semitism that currently being promulgated by French elites is, in many ways, the bastard offspring of De Gaulle’s hateful speech uttered in the face French diplomatic failure in 1967.

 

http://users.erols.com/mwhite28/warstat6.htm

  1. French Indochina (1930-31)

·         Nghe Tinh Revolt

·         10,000 killed (Dictionary of 20th Century World History; also M. Clodfelter, Vietnam in Military Statistics (1995))

  1. Madagascar, revolt (1947)

·         John Gunther, Inside Africa: The French admit to 11,505 known dead. Unofficial totals go up to 80,000.

·         Library of Congress: 60-80,000; later estimates 11,000 [http://lcweb2.loc.gov/frd/cs/mgtoc.html]

·         Cambridge Encyclopedia of Africa: 11,000 to 80,000

·         Paul Johnson: 80,000

·         Maureen Covell, Historical Dictionary of Madagascar (1995): 50,000 to 100,000

·         Encyclopedia Americana (2003), « Madagascar »: 60,000 to 90,000

·         Dict.Wars: 11,000

·         B&J: 11,000 total, incl. 350 French

·         Hartman: 11,000

·         WHPSI: 10,000 deaths from domestic violence

·         Eckhardt: 3,000 civ. + 2,000 mil. = 5,000

·         S&S: 1,800 French KIA

·         ANALYSIS: It’s difficult to uncover a consensus on this. Three sources put the toll in the upper tens of thousands. Four put it at 11,000 or so. Three give both without taking sides. (Eckhardt and S&S are incomplete and don’t count) Four outvotes three, so I’d go with 11,000.

  1. Guinea (1958-84)

·         Sekou Toure Regime:

·         5 Oct. 1982 AP: Acc2 Amnesty International, 78 political prisoners died and 2,800 disappeared following their arrest in the 1970s.

·         3 April 1984 AP: Still missing

·         29 Dec. 1998 AP: total deaths in purges estimated at 6,000 to 35,000

·         25 Feb. 1992 LA Times (AP): 50,000 killed

  1. Cameroon (1950s, 1960s)

·         Insurrection:

·         Cambridge Encyclopedia of Africa: over 10,000

·         Africana.com (1955-62) [http://www.africana.com/Articles/tt_646.htm]

·         insurgents: 600

·         gov’t officials & police: 1,500

·         civilians: 15,000

·         WHPSI: 10,000 (1963-67)

  1. Nigeria, Fundamental Islam vs Govt (1981-84)

·         Eckhardt:

·         1980-81: 5,000

·         1984: 1,000

·         Gilbert: >4,000 (1981)

  1. Congo-Brazzaville (1997-99)

·         Coup and civil war

·         23 May 1999 Denver Rocky Mtn News: 10,000 (1997-99)

·         Agence France Presse (2 Dec. 1997): 4,000 to 10,000 (4 months)

·         Amnesty International ([http://www.amnesty.org/ailib/aipub/1999/AFR/12200199.htm])

·         2,000 killed in fighting between supporters of Kolelas and government, 11/93-12/93

·         15,000 killed 6/97-10/97 by supporters of former President Lissouba (citing 1998 government report)

·         2,000 civilians killed Makélékélé and Bacongo districts 12/98-1/99

·         Ploughshares 2000: 7-11,000

  1. Morocco (1916-17)

·         Civil War w/ French intervention

·         Eckhardt: 1,000 civ. + 1,000 mil. = 2,000

  1. Franco-Syrian War (1920)

·         Eckhardt: 5,000

  1. Tunisia (1961)

·         War with France:

·         WHPSI: 2,000

·         WPA3: 1,300 Tunisians; 21 French

·         Encarta: 1,300 Tunisians

·         B&J: 1,000

  1. Sino-Soviet War (1963-69)

·         Border War: 3,000 (B&J)

  1. Morocco (1916-17)

·         Civil War w/ French intervention

·         Eckhardt: 1,000 civ. + 1,000 mil. = 2,000

  1. Franco-Syrian War (1920)

·         Eckhardt: 5,000

  1. Franco-Thai War (1940-41)

·         S&S:

·         France: 700

·         Thailand: 700

·         TOTAL: 1,400

·         Eckhardt: 2,000 civ. + 2,000 mil. = 4,000

  1. Tunisia (1952-56)

·         Independence from France

·         Eckhardt: 3,000 civ. (1952-54)

·         B&J: 2,000 civ. (1952-56)

  1. Morocco (1953-56)

·         Independence from France: 3,000 civ. (Eckhardt)

  1. Tunisia (1961)

·         War with France:

·         WHPSI: 2,000

·         WPA3: 1,300 Tunisians; 21 French

·         Encarta: 1,300 Tunisians

B&J: 1,000

 

http://www.monde-diplomatique.fr/2001/06/RUSCIO/15317

 

Du Tonkin à Alger, des « violences de détail »

 

Par ALAIN RUSCIO
Historien, chercheur indépendant, docteur ès lettres. Il vient d’achever deux nouveaux livres : La Guerre française d’Indochine (1945-1954). Les Sources de la connaissance (Les Indes savantes) et Anthologie de la chanson coloniale française (Maisonneuve & Larose), à paraître

 

« LA torture judiciaire, l’affreuse torture du Moyen Age, sévit non seulement à Madagascar, mais au Tonkin et au Soudan français. » Ce témoignage du député Paul Vigné d’Octon date de… 1900 (1). Preuve, si besoin est, que la torture n’a pas commencé avec le général Massu. Pas plus qu’elle ne s’est limitée à l’Afrique du Nord.

Certes, durant la guerre d’Algérie, entre 1954-1955 et 1962, la torture a été crescendo un moyen massif de terreur, allant bien au-delà des rangs nationalistes ou « rebelles ». Mais si la focalisation du débat sur cette guerre à nulle autre pareille est largement justifiée, c’est l’ensemble de la colonisation qui doit être remis en question. La France officielle, de la monarchie de Juillet (1830) à la République de mai (1958) a organisé, suscité ou laissé se développer, selon les cas et selon les périodes, l’usage de la torture, de Hanoï à Nouméa, de Tananarive à Dakar, de Rabat à Tunis.

Pour expliquer une telle généralisation, il faut revenir au coeur des mentalités coloniales (2). La conquête achevée, la « pacification » assurée, la France coloniale, imprégnée dans toutes ses fibres de sa « mission » (délivrer des territoires entiers du règne des ténèbres), est persuadée qu’elle est en train de réussir. Elle est fière de son bilan. Les « masses indigènes » lui sont, sans contestation possible, reconnaissantes. Elles profitent de la « paix française », qu’elles peuvent comparer aux misères et aux injustices du passé. Si, malgré tout, mouvements de protestation il y a, ils sont provoqués par des « meneurs » manipulés par « l’étranger » trouvant quelque intérêt suspect à menacer l’harmonie. Ces fauteurs de troubles ne représentent, par définition, qu’une infime minorité. La répression se transforme donc, non en une manifestation de brutalité contre un peuple, mais en acte d’autodéfense contre des éléments malsains, la lie (politique et sociale) de la population.

La torture est fille naturelle de cet argumentaire : pour éviter que la lèpre n’attaque un organisme présumé sain, il faut isoler les germes menaçants, les extirper de l’organisme. En 1933, Albert de Pouvourville, grande plume « indochinoise », écrivain très connu des cercles coloniaux, écrit : « Il est évident qu’il ne sera jamais possible de rallier les nationalistes irréductibles. Il n’y a pas, en ce qui concerne cette catégorie d’individus, de réforme qui tienne (…). La seule politique à suivre à leur égard est celle de la répression impitoyable (…). Tout indigène qui se pare de l’étiquette révolutionnaire doit être hors la loi ; il ne faut pas qu’il y ait d’équivoque à ce sujet. Il est heureusement certain que le nombre de ces irréductibles n’est pas élevé, quelques centaines au plus pour le Nord-Annam, mais ils sont très ardents. Ce nombre augmenterait très vite si, par une générosité mal calculée, nous commettions la faute de composer avec eux, de leur témoigner de l’indulgence (3). » Et comment faire, sinon utiliser d’emblée les méthodes les plus violentes pour isoler de tels germes ?

Parlant ainsi, le colonisateur construit lui-même le piège dans lequel il va s’enfermer. Il met sur la réalité (une nation rebelle) un masque opaque (le grand mythe de la minorité agissante). Seulement voilà : cette « minorité » est de plus en plus nombreuse et de plus en plus agissante. Plus le mouvement national croît, plus le divorce entre discours colonial et réalité est criant.

Petit à petit, l’habitude s’installe

DÈS la période de la conquête, il n’est pas rare que l’on ait recours à des méthodes d’interrogatoire cruelles. Petit à petit, l’habitude de violenter les suspects, sous n’importe quel motif, s’installe. Comme l’écrit Alexis de Tocqueville, au tout début de l’occupation de l’Algérie : « Du moment où nous avons admis cette grande violence de la conquête, je crois que nous ne devons pas reculer devant les violences de détail qui sont absolument nécessaires pour la consolider (4). » « Détail », le mot sonne étrangement à nos oreilles…

En Indochine, l’affrontement atteint un premier paroxysme. Dans les années 1930, les prisons débordent littéralement. Accompagnant Paul Reynaud, le ministre des colonies, Andrée Viollis, journaliste alors fort célèbre et peu suspecte d’extrémisme, rapporte de son voyage un livre explosif, Indochine S.O.S. (5). « Il y a, écrit-elle, des tortures qu’on peut appeler classiques : privation de nourriture avec ration réduite à 30 grammes de riz par jour, coups de rotin sur les chevilles, sur la plante des pieds, tenailles appliquées aux tempes pour faire jaillir les yeux des orbites, poteau auquel le patient est attaché par les bras et suspendu à quelques centimètres du sol, entonnoir à pétrole, presse de bois, épingles sous les ongles, privation d’eau, particulièrement douloureuse pour les torturés qui brûlent de fièvre. » « Classique », en effet.

 

Mais il y a plus « moderne ». La torture à l’électricité est, déjà, formellement attestée : « Attacher un bout de fil de fer au bras ou à la jambe, introduire l’autre bout dans le sexe ; relier un fouet aux fils de fer entrelacés à un courant électrique ; attacher une des mains du prévenu par un fil métallique que l’on branche ensuite sur le circuit… » Et Andrée Viollis de préciser que ces pratiques sont devenues journalières dans certains commissariats.

Ainsi, les « gégéneurs » d’Alger n’ont rien inventé. Dans les années 1930, sous les tropiques, à l’abri du drapeau français, toutes ces méthodes dégradantes existaient bel et bien. On se doute que les explosions nationalistes de l’après-seconde guerre mondiale vont accroître encore ces pratiques. Sétif 1945, Indochine 1946, Madagascar 1947… partout, le système colonial se fendille, partout la réponse est la même.

La France de 1945, qui vient de se délivrer, avec l’aide de ses alliés, de l’oppression nazie, n’a pas compris que le droit des nations à disposer d’elles-mêmes pouvait être appliqué à son empire. Elle esquisse certes une politique de réformes, mais elle tient par-dessus tout à sa souveraineté. Face à la contestation nationale qui s’exprime de plus en plus fort, elle a recours aux vieux schémas d’explication. La machine s’est emballée. Après 1945, les dirigeants français, ne sachant plus où donner de la tête, entament une généralisation de la répression qui trouvera son apogée lors de la guerre d’Algérie. Le coup de pouce initial est donné par le politique ; le contrôle des acteurs est en permanence et jusqu’au bout assuré par le politique.

C’est le cas à Madagascar. On connaît désormais le film des événements : la provocation de 1947 et ses suites, la répression de masse. Ce qui est moins connu, c’est la parodie de procès qui fut alors intentée aux dirigeants du Mouvement démocratique de rénovation malgache (MDRM). Lors des débats, Me Stibbe, leur principal défenseur avec Me Douzon, dénonça sans concessions la pratique fréquente de l’interrogatoire « musclé », de la torture, pour dire le mot, qui eut lieu pendant l’instruction. Il publia plus tard de nombreux témoignages et évoquait, dans un article d’Esprit, la généralisation de ces pratiques à l’ensemble de l’outre-mer… un an avant la guerre d’Algérie : « Dans les affaires politiques, et singulièrement dans les affaires coloniales, écrit-il, l’emploi de ces procédés, qui tend à devenir systématique, demeure ignoré d’une trop grande fraction de l’opinion publique (…). Depuis 1947, il n’est guère de grands procès politiques coloniaux, à Madagascar, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, où les accusés n’aient passé des aveux à la police et ne les aient rétractés ensuite en invoquant les plus horribles tortures (6). » On se doute que l’affrontement majeur de cette même époque, la guerre d’Indochine, accroissant le fossé entre les communautés, a été un nouveau pas en avant dans l’horreur. Avec une dimension nouvelle : dans ces sombres pratiques, la police a été supplantée par l’armée.

Que la torture ait été utilisée lors de ce premier des deux grands conflits de décolonisation, il suffirait pour s’en convaincre de lire la « petite phrase », passée relativement inaperçue, du tout premier témoignage du général Massu, dans Le Monde : « Quand je suis arrivé en Algérie en 1955, je me souviens de l’avoir vu [Bigeard] en train d’interroger un malheureux avec la gégène (…). Je lui ai dit : « Mais qu’est-ce que vous faites là ? » Il m’a répondu : « On faisait déjà cela en Indochine, on ne va pas s’arrêter ici ! » (7). » Première preuve, sous une plume autorisée, que la torture fut au minimum utilisée, et probablement banalisée, malgré les dénégations de quelques nostalgiques. Au vu et au su de tous, ou presque.

« C’est comme ça partout »

EN tout cas, l’opinion publique, par bribes, commence à être informée. Dès 1945, alors que les pratiques nazies sont encore présentes dans tous les esprits, la presse se fait l’écho des méthodes détestables de la reconquête. Le journaliste Georges Altman dénonce, dans Franc-Tireur, les « représailles sauvages que les défenseurs d’un certain ordre colonial exercent envers les hommes du Viet-minh ». Puis : « On n’aura point réduit l’énorme tache de sang qui couvrait l’Europe pour laisser – parce que c’est si loin – s’étaler la tache de sang en Indochine française (8). »

En 1949 éclate une affaire qui fait grand bruit, avant d’être soigneusement étouffée. Jacques Chegaray, un journaliste de L’Aube, quotidien du Mouvement républicain populaire (MRP), est envoyé en Indochine. Ce qu’il rapporte est très loin de ce qu’attendaient ses patrons : horrifié, il a recueilli le témoignage de tortionnaires qui, tranquillement, lui ont décrit diverses méthodes. Son quotidien refuse (évidemment) de publier son article. Il se tourne alors vers Témoignage chrétien, qui titre, le 29 juillet 1949 : « A côté de la machine à écrire, le mobilier d’un poste comprend une machine à faire parler. Les tortures en Indochine. » La publication de son témoignage, premier d’une longue série, dont des articles du grand savant orientaliste Paul Mus, est le signal d’une vaste polémique en France.

Donc, on pouvait savoir. Les Mémoires de certains « anciens d’Indo » – même si ce corps fait généralement bloc, encore actuellement, autour des valeurs qu’il défendait de 1945 à 1954 – en témoignent. On pense évidemment au général Jacques de Bollardière, qui rencontre la torture sur le sol vietnamien. Mais il la tient pour marginale, en tout cas non généralisée, ce qui explique son maintien au sein de l’armée (9).

On retrouve maintes traces de ces pratiques également sous la plume de Jules Roy. Jeune lieutenant-colonel, et déjà écrivain célèbre, il est volontaire pour l’Indochine. Ses premiers écrits ne laissent planer aucun doute sur son acceptation de la croisade anti-Viet-minh au nom de la défense du « monde libre ».

Mais ce qu’il voit en Indochine refroidit ses ardeurs : « Sur toutes les bases aériennes, à l’écart des pistes, étaient construites des cahutes qu’on évitait et d’où, la nuit, montaient des hurlements qu’on feignait de ne pas entendre. Sur la base de Tourane de mon camarade Marchal, où je disposais d’une certaine liberté de mouvement, on m’avait montré cela avec répugnance : les hommes de main des renseignements s’exerçaient là. Marchal me disait : « C’est comme ça partout, c’est obligé. » Pourquoi ? Comment ? Un jour, au cours d’une nouvelle opération, comme je parcourais la zone en Jeep, j’aperçus devant une pagode un troupeau de paysans accroupis sous la garde de soldats. Je demandai à l’officier qui m’accompagnait ce que c’était. « Rien. Des suspects. » Je demandai qu’on s’arrêtât. J’allai à la pagode, j’entrai : on amenait les files de Nha Que devant les tables où les spécialistes leur brisaient les couilles à la magnéto (10). »

Il s’est passé moins de cent jours entre le Genève indochinois (20 juillet 1954) et le début de la guerre d’Algérie. Pas assez de temps pour que les « mauvaises habitudes » soient oubliées…

 

Complément d’enquête, 31/1/5 – La 2

 

1911 – : bagne à Madagascar : « Nosy-Lava » (île du Nord) 

Ø  les bagnards étaient des opposants à la colonisation

1934- : prison d’Analalave

 

en 100 ans à Cayenne : 76 000 bagnards (= popote (en créole)): 2 % ont survécu

 

Congo-Brazza : les sacrifiés du Congo-Océan (ligne Brazzaville – Pointe-Noire) :

de 20 à 30 000 morts (dans les années 1920)

 

1.2 En France

1936

FASCISME

 

Aux Jeux Olympiques de Berlin, en 1936, l’équipe française a fait usage du salut hitlérien lors de l’ouverture des jeux.  

 

1940

Jean-Marie Nicolay (Vlessart), René Dumont de 1940 à 1945, LS 21/06/2001

 

Le rappel de la collaboration du disparu à un journal maréchaliste et celui de son éloge de l’agriculture nazie.

 

« René Dumont, pacifiste, fasciste et tiers-mondiste, candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974, est mort. La presse salue à juste titre son œuvre d’agronome (…).

/Mais/ René Dumont milita d’abord contre la guerre avec l’Allemagne nazie, puis, après la débâcle, pour al Collaboration. Il écrivit des articles très techniques sur l’agriculture dans un grand hebdomadaire fasciste rural, « La Terre française ». Cette publication de propagande soutenait la révolution nationale de Philippe Pétain, militait pour le retour forcé des citadins à la terre et pour le corporatisme agricole. Les éditoriaux d’André Bettancourt (alors responsable français de la Propaganda Staffel, aujourd’hui actionnaire de référence de L’Oréal et de Nestlé) prêchaient l’union du christianisme et du nazisme et appelaient au châtiment des Juifs et des francs-maçons. René Dumont émaillait ses articles de considérations politiques. Il citait l’agriculture nazie en modèle, invitait à s’unir derrière le Maréchal, et exhortait les paysans à faire des enfants pour régénérer la race et disposer d’une main-d’œuvre abondante.

 

1940

Chronique de la seconde guerre mondiale, éd. Chronique, 1990

Octobre 1941 – p.233

 

Serment à Hitler des soldats de la LVF

Paris, 12 octobre

 

« Devant Dieu, je prête le serment sacré d’observer dans la lutte contre le bolchevisme une obéissance abso1ue au commandant en chef des armées allemandes Adolf Hitler et d’être prêt, en vaillant soldat, à donner à tout moment ma vie pour ce serment.» Bras tendu, les premiers membres de la Légion des volontaires français à partir pour le front de l’Est ont juré fidélité au Führer. Puis la fanfare a attaqué Sambre et Meuse. Les volontaires avaient diversement apprécié l’obligation de revêtir l’uniforme allemand. Maintenant, ils se demandent si les Français comprendront leur geste, bien souvent dicté par la peur du communisme, peur considérée par les nazis comme le meilleur ciment de la collaboration.

 

1940

Pierre Daum, La saga oubliée du riz camarguais, LB 09/11/2004

 

(l’après 1940)

(…) à cette époque, la France dispo­sait d’une réserve de 20000 ouvriers vietnamiens, réquisitionnés plus ou de force dans leur pays au mo­ment du moins déclenchement des hostilités, et envoyés vers la métropole afin de rem­placer les soldats partis au front. Orga­nisée au sein de la MOI, la Main d’Oeu­vre Indigène coloniale de la France, ces malheureux étaient principalement uti­lisés dans des usines de production de poudre militaire. « C’était la galère !, se souvient Le Huu Tho; un ancien de la MOI, auteur d’un petit récit autobiographique sur ses mésaventures dans la France occupée (« Itinéraire d’un petit mandarin », éditions L’Harmattan, 2003). Le contact avec cette poudre re­doutable provoque de l’eczéma, des nau­sées, coupe l’appétit, rend insomniaque. Le travail de nuit, ajouté au décalage ho­raire, fatigue l’organisme, perturbe le moral, sans compter la peur d’être bom­bardé dans cette poudrière. »

Avec, pour chacun de ces 20000 Viet­namiens, la même question lancinante: « Pourquoi sommes-nous là , à quinze mille kilomètres de chez nous, au milieu de cette guerre qui ne fut jamais la nô­tre ? » (…)

 

Lors des Férias du riz organisées chaque année au moment des récoltes (en septembre), aucun discours ne mentionne l’apport capital de ces bras vietnamiens à l’émer­gence de cette culture en pays arlésien. Sur les routes reliant Arles aux Saintes Maries, aucune stèle n’est plantée pour commémorer la mémoire de ces paysans du Mékong réquisitionnés pour soutenir ­l’effort de guerre d’un pays pour eux si lointain. Dans toute la Camargue, un seul endroit, perdu aux environs du Sambuc, évoque le rôle essentiel de ces « Indochinois » dans l’histoire de la ré­gion: c’est un panneau planté à l’entrée du Musée du riz, lieu privé installé il y a une quinzaine d’années par Robert Bon dans un des han­gars du mas de son père. Sont ex­posées des lettres d’anciens militai­res, de vieilles coupures de presse, et quel­ques photos de l’époque (prises par M. Vu) mon­trant des hommes courbés en deuX dans une rizière, la tête protégée du soleil par un cha­peau de paille en forme conique. Avec la légende suivante: « Des paysans vietna­miens ont réitéré avec bonheur leurs ges­tes ancestraux et apporté avec succès leur expérience traditionnelle dans les ri­zières de Camargue. »

 

 

1940

« Ernest » <leucoplast@seanet.NOSPAMS.com> a écrit dans le message de news:x8-dnTfM76Z6XaLfRVn-vg@comcast.com

 

I knew that the French willfully (happily?) collaborated with the Germans
during WWII, but I had no idea that more than 10,000+ Frenchmen proudly
volunteered to join the infamous Waffen SS. Apparently the Germans needed
help against the Russians, and the French were eager to offer their
assistance. Later in the war, as Germany faced shortages of men to refill
depleted divisions, collaborating (Vichy) Frenchmen volunteered for German military service in both the SS and regular army, particularly after the
Allies began the liberation of france in 1944. Interestingly, the bulk of
these volunteers were University students, and all but 30 of these young
French « heroes » -no doubt the pride of France- were killed while attempting
to fight the Allies in the battle of Berlin.
Does anyone happen to know how many Allied troops were killed by the French
between 1942 ( Casablanca) and 1945 (Berlin)? I’m just curious.

1942

die SNCF: Komplizin der Nazis !!!! (Focus 10/2001) / Auschwitz: French trains SNCF FOR the NAZIS!

 

Ursula Langmann, Auschwitz, einfache Fahrt, Focus 10/2001, S. 274-277

 Jean-Jacques Fraenkel, 69, würde seine Familie nie wieder sehen, weil sie am 27. März 1942 mit der französischen Staatsbahn SNCF nach Auschwitz deportiert wurde.

 

« Mit elf weiteren Nachfahren von Nazi-Opfern führt er seit dem letzten Herbst von New York aus eine Sammelklage gegen die französische Bahn, die die Deportation seines Vaters durchführte. » (S. 274)
(…) « Willentlich und wissentlich hat die SNCF die französische Bevölkerung in die Todeslager der Nazis befördert », formuliert Rechtsanwältin Harriet Tamien in ihrer Klageschrift. Sie habe « als Komplizin der Vernichtungspolitik des Dritten Reichs gehandelt, Profite daraus gezogen und die Gefangenentransporte wie ein normales Geschäft betrieben. » (S. 277)
Dies kann sie dank den 12 000 Dokumenten bestätigen, die Kurt Werner Schaechter in neun Monaten seit 1990 aus dem Geheimarchiv in Toulouse schleuste, um sie zu fotokopieren. Die Lektüre hat ihn nicht mehr schlafen lassen. (S. 276)
« Schmerzlich wurde dem französischen Staatsbürger bewusst, wie aktiv die Staatsbahn SNCF den Holocaust mitorganisierte und durchführte. Vor allem von den Bahnhöfen Drancy und Compiègne bei Paris aus deportierte sie an die 85 000 Gefangene direkt in die Konzentrationslager der Nazis. « Auschwitz – einfache Fahrt », hiess das in den Plänen der Eisenbahner. » (S. 276)

 

1942

Etats-Unis / Plainte contre la SNCF pour la déportation vers les camps nazis, La Province 14/06/04

Des survivants et des proches de victimes mortes dans les camps nazis ont déposé plainte, en septembre derier, devant la justice américaine, contre la SNCF, accusée d’avoird éporté 72.000 « passagers » entre mars 1942 et août 1944, rapportait hier le New York Times.

« Cela ne serait pas arrivé sans le concours de la SNCF », a déclaré Me Tamen, qui représente une centaine de plaignants. « Les Allemands n’avaient pas de matériel roulant. » (…)

La copagnie française aurait fait payer « par tête et par kilomètre », et se serait assurée que les wagons à bestiaux les plus solides étaient utilisés pout éviter toute évasion. Et de citer l’exemple du convoi du camp de Copiègne le 2 jullet 1944, avec 2.166 personnes à bord : « Quand il est arivé à dachau, trois jours plus tard, 536 pesonnes étaient déjà mortes. »

Me Tamen affirme également que la SNCF devait connaître les conditions horribles du trajet, car les wagons ont ensuite été désinfectés et nettoyés.

 

1942

Etat et SNCF condamnés pour la déportation des juifs, LB 07/06/2006

 

Le tribunal était saisi d’une plainte du député européen Lipietz pour le transfert de son père et de son oncle en 1944 vers le camp de transit de Drancy. Des indemnités seront versées aux ayants droit Une première.

L’Etat français et la compagnie publi­que des chemins de fer (SNCF), poursuivis pour complicité de crime contre l’humanité, ont été condamnés mardi pour leur rôle dans la déportation de juifs après la plainte d’une famille, une pre­mière en France.

Ils devront verser 62 000 euros aux victi­mes et ayants droit, l’Etat prenant 40000 euros à sa charge et la SNCF le reste, a dé­cidé le tribunal administratif de Toulouse, dans le sud-ouest de la France, région dont étaient originaires les victimes. C’est la pre­mière fois en France que l’Etat et une entre­prise publique sont condamnés pour de tels faits.

Le tribunal était saisi d’une plainte du député européen Vert Alain Lipietz concer­nant le transfert de son père et de son oncle en 1944 vers le camp de transit de Drancy, près de Paris, dernière étape en France avant une déportation vers des camps de concentration et d’extermination nazis.

 

La responsabilité de l’Etat

 

Dans son jugement, il n’évoque pas la no­tion de « complicité de crime contre l’huma­nité », mais retient « une faute de service qui engage la responsabilité de l’Etat », souli­gnant que « l’administration française ne pouvait manifestement ignorer que leur transfert (…)a facilité une opération qui de­vait normalement être le prélude à la dépor­tation des personnes concernées ».

Le tribunal prend en compte le préjudice subi par les victimes pour « leur enferme­ment dans les locaux de l’administration pé­nitentiaire de Toulouse à la suite de leur ar­restation par la Gestapo le 8 mai 1944 (à Pau), de leur acheminement par la SNCF (…) et de leur internement au camp de Drancy du 11 mai au 17 août 1944 ». Le père et l’oncle d’Alain Lipietz n’avaient pas été déportés vers les camps de la mort na­zis, contrairement à plus de 70000 hom­mes, femmes et enfants. Ils avaient recou­vré la liberté à la Libération de Paris en août 1944.

Concernant la SNCF, le tribunal a es­timé qu’elle « agissait pour le compte de l’Etat » et relevé qu’elle « n’avait jamais émis ni objection ni protestation sur l’exécution de ces transports ». Elle a en outre facturé ces « prestations » et « continué à réclamer le paiement de telles factures après la Libéra­tion ». L’argument de la prescription a été rejeté, tant pour l’Etat que la SNCF. Les victimes « n’ont disposé d’informations suffi­santes sur leur créance qu’à partir du mi­lieu des années 1990 », après publication d’un rapport sur le rôle de la SNCF sous le nazisme, a souligné le tribunal.

 

« Une victoire historique »

 

Alain Lipietz a salué « une victoire histori­que », estimant que le tribunal, qui a suivi les réquisitions, « a fait preuve d’un haut hu­manisme et d’une très grande lucidité ». « Le tribunal a reconnu que l’Etat et la SNCF ont fait plus que ce que leur demandaient les Allemands » concernant la déportation de Juifs, Tziganes ou homosexuels et « qu’il ne s’agissait pas de fautes individuelles de tel ou tel collaborateur mais de la responsa­bilité de l’Etat », a souligné le député.

A l’audience le 16 mai, la SNCF avait dé­cliné toute responsabilité, estimant avoir été « réquisitionnée » à l’époque et n’avoir ja­mais « pris l’initiative des convois ». L’Etat n’avait pas assuré sa défense.             (

 

1943

FRANCE / Churchill et Roosevelt contre de Gaulle, LB 06/01/2000

 

Ils voyaient en lui, selon des archives de guerre déclassifiées à Londres, un dictateur en puissance et un opportuniste imbu de sa personne.

Ainsi, en mai 1943, Churchill vilipende-t-il les ‘tendances fascistes’ du chef de la France libre.

 

1944

Mason D. , La ruée vers la Seine, éd. Marabout, 1971

 

(p.139) Afin de garder ouverte la route d’Alençon à Argentan, que devait emprunter la 5e Division Blindée, Haislip avait ordonné à Leclerc d’éviter que ses blindés ne s’écartent de leur route, et il lui avait bien recommandé de rester à la gauche, ou l’ouest, de la forêt d’Ecouve.

Toutefois, Leclerc prit sur lui d’ignorer les limites qui lui avaient été assignées. Négligeant les ordres de Haislip, il envoya un groupe de combat à travers bois et enjoignit à un autre de contourner la forêt par son côté est, ce dernier groupe occasionna sur la chaussée un inévitable embouteillage, qui eut pour effet de retarder de six heures l’assaut de la 5e Division Blindée. Ce délai laissa le temps à un bataillon d’infanterie de la CXVIe Division Panzer d’atteindre Mortrée et d’enrayer l’avance américaine. Ce ne fut pas la dernière fois que les Français

témoignèrent d’une apparente allergie à se conformer aux obligations d’un commandement hiérarchisé allié et à obéir aux ordres…

 

(p.172) Les généraux français se montraient particulièrement désireux de restaurer la fierté nationale en libérant Paris. Ils avaient d’ailleurs reçu du commandant suprême la promesse qu’au moment venu, tout l’honneur en reviendrait aux troupes françaises qui, à cet effet, avaient été spécialement englobées dans l’opération  » Overlord ». La seule anicroche à ce stade des combats fut que la 3e et la 1re Armées étaient déjà aux portes de Paris, alors que la 2e Division Blindée française se trouvait encore à Argentan, à quelque 160 km de là. Cependant, les Français étaient anxieux d’obtenir le respect des engagements souscrits et, le 21 août, le général Eisenhower reçut de de Gaulle une lettre annonçant tacitement que, si le commandant suprême n’envoyait pas sur-le-champ des troupes dans Paris, il s’en chargerait lui-même. Eisenhower refusa catégoriquement d’envisager une teIle éventualité. Cet incident fut à l’origine de malentendus, d’erreurs et d’actes d’insubordination qui embarrassèrent les Américains d’une façon constante et qui montrèrent que les Français conservaient leur goût des manifestations théâtrales.

Le premier heurt se produisit lorsque Leclerc décida, sans en avoir reçu l’ordre, d’envoyer vers la capitale une force d’environ 150 hommes dotés de chars légers, d’automitrailleuses et de véhicules affectés au transport des troupes. Son intention, semble-t-il, était de s’assurer ainsi, au cas où les Alliés décideraient d’entrer dans Paris, qu’au moins quelques Français prendraient part à la libération de la ville. La veille, c’est-à-dire le 20 août, le général Hodges avait rejeté la requête de Leclerc qui voulait envoyer sa division à Paris, et lui avait demandé de ne pas bouger avant d’avoir reçu l’ordre d’avancer. Le commandant du 5e Corps, le (p.174) général Gerow, sous les ordres duquel se trouvait depuis peu la division française, reçut du Q.G. de la 3e Armée une note assez sèche demandant ce que les troupes françaises faisaient en dehors de leur secteur. La réaction de Gerow fut également dépourvue d’aménité. Il rédigea de sa propre main un message à Leclerc, précisant catégoriquement sa position :  » Que ceci soit clair pour vous : la 2e Division Blindée (française) se trouve entièrement sous mon commandement et aucune partie de votre unité ne peut être utilisée, sans qu’une mission précise lui ait été assignée par mon Q.G. »

Les initiatives prises de leur propre chef par les Français ne furent pas sans répercussions.

Elles ne constituaient qu’une minime partie des pressions qui étaient exercées sur Eisenhower en vue de l’amener à modifier son attitude. De Gaulle l’avait demandé. Le peuple français souhaitait une capitale libérée. Les chefs des états-majors combinés, eux-mêmes avaient déclaré qu’ils ne voyaient aucune objection à ce que de Gaulle entrât dans Paris. Mais, ce qui était plus important encore, c’est que, selon certains indices, les Allemands étaient disposés à évacuer la ville, sans opposer beaucoup de résistance, Choltitz avait déclaré à Nordling qu’il refusait de se rendre aux irréguliers FFI, ce qui semblait indiquer qu’il avait l’intention d’abandonner la ville aux Alliés, après leur avoir opposé un semblant de défense. A l’appui de ces arguments, des contacts (p.176-177) avec la Résistance révélèrent que la ville était prête à la reddition et que les Allemands qui en assuraient la garde comptaient surtout sur un effet de bluff. La situation était loin d’être claire, néanmoins, la balance entre l’évidence et l’opinion était suffisante pour influencer Eisenhower. Il décida  d’entrer dans Paris.

La mission en fut confiée au 5e Corps du général Gerow, qui avait les troupes françaises sous son commandement. Pour les besoins de la cause, on avait adjoint au 5e Corps la 4e Division d’lnfanterie US, un groupe l’ordre de cavalerie de reconnaissance tement américain et un contingent britannique, ce qui le rendait représentatif de l’ensemble des forces alliées. Ainsi, Leclerc libérerait lui-même la ville, mais sous le commandement direct du général Gerow. Ce dernier prit un soin tout particulier à mettre au point des ordres précis, à l’intention des Français, car ceux-ci s’étaient déjà acquis la réputation de n’en faire qu’à leur tête, d’aller où bon leur semblait, sans trop se préoccuper de leurs missions. Cette fois, même des consignes rigoureuses ne suffirent pas. Dans la soirée du 22 août, Gerow téléphona à Leclerc, lui donnant de se mettre immédiatement en marche, ce qu’il fit dans la matinée du 23.

L’approche de Paris ne fut pas, et de loin, aussi aisée que l’on s’y attendait. Choltitz avait déployé à l’ouest et au sud de la ville, quelque 20000 hommes équipés de chars, d’armes anti- chars et d’artillerie. Au lieu de se montrer disposé à abandonner la ville aux Alliés, et bien qu’il eût l’intention d’en empêcher la destruction, il était fermement décidé à en défendre la périphérie avec toutes les ressources dont il disposait.

Lorsque Leclerc apprit l’importance des défenses allemandes dans le secteur de Versailles-Rambouillet, il décida, contrairement aux ordres, de porter la majeure partie de son assaut au sud plutôt qu’à l’ouest. Mais les renseignements qu’il avait obtenus étaient entièrement erronés.  Contrairement à ce qu’il croyait, les défenses ennemies étaient particulièrement puissantes dans la région qu’il se préparait à attaquer. En outre, le déplacement de son axe lui faisait empiéter sur le secteur réservé à la 4e Division du général Barton.

Les Français attaquèrent à l’aube du 24 août, dans la direction de Paris, en se scindant en deux colonnes. Celle de gauche, placée sous les ordres du colonel de Langlade, se trouva

(p.178) immédiatement devant les défenses allemandes et fut immobilisée, quatre heures durant, sous un feu nourri. Le combat se termina par la destruction de trois des huit chars ennemis.

Après avoir liquidé cet obstacle, la colonne se heurta à une barrière plus impénétrable : la multitude des civils français venus accueillir leurs héros pour les couvrir de fleurs, leur offrir du vin et les serrer dans leurs bras. Cela posait un sérieux problème, et ce fut seulement à la nuit tombée que la colonne parvint à atteindre le pont de Sèvres. (…)

 

Etant entrés dans leur capitale, les Français semblaient considérer la guerre comme terminée. Tandis que les Américains envisageaient les sérieux problèmes que posaient la reprise en main et l’administration d’une grande ville, Leclerc, cédant à l’euphorie du moment, parut se désintéresser de pareilles contingences et préféra aller déjeuner. Le général Barton, commandant de la 4e Division, le trouva, en effet, à table, à la Préfecture de Police. Leclerc,

ennuyé d’être dérangé, renvoya Barton à son Q.G.de la gare Montparnasse. Il commit un autre impair lorsqu’il se fit amener Choltitz à la Préfecture et lui fit signer la capitulation, non point en présence des Alliés mais simplement devant lui-même et le chef de la Résistance parisienne. Il déclara ensuite que cette capitulation était acceptée, non pas au nom de la Force Expéditionnaire Alliée, mais au nom du Gouvernement (p.180) Provisoire de la France. (p.180) Le 25 août, ce fut l’apothéose : le général de Gaulle entra dans la ville. La valeur de l’appui que celui-ci avait apporté à la cause des Alliés ne faisait aucun doute. D’ailleurs les gaullistes exerçaient déjà leur contrôle sur le gouvernement et les affaires publiques. Le vibrant accueil qui fut fait au général l’incita à organiser un grand défilé destiné à consolider sa position et à faire la démonstration de sa puissance. La division française devait constituer le gros du défilé, et de Gaulle invita Gerow à y participer en déléguant un officier et vingt hommes des forces américaines et un égal contingent des forces britanniques, pour représenter les armées alliées. La réponse de Gerow montra qu’il n’avait nullement changé d’opinion vis-à-vis de Leclerc. Il lui restait à liquider les Allemands isolés demeurés dans la ville, car tous n’avaient pas obéi à l’ordre de capitulation. De plus, Gerow voulait être prêt à repousser d’éventuelles contre-attaques, que ce fût sur terre ou dans les airs. Il ordonna donc à Leclerc de maintenir le contact avec l’ennemi et de le poursuivre. Leclerc répondit qu’il devait consacrer au moins une partie de ses troupes au défilé, en vue de l’entrée officielle du chef de l’Etat, et que cette nécessité prenait le pas sur ses responsabilités à l’égard de son chef hiérarchique. Gerow riposta par une lettre sans équivoque : « Vous opérez sous mon commandement direct et vous n’avez pas à accepter d’ordre émanant d’une autre source. Je crois savoir que vous avez reçu directement du général de Gaulle des instructions en vue de faire défiler vos troupes aujourd’hui, à 14 h, Vous ne vous conformerez pas à cet ordre et vous vous consacrerez à la mission que je vous ai assignée, en vue de réduire toute résistance dans Paris et dans les environs, qui font partie de votre secteur.

« Votre unité ne participera pas au défi lé prévu cet après-midi, ni à aucune autre manifestation, sans un ordre signé de ma main. »

Leclerc trancha finalement le dilemme que posait sa double loyauté, en adressant un appel direct au général de Gaulle. Celui-ci, accordant plus d’importance aux sentiments qu’aux impératifs militaires, demanda aux Américains si, puisqu’il avait consenti à mettre Leclerc à leur disposition, ils ne pourraient, à leur tour, accepter de le lui rendre, pour un moment. 

Le défilé eut lieu le 26 août. Il se déroula dans un certain désordre, ponctué de coups de feu.

Il est aisé d’identifier le responsable de ces incidents. Leclerc se vit obligé de neutraliser provisoirement ses troupes. Or, le jour du défilé, 2000 Allemands étaient toujours retranchés dans le bois de Boulogne, et il est heureux pour les Français que l’ennemi ait choisi, cet après-midi-là, de se rendre et non de contre-attaquer.

Plus tard, le général de Gaulle et son commandant militaire, le général Koenig, reconnurent l’importance des problèmes qu’ils avaient suscités et s’en excusèrent, tout en promettant de se conformer désormais aux ordres des Américains. De Gaulle (p.182) recouvra suffisamment le sens de la diplomatie pour écrire à Eisenhower et le remercier d’avoir confié à Leclerc la mission de 1ibérer Paris.

Afin d’éclairer l’opinion publique et de rappeler aux Français que les Alliés, qui avaient laissé tant des leurs sur les plages et dans les combats de Normandie, avaient également joué leur rôle dans l’ensemble de la campagne, Eisenhower organisa un second défilé, composé principalement d’une division américaine en ordre de bataille. Ce défilé devait présenter un autre avantage, celui de permettre à la division en question de traverser Paris et de rallier le front, sans être retardée par les terribles embouteillages de la capitale. Bien que les Britanniques eussent refusé de prendre part à aucune des célébrations, le défilé obtint un grand succès. Bradley, Gerow, de Gaulle, Koenig et Leclerc passèrent les troupes en revue (…).

 

Cependant, la population n’en demeura pas moins convaincue que Paris avait été libéré, presque sans aide, par les FFI qui se trouvaient à l’intérieur de la ville.

Si l’on jette un regard en arrière, l’on peut avoir l’impression que toute la campagne s’est déroulée dans un climat de querelles, d’antagonismes nationalistes et de désaccords entre les commandants des armées respectives. Il semble en tout cas certain que, durant ce dernier épisode, le commandant suprême et les commandants des corps américains aient rencontré plus de difficultés dans leurs rapports avec les Français qu’ils n’en eurent à mater les Allemands. Le plus désolant dans tout cela c’est que les Français semblaient en vouloir

à leurs alliés d’avoir participé à la libération. C’était comme s’ils avaient voulu s’en approprier tout le prestige. Même le ravitaillement massif fourni par les Alliés, qui, durant six semaines, assurèrent à eux seuls la subsistance de la population parisienne, après sa libération, ne suffit pas à dissiper son amertume et son ressentiment.

 

(p.186) La libération de Paris

 

(…) Gaulle, Leclerc, de Lattre de Tassigny sont, à des titres divers, intransigeants sur la question de l’obéissance qui leur est due, mais ils sont aussi allergiques à l’autorité d’un chef qui ne soit pas Français.

 

1.3 Ailleurs

Algérie

Le 8 mai 1945 à Sétif, le début, sans doute, de la guerre d’Algérie.  (in Arte, LB, 10/05/1995)

 

in : LB 28/06/2000

 

Le général Jacques Massu, l’une des figures militaires de la guerre d’Algérie, a regretté dans un entretien au « Monde », que la torture ait été pratiquée par les forces armées françaises pendant cette guerre (1954-1962).

Un témoignage de l’ancienne militante algérienne de l’indépendance, Louisette Ighilahriz, publié dans l’édition du « Monde’ du jour précédent, relatait les tortures subies en 1957 à Alger après être tombée aux mains de l’armée française.  Elle mettait en cause dans son témoignage le général Massu et le général Bigeard, autre figure de la guerre d’Algérie.  Quant à ce dernier, il a qualifié le témoignage de Mme Ighilahriz de « tissus de mensonges ».

 

René Haquin, « La torture était généralisée », LS 24/11/2000

 

Les généraux en retraite Jacques Massu et Paul Aussaresses confessent au « Monde » que l’armée eut recours à la torture.

 Le général Aussaresses avoue les exécutions sommaires de détenus, dont 24 de sa propre main.

(…) Il admet le chiffre cité par l’ancien secrétaire général à la préfecture d’Alger, Paul Teigen : 3.024 « disparitions » sur les 24.000 assignations à résidence.

Massu : ‘On torturait moins en Indochine.’

Aussaresses décrit d’atroces scènes, d’insoutenables dialogues entre chefs, (…) et « si c’était à refaire, ça m’emmerderait mais je le referais. »

 

Jean Van Lierde et sa guerre d’Algérie

 

« En Belgique, des hommes et des femmes s’étaient engagés aux côtés du FN algérien. »

A cette époque, la torture que dénonçaient Jean Van Lierde dans la revue « Carrefour de la paix » et Sartre dans « Les Temps modernes » en 1960 (immédiatement saisi) et qu’on ne volait pas croire était réelle.

 

B. DL., Se repentir pour les horreurs d’Algérie ?, LB 24/11/2000

 

Les aveux de deux généraux français sur l’usage de la torture pendant la guerre relancent un très douloureux débat.

 

Le combat de Louisette Ighilahriz

Ancienne militante indépendantiste algérienne

Capturée le 28 septembre 1957, par l’armée française, elle allait subir pendant 3 mois, jour et nuit, les sévices pratiqués par ses tortionnaires à l’état-major de la 10e division parachutiste du général Massu, au paradou Hydra, à Alger. « Lila », de son nom de guerre, assurait dans son témoignage que ses tortionnaires avaient pour nom Massu, « brutal, infect », Bigeard, « qui n ‘était pas mieux », et Graziani, « le pire ».

 

Joëlle Meskens, La France menait des essais chimiques au Sahara!, LS 23/10/1997

 

“ “Libération” reproduisait hier des documents d’archives concernant la nuit tragique du 17 octobre 1961.

Le journal affirme ainsi avoir mis la main sur une liste de 70 noms de ‘Français musulmans’ décédés lors de la manifestation interdite du FLN qui dégénéra en chasse à l’homme avec les policiers dans les rues de Paris.”

“Maurice Papon, à l’époque préfet de police, a admis au cours de son procès que la manifestation avait ‘sans doute fait plus de deux morts’.  Il persiste à dire qu’il s’agissait d’un règlement de comptes ‘entre Algériens’.”

 

France – Décès / Massu, un général controversé, VA 28/10/2002

 

En juin 2000, le général Massu déclenchera la polémique en regrettant que la torture ait été pratiquée par les forces armées françaises pendant la guerre d’Algérie.

 

Geneviève Delaunoy, Paroles de harkis, ces Algériens reniés, LB 25/04/2003

 

Sur les 180.000 harkis, 150 000 sont arrêtés par le FLN dont 90 000 sont envoyés aux travaux forcés sont exécutés sans jugement, en violation des accords d’Evian.

Ce n’est que le 13 juin, soit 3 mois après le cessez-le-feu, que la France organise les premiers transferts. Mais Pierre Mesmer, ministre des Armées, les interrompt en juillet car il estime que « les harkis ont eu le temps et la possibilité d’apprécier leur reconversion en Algérie ». Proverbiale lâcheté alors que la répression du FLN est à son comble. Finalement, c’est le Premier ministre Pompidou qui reprendra les transferts pour quelque 40 000 harkis, tandis qu’un million de Pieds noirs débarquent à Marseille.

(…) Alger n’envisage pas de réconciliation. (…) le président Bouteflika assimile les harkis à des traîtres et n’hésita pas, en 2002, à faire cette comparaison : « Pourriez-vous demander à un résistant français de serrer la main d’un collabo ? »

 

Document mis

 

0en distribution

le 17 octobre 2001

N° 3313

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 3215) DE M. JEAN-PIERRE BRARD, visant à la création d’une commission d’enquête relative à l’ampleur et à la responsabilité des arrestations arbitraires, détentions illégales, actes de tortures et exécutions sommaires imputables aux autorités françaises durant la guerre d’Algérie,

PAR MME NICOLE FEIDT,

Députée.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Droit pénal.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

MESDAMES, MESSIEURS,

La guerre d’Algérie est un souvenir douloureux. Quarante ans après la signature des accords d’Evian, la France a encore du mal à analyser les événements qui ont précédé l’accession à l’indépendance de son ancienne colonie.

Sans doute les souffrances ressenties par les populations rapatriées d’Algérie en 1962, et en particulier par les anciens supplétifs de l’armée française, ont-elles empêché les blessures de se cicatriser. La décennie terrible que vient de traverser l’Algérie a également contribué à raviver le souvenir de ce conflit. Mais cette incapacité à regarder le passé de façon apaisée s’explique aussi par la brutalité des méthodes répressives qui furent mises en _uvre, à l’époque, par l’armée française : le fait qu’un pays qui a forgé son identité sur le respect de la personne humaine ait pu se rendre coupable d’actes de torture et d’exécutions sommaires est une réalité difficile à admettre.

Occulté parfois, refoulé toujours, ce débat a été relancé, en juin 2000, par le témoignage de Louisette Ighilahriz : dans les colonnes du journal Le Monde, cette ancienne militante du Front de libération nationale (FLN) accuse alors de hauts responsables de l’armée française de l’avoir torturée, dans des conditions épouvantables, à la fin de l’année 1957. L’émotion ressentie par les lecteurs de ce récit fut considérable. Le 31 octobre, dans les colonnes de L’Humanité cette fois, douze intellectuels appelaient le président de la République et le premier ministre à condamner publiquement cet usage de la torture (1).

Les principaux acteurs de la guerre d’Algérie, concernés ou interpellés, ne sont pas restés silencieux.

Le général Massu, qui avait reconnu, dès 1971, à l’occasion de la parution de son livre, La vraie bataille d’Alger, l’usage de la torture en Algérie, a été l’un des premiers à prendre la parole. Tout en affirmant ne pas se souvenir de Louisette Ighilahriz, il déclarait, dès le 22 juin : « Peut-être que son récit est un peu excessif, mais il ne l’est pas nécessairement et, dans ce cas, je le regrette vraiment ». Puis il prononça ces mots, simples mais importants : « Non, la torture n’est pas indispensable en temps de guerre, on pourrait très bien s’en passer. Quand je repense à l’Algérie, cela me désole, car cela faisait partie d’une certaine ambiance. On aurait pu faire les choses différemment » (2).

D’autres, militaires de carrière ou simples soldats du contingent appelés en Algérie, se sont également exprimés, parfois pour la première fois. Ainsi, un ancien appelé admet avoir cherché, en vain, à tourner la page : « J’avais tout oublié. Du moins, je le croyais. Mais quand j’ai lu l’histoire de Louisette Ighilahriz, l’Algérie d’un seul coup m’a sauté à la tête ». Un lieutenant-colonel en retraite, capitaine à l’époque de la guerre, reconnaît : « Je n’ai pas été courageux. Sinon, j’aurais hurlé mon dégoût. Je n’ai rien dit. J’ai subi ». Un autre soldat du contingent, incorporé en 1958, évoque des épisodes pénibles et ne cache pas ses remords : « Il y a des scènes précises qui m’obsèdent et que je ne me pardonne pas. J’ai ri, à l’époque, au lieu de réagir. De repenser à ces hommes qu’on mettait par terre à quatre pattes, qu’on tabassait, qui saignaient de partout, et nous qui rigolions, moi y compris, ça me fait pleurer aujourd’hui. (…) Je me sens un salaud » (3).

A l’inverse, le général Bigeard a choisi de nier les faits. Au début de l’année 2001, il répond à ses accusateurs dans un ouvrage intitulé : J’ai mal à la France (4). Il se défend : « Pourquoi ce livre ? Pour faire face à toutes ces attaques, de gauche, d’extrême-gauche dirigées contre moi et contre d’autres militaires de haut rang ». Car, selon lui, ce débat sur la torture est « une machination montée de A à Z » : « les véritables tortionnaires ce sont les gens du FLN ». Le récit de Louisette Ighilahriz ne serait qu’« un mensonge abject », « une histoire bidon ». Certes, il n’exclut pas que, de façon isolée, des militaires aient pu se livrer à des débordements, voire commettre des actes répréhensibles, mais il en rejette alors la responsabilité sur les hommes politiques de l’époque, indécis ou incapables. Sa conclusion est claire : « J’estime que, compte tenu des manières utilisées par nos ennemis, nous avons fait un travail propre, et je sais que je peux avoir la conscience nette. (…) Je sais que nous avons bien agi, et si c’était à refaire, je le referais ».

Mais le général Aussaresses ira, malheureusement, plus loin encore… Lorsque paraît, au début de l’année également, Services spéciaux, Algérie 1955-1957 (5), les Français découvrent un homme, longtemps resté dans l’ombre, par choix et par devoir, qui reconnaît avoir pratiqué la torture et ordonné de très nombreuses exécutions sommaires. Il l’assume, voire le revendique. Il n’exprime aucun regret : on cherchera en vain, dans ce récit minutieux, froid et détaillé de ses activités en Algérie, un soupçon de compassion, un quelconque état d’âme : « Ce que l’on a fait en pensant accomplir son devoir, on ne doit pas le regretter » (6).

Dans ce contexte, M. Jean-Pierre Brard a déposé, le 29 juin dernier, une proposition de résolution (n° 3215) tendant à créer une commission d’enquête « sur l’ampleur et la responsabilité des arrestations arbitraires, détentions illégales, actes de torture et exécutions sommaires imputables aux autorités françaises, durant la guerre d’Algérie ». Il appartient à l’Assemblée nationale de se prononcer sur la recevabilité, d’une part, et l’opportunité, d’autre part, de cette initiative.

 

Sur le plan de la recevabilité, il ressort des articles 6 de l’ordonnance n° 58-1110 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et 140 et 141 de notre règlement, que la création d’une commission d’enquête est soumise au respect de deux conditions.

– La résolution doit déterminer avec précision soit les faits sur lesquels la commission d’enquête orientera ses investigations, soit les services publics ou les entreprises nationales dont elle examinera la gestion.

De ce point de vue, la résolution n° 3215 n’est pas à l’abri de toute critique. La période de l’histoire sur laquelle il est proposé de se pencher est particulièrement vaste, d’autant que certains font remonter au soulèvement sanglant du Constantinois, en mai 1945, le début de la guerre d’Algérie. Les personnes visées sont désignées, quant à elles, sous le terme très générique d’« autorités françaises ». Quant aux actes qui pourraient leurs être reprochés, ils couvrent tout le champ des méthodes répressives : arrestations arbitraires, détentions illégales, actes de torture et exécutions sommaires…

– Les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l’objet de poursuites judiciaires.

Dans un courrier daté du 1er août dernier, la garde des Sceaux a fait savoir au président de l’Assemblée nationale qu’à la suite de la publication de l’ouvrage du général Paul Aussaresses, cinq plaintes avec constitution de partie civile ont été déposées, entre le 9 mai et le 26 juin 2001, auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, visant les infractions de crimes contre l’humanité, enlèvement, séquestration ou assassinat qui auraient été commises par des militaires français en Algérie entre 1954 et 1962. Des procédures judiciaires sont donc en cours sur les faits qui ont motivé le dépôt de la proposition de résolution.

Cela étant, la rapporteure n’entend pas se fonder sur ces seules observations pour se prononcer sur la résolution n° 3215, qui aborde des questions trop importantes pour ne pas être également appréciée en termes d’opportunité. A cet égard, deux questions peuvent être posées : est-il encore nécessaire d’enquêter sur les méthodes répressives mises en _uvre par les autorités françaises durant la guerre d’Algérie ? Ce travail doit-il être effectué dans l’enceinte du Parlement ?

· Un premier constat s’impose : si les faits publiés dans la presse depuis le témoignage de Louisette Ighilahriz sont très graves, leur révélation n’est pas nouvelle. Que des militaires français aient eu recours de façon abusive à la violence durant la guerre d’Algérie, qu’ils se soient rendus coupables de nombreuses exactions en marge de toute légalité, sont des réalités avérées de longue date.

Les racines de ce mal sont profondes. Tous les témoignages concordent, en effet, sur le fait que cet usage de la violence n’est pas apparu avec le conflit armé : avant même son déclenchement, les Algériens étaient parfois traités par la police comme le sont les délinquants en France métropolitaine. Les rapports inégaux forgés par la situation coloniale sont le terreau sur lequel l’usage de la torture s’est développé. Il est d’ailleurs significatif que des militaires français aient également eu recours à des méthodes répréhensibles durant le conflit Indochinois : torture et guerres coloniales sont deux questions indissociables, comme l’écrivait récemment le philosophe Francis Jeanson (7).

A partir de 1956-1957, dans le sillage du vote d’une législation d’exception qui fit des militaires les maîtres du terrain, et face à la multiplication des attentats sanglants, plus que jamais, le renseignement et le contrôle des populations devinrent des enjeux majeurs : la torture fut alors considérée et utilisée comme une arme, pour obtenir des informations, voire pour dissuader les terroristes. Les responsables de l’Etat ne se donnèrent pas les moyens de contrôler les agissements des véritables détenteurs du pouvoir en Algérie : la police et les militaires.

Or, dès 1954, et plus encore à partir de 1956, des voix – celle de François Mauriac par exemple – se sont élevées pour révéler ces brutalités. En 1957 paraît le livre de Pierre-Henri Simon : Contre la torture. La même année, le général de Bollardière, qui commandait le secteur Est-Atlas, dénonce les méthodes utilisées en Algérie et demande à être relevé de son commandement. En février 1958, Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger Républicain, raconte, dans La question (8), les tortures qui lui ont été infligées par des militaires français, pendant un mois, après son arrestation durant la « bataille d’Alger » : décharges électriques (la « gégène »), supplice dit de la baignoire, pendaison par les pieds, brûlures, violences… Quelques lignes sont également consacrées à Maurice Audin, ce jeune universitaire et militant du parti communiste qu’il sera l’un des derniers à apercevoir, au fond de sa geôle, avant sa disparition. « Tout cela, je devais le dire pour les Français qui voudront bien me lire. (…) Il faut qu’ils sachent ce qui se fait ici en leur nom ». Jusqu’à la fin du conflit, L’Humanité, L’Express, Témoignage chrétien, France-Observateur, Le Canard enchaîné et Le Monde, ou des revues comme Esprit, multiplieront les révélations.

La dimension politique de l’usage de la torture en Algérie a également été analysée, en particulier par Pierre Vidal-Naquet dans La torture dans la République (9). Certes, la torture est une pratique judiciaire ancienne : les exemples ne manquent pas, dans l’Athènes classique, la République romaine ou le Moyen Age occidental. La France y eut recours à d’autres moments de son histoire, avant comme après 1789, ne serait-ce, d’ailleurs, que durant le conflit indochinois. Mais elle prit, en Algérie, une dimension particulière, en raison de son caractère systématique et, surtout, de ses auteurs, puisqu’elle fut pratiquée par des représentants légitimes d’un Etat démocratique et développé. Elle devint une affaire d’Etat : « Du policier qui torturait au juge qui tenait pour bons les résultats d’un tel interrogatoire, et au président du Conseil qui mentait ou se taisait, toute une machine de mensonge a été peu à peu bâtie ».

Ainsi, pour maintenir un ordre colonial contesté, non pas seulement par une armée, mais par tout un peuple rebelle, un pays de tradition libérale a vu, en quelques années, ses institutions, ses dirigeants, son armée, sa justice, sa presse, corrodés par la pratique de la torture. Les combattants algériens ont également commis des actes qui relèvent évidemment de la barbarie, mais ceci ne constitue pas une excuse absolutoire : « Chaque société doit être jugée – au moins en partie – selon les normes qu’elle proclame », répond Pierre Vidal-Naquet.

Quelles que soient les dénégations, maladroites ou odieuses, de certains acteurs de ce conflit, il apparaît donc que les révélations publiées dans la presse au cours de la période récente n’ont fait que « confirmer » – le terme est d’ailleurs utilisé à deux reprises dans les premières lignes de l’exposé des motifs de la proposition de résolution – des faits déjà largement connus. Faut-il en conclure qu’il n’est pas nécessaire d’enquêter davantage ? Non, à l’évidence. Le débat national provoqué par le récit de Louisette Ighilahriz montre qu’un travail objectif d’explication et de compréhension est encore nécessaire.

En effet, si des témoignages ont révélé, dès le début de la guerre, les pratiques de certains policiers ou militaires français en Algérie, il reste que la dénégation et la minimisation des faits par les représentants de l’Etat ont empêché ces récits de s’inscrire dans la mémoire collective de notre pays. Récemment encore, Pierre Vidal-Naquet insistait sur ce conflit passé entre vérité, mensonge et oubli : « Entre les pouvoirs publics et une fraction de l’opinion, ce fut un combat inégal. Nous n’avions accès ni à la radio ni à la télévision, et celles-ci gardaient un silence total. Et après 1962, l’éclatement du FLN, les débuts chaotiques de l’Algérie indépendante, le silence s’étendit à tous. Les uns voulaient oublier, les autres n’avaient jamais eu envie d’entendre » (10).

Aujourd’hui, en 2001, il semble enfin possible d’achever ce travail de mémoire. Il ne s’agit pas de faire acte de repentance mais, ce qui est plus ambitieux, de permettre à la société française de prendre réellement conscience de ce que fut la torture en Algérie, au nom de la vérité sur le passé et de la vigilance pour l’avenir. Le premier ministre s’était d’ailleurs prononcé dans ce sens, dès le 4 novembre 2000, à l’occasion du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France : « Je suis convaincu que ce travail de vérité n’affaiblit pas la communauté nationale. Au contraire, il la renforce en lui permettant de mieux tirer les leçons de son passé, pour construire son avenir différemment ».

· La nécessité de ce travail étant reconnue, il reste à définir de quelle façon il doit être conduit pour que ses conclusions puissent « faire autorité ».

Relève-t-il des tribunaux ? Certains le pensent et demandent à la justice de se prononcer. Il est vrai que, au cours de la période récente, les procès se sont multipliés contre d’anciens tortionnaires, coupables de crimes ou de violences, devant des juridictions nationales, étrangères ou internationales.

Toutefois, la prescription des crimes est acquise, en France, au terme d’un délai de dix ans. Cette limite s’applique aussi bien aux crimes de droit commun qu’aux crimes de guerre, bien que plusieurs conventions internationales, non ratifiées par la France, prévoient l’imprescriptibilité de ces derniers. Seuls les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.

Peut-on considérer, alors, que les actes de torture en Algérie, en raison de leur ampleur et du nombre des victimes, sont des crimes contre l’humanité ? Aujourd’hui, le droit ne le permet pas : dans un arrêt rendu le 1er avril 1993 à propos de l’affaire Boudarel, la chambre criminelle de la Cour de cassation a limité cette accusation aux seuls actes commis pendant la seconde guerre mondiale. Certes, le nouveau code pénal a supprimé cette restriction en 1994, et la définition des crimes contre l’humanité, qui figure à l’article L. 212-1, est désormais plus large : « La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile ». Mais, à supposer que cette définition puisse s’appliquer aux actes de tortures commis durant la guerre d’Algérie, elle ne pourrait pas pour autant être invoquée à leur encontre, en application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

Ce problème de prescription peut-il être surmonté lorsque les victimes ont disparues, en faisant valoir que le délit se poursuit car les corps n’ont pas été retrouvés ? La réponse est sans doute négative car, en toute hypothèse, les condamnations prononcées et les faits eux-mêmes datant de la guerre d’Algérie ont tous été amnistiés (11).

Comme on l’a vu, plusieurs plaintes ont néanmoins été déposées après la publication du livre du général Aussaresses. Il est désormais acquis que celui-ci comparaîtra devant un tribunal, ne serait-ce que pour apologie de crimes de guerre. Mais, compte tenu des obstacles juridiques précités et sous réserve d’une éventuelle évolution de la jurisprudence, il est peu probable que les exigences de vérité et de justice puissent se rejoindre davantage. D’ores et déjà, le parquet de Paris et le juge d’instruction saisi de l’affaire ont refusé d’instruire les plaintes pour crimes contre l’humanité déposées, notamment, par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et le mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP).

Ce travail doit-il alors relever d’une commission d’enquête parlementaire, comme le demande M. Jean-Pierre Brard ? Il n’est pas nécessairement incongru que, parfois, le Parlement s’intéresse à la lecture de l’histoire : ainsi, s’agissant de l’Algérie, une loi a consacré, il y a deux ans à peine, le terme de « guerre » pour qualifier ces événements qui, officiellement, n’avaient consisté qu’en des opérations de « maintien de l’ordre » (12). Mais, de façon générale, la fonction du Parlement est bien de faire des lois et de contrôler l’action du gouvernement ; elle n’est pas d’établir une lecture officielle de l’histoire de notre pays. Au demeurant, la reconnaissance politique des faits visés par M. Jean-Pierre Brard dans sa proposition de résolution ne passe pas nécessairement par la constitution d’une commission d’enquête : le discours précité prononcé par le Premier ministre le 4 novembre 2000 participe également de cette démarche, ainsi que la publication du présent rapport qui confirme les faits auxquels il est fait référence. Au-delà, comme l’écrivait récemment Robert Badinter dans Le Nouvel Observateur : « L’heure est aujourd’hui aux historiens ».

Plus que les juges ou les hommes politiques, les historiens sont, en effet, les mieux placés pour poursuivre ce débat et porter un regard objectif sur les faits, envisagés dans leur ensemble et dans leur contexte. Leur légitimité était ainsi justifiée, récemment, par Pierre Vidal-Naquet : « Ces hommes et ces femmes sont capables de croiser les sources, les témoignages bien sûr, mais aussi les documents d’archives, français ou algériens, de les faire parler les uns par les autres, de susciter les interrogations et les dialogues » (13). Sans doute ce jugement a-t-il été conforté par le travail considérable réalisé, à la fin de l’année 2000, par une jeune historienne, sur « L’utilisation de la torture par l’armée française dans la répression du nationalisme algérien », dans le cadre d’une thèse de doctorat : plusieurs années de recherche et, au final, une étude exhaustive, à caractère scientifique, qui souligne également que l’usage de la torture en Algérie par l’armée française était répandu et qu’il peut être considéré comme un élément du système colonial et de la vision du monde qui en résulte (14). Faut-il aller plus loin en envisageant la constitution formelle d’un comité d’historiens ? Est-ce au gouvernement d’en prendre l’initiative ? Toutes les hypothèses sont envisageables mais ces questions sont, finalement, secondaires.

Le plus important, en effet, est d’admettre la légitimité, évidemment, mais également la nécessité de la démarche des historiens et de faciliter leurs recherches, en particulier en leur permettant d’accéder sans restriction aux archives de l’époque. A cet égard, le premier ministre s’était engagé, dès le 28 novembre 2000, à l’Assemblée nationale, au nom du gouvernement, « à favoriser un tel travail scientifique et historique ».

En principe, toutes les archives publiques sont accessibles au terme d’un délai de trente ans : la plus grande partie des documents afférents à la guerre d’Algérie est donc ouverte au public depuis 1992. Mais l’article 7 de la loi du n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives porte ce délai à soixante ans pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l’Etat ou la défense nationale : sur ces fondements, de nombreux dossiers ne peuvent donc toujours pas être consultés. Le débat qui s’est développé dans notre pays à propos de la torture en Algérie doit conduire le gouvernement à faire en sorte que l’ouverture des archives soit la plus large possible.

En attendant, la création d’une commission d’enquête parlementaire n’apparaît pas comme la solution la plus appropriée pour apporter une réponse aux questions évoquées et la rapporteure vous invite, en conséquence, à rejeter la proposition de résolution qui vous est soumise.

*

* *

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jean-Pierre Brard a salué le travail documenté et précis de la rapporteure. Tout en déclarant partager son analyse, il a observé qu’il ne parvenait pas, cependant, à la même conclusion.

Il s’est félicité, en effet, que soit reconnue la nécessité de faire la lumière sur les pratiques attentatoires à la dignité humaine et aux valeurs républicaines et humanistes dont la France s’est rendue coupable en Algérie, quelques années seulement après la victoire contre le nazisme. Considérant, néanmoins, que ce devoir de mémoire ne pouvait être laissé aux seuls historiens, il a jugé que le Parlement se devait d’établir clairement pourquoi et comment un pays comme la France a pu glisser dans l’inhumanité et le non-droit. Il a estimé que les pratiques condamnables des militants du FLN ne la dispensaient pas de s’interroger sur ses propres actions, soulignant que celles-ci étaient indissociables de cette guerre coloniale qui, il y a quarante ans, a menacé à plusieurs reprises notre démocratie, jusqu’au putsch militaire qui est à l’origine de la Ve République. Il a jugé, au demeurant, que le Parlement, qui s’apprête à apprécier, au regard des libertés publiques et des droits de l’homme, l’éventualité d’autoriser la fouille des coffres des véhicules par la police pour lutter contre le terrorisme, ne pouvait, sans être incohérent avec lui-même, faire preuve d’indifférence à l’égard des atteintes portées à ces mêmes principes, il y a moins d’un demi-siècle.

M. Jean-Pierre Brard a souligné la gravité des faits visés par sa proposition de résolution, observant que ces dérives étaient effectivement antérieures au vote de la loi sur les pouvoirs spéciaux qui, en 1956, a étendu les prérogatives de l’armée et permis à la justice militaire d’écarter progressivement la justice civile. Il a indiqué que de nombreux documents d’archives datant, pour certains, de 1955, attestaient que les autorités politiques avaient donné aux militaires toute latitude pour mener une guerre totale et les avaient assurés d’une impunité protectrice au cas où ils commettraient des infractions « justifiées par les circonstances ».

Il a estimé que la représentation nationale devait assumer pleinement ses responsabilités politiques et historiques.

M. Michel Hunault a rendu hommage au travail de la rapporteure mais a tenu à réagir aux propos de M. Jean-Pierre Brard, en regrettant qu’au cours du débat, il n’ait pas été fait état des actes de torture et des violences dont ont été victimes les militaires français durant la guerre d’Algérie. Il a indiqué qu’il n’appartenait pas au Parlement d’établir une lecture officielle de l’histoire de notre pays, même si les déclarations du général Aussaresses lui ont inspiré du dégoût.

M. Bernard Derosier a déclaré que le sujet évoqué était particulièrement grave, en particulier pour ceux qui, comme lui, ont vécu ces événements en tant que soldat du contingent. Il a indiqué que, à l’image de beaucoup d’autres, il avait connu, à l’époque, une véritable crise de conscience, qui est encore présente dans son esprit plus de quarante ans après les faits.

Il s’est demandé si un travail parlementaire sur la question ne permettrait pas aux acteurs de la guerre d’Algérie de « faire le deuil » de ces événements et d’en dégager des leçons collectives, à partir des travaux réalisés par les historiens. Il a admis, toutefois, que, à quelques mois d’élections majeures pour notre pays et alors même que des poursuites judiciaires ont été engagées contre certains tortionnaires de la guerre d’Algérie, la création d’une commission d’enquête n’était pas nécessairement opportune. Il a toutefois regretté que cette initiative ne soit pas intervenue plus tôt et a espéré que le Parlement y reviendrait à l’occasion de la prochaine législature.

M. Bernard Roman, président, s’est félicité de la qualité des échanges qui se sont déroulés entre les différents intervenants sur un sujet qui touche à une période particulièrement difficile de l’histoire de notre pays.

*

* *

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission a rejeté la proposition de résolution n° 3215.

 

1 () Henri Alleg, Josette Audin, Simone de Bollardière, Nicole Dreyfus, Noël Favrelière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Madeleine Rebérioux, Laurent Schwartz, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet.

2 () Le Monde, 22 juin 2000.

3 () Le Monde, 11 novembre 2000.

4 () Général Bigeard, J’ai mal à la France, Editions du polygone, 2001.

5 () Général Aussaresses, Services spéciaux, Algérie 1955-1957, Perrin, 2001.

6 () On pourra également se reporter à l’interview donnée par le général Aussaresses au journal Le Monde le 23 novembre 2000, dans laquelle il admet avoir personnellement participé à 24 exécutions sommaires.

7 () Le Monde, 11 novembre 2000.

8 () Henri Alleg, La question, Editions de La Cité, 1958.

9 () Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la république, Editions de Minuit, 1972.

10 () Pierre Vidal-Naquet, « Algérie, du témoignage à l’histoire », Le Monde, 14 septembre 2001.

11 () Voir le décret du 22 mars 1962, les ordonnances du 29 juin et du 14 avril 1962, les lois du 23 décembre 1964, 17 juin 1966, 31 juillet 1968, 16 juillet 1974, 6 août 1981 et 3 décembre 1982.

12 () Loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l’expression « à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».

13 () Pierre Vidal-Naquet, « Algérie, du témoignage à l’histoire », op. cit.

14 () La thèse de Raphaëlle Branche a récemment été publiée sous le titre suivant : La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Gallimard, 2001.

 

http://www.dickinson.edu/~klinem/fr236/Symboles/Marianne/aussaresses.html

A TORTURED MEMORY: THE AUSSARESSES REVELATIONS

 

Introduction

 

To read the account of Louisette Ighilahriz’ three-month imprisonment at the hands of French officers requires a strong stomach. During the so-called Battle of Algiers in 1957 this Algerian woman, then a fighter in the war for Algerian independence, was wounded in a French ambush and captured. Tortured for information about her associates and their plans, she was always tied down naked while they tortured her, covered in her own blood and excretions. Her story is shocking but its kind was not unknown in France. It made the headlines (see, for example, Le Monde, June 20, 2000: 1) not because this was previously unheard of behavior, but because Louisette Ighilahriz was seeking to thank the person who saved her life, a military doctor by the name of Richaud who, appalled by her condition, put her into the hospital.

In the fall of 2001 a historic ruling by a French court awarded Mohammed Garne a small pension because he had become the first person in France to be recognized as a war victim due to criminal acts occurring before his birth. In 1959 his mother Kheira, then 16, was sequestered by French soldiers and repeatedly raped. Garne was awarded damages for his physical problems because of the injury he sustained as a fetus when his mother was beaten and tortured in an attempt to get her to miscarry. The verdict capped his thirteen-year effort to get justice. (Le Monde, November 24, 2001: Société.)

This decision was made public some days before the beginning of the trial of a former French army general, Paul Aussaresses, who had published his memoirs of the Algerian war, Services spéciaux: Algérie 1955-57, in 2001. He revealed that he had ordered Algerian terrorist suspects to be tortured or summarily executed. Beatings, electrodes attached to earlobes and genitals or shoved down the throat, and forced ingestion of water were some of the methods used to gather intelligence. Two elements in Aussaresses’ commentary were particularly shocking. The first was his tone of absolute conviction and his utter lack of regret about what he had done. In fact, his rationale was very clear: it was necessary to perform extraordinary acts in extraordinary times when the enemy was not clearly defined in terms of traditional military operations. The second shocking allegation was that the French government knew about torture in Algeria, tolerated it and even recommended it. Aussaresses stated that François Mitterrand, then Minister of Justice and later President of France (1981-95), had sent an emissary to Algeria to keep him informed and to provide cover for the torturers (155).

Although many publications had already appeared alleging torture in Algeria and often detailing it with gruesome eyewitness accounts, the revelations of the new millennium seemed to seize the French conscience with a poignancy that had not been demonstrated before. In order to understand the context in which French memory opened one of its suppressed chapters, we need to review the history of French involvement in Algeria.

 

Background

 

The French Adventure in Algeria

 

History gives many lessons from which one learns that rash behavior leads to unfortunate consequences. Such is the incident in which the dey of Algiers struck the French consul with a fly-whisk, thus precipitating the 1830 French expedition against Algeria. In actuality, he whisked him because the French government refused to honor an unpaid debt dating from the French Directory of 1795-99. Apologies were demanded and refused. A French ship arriving for talks was bombarded; an ineffective French blockade of Algerian ports was answered by the seizing of French interests. Because Charles X, the last of the Bourbon monarchs, wanted to give prestige to his restored dynasty, political motivation was at the heart of the French expedition against Algeria, as it was for his successor, the constitutional monarch Louis-Philippe.

In June 1830 an expeditionary corps of 37,000 French soldiers arrived off the coast. It faced fifty thousand Arabs whose fighting qualities were uneven and who lacked the French advantage in artillery. Algiers fell on July 5, 1830, but conquest was not a given because the Muslims did not yield quietly. By 1837 Abd el-Kader, an Islamic purist of considerable military and diplomatic skills, was recognized by France as ruler of two-thirds of Algeria. Because he was convinced that over time the French would dominate, he broke the peace in 1840. The French were faced with the choice between a complete evacuation of Algeria or total conquest. They chose the latter course of action.

General Bugeaud, commander of the French forces, used the tactic of the razzia, the systematic destruction of cattle, crops, grain stores and warehouses to force local Muslims into submission. Captives were treated harshly. The countryside he left behind was devastated. After seven years of fighting, Abd el-Kader surrendered on December 3, 1847.

The French government expropriated land and began to turn it over to colonizers recruited for resettlement. The French Second Republic (1848-52) declared Algeria an integral part of France and carved part of it into French departments. The French philosophy of assimilation-the obligation to uplift indigenous populations by sharing the benefits of French civilization and technology-began at this point. Under the Second Empire (1852-70) Napoleon III declared Algeria to be an « Arab kingdom » that France was required to protect and to « civilize. » Arabs would be given land to cultivate while Europeans would concern themselves mainly with commerce and industry. By the end of the Second Empire in 1870, this policy had again changed. The Third Republic (1875-1940), having lost Alsace and Lorraine to the Prussians during the Franco-Prussian war of 1870, concentrated on the development of French overseas conquests. From 1871 and until World War I, France encouraged immigration to Algeria. Between 1872-1914 the European population grew from roughly 250,000 to 750,000.

Huge areas of land were given to the colonists for free or were sold very cheaply. Dispossessed of their lands, local Arab populations were increasingly impoverished. At the outbreak of the Algerian war in 1954 the settlers (colons) were in control of the best Algerian land. The philosophy of assimilation–known as « integration » in the post 1954 years–theoretically aligned the rights and duties of local populations with those of Europeans, but the reality of assimilationist policies meant that French laws replaced local institutions, while Arabs did not have the same guarantees as the French in the areas of education, taxation and salary. Although a small Arab elite was allowed to form by virtue of some space allotted to them in the French educational system, the net result of assimilation was to unhinge local society.

By the 1930s the colonial order was showing strain. Most Algerian peasants (fellahs) were paupers. Nonetheless, the 100th anniversary of the conquest in 1930 was led by a press campaign in France that portrayed colonization in flattering terms. Efforts of the socialist Front Populaire (1936-38) to increase Algerian representation in Parlement, to give elector rights to some Algerians, and to allow some to become French citizens, were met by furious protests among Europeans in Algeria. Among the Moslem population disillusionment and embitterment were growing, not only among more radical nationalist groups, but among many moderates as well. Ferhat Abbas, a moderate politician, originated a manifesto in which he rejected assimilation and in which he proposed a nation, an idea that had already been in the air. Now Algerian leaders turned down French proposals for increased assimilation and representation.

 

The War for Algerian Independence

 

Trouble broke out in Algeria in 1945 after World War II. A demonstration at Sétif on May 8, 1945 degenerated into riots in which ultimately about one hundred French were killed. Savage repression by French armed forces that included indiscriminate bombardments followed. While official estimates of 1500 dead were made public, the real figure more likely numbered between 6,000-8,000 (Hutchinson 5). In the aftermath, local hostility toward the French and increasing nationalism were evident.

Algeria was a colony whose administration and economy clearly functioned to the benefit of its French population, which now numbered almost one million. Eighty percent were born in Algeria (the pieds noirs) and by this time they considered themselves to be the legitimate owners of the country. They were largely an urban population engaged in business and administration, and while there were many small farmers among their number, most French had achieved a respectable standard of living, often higher than that of their counterparts in metropolitan France. These descendents of colonists were very conservative and for the most part set against all reform. About two million of the nine million Algerians had reached some European standards, but three-quarters of the population was still not assured of a decent living. The Moslem population suffered through continuous stagnation. Only thirteen percent of Arab children had access to public schooling. (Droz and Lever 43). No political reforms were in sight nor were any major plans to improve the material conditions of life undertaken on behalf of the Algerians. The metropolitan French were mainly indifferent to affairs in Algeria.

The post-World War II generation of Algerians had grown tired of the status quo politics, racism, and immovability of the French colonial government. Many young Algerians, having served with the Free French Forces, were ready to turn their military experience against the French. Significant too was their knowledge of the French defeat at the hands of the Germans and against the Viet Minh in Indochina, which removed the aura of invincibility from the French army. It was a generation that would not shy away from violence to gain its ends. New leaders like Ahmed Ben Bella (later the first president of an independent Algeria) emerged. They formed several revolutionary committees that finally surfaced as the Front de Libération Nationale, the F.L.N. In July 1954, the Algerian revolutionaries made the decision to train and arm for a protracted struggle for their independence. Early on the morning of November 1, 1954, the insurrection broke out. Some limited attacks on French installations took place, but what was to follow was to be a long and terrible conflict.

In the face of the uprising, the position of the French government was that these were acts of sedition rather than the beginning of a war of national liberation. Since Algeria was a part of France, it could not be given up like other colonies in North Africa (Tunisia and Morocco were granted independence in 1956) or in sub-Saharan western Africa. On November 7, 1954, François Mitterrrand, then Minister of Justice (later President of France, 1981-95) said,  » L’ Algérie c’est la France et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne. » [Algeria is France and France will not recognize any authority there but its own.] (qtd. in Droz and Lever 62) Several days later, on November 12, Pierre Mendès-France, the President of the Counsel of Ministers, echoed this when he said that there would be no compromise with sedition, and that, « Les départments d’ Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d’une manière irrévocable… »(55). [The Algerian departments constitute a part of the French Republic. They have been French for a long time and irrevocably so.] A state of emergency was declared in April 1955, providing the legal status for extraordinary action. The National Assembly declared special powers in Algeria, which coincided with a call up of reservists and an extension of military service.

Riots on August 20 and 21, 1955, were serious. Thousands of French as well as Algerians suspected of being sympathetic to the French were murdered, including women and children. Increasingly fearful, the French population demanded extreme measures. It became increasingly obvious that the official line of a « police action » could not be taken seriously. By the end of 1955, the number of terrorist acts now numbered one thousand per month (78). The army reacted to ambushes and raids by the F.L.N. in the countryside, but frequently lacking good intelligence, French soldiers sometimes shot up and terrorized innocent villages. Often, F.L.N. fighters mutilated their victims, French soldiers and settlers as well as unsympathetic Arabs, providing the French with a rationale for reprisals. The French sometimes subjected Moslem suspects to electric torture (la gégène) by hooking them up to the magnetos of field telephones. Summary execution (la corvée de bois) often followed.

The F.L.N. wanted to demonstrate its hold on urban populations as well as upon the countryside. On December 30, 1956, bombs exploded in the Milk Bar and the Caféteria, two cafés popular with European young people, leaving four dead and fifty-two wounded, including several children. On January 7, 1957, General Massu, the commanding general of the 10th Parachute Division, was given complete police powers in Algiers because the regular police forces could not prevent attacks or find their perpetrators. Troop strength was increased to 400,000 by the end of 1957.

The French won the so-called battle of Algiers of 1957 largely through the torture of suspects (131). By the same measure, the revelation of torture had both domestic and international repercussions, and opened new questions in France concerning the legitimacy of the war. Pressure from the international community for a negotiated settlement increased, while continued military action, searches of villages (ratonnades), detentions, brutal treatment, summary executions, removal of populations to resettlement camps, and pressure by the F.L.N. (which executed those Algerians deemed disloyal to its cause), kept the local population on the side of the F.L.N.

 

Charles de Gaulle and the End of the Algerian War

 

By the spring of 1958 the war in Algeria had been going on long enough to be seen as inconclusive in metropolitan France. The French government of the Fourth Republic (1946-58) was incapable of resisting pressure from the French citizens of Algeria and was rapidly undergoing crisis. Waiting in the wings was Charles de Gaulle, the World War II hero of France, who had left the presidency twelve years earlier in 1946, disgusted by party politics. He had retired to his home at Colombey-les-Deux-Eglises to write his memoirs and to await the call to return to public service. When the colons and the army combined efforts to bring down the colonial government in Algeria and called for the return of De Gaulle to power, he let it be known in May 1958 that he was « ready to assume the powers of the republic » (Horne, 290). His historical stature was enhanced for the colonizers because he had kept the French Empire together during the war, and for the colonized he was remembered for his 1944 Brazzaville declaration in which he referred to self-administration and self-governance for the colonies.

De Gaulle set a high price for his return, nothing less than the elimination of the Fourth Republic and the formulation of the Fifth Republic under a new constitution and government. Meanwhile, General Salan, commander-in- chief in Algeria, was making plans for paratroopers from Algeria to drop on Paris and to create a coup d’état in favor of de Gaulle. The regime could not resist the pressure for some resolution of the crisis in Algeria and the threats of an invasion by its own army. President René Coty invited Charles de Gaulle to form a government. On June 1, 1958, the National Assembly accepted him. De Gaulle’s takeover put him in the position of the man of destiny who would again shoulder the nation’s burden in its hour of need. He was 67 years of age.

De Gaulle made his first speech in Algeria on June 4, 1958. His ambiguous first sentence to the crowd of pieds noirs and Muslims was,  » Je vous ai compris. » He kept his cards close to his chest, but while he would have liked to retain Algeria for France in some kind of federated relationship, war-weariness, world opinion, De Gaulle’s own lack of sympathy for the colonizers of Algeria, an unsuccessful putsch organized by dissident army generals and bombings in Algeria and France by the OAS (the right-wing Organisation de l’armée secrète headed by general Salan), led to the beginning of the end. De Gaulle held a referendum in July, 1962, in which Algerians could vote for a more free and enlightened relationship with France or complete independence. Algerians voted massively and overwhelmingly for independence. After seven and a half years of war the French government and the F.L.N. signed the Evian accords in March 1962, agreeing to a cease-fire and to Algeria’s self-determination.

 

The Aussaresses Outcome

 

In 2001,General Aussaresses and his publishers were indicted in France over the publication of his book, Services spéciaux. The charge was an unusual one, « complicity in apologetics for war crimes. » Because of several amnesties granted in the decade after the war, Aussaresses and others could not be charged with war crimes directly. The defense presented the old general as a World War II resistance hero who was involved in Algeria in a terrible war against an enemy who used terrorism to attack not only French soldiers but also civilians on both sides. For the civil litigants the conduct of the Algerian war was on trial. What outraged many was not Aussaresses’ wanting to speak about torture, but his legitimizing of it. Lawyers pointed out that this legitimization was manifested in the detached tone of the book. The defense disparagingly countered that it would be necessary to put handcuffs on the tone. The prosecutor asked for a fine of 100,000 francs against the publishers of the book for having exploited the cold-blooded recounting of torture in the interest of their sales receipts.

The trial ended on November 28, 2001. Paul Aussaresses was found guilty of complicity in defending war crimes. He was fined 7,500 euros, taken off the general’s list and suspended from the Legion of Honor. He was spared the maximum penalty of five years in prison and a fine of 45,000 euros. The court was more interested in the clinical, factual presentation of what Aussaresses did than in his absence of regret. The judges condemned presenting acts of torture as inevitable and legitimate because the net effect is to remove the inherent moral reprobation of these acts in the eyes of the reader. His editors were fined 15,000 euros because the court found that the publishers had sought out the retired general to encourage him to publish, not so much for history’s sake, as their lawyers maintained, but for the sake of publicity and sales. The publishers immediately stated that they would appeal on the grounds that armchair spectators cannot make themselves retroactive field commanders in a war that they did not live through (Libération, January 26, 2002: 14).

Source: Michael Kline

 

 

20.40 Arte – 04/11/2004

Schlacht um Algier

Dokudrama über Algeriens Kampf um Unabhängigkeit von Frankreich

La battaglia di Algieri (1965) (Gillo Pontecorvo)

 

1966 in Venedig mit dem Goldenen Löwen prämiert und in Hollywood für einen Oscar nominiert, blieb das brisante Werk in Paris bis 1971 verboten.

 

La pacification en Algérie – Le sale boulot, ARTE 10/08/05 (1), 17/08/05 (2)

 

Documentaire d’André Gazut (France 2002) sur l’attitude des jeunes soldats français et leur soumission absolue aux ordres donnés.

 

(1) /Guerre d’Algérie ou la honte d’être français/

1) 2.000.000 de déportés derrière des barbelés : « un camp de concentration de populations civiles » selon un témoin.

Le photographe attitré affirme que ses supérieurs hiérarchiques considéraient les Algériens prisonniers comme des bêtes.

 

2) Témoignages de viols

3) Quand le soldat Yonnick Leclercq voulut témoigner sur les tortures, son père reçut des menacés de mort de la part de responsables français.

 

4) Philippe de Broca, réalisateur de films de propagande à l’époque, ne présente aucun regret et se considère même en riant comme le Goebbels de l’époque…

 

En 1957, le ministre-président Lacoste autorise la torture en Algérie.

 

Le général de Bollardière affirma que les méthodes françaises étaient semblables à celles des nazies.

 

 http://www.marxists.org/history/algeria/

History of Algerian Independence

 

French Colonization: For over 300 years Algeria was an autonomous province of the Ottoman Empire — after the empire helped overthrow Spanish captivity of Algeria in 1518. The autonomous Algeria was very powerful, with a fleet that ruled all the Mediterranean while European nations payed taxes to cross it — those who refused to recognize Algeria’s claim to the sea would have their ships captured and ransomed off. As capitalism advanced throughout Europe, international trade began to slowly develop in earnest, and property claims over water was a fundamental enemy. In 1815, the United States sent a fleet across the Atlantic to battle Algeria, with mixed results. The following year the English and Dutch sent a second, combined fleet to crush Algerian might — but were unable to beat Algerian tactical supremacy. In 1830, the French invaded and successfully suppressed Algeria, capturing the capital port city of Algiers and by 1834, Algeria was annexed as a colony of France.

Under french domination, Algerians could not hold public meetings nor even leave their homes without permission. French state racism kept Algerians at the bottom of society, working as servants, unskilled labourers and peasants, while only French citizens or other whites were allowed skilled jobs and positions in the social institutions (from the police to the government).

After the Russian Revolution, the Algerian Communist Ahmed Messali Hadj began underground struggles to build a revolutionary movement to overthrow French Colonialism. By the second world war, Ferhat Abbas, once a well-known Algerian social-democratic reformist, became a Communist and joined with Hadj to build a militant workers party — Friends of the Manifesto and Liberty. In 1947, in the wake of the second world war and fearful of nationalistic uprisings, the government established a parliamentary assembly in Algeria, made up of half European and Algerian delegates, with the purpose of upholding French colonial rule. It did not last.

In March of 1954, Ahmed Ben Bella, an ex-sergeant in the French army who was deported to Egypt for his leftist political beliefs, joined eight other Algerian exiles to form what would become the National Liberation Front (FLN). On November 1, 1954, just a few months after it’s creation, the FLN heroically began coordinated attacks on government buildings, military and police posts, and communications installations. The FLN was waging a guerrilla war, much like their ancestor and hero, Abd al-Qadir, who led a guerilla struggle for 13 years at the outset of French rule in 1834. By 1957, the guerrilla’s made such progress that the French desperately called in 400,000 soldiers to bolster their occupation of the rising nation. Atrocities were committed on both sides: the genocidal French slaughtered entire villages of Algerians, while certain groups within the FLN used terrorism against the white civilian population.

The French erected electrified fences along the Tunisian and Moroccan borders to restrict the free movement of the FLN; while they began rounding up all Algerians in concentration camps. Outraged by the lack of even more thorough repression in May, 1958, French settlers overthrew their own government, and installed General Charles de Gaulle as the ruler of Algerian France. In less than a year however, de Gaulle openly announced his association with the French government, and explained that the only way out was a tactical retreat — giving in to demands for free elections. French settlers unsuccessfully tried again to overthrow the General de Gaulle while their genocidal war against the FLN and Algerians continued. In March of 1962, a cease-fire was established: by July a nation-wide referendum was held with the Algerian people voting overwhelmingly for independence, with presidential elections scheduled for September.

 

Independence: (1962 – 1991) The eight-year war of independence extracted a heavy, one-sided toll. One hundred thousand French settlers and soldiers had died, while over one million Algerian civilians and guerrillas were executed and killed.

Ahmed Ben Bella, with the support of Colonel Houari Boumedienne, the National Liberation Army chief of staff, was elected the first president of Algeria in 1962. Algeria was declared an Arab-Islamic socialist state with a single party political system: the FLN. Economic centralized planning began, private industry was nationalized and land reform began. The liberation of women from their former constraints began in earnest, while Islam and Arabic were recognized as the « essential spiritual force » of the revolution (only Muslims were allowed to serve as president of the Republic), while freedom of religion was allowed to all. A tremendous amount of power was vested in the single person of the president however, and grass roots democratic organisations essentially did not exist. A constitution was passed by popular referendum in 1963 to this effect.

>> 1963: Constitution of Algeria

 

In 1965, Defence Minister Houari Boumedienne broke the electoral process and staged a bloodless coup which imprisoned Ben Bella, and installed himself in power until 1978. He formed a 26-member Council of the Revolution — staffed by officials of the military — a council that became the country’s highest government body. Boumedienne began to develop the country’s oil resources and industry, while he held onto some tenants of social development, and thus mass education and literacy became a primary focus while agricultural land reform continued.

In 1978, Colonel Chadli Benjedid became the second elected president of Algeria, and began to relax the government’s authoritarian practices, pardoning for example Ahmed Ben Bella in 1980, though he continued to follow Boumedienne’s practice of putting the military into the political arena. Benjedid was re-elected to the presidency in 1984, this time because he ran unopposed. Soon however, world oil prices fell and the economy began to weaken — causing widespread rioting in 1985, when some began calling for an Islamic government. Benjedid responded by initiating a programme of reforms, including removing some of the military dominance in government, and introduced small-scale privatization and decentralization. Regardless, in October 1988, Algeria exploded into riots again.

The government responded by creating a new constitution in February 1989, reducing the role of the FLN, allowing political opposition, restricting the role of the army to defence matters, and giving public sector employees the right to strike. As a result of these allowances, the Islamic Salvation Front (FIS), who had initially been united with the socialist FLN under Ahmed Ben Bella (who was himself a Muslim), won an overwhelming victory over the FLN in municipal and provincial elections in 1990, and in the December 1991 general elections, the FIS swept the FLN in the first round of elections.

 

Civil War: (1991 – present) The military then brutally crushed Algeria’s re-emerginig democracy — forcing the FLN’s Benjedid to resign immediately, and thereafter calling a complete halt to the electoral process and suspending the parliament. A High Committee was established with Mohammed Boudiaff appointed as president. Both the FLN and FIS strongly suspected Western assistance to the military in order to smash the FIS and FLN, in the year that governments around the world fell.

The FIS responded to the military oppression with a campaign of terrorism, both against the military and against foreigners who the FIS was certain were involved in this injustice. The FIS assassinated Boudiaff in June 1992; the military easily replaced him with Ali Kafi, who in turn was quickly replaced by a 5-member presidential High Council. In 1994, the Council named Algeria’s defence minister Liamine Zeroual as interim president of Algeria for a 3-year term, allowing him to « negotiate » with the FIS, FLN, and 3 other groups to give up their fight and negotiate terms of surrender. These negotiations led to elections in 1995, controlled and supervised by the military who claimed they were open and multi candidate — but were boycotted by the FIS. President Liamine Zeroual won the election, while the FIS continued it’s terrorism. On 7th December 1996, President Liamine Zeroual then signed new constitutional reforms which banned political parties that are formed on the basis of religion or language. These reforms led to an escalation of violence, with wide spread massacres and atrocities being committed by both sides.

On 15th April 1999, Algeria held elections which were won by Abdelaziz Bouteflika, a former foreign minister who has the support of the army. The elections were held amid allegations of fraud — six candidates with drew from the elections in protest. Though « ammnesty » was granted to the FIS in 2000, the civil war continues to this day, while the ethnic minority Berbers are just beginning their struggle for emancipation, and mainstream unions are joining them with frequent general strikes.

 

http://annissa.edaama.org/infos/infos-algerie.htm

 

Le tabou du viol des femmes pendant la guerre d’Algérie commence à être levé

Les anciens appelés interrogés par « Le Monde » témoignent du caractère massif de l’humiliation des femmes entre 1954 et 1962. Selon l’un d’eux, les détenues subissaient ce sort « en moyenne neuf fois sur dix ». Un homme né en 1960 du viol d’une Algérienne par des soldats français demande aujourd’hui réparation.

 

De toutes les exactions commises par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, le viol est la plus cachée, la plus obstinément tue depuis quarante ans, par les auteurs autant que par les victimes. Certains commencent pourtant à lever ce tabou, confirmant peu à peu ce que l’écrivain Mouloud Feraoun dénonçait autrefois dans son journal comme étant une pratique courante, du moins en Kabylie. Il apparaît que, loin d’avoir constitué de simples « dépassements », les viols sur les femmes ont eu un caractère massif en Algérie entre 1954 et 1962, dans les villes mais surtout dans les campagnes, et plus encore vers la fin de la guerre, en particulier au cours de « l’opération Challe », menée en 1959 et 1960 sur le territoire algérien pour venir à bout de l’Armée de libération nationale (ALN). L’ouverture de la totalité des archives et la lecture de tous les « journaux de marche » des soldats ne donneraient sans doute qu’une très petite idée de l’ampleur du phénomène, parce qu’il n’y eut jamais d’ordres explicites de viol, et encore moins d’ordres écrits. En outre, rares sont les hommes qui se seront vantés, dans leurs carnets personnels, de tels comportements.

Tous les appelés interrogés le disent : « Tout dépendait du chef. » Si l’officier, ou le sous-officier, affichait des positions morales sans équivoque, il n’y avait ni viol ni torture, quel que soit le sexe des détenus, et quand une « bavure » se produisait la sanction était exemplaire. D’une compagnie à l’autre, on passait donc du « tout au rien ». « Donner l’ordre, comme cela a été fait, de toucher le sexe des femmes pour vérifier leur identité, c’était déjà ouvrir la porte au viol », souligne l’historienne Claire Mauss-Copeaux, pour qui deux facteurs au moins expliquent que ce phénomène ait pris de l’ampleur. D’une part, l’ambiance d’extrême racisme à l’encontre de la population musulmane. D’autre part, le type de guerre que menait l’armée française, confrontée à une guérilla qui l’obligeait à se disperser et à laisser une grande marge de manœuvre aux « petits chefs », lesquels, isolés sur le terrain, pouvaient s’attribuer droit de vie et de mort sur la population.

« PIRE QUE DES CHIENS »

« Dans mon commando, les viols étaient tout à fait courants. Avant les descentes dans les mechtas (maisons en torchis), l’officier nous disait : “Violez, mais faites cela discrètement” », raconte Benoît Rey, appelé comme infirmier dans le Nord constantinois à partir de septembre1959, et qui a relaté son expérience dans un livre, Les Egorgeurs. « Cela faisait partie de nos “avantages” et était considéré en quelque sorte comme un dû. On ne se posait aucune question morale sur ce sujet. La mentalité qui régnait, c’est que, d’abord, il s’agissait de femmes et, ensuite, de femmes arabes, alors vous imaginez… » Sur la centaine d’hommes de son commando, « parmi lesquels des harkis redoutables », précise-t-il, une vingtaine profitait régulièrement des occasions offertes par les opérations de contrôle ou de ratissage. A l’exception de deux ou trois, les autres se taisaient, même si ces violences les mettaient mal à l’aise. La peur d’être accusé de soutenir le Front de libération nationale (FLN) en s’opposant à ces pratiques était si vive que le mutisme était la règle.

« Les prisonniers qu’on torturait dans ma compagnie, c’étaient presque toujours des femmes, raconte de son côté l’ancien sergent Jean Vuillez, appelé en octobre 1960 dans le secteur de Constantine. Les hommes, eux, étaient partis au maquis, ou bien avaient été envoyés dans un camp de regroupement entouré de barbelés électrifiés à El Milia. Vous n’imaginez pas les traitements qui étaient réservés aux femmes. Trois adjudants les “ interrogeaient” régulièrement dans leurs chambres. En mars 1961, j’en ai vu quatre agoniser dans une cave pendant huit jours, torturées quotidiennement à l’eau salée et à coups de pioche dans les seins. Les cadavres nus de trois d’entre elles ont ensuite été balancés sur un talus, au bord de la route de Collo. »

Affecté comme appelé en 1961 à la villa Sesini (nommée aussi par erreur Susini), Henri Pouillot révèle avoir assisté à une centaine de viols en l’espace de dix mois, dans ce qui était le plus célèbre des centres d’interrogatoire et de torture de l’armée française à Alger. De ses souvenirs, il vient de faire un livre douloureux mais au ton juste, La Villa Susini (Ed. Tirésias). « Les femmes étaient violées en moyenne neuf fois sur dix, en fonction de leur âge et de leur physique, raconte-t-il. On s’arrangeait, lors des rafles dans Alger, pour en capturer une ou deux uniquement pour les besoins de la troupe. Elles pouvaient rester un, deux, ou trois jours, parfois plus. » Pour Henri Pouillot, il y avait deux catégories de viols : « Ceux qui étaient destinés à faire parler, et les viols “de confort”, de défoulement, les plus nombreux, qui avaient lieu en général dans les chambrées, pour des raisons de commodité. » Il se souvient que la quinzaine d’hommes affectés à la villa Sesini avait « une liberté totale » dans ce domaine. « Il n’y avait aucun interdit. Les viols étaient une torture comme une autre, c’était juste un complément qu’offraient les femmes, à la différence des hommes. »

« UN ANÉANTISSEMENT »

 

Mesuraient-ils alors la gravité de leurs actes ? La plupart n’ont pas de réponse très tranchée. « On savait que ce que nous faisions n’était pas bien, mais nous n’avions pas conscience que nous détruisions psychologiquement ces femmes pour la vie, résume l’un d’eux. Il faut bien vous remettre dans le contexte de l’époque : nous avions dans les vingt ans. Les Algériens étaient considérés comme des sous-hommes, et les femmes tombaient dans la catégorie encore en dessous, pire que des chiens… Outre le racisme ambiant, il y avait l’isolement, l’ennui à devenir fou, les beuveries et l’effet de groupe. » Certains ne se sont jamais remis d’avoir commis ou laissé faire ce qu’ils qualifient avec le recul de « summum de l’horreur ». La psychologue Marie-Odile Godard en a écouté quatorze pour faire une thèse de doctorat sur les traumatismes psychiques de guerre. « Ils m’ont parlé des viols comme quelque chose de systématique dans les mechtas, et c’est souvent à l’occasion de telles scènes d’extrême violence que leur équilibre psychique a basculé », raconte-t-elle.
L’avocate Gisèle Halimi, l’une des premières à avoir dénoncé, pendant la guerre d’Algérie, les multiples viols en cours – en particulier dans un livre écrit avec Simone de Beauvoir, Djamila Boupacha –, estime elle aussi que neuf femmes sur dix étaient violées quand elles étaient interrogées par l’armée française. Dans les campagnes, dit-elle, les viols avaient pour objectif principal « le défoulement de la soldatesque ». Mais, lors des interrogatoires au siège des compagnies, c’est surtout l’anéantissement de la personne qui était visé. L’avocate rejoint ainsi l’idée exprimée par l’historienne Raphaëlle Branche, dans son livre La Torture et l’armée (Gallimard), à savoir que la torture avait moins pour objet de faire parler que de faire entendre qui avait le pouvoir. « Ça commençait par des insultes et des obscénités : “Salope, putain, ça te fait jouir d’aller dans le maquis avec tes moudjahidins ?”, rapporte-t-elle. Et puis ça continuait par la gégène, et la baignoire, et là, quand la femme était ruisselante, hagarde, anéantie, on la violait avec un objet, une bouteille par exemple, tandis que se poursuivait le torrent d’injures. Après ce premier stade d’excitation et de défoulement, les tortionnaires passaient au second : le viol partouze, chacun son tour. »

Contrairement à l’idée répandue, les viols ne se sont presque jamais limités aux objets, ce qui achève de détruire l’argument selon lequel les sévices sexuels visaient à faire parler les suspectes. Gisèle Halimi révèle aujourd’hui que, neuf fois sur dix, les femmes qu’elle a interrogées avaient subi successivement tous les types de viols, jusqu’aux plus « classiques », mais que leur honte était telle qu’elles l’avaient suppliée de cacher la vérité : « Avouer une pénétration avec une bouteille, c’était déjà pour elles un anéantissement, mais reconnaître qu’il y avait eu ensuite un ou plusieurs hommes, cela revenait à dire qu’elles étaient bonnes pour la poubelle. »

Saura-t-on un jour combien de viols ont eu lieu ? Combien de suicides ces drames ont provoqués ? Combien d’autres victimes, souvent encore des enfants, ont subi des agressions sexuelles (fellations, masturbations, etc.) devant leurs proches pour augmenter encore le traumatisme des uns et des autres ? Il faudra aussi se pencher sur la question des « Français par le crime », comme se définit Mohamed Garne, né d’un viol collectif de sa mère, Khéira, par des soldats français, alors qu’elle était âgée de quinze ans. Il reste de nombreuses pistes à explorer, et tout d’abord à écouter la parole qui se libère d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée. « Il faudrait aussi travailler sur l’imaginaire des anciens d’Algérie, souffle l’historien Benjamin Stora. Ils ont écrit plus de trois cents romans, où presque tous “se lâchent” et relatent des scènes de viols terrifiantes. C’est alors qu’on prend la mesure de ce qu’a dû être l’horreur. »

Florence Beaugé – Le Monde du 11.10.01

 

http://www.lcr-rouge.org/debat/debat246.html

Torture en Algérie
Vérité-Liberté*

Les enquêtes du « Monde » et de « l’Humanité », ainsi que l' »Appel à la condamnation de la torture durant la guerre en Algérie », ont relancé une controverse sur cette sombre période et ses possibles suites judiciaires. Retour en arrière.

 

En 1965, Mitterrand et de Gaulle, deux supporters de la torture, s’affrontent à l’élection présidentielle. Entre la « gégène » et le supplice de l’eau, qui choisir? Ni l’un ni l’autre, diront des étudiants de l’UEC. Exclus, ils fonderont la Jeunesse communiste révolutionnaire.

C’est la publication de « la Question » (1) en 1958 qui va faire éclater au grand jour la vérité. Dans ce court récit, Henri Alleg raconte les tortures qu’il a subies. Les tenants de l’ordre colonial se déchaînent alors contre ceux, peu nombreux, qui affirment que la torture est systématiquement employée en Algérie. Ils nient en bloc cette barbarie et hurlent à « l’anti-France » complice des terroristes du FLN.

De la conquête à la guerre

Le 31 octobre 2000, « l’Humanité » publie un « Appel à la condamnation de la torture durant la guerre en Algérie », cosigné par douze grands témoins de cette époque, qui demandent à Chirac et Jospin de condamner la torture par une déclaration publique. Ils ne demandent pas de repentance.
De la conquête de l’Algérie à la guerre de libération, la torture a été couramment pratiquée par les gendarmes. Torture et maintien de l’analphabétisme – 90% des Algériens ne savaient pas lire – étaient les deux mamelles de la civilisation coloniale. Pour les colonialistes racistes, les autochtones seront toujours considérés comme des êtres inférieurs. Aujourd’hui ils se vengent de l’Algérie, colonie perdue, contre les « beurs »: les commissariats de banlieue sont des espaces de non-droit, comme l’Algérie à l’époque.
En juillet 1955, Bourgès-Maunoury, ministre de l’Intérieur, répondra à la députée communiste d’Oran Alice Sportisse: « Je ne connais aucun fait de torture tel que ceux qui ont été énoncés. » Le ton et la ligne étaient donnés, ni la gauche ni la droite ne changeront de version. D’autres, comme le socialiste Robert Lacoste, infâme gouverneur de l’Algérie, mentionneront son existence, comme « un détail ». Au cinéaste André Gazut, il déclare: « Ce n’est pas parce qu’on a tiré les couilles à quelques ratons qu’il faut en faire une histoire. »
A partir de la bataille d’Alger, déclenchée le 20 juin 1956 par le FLN en riposte à la première exécution de combattants musulmans, la torture va prendre dans cette ville une dimension industrielle. Mitterrand, alors ministre de la Justice, déclare: « La seule négociation, c’est la guerre. » D’autres responsables politiques ajouteront que tous les moyens sont permis.
Pierre Vidal-Naquet explique: « Les pouvoirs spéciaux, les lois d’exception n’ont pas inventé la torture, mais ils ont été créés autant pour donner satisfaction aux tortionnaires que par le souci de lutter contre le terrorisme. Lorsqu’éclata la guerre d’Algérie, les autorités françaises avaient le choix entre deux politiques: admettre que le problème algérien relevait d’une politique d’ensemble, ou le résoudre par la répression militaire et policière. L’adoption d’une législation d’exception signifiait que le gouvernement – et l’Assemblée nationale – avait choisi la seconde solution, et capitulait en fait devant les tortionnaires. »

« Pouvoirs spéciaux »

La loi du 3 avril 1955 a instauré l’état d’urgence en Algérie; à partir de là, des pratiques que la loi interdisait jusque là devenaient possibles. Les « pouvoirs spéciaux » votés en mars 1956 continuent et amplifient ses effets. Désormais tout délit échappe à la compétence des tribunaux civils – très peu impartiaux par ailleurs. Dans cette logique, les pouvoirs de police sont délégués à l’armée qui crée des camps et des zones interdites. Le PCF, cherchant à nouer une nouvelle alliance avec le PS, avait honteusement voté les pouvoirs spéciaux, et en connaissait fort bien les conséquences. Pour se dédouaner, il prétendit que cela faciliterait la conclusion de la paix en Algérie. En aucun cas, il ne s’agissait de l’indépendance de ce peuple. Depuis la guerre froide, défense de Moscou oblige, les cadres du Parti étaient formés à l’idée qu’une Algérie indépendante tomberait sous la coupe de l’impérialisme américain, ce qui renforcerait le camp antisoviétique et était donc inacceptable.
La torture est un crime d’état consubstantiel au colonialisme. Elle est devenue une institution, à la dimension proprement politique. Henri Alleg dit, à juste titre: « Il est nécessaire que les gouvernements prennent des mesures concrètes pour que la guerre et la colonisation soient condamnées. Il faut dire clairement quels ont été les responsables qui ont couvert et encouragé la torture. » En avril 1958, une adresse solennelle au président de la République se terminait par cette phrase: « …somment les pouvoirs publics, au nom de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de condamner sans équivoque l’usage de la torture, qui déshonore la cause qu’il prétend servir ». Elle était signée par Malraux, Martin du Gard, Mauriac et Sartre.
Au fil d’un discours, elle vient d’être condamnée par Jospin, qui a immédiatement refusé la création d’une commission parlementaire d’enquête sur le sujet, proposée par les députés communistes, ainsi que la création d’une commission d’historiens. Sa seule promesse, c’est l’ouverture, enfin, des archives. Des historiens, certains depuis 1955, ont prouvé que la torture, dont le viol, étaient pratiqués dans toute l’Algérie, y compris par les soldats du contingent, sur ordre des ministres socialistes entre autres. Des généraux, criminels de guerre, l’avouent eux-mêmes. En 1959, des Algériens dénoncèrent, dans « la Gangrène », livre comme bien d’autres immédiatement saisi, les tortures dont ils furent victimes à Paris. A la lumière de ces témoignages, il est impossible de faire croire que, dans leur cas, en torturant un « terroriste » on pouvait sauver la vie de cent innocents.

Exiger justice

Amnesty International demande que les tortionnaires soient traduits en justice. Ils se sont livrés à des actes qualifiables de crimes contre l’humanité, qui sont imprescriptibles selon le droit international. La France a décidé très vite une amnistie, puis un non-lieu définitif pour les crimes commis lors de ses guerres coloniales. Nos Pinochet sont pour l’instant couverts, il faudra une longue lutte pour imposer à nos gouvernants un changement de politique. C’est possible, Papon est bien passé en jugement.
Il ne s’agit pas là de vengeance, ni seulement de lutter pour l’indispensable devoir de mémoire. Il s’agit de notre part de travail dans une lutte toujours d’actualité à l’échelle mondiale: la lutte contre la torture, et le soutien aux historiens qui révisent l’histoire officielle fallacieuse en faisant éclater, là et ailleurs, la vérité face à tous les négationnistes. n

Alexis Violet

 

* Hommage à P. Vidal-Naquet, auteur de « la Torture dans la République » (Ed. de Minuit) et à tous ceux qui collaborèrent durant la guerre en Algérie à « Vérité-Liberté », publication clandestine qui dénonçait et condamnait la torture.
1. Editions de Minuit.

 

http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article.php3?id_article=49

JUIN 2003 – PAU

jeudi 10 juillet 2003

Vendredi 5 juillet à 19 heures à l’ENTROPIE rue Bernadotte :

discussion autour de l’article du Diplo de JUIN

« Un crime parfait« , éditorial de I. RAMONET

 

Des copies de l’article sont disponibles à l’Entropie dès le mardi

Contact : Pierre Arrabie-Aubiès – Tél. : 05.59.04.22.61

ou Le Kiosque, 15, rue de la République 64000 Pau – Tél. : 05.59.82.98.38

La question

 

Tourné en 1977, le film de Laurent Heynemann, La Question, est projeté pour la première fois à Pau, au Mélies, vingt cinq ans plus tard dans le cadre du Joli mois de mai. Le débat avec le réalisateur qui a suivi la projection du 13 mai nous a permis de mesurer à quel point la guerre d’Algérie et les tortures pratiquées par les militaires ont été et restent encore un sujet tabou, un non-dit de l’histoire contemporaine française.

Adapté du livre d’Henri Alleg, le film retrace le parcours de ce journaliste qui, pour avoir pris parti contre le colonialisme français et ses méthodes en Algérie, a été arrêté en 1957 et soumis à la torture. Directeur du journal Alger Républicain, seul journal à ouvrir ses colonnes aux préoccupations des Algériens, il passe en 1956 à la clandestinité pour échapper à son interpellation. Un an plus tard, il est arrêté avec son ami Maurice Audin, professeur de mathématiques, par les parachutistes français. Détenus arbitrairement et clandestinement au centre El-biar, casernement de ces militaires, ils sont interrogés et torturés pendant un mois dans le but de leur faire avouer les noms et adresses de leurs camarades. Ils ne parleront jamais. Gégène, coups, pendaison par les pieds, privation d’eau et de nourriture leur sont infligés régulièrement mais de façon plus « précautionneuse » qu’à des dizaines d’Algériens, un mort français est à éviter !

Cependant lors d’un de ces interrogatoires, M. Audin décède et sa mort est maquillée en un simulacre d’évasion. Le cynisme avec lequel les parachutistes transmettent la nouvelle à sa femme donne la mesure du sentiment d’impunité et du devoir accompli qui les anime. Plusieurs scènes du film montrent effectivement gradés et officiels français soit complices soit complètement impuissants. L’idée que la torture est une nécessité politique est très présente dans le clan colonialiste au pouvoir afin, d’une part, d’obtenir des renseignements, d’autre part, de terroriser la population.

Henri Alleg est alors transféré dans une prison et officiellement accusé d’atteinte à la sûreté de l’état, ce qui lui vaudra une condamnation à dix ans d’emprisonnement lors de son procès. Après trois refoulements à Orly, son avocat peut enfin le rejoindre à Alger et dépose une plainte pour tortures. Diligentée par les services de l’armée, elle n’aboutira pas. L’avocat et son client décident alors de faire connaître les illégalités perpétrées par les militaires français par la publication du témoignage de ce dernier. Le livre, intitulé La Question, du nom de la torture légale abolie à la veille de la Révolution française, sort aux Editions de Minuit en février 1958, deux mois après la soutenance de la thèse de mathématiques in absentia de M. Audin à la Sorbonne, en présence d’un grand nombre d’intellectuels de l’époque. Bien que saisi un mois plus tard, le livre est lu par 200 000 personnes. Le scandale éclate.

Transféré en France en 1961 comme témoin dans un procès, Henri Alleg s’évade avec la complicité de ses amis. En 1962, l’amnistie prononcée simultanément au cessez-le-feu en Algérie mettra fin à sa cavale et à sa condamnation mais aussi à toute possibilité de faire la lumière sur la torture pratiquée par les militaires français, sur les exécutions sommaires et la disparition de dizaines de civils algériens, sur la responsabilité du gouvernement français dans les « évènements » d’Algérie, à la possibilité pour Madame Audin de faire éclater la vérité sur la mort de son mari.

Si le livre de H. Alleg retrace le mois passé dans les mains de l’armée française, Laurent Heynemann, dans son film, relate aussi les évènements précédant l’arrestation et ceux qui ont suivi la mort de Maurice Audin. Lors du débat, le réalisateur nous a raconté la genèse de son film et les difficultés qu’il a rencontrées dans sa diffusion, nous faisant comprendre un peu mieux le silence qui existe autour des évènements de la guerre d’Algérie.

C’est pendant ses études de philosophie qu’il a découvert le livre La Question, dans le cadre d’une réflexion sur la dialectique du maître et de l’esclave. Dans celle-ci celui qui gagne est celui qui se tait. Lorsque, quelques années plus tard, il devient réalisateur, il veut faire de ce livre, qui a changé sa vie dit-il, le sujet de son premier film. Son propos est de dénoncer ce qui s’est réellement passé en Algérie et de dire que, lui, en tant que français, il n’accepte pas que son pays ait fait cela, qu’il vit mal le fait que l’on n’en parle pas, que l’on n’assume pas ces faits. Cependant ce n’est pas un film sur la torture qu’il souhaite faire, c’est le colonialisme et l’idéologie de la domination qu’il véhicule qui se trouve au centre de son projet.

Dans un premier temps, Henri Alleg, devenu secrétaire général de L’Humanité, refuse. Puis il accepte mais à deux conditions : les Algériens doivent être partie prenante du projet, il doit y être clairement exprimé que le livre avait pour objectif de dénoncer la pratique de la torture à grande échelle, comme système de maintien de l’ordre, que sa notoriété, ses relations, sa position de journaliste français lui avait certes permis de s’en sortir mais aussi d’être entendu.

A sa sortie, le film a été interdit au moins de 18 ans et le réalisateur, à sa demande d’explications, s’est entendu répondre que si le film avait dénoncé les actes commis par le F.L.N. il n’aurait pas subi cette censure. Des bombes sont déposées dans des salles qui diffusent le film, d’autres reçoivent des menaces d’attentats. Les enfants du directeur de la salle de Montpellier sont menacés de mort. A Pau, la présence d’une caserne de parachutistes commandé par un général tortionnaire en a empêché la diffusion à sa sortie.

La parution du livre d’Aussaresses en 2001, dans lequel il déclare avoir lui-même torturé et en être fier, relance la polémique sur l’emploi de la torture en Algérie. Ce livre et les déclarations de Massu qui suivent le lendemain visent à faire passer la torture pour de banals faits de guerre, pour une nécessité politique, et à déculpabiliser l’armée française. Pour répondre et condamner à nouveau ces exactions, une nouvelle campagne de diffusion du film est demandée, ce qui nous offre enfin la possibilité de le voir en salle à Pau et de recevoir son réalisateur.

Laurent Heynemann émet enfin le regret de n’avoir pas assez montrer les idéaux qui animaient ces personnes qui militaient autour d’Henri Alleg, Maurice Audin ou Alger républicain auprès des algériens. Européens d’origine diverse, Alleg est d’origine judéo-polonaise, ils se sentaient, se disaient algériens et se retrouvaient sur des idéaux politiques. Entre les indépendantistes du F.L.N. et les extrémistes de l’O.A.S., ils voulaient croire à une autre solution où français d’Algérie et algériens œuvreraient à égalité à « la construction d’une nouvelle Algérie » selon les termes de Camus et à remplacer le colonialisme par le socialisme.

Une visite d’Henri Alleg à Pau est prévue pour la rentrée. Il aura, c’est certain, encore beaucoup de choses à nous apprendre.

Pour les AMD de Pau, Elisabeth Guillot.

 

http://www.algerie-francaise.org/tortures/doc2.shtml

Guerre d´Algérie : une thèse souligne la généralisation de la torture

Le travail d´une jeune historienne, fondé notamment sur le décryptage des journaux de marche des régiments français durant le conflit algérien, confirme que la torture n´a pas été seulement le fait de quelques militaires sadiques et isolés
Une jeune normalienne, Raphaëlle Branche, a soutenu, mardi 5 décembre, sa thèse de doctorat d´histoire intitulée « L´armée et la torture pendant la guerre d´Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales » devant un parterre d´universitaires et de journalistes. Ce travail vient éclairer le débat actuel sur la torture durant la guerre d´Algérie en présentant notamment un décryptage inédit des « journaux de marche des opérations » tenus par chaque régiment, du dépouillement de nombreuses archives civiles et militaires et de longs entretiens avec des militaires. La thèse confirme que la torture n´a pas été une création ex nihilo de la guerre d´Algérie et qu´elle n´a pas seulement été le fait de quelques militaires sadiques et isolés. Les signataires de l´« appel des douze » en faveur d´une condamnation publique de la torture en Algérie devaient réitérer leur demande, mercredi 6 décembre.
Mis à jour le mercredi 6 décembre 2000

Guerre d´Algérie : une thèse souligne la généralisation de la torture

L´HISTOIRE a percuté l´actualité, mardi 5 décembre, dans la salle de l´Institut d´études politiques (IEP) de Paris où Raphaëlle Branche, une jeune normalienne, soutenait une thèse de doctorat d´histoire sur la torture pendant la guerre d´Algérie, dirigée par Jean-François Sirinelli. Un travail de quatre ans et de 1 211 pages, entrepris dans un climat d´indifférence générale et achevé au moment même où la France vit en pleine « catharsis », selon le mot de l´historien Pierre Vidal-Naquet, membre du jury. Mais le tumulte du grand retour de la mémoire qui se poursuit dans les médias depuis six mois n´a pas pénétré cette enceinte universitaire pleine à craquer. A aucun moment d´une séance de quatre heures, présidée par Jean-Pierre Rioux, les règles de la stricte discussion historique n´ont été transgressées.

Non, la torture n´est pas une création ex nihilo de la guerre d´Algérie ; non elle n´a pas été seulement le fait de quelques militaires sadiques et isolés, expose, en substance, le travail de Mme Branche. La torture, au contraire, s´inscrit dans une histoire, celle de la colonisation et de sa remise en cause radicale entre 1954 et 1962. Son ampleur ne s´explique que par la dimension totale de l´affrontement : l´ennemi était alors constitué non pas seulement par une armée mais, progressivement, par tout un peuple rebelle à l´ordre colonial que la France avait décidé de maintenir, par un mélange de méthode forte et, tardivement, de tentatives de réformes politiques et sociales.

Cette thèse est issue du décryptage inédit des « journaux de marche des opérations » tenus par chaque régiment, du dépouillement de nombreuses archives civiles et militaires et de longs entretiens avec des militaires.

L´originalité de ce travail réside d´abord dans l´analyse des origines de la torture, de ses différentes formes et de son ampleur. Ainsi, selon Raphaëlle Branche, un détour par la guerre d´Indochine s´avère indispensable : c´est là, dans son combat perdu contre les communistes du Vietminh, que l´armée française a puisé sa perception de la guerre révolutionnaire et des moyens de la combattre ; c´est aussi dans le désastre et l´humiliation de Dien Bien Phu qu´est née une certaine volonté de vengeance. Le discours de l´armée, dont les hauts responsables n´étaient pas nécessairement dupes, selon la thèse, consistait à assimiler le FLN à une subversion communiste et la rébellion à une guerre révolutionnaire de type indochinois. Dans cette vision, exacerbée par un profond racisme, il s´agit non seulement de lutter contre des maquisards armés mais aussi contre tous les nationalistes liés à un réseau de résistance à la colonisation française. D´où l´importance primordiale accordée au renseignement et le développement, en Algérie, de l´« action psychologique », transposition des méthodes subies par les prisonniers français aux mains du Vietminh.

Les détachements opérationnels de protection (DOP), l´un des nombreux sigles qui cachaient les structures spécialisées dans les « interrogatoires poussés », sont nés en Indochine, explique Mme Branche, où leur tâche se cantonnait à l´utilisation d´agents infiltrés chez l´ennemi. Exacerbée, la religion du « renseignement » allait faire le reste.

 

UNE « RÉALITÉ PROTÉIFORME »

 

Certes, la torture policière existait en Algérie avant l´insurrection de 1954, comme en témoigne la mise en garde immédiatement lancée, dès cette date, par François Mauriac. Certes, l´armée y a eu largement recours pendant la « bataille d´Alger », qui fut, en 1957, un « point de non-retour » à cet égard. Mais le passage à une guerre totale correspond, selon la thèse, à l´arrivée à la tête de l´état-major d´Alger du général Salan en décembre 1956. Les mises en garde contre le recours à la torture contenues dans les instructions militaires, cessent alors. Si la Ve République naissante s´efforce, en vain, de faire reculer la « gangrène », la IVe s´est illustrée par sa duplicité. Ainsi, dans les archives d´Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, Raphaëlle Branche a retrouvé la trace du « gros dossier » qu´il avait transmis en octobre 1956 à Guy Mollet, alors président du Conseil. Lourd des multiples témoignages parvenus au journal, ce document ne semble nullement avoir été utilisé par un homme qui, publiquement, assurait que les cas de torture se comptaient « sur les doigts de la main ».

« Réalité protéiforme »pratiquée sans trace écrite, la torture est implicitement justifiée par la recherche de renseignements sur des réseaux. Mais son efficacité paraît limitée à l´égard du but affiché. Les codes utilisés pour répertorier la qualité des réponses obtenues par la violence se traduisent par des « X1 » ou « X0 », c´est-à-dire « beaucoup de bruit pour rien », a remarqué Jean-Charles Jauffret, professeur d´histoire à l´IEP d´Aix-en-Provence, membre du jury. C´est que la torture, d´outil de renseignement, est devenue aussi en Algérie un instrument de terreur et d´humiliation, comme en témoignent la mise à nu systématique des victimes, le fait que ni les enfants ni les vieillards n´ont été épargnés, la fréquence des viols commis au moyen d´objets.

« La torture n´a jamais été un moyen parmi d´autres d´obtenir des renseignements, car elle détruit la dignité humaine de façon radicale, a soutenu Raphaëlle Branche. Le fait que des Algériens soient torturés était considéré comme aussi important que le fait que tous les Algériens aient peur de subir de tels traitements. » Pour l´historienne, la torture ne se réduit pas à un corps-à-corps mais s´inscrit dans un contexte plus large incluant les spectateurs présents, la collectivité des Algériens et l´Etat français. « Torturer, ce n´est pas seulement faire parler, c´est aussi faire entendre qui a le pouvoir », a-t-elle expliqué.

 

« LA FACE CACHÉE »

 

Dans ces conditions, la torture ne fait nullement figure d´exception, mais comment en mesurer l´ampleur ? Ce type de traitement n´était pas pratiqué systématiquement, répond la thèse, mais « elle faisait partie des violences qu´il était possible d´infliger et cette tolérance, voire ces encouragements ou ces recommandations des chefs, explique qu´elle ait été pratiquée sur tout le territoire algérien pendant toute la guerre et dans tout type d´unité ». La torture a-t-elle été systématique ? La réponse est négative si l´on observe qu´il n´existait pas de structure cohérente chargée de la torture, à l´exception des DOP. Mais elle devient positive, si l´on considère « le contexte incitatif produit par une certaine vision du monde, des Algériens, de la guerre », a argumenté Mme Branche.

Pour autant, son travail ne fait pas l´impasse sur la réalité des chiffres. Il estime « crédible » le nombre de 108 175 Algériens passés par la ferme Améziane, dans le Constantinois, le plus connu des centres de torture, nombre avancé en 1961 par le journal Vérité-Liberté, en précisant que des personnes ont pu y être internées à plusieurs reprises. A propos d´un témoignage sur la torture par l´électricité – la « gégène » –, la thèse va plus loin en affirmant que « des centaines de milliers d´Algériens […] ont éprouvé dans leur chair » pareille souffrance.

Avant de décerner à Raphaëlle Branche, à l´unanimité, la mention très honorable et les félicitations, les membres du jury ont multiplié les formules dithyrambiques. Ce travail qualifié de « magistral », « fera date », ont-ils pronostiqué, car il « révèle la face cachée de la République », a ajouté Pierre Vidal-Naquet. Tous historiens, ils ont admis n´être pas sortis indemnes de sa lecture.

L´armée et la torture pendant la guerre d´Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales. Thèse pour le doctorat d´histoire. Institut d´études politiques de Paris. Décembre 2000. Un livre tiré de cette thèse doit être publié prochainement.Philippe Bernard

Le Monde daté du jeudi 7 décembre 2000
http://www.lemonde.fr/article_impression/0,2322,124920,00.html

 

http://www.humanite.presse.fr/journal/2000-07-03/2000-07-03-227956

 

Le défenseur de la  » gégène  »

 

Guerre d’Algérie. Dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, Marcel Bigeard affirme que la torture  » était un mal nécessaire  »

 

Le général justifie l’usage de la torture et reconnaît que des officiers ont reçu des ordres du pouvoir politique pour éliminer des combattants du FLN.  » On n’était pas faits pour ce boulot de flic « , se défend-t-il,  » on le faisait à contrecour.  » Morceaux choisis.

Dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, daté du 2 juillet, le général Marcel Bigeard est revenu sur les accusations de torture portées contre lui par Louisette Ighilahriz (voir l’Humanité du 29 juin). Pour lui, il s’agit d’une  » affaire montée de A à Z. Il a fallu, affirme-t-il, que je ressorte mes dossiers de la bataille d’Alger pour rassembler des preuves. Je n’étais plus à Alger lors de la période citée. J’avais quitté la base de Sidi Ferruch pour mener des opérations en Kabylie « . À voir !

Face aux combattants du FLN qu’il qualifie de  » tueurs « , parce que, selon lui, quand ils capturaient un soldat français,  » ils lui faisaient subir les pires sévices « , il rétorque que la torture était  » un mal nécessaire « , indiquant :  » Nous, quand on prenait un colleur d’affiche, il nous donnait le nom de son patron. Mais quand on arrivait un peu plus haut, l’homme ne donnait plus de nom. Dans ce cas, il y avait la gégène. Vous savez la machine à passer les messages. Même Massu l’avait essayé en disant :  » Allez, ça ne fait pas de mal, je ne suis pas mort. « 

Toutefois, s’il reconnaît l’usage de la torture, c’est pour affirmer qu’il ne l’a pas pratiqué personnellement et pour en minimiser la gravité.  » Sur le plan de la torture, on était des rigolos par rapport à eux  » (les combattants du FLN). C’était une mission donnée par le pouvoir politique. Le président du Conseil de l’époque (le socialiste Guy Mollet. NDLR) avait écrit à Massu :  » Allez-y de façon très énergique « . Et d’accuser un colonel dont il tait le nom d’avoir reçu, sur instruction de Paris, l’ordre de  » liquider  » neuf prisonniers. Lui, Bigeard, c’était un soldat. C’est du moins l’image qu’il veut se donner en répondant :  » On n’était pas fait pour ce boulot de flic. On le faisait à contrecour. « 

Quant au fait de savoir si l’usage de la torture ne constituait pas une atteinte aux droits de l’homme, Marcel Bigeard conclut :  » Mais si on ne bafouait pas les droits de l’homme, tout Alger sautait. On a démantelé tout un réseau et trouvé 100 bombes au régiment (1). C’est bien ce qu’avait compris le pouvoir politique, puisqu’il disait à Massu :  » Allez-y par n’importe quel moyen. C’était incontournable ou alors, on avait des centaines de morts et de blessés. Mais c’était fait d’une façon technique et la plus propre possible, voilà « . Lila Ighilahriz, Henri Alleg et les dizaines de milliers de personnes qui l’ont subi apprécieront.

Rappelons que c’est le général Massu qui a déclaré dans le Monde du 22 juin, avoir vu Bigeard torturer en personne  » à la gégène  » un détenu dans la région de Constantine, lequel lui avait répondu :  » On faisait déjà ça en Indochine, on ne va pas s’arrêter ici « . Et qui plus est, cette fameuse base de Sidi Ferruch que Bigeard évoque dans les entretiens accordés au Monde du 22 juin et les Dernières Nouvelles d’Alsace du 2 juillet, est connue de nombreux Algériens comme étant un centre de torture dont beaucoup ne ressortaient pas vivants. Et à propos de cette  » bataille d’Alger « , l’ancien préfet de police d’Alger, Paul Teitgen, qui avait démissionné de son poste pour dénoncer l’usage de la torture et les exécutions extra judiciaires, rapportait que des centaines de jeunes étaient précipités des hélicoptères dans la mer sur ordre de Bigeard et Massu, des victimes que ses hommes surnommaient les  » crevettes Bigeard « .

Marcel Bigeard se veut un soldat propre en invoquant les opérations menées en Kabylie. Mais pour les populations de cette région, le passage du colonel Bigeard et de ses hommes, dont le fameux capitaine Graziani (tué d’ailleurs en Kabylie), tortionnaire de Louisette Ighilahriz, ne fut pas une simple sinécure. Les villages rasés, la déportation de plusieurs milliers d’habitants, les exécutions sommaires d’habitants à Draa el Mizan, Bougaa, Tazmalt, el Kseur, Michelet et les douars environnants, après chaque embuscade de l’ALN, témoignent de la férocité de la répression conduite par Massu, Bigeard, et ces officiers qui, quelques années plus tard, ont créée l’OAS (Organisation de l’armée secrète), comme les colonels Gardes, Argoud et le capitaine Sergent, ce dernier étant coupable d’un massacre de plus d’une centaine de civils dans la région de Palestro.

Alors Bigeard,  » heureux de respirer  » quand il ne faisait pas le  » flic  » pour aller guerroyer en Kabylie ainsi qu’il l’affirme dans les Dernières Nouvelles d’Alsace ? Bien sûr que non. Allez, général, encore un effort car l’histoire a déjà tranché !

Hassane Zerrouky

 

(1) Aucun organe de presse de l’époque ne mentionne la découverte d’un lot de 100 bombes.

 

http://perso.wanadoo.fr/journal.la.mee/page844.html

 

Torture : bonjour l’ambiance

 

Détruire

 

La torture est une pratique généralisée, dans tous les pays du monde, contre les opposants. Elle vise moins à « obtenir des renseignements » qu’à faire peur aux populations, et à détruire physiquement et moralement ceux qui défient le pouvoir en place .

L’utilisation de la torture, sous le commandement du général Jacques Massu, a été généralisée en Algérie pendant ce qu’on a appelé la « bataille d’Alger », puis « exportée » en métropole, dans des locaux de police, pour sévir contre des collecteurs de fonds du FLN. A Alger comme dans le bled, des « centres de tri » et des salles de torture étaient aménagés ; l’usage de l’électricité – la « gégène » – et du supplice de la baignoire était répandu ; et lorsque les suppliciés étaient sommairement exécutés, on parlait de « corvée de bois ». Aucun des responsables de ces atrocités, couvertes il est vrai par les plus hautes autorités de la République, n’a jamais été inquiété.

Systématiquement niée par le pouvoir, cette réalité a été largement connue de l’opinion française sans provoquer de révolte, au-delà des cercles d’intellectuels et de militants qui en avaient révélé l’existence. « Dès maintenant, disait pourtant Hubert Beuve-Méry dans Le Monde du 13 mars 1957, les Français doivent savoir qu’ils n’ont plus tout à fait le droit de condamner dans les mêmes termes qu’il y a dix ans les destructions d’Oradour et les tortionnaires de la Gestapo. » Quelques semaines plus tôt, l’écrivain catholique Pierre-Henri Simon avait publié un livre intitulé Contre la torture. Jusqu’à la fin du conflit, en 1962, des journaux comme L’Humanité, L’Express, Témoignage chrétien, France-Observateur, Le Canard enchaîné et Le Monde ont multiplié les révélations sur la torture en Algérie, au prix d’une répression judiciaire permanente.

Nous n’avons pas le droit de dire « nous ne savions pas ».

Epilogue

 

Le Monde a retrouvé le médecin-général « Richaud », qui a arraché « Lila » Ighillahriz à la torture. Considéré comme un « humaniste » il est mort à Pau en 1997, à l’âge de 84 ans, sans avoir rien révélé de cette affaire à sa famille.

Quant à Lila, militante du FLN, elle fut, par la suite incarcérée 4 ans à Alger puis en métropole. En 1961 c’est une femme française, Germaine Tillion, grande Résistante, rescapée de Ravensbrück, révoltée par la misère des Musulmans d’Algérie, qui réussit à lui faire goûter un semblant de liberté en obtenant son assignation à résidence à Corte, en Corse. Les enseignants de cette ville se souviennent d’elle, « elle nous a montré les traces de tortures sur son corps. Elle était raide, dure, farouche, on essayait que cette gamine, aussi forte qu’elle était, puisse survivre. Le calvaire qu’elle avait subi était assez exceptionnel, emblématique. Nous connaissions l’existence de la torture mais nous en avions un terrible exemple vivant parmi nous ».

Un jour, Lila disparut de Corte : elle en avait assez de pointer matin et soir au commissariat. Elle a réussi à regagner son Algérie via l’Ile d’Elbe. 40 ans ont passé

(lire à ce sujet Le Monde du 20 au 23 juin 2000. Afin que nul n’oublie que les Français aussi ….)

 

http://www.classico.biella.it/laboratorio_di_lingue_1.htm

 

Au début du XIXème siècle les Français ont occupé les côtes algériennes pour conquérir ensuite l’arrière-pays; ils ont donc commencé la colonisation du territoire qui a engendré une importante immigration de la France. Tout cela a cependant entraîné l’expropriation systématique des terres qui appartenaient aux Arabes et de progressives tentatives d’assimilation des musulmans à la culture occidentale. Cette situation a provoqué de graves conflits qui ont débouché sur une sanglante guérilla. Le premier affrontement s’est passé le 1er novembre 1954 par le Front de Libération Nationale (FLN). Cette lutte est devenue avec le temps une véritable guerre populaire par suite de féroces représailles de l’armée française qui ont concerné la majorité de la population civile. La bataille la plus significative est sans aucun doute celle d’Algér en septembre 1957.

Quand l’armée française est arrivée en Algérie, elle était déjà très éprouvée : en effet beaucoup des soldats occupés là avaient précédemment combattu dans la guerre d’Indochine où ils s’étaient sentis lâchés par leur pays. En 1956 en outre ils avaient participé à l’expédition de Suez, lancée par Guy Mollet, Président du Conseil, en accord avec les Anglais et les Israéliens contre les troupes de Nasser ; mais les Etats-Unis et l’URSS avaient poussé Paris à cesser les hostilités à cause de ses victoires. Les soldats français méprisaient le pouvoir politique qui les envoyait se faire tuer sans savoir exactement ce qu’il voulait et surtout sans leur fournir le nécessaire appui logistique. Ils étaient donc extrêmement tendus et très souvent épanchaient leur malaise sur les Arabes.

Tout cela a débouché naturellement volontiers sur la torture : par exemple lorsque des militaires avaient entre leurs mains un homme dont ils pensaient, avec une certitude presque absolue, qu’il connaissait le lieu où étaient déposées des bombes, « pour le faire parler » ils employaient des moyens peu licites dans l’espoir de sauver des innocents : mais sous la torture on avouait n’importe quoi pour échapper à l’insupportable douleur. En outre la plupart de ces tortures n’avaient pas pour but la recherche d’informations immédiates : on torturait par routine ou par sadisme. Et lorsque les soldats trouvaient des camarades sauvagement mutilés, emportés par la colère, ils se livraient à des violences sur les musulmans jugés complices du crime. En plus de ces « étranges » interrogatoires il y eut la question des disparitions : plus de 3.000 personnes – hommes et femmes – furent arrêtés et ensuite on n’en eût plus jamais de nouvelles. On ne sut pas par qui ni où ils furent emmenés (sauf dans la villa Susini tristement connue de tout le monde à cause de sa sinistre renommée) : on pensait qu’ils avaient été jetés à la mer, lestés d’une pierre. L’un des cas les plus éclatants est celui de Fernand Yvton, membre du parti communiste algérien, qui a été condamné à l’exécution capitale pour avoir préparé une bombe dans les installations d’Electricité et Gaz d’Algérie.Quoi qu’il en soit la torture la plus pratiquée était connue sous le nom de « gégène » : c’était le passage d’électricité à travers le corps par l’intérmediaire d’électrodes placées souvent sur les organes génitaux ( homme/femme ) et reliées à un magnéto.D’autres méthodes étaient cependant encore plus destructrices : absorption forcée de plusieurs litres d’eau à l’aide d’un tube de caoutchouc placé dans la bouche, coups multiples, ongles arrachées, immersion dans une baignoire jusqu’à étouffement, pendaison par les poignets durant des heures. Les violences des troupes françaises comprenaient aussi des viols et des destructions de gourbis (les cabanes des Arabes).

Du côté algérien les insurrections consistaient habituellement en l’attaque de quelques gendarmeries ou sentinelles de garde à l’entrée des casernes et la pose de bombes de faible puissance. Une autre façon pour exprimer leur haine à l’égard des Français était l’égorgement de pieds-noirs (les Français d’Algérie) ou d’Arabes supposés favorables à la France auxquels ils tranchaient le cou et fourraient le sexe dans la plaie : ce système d’élimination était appelé le « sourire kabyle ».En mai 1957 il y eut l’horrible massacre de Melouza où les hommes du FLN tuèrent à coups de pioches les habitants d’une région au sud de Bougie, qui étaient nationalistes aussi, mais dissidents.
Les négociations entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la république algérienne commencèrent seulement à partir de juillet 1960. Après deux ans les deux gouvernements signèrent l’armistice et le 1er juillet 1962, après huit ans de guerre qui ont causé presque un million de morts, l’Algérie a obtenu l’indépendance. Mais les représailles du FLN ont pourtant continué après l’indépendance aussi, en massacrant de manière horrible les harkis (les soldats algériens adjoints à l’armée française de 1951 à 1962) et les Arabes qui avaient choisi le parti de la France. Ce qui nous semble déconcertant est que presque tous étaient au courant de la torture en Algérie et que personne ne s’y est opposé : Guy Mollet, Président du Conseil, le savait ; Robert Lacoste, Ministre de l’Algérie, le savait ; Max Lejeune, Secrétaire d’Etat aux Forces Armées, le savait ; l’opposition le savait aussi.A’ la guerre comme à la guerre!

Bibliografia
Jacques Duquesne, Torture en Algérie – Un témoignage inédit, articolo apparso sul settimanale francese L’Express del 30 novembre 2000, Parigi

 

 

Cameroun

http://www.dschang-online.com/CampagneMilitaire.htm

Campagne militaire française en pays Bamiléké


Parmi les grands crimes commis par la France aux quatre coins du globe figure un, sans doute le plus scandaleux, prémédité, planifié et exécuté par le Général de Gaulle au tournant des années 60.
En pleine guerre froide, il n’y a pas de camera pour filmer, ni de reporters pour écrire. Entre les chaînes montagneuses du pays BAMILEKE, les Chasseurs-bombardiers français se livrent a l’implacable jeu de la mort. Les populations indigènes qu’on massacre ainsi n’ont rien pour se défendre.
La situation géographique de la région martyrisée n’arrange fatalement pas les choses.
Le pays BAMILEKE est, a ce moment-la, la seule province camerounaise qui ne partage pas de frontières avec un pays voisin. Il n’y aura pas d’exode vers les frontières, ni de Camps de Réfugiés. Il n’y aura pas de Croix Rouge, ni de Médecins Sans Frontières. Il y a pourtant une sorte d’unanimité et de consensus international sur ce crime.
L’ONU, de laquelle la France tient son mandat de Tutelle, restera étrangement muette. La Grande Bretagne, l’autre Mandataire et Alliée de la Première Guerre Mondiale, est de l’autre cote de la montagne, a un vol d’oiseau de Mbouda et de Dschang. Les vas et vient des bombardiers français n’ont certainement pas échappé a la vigilance des services secrets de sa Majesté. Son silence est, sans aucun doute, un acte de solidarité occidentale. Le Vatican, dont on connaît la capacité à fustiger les crimes de cette ampleur, n’en dira pas un seul mot. Pire, les écoles et collèges missionnaires a l’Ouest du Cameroun ont abrite le corps expéditionnaire français. Il s’agit, peu de gens le savent, de l’un des plus grands génocides de l’histoire de l’Humanité.

Le rayonnement international de la France, qui bénéficie de la Loi du silence de l’ordre blanc mondial, va réussir a étouffer le crime. Aujourd’hui, les jeunes Camerounais sont surpris lorsqu’on leur apprend, de manière anecdotique hélas, l’histoire de cet effroyable drame. Le Général de Gaulle s’est rendu ainsi coupable d’un deuxième génocides: Le génocide de la Mémoire.

La plupart des Officiers français qui font partie du Corps expéditionnaire sont d’anciens tueurs de la Guerre d’Indochine. Ils ont été recasés au Cameroun, en raison, croit-on savoir, des Accords de Défense Militaires passes entre M. Ahidjo et Charles de Gaulle. Le Cameroun n’est pourtant pas, si l’on se réfère a ces fameux Accords de Défense, sous la menace d’un pays étranger. Le Ministre de la défense de M. Ahidjo, un certain Sadou Daoudou, – dont le nom devrait entrer dans le registre sinistre des criminels de guerre n’aura pas de mal a convaincre son homologue Français Pierre Guillauma. Jacques Foccart, le Rambo français des tropiques, est favorable a l’extermination massive des BAMILEKE, que des rapports des services de la SDECE – dont ceux d’un certain Jean Lamberton présentent comme une dangereuse menace pour les intérêts Français au Cameroun. Sur place a l’Ouest du pays, dans le champ des opérations, se trouve Andze Tsoungui, ministre aujourd’hui retraite.

Parmi les Officiers du Corps expéditionnaire, figure Max Bardet, Pilote d’hélicoptère. Comme beaucoup d’autres, il a pris une part active aux bombardements. Il a survole et bombarde, avec une cruauté qu’il n’a jamais niée, le pays BAMILEKE. Voici un témoignage édifiant qu’il a fait en 1988 dans un livre intitule OK Cargo. Bardet sait très bien de quoi il parle. Voici sa déclaration:

 » En deux ans, de 1962 a 1964, l’armée régulière a complètement ravage le pays BAMILEKE. Ils ont massacre de 300 000 a 400 000 personnes. Un vrai génocide. Ils ont pratiquement anéanti la race. Sagaies contre armes automatiques, les BAMILEKE n’avaient aucune chance(.) Les villages avaient été rasés, un peu comme Atilla « 
Bardet prononce bien les mots génocide, race anéantie, villages rasés. un peu comme Atilla. Ces mots funèbres ne sont pas prononces par un profane, mais par un militaire, acteur et témoin d’un crime. La comparaison que cet Officier fait avec Atilla n’est pas fortuite. Pour ceux qui connaissent un peu l’histoire triste de ce petit village martyr du Liban, il est même étonnant qu’il ait eu des survivants a l’ouest du Cameroun. Ce témoignage a lui seul constitue un élément de preuve dont un Tribunal International Spécial devrait un jour tenir compte. Bardet avance le chiffre de trois a quatre cents mille victimes. Rien qu’en deux ans!!! Combien y-a-t-il eu entre 1964 et 1970, date année de la fin de la campagne de  » pacification « ? Combien y en-a-t-il entre 1955 et 1962? C’est pour répondre a cette question que nous enquêtons en ce moment a l’ouest du Cameroun. Les recherches se feront maison par maison, quartier après quartier, et pour cela, la collaboration totale de toute personne résident en territoire BAMILEKE est indispensable, car il est évident qu’aucune famille BAMILEKE n’a échappé aux massacres.

Constantin Melnik a été, dans les mêmes années 60, un haut responsable de l’Etat Français. Il était conseiller des services secrets de Michel Debre, alors Premier Ministre de France, sous la présidence de Charles de Gaulle. Dans un livre qu’il a publie en 1996 aux Editions Plon, intitulé  » La mort était leur mission « , Melnik raconte, page 195, l’épopée sanglante du Corps expéditionnaire français au Cameroun.

 » Apres la décolonisation orchestrée par le Général de Gaulle, des troubles avaient éclaté au Cameroun. Ou se situait, a propos ce putain de pays et quelles étaient son histoire et sa singularité? Une fraction extrémiste regroupant les BAMILEKE s’était soulevée. Selon une tradition africaine qui n’était pas encore relayée par la télévision, des massacres avaient eu lieu, suivis d’une répression ou les forces gouvernementales, épaulées par des Conseillers militaires français, n’avaient fait preuve d’aucune réserve. Tentés par une aventure africaine, des camarades du Colonel Martineau étaient partis piloter des hélicoptères et ils étaient revenus lourds de récits de cadavres flottant au fil de l’eau ou pourrissant dans la foret « 

Dans ce livre qui a secoué la France par la justesse de son contenu et le franc-parler de son auteur, Melnik, aujourd’hui retraité, reconnaît que les crimes de la France sous le Général de Gaulle, ont inscrit le nom du Président Français en tête sur la tableau des horreurs, très loin devant des personnages aussi ignobles que Staline. Melnik n’était pas n’importe qui. Il a participé à toutes les stratégies d’extermination élaborées par les services secrets Français, et n’ignorait rien des méthodes et de la manière utilisées par le Corps expéditionnaires. Comme Max Bardet, Constantin Melnik dresse un bilan effroyable de ce crime. Des cadavres qui flottent au fil de l’eau ou pourrissent dans la foret. Le livre de Melnik est un précieux témoignage.

Le Ministre des armées de Charles de Gaulle, Pierre Guillauma, a évoqué cette tragédie en des termes plutôt élogieux. Dans  » La Francafrique « , un livre publie aux Editions Stock en Avril 98 par François Xavier Verschave, célèbre chercheur Français, voici ce que Mr. Guillauma déclare:

 » Foccart a joué un rôle déterminant dans cette affaire. Il a maté la révolte des BAMILEKE avec Ahidjo et les services spéciaux. C’est la première fois qu’une révolte d’une telle ampleur a été écrasée convenablement. Il a été très sage pour ne pas exciter l’armée « .
C’est le ministre des armées qui parle. La postérité appréciera. Y-a-t-il de preuves plus convaincantes que celles, aussi claires, qui sortent de la bouche d’une personnalité de ce rang ? Jamais, de mémoire d’homme, on n’a vu un pays qui accepte d’une façon aussi pertinente et triomphaliste la responsabilité d’un désastre. Max Bardet, Constantin Melnik, Pierre Guillauma, Foccard., ont bien reconnu la responsabilité d’ailleurs indiscutable de la France dans ce génocide. Quatre personnages qui forment une chaîne dont le gros maillon de départ n’est autre que Charles de Gaulle, Chef de la France libre, que le Cameroun a pourtant accueilli et aidé en 1940 après sa lourde et cuisante défaite à Dakar.
Au tournant des années 40, Hitler a occupé la France et Pétain est à la collaboration. Charles de Gaulle quitte le pays et se réfugie a Londres d’où, avec l’aide de Winston Churchill, il va prendre la tête d’une force d’expédition qui partira des Côtes de Liverpool, au nord de l’Angleterre, en septembre 1940. De Gaulle va sillonner les côtes africaines à la recherche de points stratégiques. A la tête de cette armada, il lance une attaque à Dakar, sur les positions stratégiques d’une armée encore fidèle à Pétain. Du 23 au 25 septembre 1940, l’attaque est étouffée dans l’œuf, l’armada détruite, et de Gaulle a juste le temps de s’enfuir. Aucun pays de la côte ouest Africaine n’est disposé à accueillir le Général dans sa fuite. Sauf le Cameroun. Le 8 octobre 1940, de Gaulle débarque au port de Douala. Sur le quai, Leclerc, alors Colonel, est venu l’accueillir. Avec lui, plusieurs milliers de personnes, qui viennent parfois du fond des campagnes camerounaises. Le visage de De Gaulle s’épanoui subitement. Il dira dans son discours de remerciements  » Aujourd’hui, la confiance est revenue en moi « 

Le long séjour du Général en terre camerounaise sera marqué par une telle hospitalité qu’il décidera d’implanter sa base arrière à Douala. Toute la campagne orchestrée dans la sous région de l’Afrique Centrale sera lancée à partir du Cameroun, qui deviendra ainsi dans ses rêves , et plus tard dans la réalité, la base historique d’où sont parties les campagnes militaires décisives des pays d’Afrique ralliés qui ont permis de libérer la France. Si les patriotes Camerounais, toujours inflexibles lorsqu’il s’agit de Liberté, n’avaient pas consenti a aider de Gaulle à ce moment crucial de l’histoire de la France, nul ne peut dire avec exactitude ce que les Français seraient devenus.

La France doit sa Libération et sa prospérité aux Camerounais. Particulièrement aux BAMILEKE. Voici pourquoi : L’Allemagne a été de tout temps un voisin redoutable pour la France, sorte de cobaye où les Allemands ont expérimenté toutes leurs visées impérialistes. Peu avant l’éclatement de la Première Guerre Mondiale, L’Allemagne a aussi tenté d’étendre son influence en Afrique. Faisant usage d’une grande brutalité, son protectorat s’est rapidement répandu sur les Côtes. Débarqués à Douala, ils condamnent Douala Manga Bell qui s’oppose à leurs méthodes et l’exécutent par pendaison. Il s’agit d’une mise en garde sévère a tout récidiviste. La conquête du Littoral camerounais est une partie de plaisir pour Bismark et ses hommes. Les colons allemands progressent tranquillement et se dirigent vers l’ouest du pays, à coup de travaux forcés. En territoire BAMILEKE, Ils seront surpris par la riposte. La résistance des Patriotes est foudroyante. Les méthodes allemandes, pour la première fois en Afrique, enregistrent un cuisant échec. Ils optent pour la ruse qui échoue. C’est alors qu’ils acceptent de négocier. Les Allemands ont compris très vite qu’il est inutile de faire la guerre à un peuple qui fait preuve d’une telle détermination. Les BAMILEKE n’ont pourtant pas une tradition militaire. En 1940, Ils vont mettre cette expérience historique au service de Charles de Gaulle. L’aide ne s’arrêtera pas là. Universellement reconnus pour leur sens légendaire de l’épargne, les BAMILEKE vont mobiliser une forte somme d’argent, l’argent étant le nerf de la guerre qu’ils remettront à titre de prêt au Général contre une reconnaissance de dette que De Gaulle et la France n’ont jamais honorée. Ce bref retour à l’histoire a une valeur pédagogique. Il rétablit une vérité encore une, qu’aucun livre d’histoire au Cameroun n’enseigne.

Logiquement, lorsqu’on a fait preuve d’une telle générosité à l’égard de quelqu’un, on s’attend au moins à un acte de reconnaissance de sa part. Comment de Gaulle a-t-il retourné l’ascenseur ? Ecoutez la réponse de Francois Xavier Verschave, extrait de La Francafrique, dont il est l’auteur :
 » Foccart expédie au Cameroun une véritable armée : Cinq bataillons, un escadron blinde, des Chasseurs bombardiers T26. A sa tête, un vétéran de guerre d’Indochine et d’Algérie, le Général Max Brillant, surnommé  » le Viking « . En Extrême-Orient, ce colosse blond a commandé durant deux ans la 22e RIC, les Casseurs de Viets. (.) Le Général Brillant se pose en rouleau-compresseur, et le Colonel Lamberton en stratège. (.) La lutte anti-guérilla menée par les Commandos coloniaux est d’une brutalité inouïe. Vagues d’hélicoptères, Napalm. C’est une préfiguration de la guerre du Vietnam que se jouent les vétérans d’Indochine. Leur rage est d’autant plus grande que sur plusieurs fronts ils remportent des succès ponctuels. « 

Les massacres de l’armée française en pays BAMILEKE ont toujours fasciné Verschave. Président de Survie, une ONG française humaniste, il s’est rendu au Cameroun pour enquêter et chercher à comprendre. Dans le N° 135 de l’hebdomadaire Camerounais Mutation publie le 23 juillet 1998, Verschave tire cette conclusion à la page 5 :

 » Ce qui m’a le plus frappé au cours de mon enquête, c’est que ces faits macabres suscitent encore une telle terreur que tous mes interlocuteurs camerounais en étaient comme stupéfiés. Ils m’ont dit qu’il s’agissait de quelque chose d’explosif, et qu’eux-mêmes avaient du mal à entreprendre une démarche à caractère historique et scientifique sur ces carnages de l’armée française.
Dés lors, je me suis dit que si 40 ans après il y a encore une telle terreur, on peut être certain qu’il s’est passé quelque chose de terrible. (.)
Les Camerounais sont en droit de savoir ce qui s’est passé et davantage ce qui se passe. Il leur revient de définir l’urgence ou non d’une telle démarche  »
Verschave vit à Paris, et ses travaux sur ce génocide pourraient constituer une base de ressources déterminante.

Malgré la gravité de ce crime telle que décrite par ses auteurs et des observateurs avertis, la conspiration du silence est flagrante. Le génocide du peuple BAMILEKE est le seul qui échappe étrangement au registre des horreurs qui ont marqué l’histoire de l’Humanité. Les Juifs, les Arméniens, les Kurdes, les Tutsi, ont eu droit à une reconnaissance internationale et/ou à un Tribunal Pénal. Une analyse, même superficielle des phénomènes historiques, permet de comprendre à quel point les BAMILEKE ont été martyrisés. Dispersés aujourd’hui entre les montagnes de l’Ouest du Cameroun, ils font partie de la Grande famille africaine qui a connu 4 siècles d’esclavage, suivie d’une tentative de lavage de cerveau par les conquêtes religieuses (qui a heureusement échoué en pays BAMILEKE ), et de plusieurs décennies de colonisation. Aucun peuple en Afrique n’a aussi souffert que les BAMILEKE, face à une puissance militaire occidentale. Il y a les Algériens certes. Mais eux au moins furent soutenus et aidés par leurs frères arabes des pays magrhebins et Moyen-Orientaux, et par une grande partie de l’opinion française. En Algérie, l’armée française était en guerre contre une Nation qui se défendait avec des moyens certes limités, mais appropries. Le Parlement français vient d’ailleurs de voter un texte qui pour la première fois reconnaît le terme  » guerre  » dans la campagne française en Algérie. Les BAMILEKE ont-ils bénéficié ne fut ce que d’un centième du soutien semblable à celui dont ont bénéficié les Algériens ? Les Français n’ont-ils pas eu le loisir d’exterminer un peuple indigène sans défense au fond de l’Afrique Equatoriale sans que le monde entende le moindre bruit ?

L’opinion française considère toujours le Général de Gaulle comme le plus grand héros français de tous les temps. Que cet homme que les Camerounais et les BAMILEKE ont pourtant accueilli et aidé dans ses moments difficiles – se soit rendu coupable d’un tel crime augmente notre révolte, et montre à quel point les Français peuvent être ingrats.
Comme tous les peuples de la terre, les BAMILEKE ont aspiré légitimement a la liberté, au droit de disposer eux-mêmes de leur propre destine, qui est un droit inné et inaliénable, comme défini dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et dans tous les Traités Internationaux. Les BAMILEKE ont souhaité un Cameroun fort, uni, prospère. Pour cette cause somme toute légitime, une frange de Patriotes inflexibles s’est soulevée contre une force d’occupation, exactement comme les Français contre les forces du IIIe Reich. Ceci a-t-il donné le droit au Général de Gaulle de dépêcher des chasseurs bombardiers contre un peuple qui savait à peine ce que c’est qu’une arme à feu, et dont la majorité n’était que des enfants, des femmes et des vieillards ? Pourquoi les Français ont-ils toujours nourri une telle haine à l’égard des BAMILEKE ?
Pour comprendre les raisons, il est conseillé de se référer à Jean Lamberton, tristement célèbre doctrinaire du gaullisme criminel, qui dans un article intitule  » Les BAMILEKE dans le Cameroun d’aujourd’hui  » publié dans une revue des stratèges Français en mars 1963, déclarait :  » Les BAMILEKE sont une minorité ethnique qui représente un caillou bien gênant dans la chaussure de la France  » On n’en dira pas plus. Voyons ! Les BAMILEKE sont-ils une minorité ethnique au Cameroun comme le décrit Lamberton ? Cette volonté irresponsable de travestir la vérité, diffusée grâce à une littérature de haine bien structurée, s’inscrivait dans l’optique annoncée de ces massacres. La campagne militaire avait donc un but précis : Ecraser les Bamiléké pour que les survivants ne constituent plus qu’une minorité ethnique, incapable de troubler le sommeil de la Mère-Patrie. Le temps a prouvé comment Lamberton s’est trompe.
Oui, il est aisé de le prouver, les BAMILEKE ont toujours gêné la France. Dans leur rêve de devenir une puissance planétaire, les Français ont fait usage de tous les artifices pour empêcher l’émergence des bourgeoisies autochtones dans les pays d’Afrique placés sous leur Tutelle par la Société des Nations. De tous les 14 pays de la zone francs qui restent aujourd’hui, et sans lesquelles les Français ne seraient rien, 13 sont dominés économiquement par la France. D’Abidjan à Dakar, de Libreville à Conakry, de Brazzaville à Bangui, de Djaména à Bamako etc. la France rayonne.
Boulangeries, épiceries, échoppes, bars etc., sont entre des mains françaises, de même que les centres commerciaux, et l’import-export. Le Cameroun échappe a la règle. Grâce aux BAMILEKE, dont le flair en affaires a fasciné tant le monde entier, les Français ont échoue dans leur tentative d’étendre leur impérialisme économique sur le Cameroun. Et les Français ne comprennent toujours pas comment un peuple sauvage, qui découvre à peine ce qu’est une route bitumée, ait pu développer un tel sens des affaires.
Le Colonel Lamberton a donc raison lorsqu’il parle de caillou gênant. L’extermination des BAMILEKE dans ce cas doit être comprise comme une façon bien française, lâche et criminelle, d’effacer un adversaire économique. Et la rebellions un prétexte. Mongo Beti ne cesse de le dire depuis 40 ans, l’écroulement de l’influence française au Cameroun supposait la fin de son impérialisme dans toute la sous région de l’Afrique Centrale, et une grande partie de ses ouvrages y sont consacrés.

Le prétexte de la rébellion pour exterminer un peuple est une pratique bien ancienne. Dans le projet de loi relatif à la reconnaissance du génocide arménien en 1915, débattu et adopté au Parlement français le 29 mai 1998, voici un paragraphe éloquent :
 » Le gouvernement Ottoman exploite le début d’un mouvement révolutionnaire arménien pour accréditer la thèse d’une insurrection des Arméniens Ottomans et l’existence d’un mouvement insurrectionnel, alors que les réactions d’autodéfense, très limitées, des Arméniens démontrent le contraire « .
Dans leur campagne d’extermination, M. Ahidjo et de Gaulle ont réussi à faire admettre qu’ils étaient en lutte contre des maquisards, des pilleurs, des violeurs. De tout cela, Il n’en était rien. Momo Paul, assassiné en 1960, son ami Kamdem-Ninyim, Roi Baham qu’Ahidjo n’a pu corrompre, et surtout Ernest Ouandie, Nationaliste intransigeant, étaient avant tout des Patriotes implacables. Ont-ils tué d’autres BAMILEKE comme on a tenté de l’insinuer pour les discréditer ? Il est possible. Mais alors ! Les Français et le Général de Gaulle n’ont-ils pas tué et brûlé leurs concitoyens qui étaient soupçonnés de collaboration avec l’Allemagne ? Et le prétexte de la rebellions donnait-il le droit à la France de larguer des bombes chimiques sur des populations innocentes ?

Les BAMILEKE ne doivent, en aucun jour, oublier d’honorer la Mémoire de leurs martyrs. Une Mémoire qui doit rester vivante et vivifiée sans cesse, et qui doit alimenter le désir de survie des générations de demain. Depuis 40 ans, la France et les gouvernements camerounais successifs, y compris celui au pouvoir aujourd’hui, ont réussi à discréditer tous les repères qui auraient pu permettre à la génération actuelle de prendre conscience. Le plus efficace des moyens d’étouffement et de discrédit a été une technique chère aussi bien aux Français qu’aux gouvernements camerounais :
LA CENSURE.
Les livres d’histoire au Cameroun sont pleins de petites banalités. Ecrits presque tous sous l’œil vigilent des censeurs français, il n’y a nulle trace de l’intervention militaire du Général de Gaulle. La France y est toujours présentée en Mère-Patrie, et de Gaulle en bienfaiteur. Ils ont appris à nos parents à chanter la Marseillaise, et les petits élèves des écoles primaires du Cameroun peuvent vous dire où se trouve le Boulevard des Champs Elysées à Paris. Les places publiques de Douala et de Yaoundé sont truffées de monuments édifiés à la mémoire des bourreaux. Nos rues leur sont dédiées. Cette capacité légendaire pour un bourreau de réussir à se faire accepter comme un bienfaiteur est unique dans l’Histoire. Jean Rostand disait  » On tue un homme, on est assassin. On tue des millions d’hommes, on est conquérant. On les tue tous, on est un dieu  » Cette métaphore s’applique parfaitement à la France.

Francois Xavier Verschave a déclaré dans un N° de Mutation déjà cité qu’il revient aux BAMILEKE et aux Camerounais de définir ou non l’urgence d’une démarche, car il faut l’avouer, il y a urgence, d’autant plus que les Français comptent sur l’usure du temps. Et pourtant, dans une allocution prononcée à Vienne en janvier 1984, le Président Mitterrand a déclaré :
« Il n’est pas possible d’effacer les traces d’un génocide qui vous a frappé. Cela doit être inscrit dans la mémoire des hommes et ce sacrifice doit servir d’enseignement aux jeunes en même temps que la volonté de survivre afin que l’on sache, à travers le temps, que ce peuple n’appartient pas au passe, qu’il est bien du présent et qu’il a un avenir « . ( C’est nous qui soulignons)

Malgré la certitude qui caractérise ce génocide, il y a un certain nombre d’éléments que seuls les Français peuvent fournir : Les rapports de missions de leurs Officiers. Il existe un seul moyen crédible à la France pour prouver sa bonne foi : OUVRIR SES ARCHIVES et RECONNAITRE CE GENOCIDE. L’accès à ces archives permettra d’identifier la plupart des charniers qui restent inconnus. La reconnaissance d’un crime est un acte qui honore le bourreau. Voici la teneur du message de Rene Rouquet, Parlementaire français, à ses homologues le 26 mai 1998 :
 » Reconnaître l’existence d’un génocide s’impose à tous, car un tel forfait interpelle l’humanité dans son ensemble. Nier son existence atteint directement les survivants, insulte la mémoire des victimes et les assassine une seconde fois. Nier l’existence d’un génocide banalise l’horreur (.) Le devoir de mémoire et la lutte contre l’oubli s’impose donc à chacun, aux survivants de la tragédie comme à ceux qui les côtoient, afin que ces actes barbares ne soient pas ignores ou niés. On sait aujourd’hui qu’il est impossible d’entamer un travail de deuil sans que justice soit rendue et que les coupables soient punis, – ou à tout le moins designés quand il est trop tard pour les sanctionner. Le denier est un assassinat de la mémoire  » ( C’est nous qui soulignons )

Il n’y a rien à ajouter à cette déclaration. Il faut simplement espérer ces bonnes intentions, qui ont soutenu la reconnaissance du drame arménien, soit applicables aux massacres en pays BAMILEKE.
Plusieurs pays, y compris les Etats-Unis et le Vatican, ont reconnu leurs responsabilités dans les crimes qu’ils ont commis à travers l’histoire. La reconnaissance d’une faute, quelle que soit sa gravité, ouvre la porte au compromis. L’ancien Secrétaire d’Etat Américain Mac Namara est allé demander pardon aux Vietnamiens. Les Allemands ont reconnu leurs crimes commis en Pologne et un peu partout en Europe. Le Vatican, par la voix du Pape, vient de demander pardon, dans un discours pathétique, pour toutes les atrocités de l’Eglise Catholique. Les Japonais ont imploré le pardon de la Chine. Le Parlement français, en 3 ans, a posé 2 actes successifs : Le terme Génocide a été retenu pour qualifier les crimes de la Turquie en Arménie, et le terme Guerre pour qualifier la campagne militaire française en Algérie.
Mais les crimes contre les BAMILEKE ne sont pas à l’ordre du jour. Du moins pas encore. Les Français chercheront-ils à nier des faits aussi évidents ? Ce ne serait pas étrange. Adolfo Perez Esquivel, prix Nobel de la paix, disait ceci :
Au XXe siècle, le génocide demeure un fléau frappant l’humanité de manière récurrente. Le terrible holocauste des Juifs a été une des plus effroyables violations des droits de la personne et des peuples. Au procès de Nuremberg, les responsables ont été juges et condamnés. Mais combien d’autres génocides restent impunis ? les responsables s’efforcent de nier leur culpabilité et prétendent à l’impunité. Or le génocide est un crime contre l’humanité dont la condamnation doit être universelle ; Le temps ne diminue en rien la responsabilité de ses auteurs et il n’y a pas de péremption pour un tel crime « . (C’est nous qui soulignons)
Cette publication vise à briser le silence qui entoure tragiquement ce génocide, et à appeler tous les patriotes qui détiennent une parcelle d’information sur ce drame, aussi petite soit-elle, à la livrer, pour la postérité. Elle appelle à la concertation, à un travail collectif et organisé, dirigé par une structure centrale consensuelle. Depuis quelques années, des recherches isolées ont été entreprises dans certains villages BAMILEKE. Certaines chefferies ont organisé des funérailles à la mémoire des victimes à une échelle réduite. La concertation rendrait ces démarches plus efficaces et plus crédibles. Cette publication est également un appel pour une Conférence Internationale sur ce génocide, sur laquelle un groupe de patriotes travaillent en ce moment à Londres.

Pourquoi une Conférence Internationale ? Elle permettra de donner un impact mondial à la démarche, et brisera l’isolement des recherches menées par des volontés individuelles. A propos de cette conférence internationale, voici les avis de deux grands intellectuels, les Professeurs Jean-Louis Dongmo et Mongo Beti. Répondant à la lettre d’invitation à lui adressée pour cette conférence, le Pr Dongmo a écrit :  » En m’excusant du léger retard mis à vous répondre, je voudrais par la présente, d’abord vous remercier de m’avoir invité à participer au colloque de Londres sur le génocide BAMILEKE, et vous dire que je suis tout à fait intéressé à prendre part à ces assises. En effet, il s’agit d’un problème qui me préoccupe depuis longtemps, et je suis content de savoir que l’occasion va m’être donnée d’en discuter avec d’autres personnes, et surtout de lui faire acquérir aux yeux du monde l’importance qu’il mérite  »
( C’est nous qui soulignons)
Le Pr Dongmo est Doyen de la Faculté des Arts, Lettres, et Sciences Humaines.
Mongo Beti, qu’on ne pressente plus, répondant à la même invitation, a écrit :  » Bien sur, je participerai volontiers à la manifestation que vous envisagez d’organiser. Le génocide dont les BAMILEKE ont été victimes fait de moins en moins l’objet d’un doute. Voyez par exemple le livre de Verschave « La Francafrique ». Ce qui manque, ce sont les chiffres. Il y a probablement des centaines de milliers de morts. Nous avons un devoir de mémoire sur cet épisode tragique de notre histoire nationale. Vous avez ma totale approbation  » (C’est nous qui soulignons)
Plusieurs chercheurs et Historiens Occidentaux sont également intéressés par cette Conférence.

Depuis des années, un grand philosophe camerounais, le Pr Sindjoun Pokam, défend une thèse qui ne relève plus seulement des revendications intellectuelles.
DES FUNERAILLES COLLECTIVES ORGANISEES A LA MEMOIRE DES VICTIMES DE CE GENOCIDE. Les revendications du Pr. Sindjoun sont fondées, légitimes, et voici pourquoi : Dans la civilisation BAMILEKE, lorsqu’on perd un membre de la famille, on porte son deuil et on organise ses funérailles. Les funérailles sont, chez les BAMILEKE, le dernier rempart qui résiste farouchement aux assauts aliénants et dévastateurs des apports extérieurs. Une communauté, quel que soit son degré de développement, a besoin de repères. Dans les mœurs BAMILEKE les plus ancrés, les vivants entretiennent avec leurs morts tout un faisceau de relations, d’obligations constituées de rites divers. Ce sont ces rites qui garantissent la cohésion, la morale, l’ordre social et la survie du groupe. Une communauté ne peut ignorer cela sans voir son tissu social se disloquer en lambeau. Les funérailles sont cette vigilance qui rappelle à chaque peuple son devoir envers les morts. Les revendications du Pr. Sindjoun ont un fondement à la fois historique et culturel. Un grand nombre de BAMILEKE de tous les ages et de toutes les couches sociales commencent à découvrir et à comprendre le bien-fonde de ces funérailles. Depuis 3 ans déjà, quelques associations travaillent dans cette perspective sur place au Cameroun. Parmi elles,  » Binam 21e Siècle « , que dirigent le Pr. Nimangue Ti-Hemadeu et l’ingénieur Djouteu Dieudonné et qui travaille avec les Rois BAMILEKE  » Poola’a  » qui est à la pointe de ce combat, et des personnalités politiques de premier plan comme M. Albert Dzongang, Dr Njapom Paul, Me Mbami Augustin, ou même Jean Michel Nintcheu … L’autre but de cette publication et de susciter un débat général sur cette question fondamentale. Les BAMILEKE restent un peuple en deuil, et le temps ne fera rien à l’affaire. Chaque fille ou fils BAMILEKE porte en lui ou en elle une part de malédiction.
Les massacres de la France doivent faire l’objet d’un débat national et devraient désormais conditionner et déterminer le type de rapports que les BAMILEKE, grand réservoir électoral, doivent entretenir avec les Hommes politiques. Et ce débat doit commencer, dès aujourd’hui, par l’Assemblée Nationale. Les instruments juridiques internationaux offrent aux Députés camerounais des armes d’une très grande efficacité. Il leur suffira de s’appuyer dessus. En 1948, l’Assemblée Générale des Nations-Unies adoptait une convention proscrivant la pratique du génocide.
L’article 1er stipule :  » Sont caractéristiques du génocide des actes commis dans l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Article 2 :  » Les actes visés peuvent être le meurtre des membres du groupe, les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique, totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ou le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe  »
Article 3 :  » Le crime de génocide recouvre non seulement la mise en oeuvre du génocide, mais aussi toute tentative de le réaliser ainsi que la complicité ou l’incitation à la perpétrer  »
Article 4 :  » Toutes personnes s’étant rendues coupables de ce crime doivent être punies, quel que soit le degré de leur implication  » dirigeants constitutionnellement responsables » agents publics de l’Etat et personnes privées « 
Article 7 :  » Les personnes accusées de génocide sont jugées par un tribunal compétent de l’Etat, sur le territoire duquel le génocide a été commis ou par un tribunal international  »
Les Parlementaires camerounais qui débattent actuellement des lois à l’hémicycle à Yaoundé ont ici une occasion d’entrer dans l’histoire. Ce débat parlementaire doit intégrer cinq éléments vitaux :
1.. La création d’une commission d’enquête parlementaire sur ce génocide, y compris sur les massacres commis en pays Bassa
2.. L’inscription au programme dans les manuels d’histoire de cette période tragique de l’histoire du Cameroun
3.. L’interpellation officielle de la France pour l’ouverture de ses archives
4.. La demande d’ouverture des archives camerounaises avec appel aux témoins et leur audition
5.. L’amendement d’une loi relative à l’édification d’un monument à la mémoire des victimes de ce génocide et autorisant le deuil.
Les Présidents des groupes parlementaires des différentes formations politiques siégeant à l’Assemblée Nationale camerounaise sont directement interpelles et doivent prendre des dispositions nécessaires afin que cette question soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine rentrée parlementaire. Il s’agit particulièrement du RDPC, du SDF, de l’UNDP, et de l’UPC. Chacun de ces groupes a reçu ou recevra une requête dans ce sens.
Comte tenu de la sensibilité de la question, certains Députés vont chercher à se dérober et à esquiver le sujet. Il se trouvera certainement des Parlementaires courageux pour briser le signe indien. Et l’histoire retiendra. Chaque BAMILEKE, quelle que soit sa condition sociale, ou qu’il se trouve, doit intégrer cette question dans sa façon de regarder le Cameroun. Au fait, le progrès et la prospérité du Cameroun sont assujettis à ce problème qui doit libérer le Cameroun, mentalement, psychologiquement et politiquement parlant.

Ce document n’a pas pour intention de réveiller les vieux démons du tribalisme sur lequel les gouvernements camerounais successifs ont mise pour régner depuis 40 ans. Il ne donne pas l’occasion a quiconque de l’évoquer pour l’exploiter à des fins criminelles.
Il le condamne. Il ne s’adresse pas aux Français entend que peuple, mais à son gouvernement. L’évocation de la responsabilité directe du Général de Gaulle n’est pas une atteinte à la Mémoire historique du peuple français. Les informations sur certaines questions sensibles, tel que l’emplacement des charniers en pays BAMILEKE, ne sont pas publiées ici pour des raisons évidentes.

Ce document est public. Sa diffusion et son exploitation n’ont pas besoin d’autorisation. Ses éventuels lecteurs peuvent le diffuser autant que possible. Il n’a pas la prétention d’avoir fait une découverte. Il est ouvert à toutes les critiques, d’où qu’elles viennent. Si vous souhaitez être tenu régulièrement au courant de l’évolution des recherches, si vous avez une contribution intellectuelle, matérielle ou un témoignage à faire, écrivez à l’une des adresses ci-dessous. Si vous êtes intéressés par la Conférence Internationale de Londres, écrivez à l’adresse appropriée. Le travail qui commence maintenant ira à son terme. Peu importe la durée. Il donnera au moins aux générations futures des repères.
Afin que nul n’en ignore,

Brice Nitcheu
Londres, le 17 Aout 2000

Contacts :
Brice Nitcheu
President de la Coordination Internationale de Poola’a
99, Gurney Close
London Barking
IG11 8JY
United Kingdom
Tel. : 00 44 208 594 8258
00 44 771 816 8198
Email : bnitcheu@yahoo.co.uk

Serge Armel Njidjou
Secretaire Général de Poola’a
Email : njidjouserge@hotmail.com

Marcel Tchangue
Bruxelles
Belgique
Email : tchang1@hotmail.com

Firmin Michel Ngaleu
London United Kingdom

 

Espagne

Juan Cruz, Exiliados, in: El Pais Semanal, 1355, 15/09/2002, pp.46-58

 

(p.49) La llegada a Francia fue traumática

 

Así la describe José Martínez Cobo, dirigente socialista del exilio : « Todos los refugiados de aquella época que llegaron a las playas de Argelès, Saint-Cyprien y barcarès tienen grabada de manera indeleble el que la tierra de los derechos del hombre (sic) tenía que haberles acogido de otra manera en lugar de encerrarlos en las playas en condiciones increíbles, sin que pudieran llevar una vida normal, sin ninguna condicíon sanítaria, sin poderles albergar del frío porque ése fue un invierno particularmente frío… A esa gente se le impuso una extraorinaria humiliación, hasta una hostilidad, por parte del Gobierno francés y por una prensa que hablaba de los rojos que matan a los curas, que son sanguinarios y que van a invadir Francia si no se les concentra. El Gobierno francés trató a los españoles humillándolos y con medidas que no se pueden comprender. »

Eulalio Ferrer cuenta el primer oficio del exilio en el campo de concentración francés : « Nos dedican, a pico y pala, a abrir zanjas, a 18 grados bajo cero … A algunos nos llamaban señoritines, se reían de nosotros porque nunca habíamos cogido el pico y la pala, y todo lo que nos aconsejaban es que orináramos en las manos para curtirlas, porque sangraban… »

 

Indochine

Daniel Hemery, Ho-Chi-Minh, De l’Indochine au Vietnam, 1990, éd. Gallimard

 

(p.24) Naissance de l’Indochine française

« Sur les ruines du vieil Annam s’édifie en 1887 l’Union indochinoise, cadre territorial et étatique de la colonisation qui englobe le Vietnam, le Cambodge, l’Annam et le Tonkin; une colonie: la Cochinchine. »

 

(p.49) « Le procès de la colonisation français, rédigé par Quoc /= Ho-Chi-Minh/ et par Truyen, paraîtra en 1929 après le départ de Quoc pour Moscou.  Ce sera l’un des principaux textes de l’anticolonialisme français de l’époque. »

 

(p.78) « Une série d’accords franco-japonais, notamment juillet 1941, autorisent le stationnement des troupes nipponnes dans la colonie, prévoient une « défense commune » en cas d’agression extérieure, … »

 

(p.92) « Caricature vietnamienne de 1945: « Le Sergent français avale ses paroles et répand la calomnie partout dans le monde. »

 

Mort de Le Duc Tho, éminence grise du régime vietnamien, LB 15/10/1990

 

« Arrêté pour ses activités révolutionnaires, il passe plusieurs années dans les bagnes

français. »

 

Manuel Leguineche, La batalla que cambió Asia, EPS 02/05/2004, p.34-38

 

La batalla de Dien Pien Phu

 

« La Legió era su patria, su familia, su razón de existir. Eran es nazis alemanes, 2.000 de los 3.981 de la Legión ; varios centenares de republicanos españoles, italianos, suizos, de la Europe del Este, árabes norteafricanos. » (p.38)

 

Il y a 50 ans, Dien Bien Phu : commémorations séparées, LB 07/05/2004

 

Une simple cérémonie est prévue ce vendredi à paris, à l’occasion du 50e anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu, la démarche de « mémoire partagée » proposée par la France ayant trouvé peu d’écho auprès des autorités vietnamiennes. Cette bataille, une des pires défaites de l’armée française, s’était achevée avec la reddition des Français, le 7 mai 1954. Elle avait fait 16.000 morts.

 

Des légionnaires allemands dans la guerre d’Indochine, Arte 09/02/2005

 

En vietnamien : « Chièn’ si » = le combattant

 

35 Allemands, dont beaucoup de SS, en Indochine avec les Français recrutés dans la Légion parmi 870 000 prisonniers allemands.

 

Entre 1945 et 1954 : des massacres en tout genre dans le Tonkin

Ainsi, un village comptera 5000 morts : on tranchera la tête des hommes ; des prisonniers seront arrosés d’essence avant de devenir des torches vivantes ; d’autres périront en passant dans des endroits en feu

 

13/03/1954 : début de la bataille de Dien Pien Phu – fin le 7/5/1954

 

M. Lê Hũu Tho, Itinéraire d’un petit Mandarin, Juin 1940, L’Harmattan, 1997

 

(p.23) Par un simple billet de mobilisation émanant de l’autorité Provinciale, ils sont là, comme transportés par un coup de baguette magique dans ce pays inconnu et de surcroît en guerre, loin de leurs familles, de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs fiancées, de leurs amis, de leurs rizières.

« La réquisition massive des travailleurs répond à la politique du gouvernement français : envoyer sur le front européen le maximum du potentiel humain de troupe et de main-d’oeuvre des colonies ».

Il était question que cette ponction d ‘hommes atteigne 80.000 travailleurs et soldats indochinois, si la guerre continuait.

Il incombe au maire de chaque village de fournir un contingent d’hommes. Il doit obéir strictement aux ordres de l’administration Coloniale et s’exécuter. Aucune révolte contre l’exode forcé ne sera tolérée. Les réfractaires seront sévèrement punis et des représailles seront alors exercées sur leur village tout entier, afin de décourager tout refus.

 

(p.25) Le Lycée Khai Dinh fait partie des cinq lycées existant à l’époque, à travers toute l’Indochine Française, y compris le Laos et le Cambodge.

Sur cinq de ces établissements, deux sont réservés exclusivement aux enfants des colons français. Sous le régime colonial on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes : supériorité de la race oblige !

 

(p.42) Je me remémore la ligne unique du chemin de fer transindochinois de mille sept cents kilomètres entre Hanôi et Saigon, dont l’écartement des voies est de quatre vingt dix centimètres. Il faut presque trois jours pour parcourir cette distance qui traverse une succession de divers paysages les plus pittoresques.

Les employés et les cadres de « la gare » forment en Indochine, une nouvelle bourgeoisie, issue de la technique moderne.

Le Transindochinois comporte trois classes. Naturellement les deux premières, qui

sont des voitures confortables, sont réservées aux administrateurs français et à

leurs familles, aux  officiers de l’Armée Coloniale, aux curés en soutane, aux

mandarins et aux fonctionnaires.

Le long des parois des wagons de 3ème classe, sont installés de grands bancs en bois où sont assis côte à côte les voyageurs ordinaires et les petits marchands. La partie centrale regorge d’animaux, de marchandises. (…)

(p.44) Nous faisons désormais partie de la 3ème Légion des Travailleurs Indochinois, placée sous la haute autorité d’un colonel français et d’un commandant indochinois. Le Colonel de la Pommeraie est un homme de grande allure et d’autorité. En Indochine, il était administrateur d’une grande banque. Il était le fondateur de la puissante Chambre de Commerce de Saigon. Son imposant château avec parc et hauts murs, situé dans le pays, est le témoin de sa belle réussite dans les colonies.

En prenant le commandement, le Colonel de la Pommeraie fait dresser un grand mât pour hisser le drapeau tricolore et fait construire une prison au milieu du camp. Peinte en blanc, elle demeure menaçante par les solides barreaux en fer forgé de ses hautes fenêtres et par sa lourde porte en chêne ornée de larges ferrures noires. Ce drapeau nous est familier. Hissé au fronton des édifices publics de nos provinces, il nous rappelait depuis notre tendre enfance que nous étions des sujets français.

En effet, à l’école, nous avions appris que « nos ancêtres étaient des Gaulois ». C’est ainsi que tous les peuples colonisés par la France, noirs, jaunes, à cette époque, héritèrent de la même ascendance !

Ce n’est que bien plus tard que je m’aperçus du ridicule de ces leçons d’histoire. Plus grave fut d’avoir voulu délibérément gommer notre propre Histoire du Dai Viêt au profit d’une Histoire, aussi glorieuse soit-elle, ne nous appartenant pas.

(p.45) Nous sommes surpris et vexés que le colonel fasse bâtir une prison à notre intention. Nous nous féliciterions presque d’avoir été libérés par les allemands. Nous ne nous attendions pas à une telle réception de la part de l’autorité française. Il se produit en nous, quelque part, une cassure douloureuse avec le pays des Droits de l’Homme et des Libertés.

Il règne, dans le camp, un relent du régime colonialiste « 

sur le sol de la Provence. L’abus du pouvoir et l’oppression édifiés en système d’administration sont certainement le fruit des expériences du colonel durant son long séjour en Indochine.

La « police interne » est dirigée de main de maître par un adjudant nommé Georges, un grand et solide gaillard. Les hommes du camp l’ont surnommé « Hitler » à cause, non seulement de sa petite moustache sous le nez à l’instar du Füher, mais surtout pour sa dureté. Il dirige une escouade de trente « policiers » pourvus de lourdes matraques. Il traque, sans pitié, les retardataires qui rentrent au camp après le couvre-feu de 22 heures, les joueurs dans les tripots clandestins au fond des baraques, les indisciplinés, les tire-au-flanc, les soûlards…

La prison blanche n’est pas suffisamment grande pour contenir tous ces pauvres malheureux. Les « fortes-têtes » sont envoyées dans un centre disciplinaire situé dans les enceintes de la gare de triage de Nîmes (Gard). Les quelques baraquements en bois qui le composent ont été créés spécialement pour cet usage. Ils sont entourés de fils de fer barbelés, rappelant d’autres camps de sinistre mémoire, découverts après la libération de l’Europe. Les condamnés y sont soumis à des travaux forcés.

(p.46) Ils n’ont pourtant commis aucun crime ! Le peuple français n’en a jamais  rien su !

Il est temps, aujourd’hui, de révéler ces injustices, de lever la chape du silence pour que nous puissions ensemble rendre hommage à ces hommes arrachés à leur terre pour servir la France entre 1940 et 1946.

Hélas, beaucoup sont morts du fait des privations, des restrictions, de malnutrition, des maladies – surtout de la tuberculose – et n’ont pas connu le chemin du retour.

Leur famille les attend toujours … Que la terre de France leur soit légère !

 

(p.89) En Indochine, à l’époque, les intellectuels indigènes ne pouvaient accéder à aucun poste de responsabilité ou de décision dans le régime du Gouverneur Général de l’Indochine.

Les professeurs, les ingénieurs, les médecins indochinois percevaient le tiers du traitement des français coloniaux possédant le même diplôme. Cette disparité (p.90) était ressentie comme une mesure d’injustice et de mépris.

Le peuple opprimé ne pardonne pas l’injustice.

Il oublie encore moins le mépris.

L’indépendance deviendra le mot magique.

 

(p.93) Monsieur le Juge d’Instruction Burnat me retenait quelquefois dans son bureau pour me questionner sur la colonisation française en Indochine. Il fut outré d’apprendre que la vente de l’alcool et de l’opium était le monopole de la régie française et que pendant les pires moments de la famine au Centre de l’Annam, l’Administration Coloniale continuait à exporter le riz et que plusieurs révoltes avaient été réprimées dans le sang. Toutes les réformes, réclamées par l’intelligentsia annamite de retour de France et par le jeune Empereur Bao Dai, avaient été systématiquement étouffées et provoquaient, par voie de conséquence, des révoltes sanglantes à travers l’Indochine.

 

(p.141) L’atmosphère dans le camp est triste. La prison blanche est surpeuplée. Nous attendons un problématique rapatriement sans cesse reporté.

A la débâcle de Juin 1940, nous comptons environ 20.000 hommes, répartis en 73 compagnies, composées de 200 à 250 travailleurs originaires de la même province. Nous représentons une main-d’oeuvre habile, docile et bon marché. L’Indochine n’est-elle pas la « perle » de l’Empire Colonial Français?

L’encadrement des compagnies est assuré par d’anciens officiers des Troupes Coloniales dont l’attitude méprisante, brutale n’est guère appréciée des hommes. Certains de ces cadres ont commis des détournements de vivres dans les magasins de la M.O.!. Ils sont mis à pied, avec diligence, pour éviter la révolte qui gronde dans les camps.

De Novembre 1940 à Septembre 1941, l’Etat Français a décidé de rapatrier plus de 4.000 hommes. Ceux-ci n’ont pas la chance d’arriver à destination de la péninsule indochinoise du fait du blocus exercé par la marine britannique. On les débarque à Madagascar, à La Réunion et même en Afrique du Sud. D’autres sont renvoyés à Oran.

Pendant l’Occupation, les 15.000 hommes restants sont regroupés en zone non occupée dans le sud de la France, afin de bénéficier d’un climat plus clément.

Dans un article du Colonel Rives, intitulé « 1939-1954, · les Travailleurs Indochinois en France » paru dans la revue « Hommes et Migrations » n° 1175, nous lisons:

Dès 1941, les Travailleurs Indochinois commencent à acclimater la riziculture en Camargue. En 1944, ils cultivent 800 hectares et récoltent 2.200 tonnes de paddy » .

 

(p.144) Personne n’est à l’écoute des émissions en annamite sur la station de Marseille car elles ont lieu à des heures impossibles et surtout ignorées. ( …)

 

(p.149) La langue annamite originelle est parlée par tous les habitants du Nord, du Centre, du Sud de la péninsule indochinoise. Seul l’accent colore le parler selon le terroir.

Pour étayer et justifier la politique coloniale, qui consiste à diviser pour régner, les colonialistes français ont partagé artificiellement le pays en trois parties : le Tonkin au Nord, l’Annam au Centre, la Cochinchine au Sud. Ils ont créé dans l’Île de Poulo Condor, le célèbre et sinistre bagne politique. La plupart des hommes de la classe dirigeante actuelle du Viêt Nam, y ont été enfermés. Pour circuler d’une province à une autre, il faut se munir d’un titre d’identité qu’il n’est pas aisé d’obtenir.

Les historiens de service du lobby colonial n’ont pas hésité à affirmer que les Cochinchinois du Sud ne parlent pas la même langue que les gens du Nord, falsifiant délibérément la vérité. Ainsi pour le besoin de la cause, la Cochinchine est devenue une colonie française, tandis que le Tonkin et l’Annam sont placés sous le protectorat de la France. Sa Majesté Bao Dai n’a pas droit de regard sur la partie Sud de son pays qui est comme par hasard la parcelle la plus riche du royaume.

 

(p.160) 02/09/1945

Déclaration de l’Indépendance du Viêt Nam par Hô Chi Minh

 

(p.170) Comment réussir à me débarrasser du complexe du colonisé ? Ce sentiment d’infériorité, qui traumatise l’âme et l’esprit, paralyse quelque peu la confiance en soi.

 

Hô Chi Minh

Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.

 

 

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L’homme et son œuvre Nguyên Tat Thanh- Nguyên Âi Quôc- Hô Chi Min

Hô Chi Minh est au Viêt Nam ce que Ben Gourion est à Israël, Mao Zedong à la Chine et Ghandi à l’Inde. La lutte pour l’indépendance du Viêt Nam, sa victoire contre son colonisateur puis contre les Américains comptent comme des références historiques majeures de l’histoire du XXème siècle.

LE PROCÈS DE LA COLONISATION FRANÇAISE (extraits) publié dans son journal “Le Paria”.

L’IMPOT DU SANG

I – La guerre et les “indigènes”

Avant 1914, ils n’étaient que des sales nègres et de sales Annamites bons tout au plus à tirer le pousse-pousse et à recevoir des coups de cadouille de nos administrateurs. La joyeuse et fraîche guerre déclarée, les voilà devenus “chers enfants” et “braves amis” de nos paternels et tendres administrateurs et même de gouverneurs plus ou moins généraux. Ils (les indigènes) ont été tout d’un coup promus au grade suprême de “défenseurs du droit et de la liberté”. Cet honneur subit leur a coûté cependant assez cher, car pour défendre ce droit et cette liberté dont eux-mêmes sont dépourvus, ils ont dû quitté brusquement leurs rizières ou leurs moutons, leurs enfants et leurs femmes pour venir, par-delà les océans, pourrir sur les champs de bataille de l’Europe. Pendant la traversée, beaucoup d’indigènes, après avoir été conviés au spectacle merveilleux de la démonstration scientifique du torpillage sont allés au fond des ondes pour défendre la patrie des monstres marins. D’autres ont laissé leur peau au désert poétique des Balkans en se demandant si la Mère-Patrie avait l’intention d’entrer comme première dans le Harem du Turc; sinon pourquoi les aurait-on fait zigouiller dans ces pays? D’autres encore, sur les bords de la Marne ou dans la boue de la Champagne s et sculpter avec leurs os les bâtons des maréchaux.

Ceux, enfin, qui trimaient à l’arrière, dans les poudreries monstrueuses, pour n’avoir pas respiré le gaz asphyxiant de “Boches”, ont subi les vapeurs rutilantes des Français; ce qui revient au même puisque les pauvres diables crachaient leurs poumons comme s’ils étaient “gazés”. 700 000 indigènes en tout sont venus en France et, sur ce nombre, 80 000 ne reverront plus le soleil de leur pays!

II – Le volontariat

Voici ce qui nous dit un confrère: Le prolétariat indigène de l’Indochine pressuré de tous temps sous forme d’impôts, prestations, corvées de toute nature, d’achats, par ordres officiels, d’alcool et d’opium, subit depuis 1915-16, le supplice du volontariat.

Les événements de ces dernières années ont donné prétexte, sur toute l’étendue du pays à de grandes rafles de matériel humain encaserné sous les dénominations les plus diverses; tirailleurs, ouvriers spécialisés, ouvriers non spécialisés, etc.

De l,acis de toutes les compétences impartiales qui ont été appelées à utiliser en Europe le matériel humain asiatique, ce matériel n’a pas donné de résultats en rapport avec les énormes dépenses que son transport et son entretien ont occasionnées.

Ensuite, la chasse au dit matériel humain, dénommé pour la circonstance en “Volontariat” (not. d’une affreuse ironie), a donné aux plus scandaleux abus.

Voici comment ce recrutement volontaire s’est pratiqué: le “satrape” qu’est chacun des résidents indochinois avise ses mandarins que dans un délai fixé, il faut que sa province ait fourni tel chiffre d’hommes. Les moyens importent peu. Aux mandarins de se débrouiller. Et par le système D, ils s’y connaissent les gaillards, surtout pour monnayer les affaires.

Ils commencent par ramasser des sujets valides, sans ressources, lesquels sont sacrifiés sans recours. Ensuite, ils mandent des fils de famille riche; s’ils sont récalcitrants, on trouve très facilement l’occasion de leur chercher quelque histoire, à eux ou à leur famille, et, au besoin de les emprisonner jusqu’à ce qu’ils aient résolu le dilemme suivant: “Volontariat ou finance”.

On conçoit que des gens ramassés dans de pareilles conditions soient dépourvus de tout enthousiasme pour le métier auquel on les destine. À peine encasernés, ils guettent la moindre occasion pour prendre la fuite.

D’autres, ne pouvant se préserver de ce qui constitue pour eux un fâcheux destin, s’inoculent les plus graves maladies dont la plus commune est la conjonctivite purulente provenant du frottement des yeux avec divers ingrédients, allant de la chaux vive jusqu’au pus blennoragique.

N’empêche que, ayant promis des grades mandarinaux aux volontaires indochinois qui survivraient et des titres posthumes à ceux qui seraient « morts  » pour la France », le gouvernement général de l’Indochine poursuivait ainsi sa proclamation: « Vous vous êtes engagés en foule, vous avez quitté sans hésitation votre terre natale à laquelle vous êtes pourtant attachés; vous, tirailleurs, pour donner votre sang; vous ouvrier pour offrir vos bras… »

Contrairement à bien d’autres figures politiques de l’Asie du Sud-Est, les biographies du fondateur du Viêt Nam moderne ne sont pas rares. L’originalité du travail de Sophie Quinn-Judge réside surtout dans la qualité de ses sources, tirées d’archives pour partie inédites de l’URSS, des services secrets français et du Parti communiste vietnamien. Ces documents permettent de suivre l’évolution du jeune révolutionnaire, de la Conférence de Paris pour la paix en 1919, où il exprima pour la première fois des revendications nationalistes, jusqu’au 8e plénum du PC soviétique en 1941, qui l’aida à mettre en place la stratégie du Viêt Minh lors de l’occupation japonaise de l’Indochine. Loin de se révéler un agent de Moscou ou de Pékin, Hô Chi Minh apparaît très tôt comme une personnalité originale, qui a cherché à définir une voie vietnamienne du communisme, plus tournée vers le nationalisme que vers le dogmatisme. L’image un peu aseptisée d’un  » oncle Ho  » uniquement dédié à la lutte y gagne aussi une consistance plus humaine, à la fois dans sa vie sentimentale et dans sa capacité à gérer le compromis.

 

La « dissolution » du PCI en novembre 1945 pour la ligue Viet Minh

Pendant toute sa vie, Ho Chi Minh dut montrer deux visages auprès de son peuple et du monde : l’un nationaliste, l’autre communiste. On sait à quel point afficher cette double personnalité allait énerver ses détracteurs anti-communistes. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’en montrant une double face, Ho Chi Minh allait susciter des doutes auprès des échelons supérieurs du mouvement communiste, même s’il fut l’un des communistes asiatiques les plus dévoués au communisme.

Au cœur du problème est l’ »auto-dissolution » du PCI par Ho Chi Minh et ses partisans en novembre 1945. Dès le début de la prise du pouvoir du Viêt Minh en août-septembre 1945, le contenu communiste de la RDVN (République Démocratique du Viêt Nam) était évident et posait d’épineux problèmes aux nationalistes vietnamiens non-communistes, aux Chinois occupant le Nord du pays et, à un degré moindre, aux Français. En effet, le Viêt Minh, ou front national créé en 1941, était aux mains du PCI ou plutôt de son « Comité Directeur » (Tong Bo). Les nationalistes non-communistes du VNQDD (Viet Nam Quoc Dan Dang) s’opposèrent à la prise du pouvoir du PCI en menant des actions directes et en s’appuyant sur le Guomindang (Parti nationaliste chinois ou GMD). Ils mirent en place très habilement une campagne de presse démystificatrice, visant à montrer aux populations que Ho Chi Minh était un communiste, que le Viêt Minh, le Tong Bo et le PCI ne faisaient en réalité qu’un. Entre-temps, Ho Chi Minh faisait son possible pour minimiser l’importance de ses idéaux communistes auprès du public et maximiser son attrait nationaliste auprès des populations vietnamiennes, des pays asiatiques non-communistes mais farouchement anti-colonialistes et les Américains opposés au retour du colonialisme français en Indochine.

La situation au Nord-Vietnam devint rapidement très tendue. Tous les partis vietnamiens jouèrent gros dans leur course au pouvoir durant la seconde moitié de 1945. Si bien que les nationalistes anti-communistes avait l’intention agir le 8 novembre 1945, exactement trois jours avant la dissolution du PCI. Nguyen Hai Than, chef du parti Dong Minh Hoi, réclamait la démission immédiate du président, la dissolution de son gouvernement, la suppression  » de la dictature d’un seul parti  » et la création d’un nouveau gouvernement. Cet ultimatum devait avoir l’approbation du général Lou Han, chef chinois au Vietnam, avant son retour à Kunming. Nguyen Hai Than aurait déclaré aux Chinois qu’il déclinait toute responsabilité en cas d’incident entre le Viet Minh et les non-communistes si l’ultimatum était repoussé par Ho Chi Minh.

Cette action de l’opposition, apparemment soutenue par des officiers chinois, mettait Ho Chi Minh dans une situation périlleuse. Depuis août, le PCI craignait que le GMD ne renversât tout bonnement la RDVN pour installer un gouvernement pro-chinois et anti-communiste. En dépit des efforts remarquables de Ho pour gagner Lou Han et Siao Wen à sa cause, il ne pouvait écarter la possibilité que survînt un changement dans la ligne chinoise. La propagande farouchement anti-communiste et ultra-nationaliste de l’opposition était efficace. À la mi-novembre, les communistes vietnamiens redoutèrent même un véritable coup de force. La situation était tellement tendue que des communistes vietnamiens au Nord, dont Ho Chi Minh, prirent la décision extraordinaire de dissoudre le Parti communiste indochinois (PCI), le 11 novembre 1945, face aux menaces de Nguyen Hai Than et du VNQDD et à la suite de réunions secrètes tenues par le PCI. Il fallait à tout prix cacher la face communiste du Viet Minh afin de reprendre l’initiative nationaliste aux opposants VNQDD et DMH, autrement dit garder ainsi le pouvoir. L’auto-dissolution du PCI devait montrer le sacrifice ultime pour la patrie. Il fallait aussi rassurer les Chinois, les Américains et d’autres pays asiatiques non-communistes sur le contenu proprement nationaliste de la RDVN et du Viet Minh, comme dit plus haut.

Cette manœuvre semble avoir atteint son but : désamorcer le conflit latent. Le coup de force non-communiste n’eut pas lieu. Selon l’historiographie officielle, le PCI ne fut pas réellement dissous. il ne s’agissait pas d’un reniement du communisme, mais d’une tactique pour garder le pouvoir dans un moment difficile. Dans ses mémoires, Hoang Van Hoan prétend qu’il fallait avant tout apaiser Lou Han, qui se méfiait de longue date des communistes vietnamiens et qui soutenait théoriquement les non-communistes. Selon ce témoigne vietnamien, la dissolution du PCI  » a rendu la situation moins tendue « .M ais Même si le PCI fut reconverti en un  » Groupe d’études marxistes « , le  » Parti  » continuait à exister clandestinement. Toute mention de son nom fut néanmoins interdite. Le contenu véritable du Viet Minh et de la RDVN devait rester secret, et les communistes vietnamiens durent attendre la victoire chinoise avant d’oser montrer leurs vraies couleurs idéologiques au peuple vietnamien et au monde.

Quoiqu’il en fût, cette dissolution fut une surprise pour beaucoup, et d’abord pour l’autorité coloniale française. Insoupçonnable en novembre 1945, elle semble avoir pris au dépourvu les partis communistes français, chinois et surtout soviétiques. Dans l’histoire du communisme, à l’exception du Parti Communiste Américain et du Yougoslave, aucun parti communiste n’avait jamais été dissous. Il n’est même pas sûr que tous les dirigeants du PCI avaient été consultés à l’avance, ni qu’ils aient tous été d’accord.

Plus pragmatique qu’idéologique, Hô Chi Minh a toujours manoeuvré, à la surprise de beaucoup, pour réaliser ce qu’il pensait être le plus important : l’indépendance et la liberté de son peuple.

« Khong co gi quy hong doc lap, tu do » (rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté).

 

Déclaration d’indépendance de la République du Viêt Nam

Hanoi, sur la place Ba Dinh, le 2 septembre 1945, avec la forme d’ un cérémonial confucéen de changement dynastique.

  • “[…] Tous les hommes sont nés égaux. Le Créateur nous a donné des droits inviolables: le droit de vivre, le droit d’être libre et le droit de réaliser notre bonheur. »Cette parole immortelle est tirée de la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique en 1776. Prise dans un sens plus large, cette phrase signifie : »Tous les peuples sur la terre sont nés égaux, tous les peuples ont le droit de vivre, d’être libres.  » La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Révolution française de 1791 proclame également:  » Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
  • Ce sont là des vérités indéniables.
  • Et pourtant, pendant plus de quatre-vingt années, les impérialistes français, abusant de leur  » liberté, égalité, fraternité « , ont violé la terre de nos ancêtres et opprimé nos compatriotes. Leurs actes vont à l’encontre des idéaux d’humanité et de justice. (…) À l’automne de l’année 1940, quand les fascistes japonais, en vue de combattre les Alliés, ont envahi l’Indochine pour organiser de nouvelles bases de guerre, les impérialistes français se sont rendus à genoux pour leur livrer notre pays. Dès lors, notre peuple, sous le double joug japonais et français, est saigné littéralement. Le résultat a été terrifiant. Du Quang-tri au Nord, 2 millions de nos compatriotes sont morts de faim dans les premiers mois de cette année. Le 9 mars, les Japonais désarmèrent les troupes françaises. De nouveau, les Français se sont enfuis ou bien se sont rendus sans condition. Ainsi, ils n’ont été nullement capables de nous « protéger »; bien au contraire, dans l’espace de cinq ans, ils ont par deux fois vendu notre pays aux Japonais. Avant le 9 mars, à plusieurs reprises, la Ligue du Viet-Minh a invité les Français à se joindre à elle pour lutter contre les Japonais. Les Français, au lieu de répondre à cet appel, ont sévi de plus belle contre les partisans du Viet-Minh. Ils sont allés jusqu’à assassiner un grand nombre de nos condamnés politiques incarcérés à Yen Bay et à Cao Bang lors de leur débandade.
  • Malgré tout cela, nos compatriotes ont continué à garder, à l’égard des Français, une attitude indulgente et humaine. Après les événements du 9 mars, la Ligue du Viet-Minh a aidé de nombreux Français à traverser les frontières, en a sauvé d’autres des prisons nipponnes et a, en outre, protégé la vie et les biens de tous les Français.
  • En fait, depuis l’automne de 1940, notre pays a cessé d’être une colonie française pour devenir une possession nipponne.
  • Après la reddition des Japonais, notre peuple tout entier s’est levé pour reconquérir sa souveraineté et a fondé la République Démocratique du Viêt Nam.
  • La vérité est que nous avons repris notre indépendance des mains des Japonais et non de celles des Français.
  • Les Français s’enfuient, les Japonais se rendent, l’empereur Bao-Dai abdique, notre peuple a brisé toutes les chaînes qui ont pesé sur nous pendant près de cent ans pour faire de notre Viêt Nam un pays indépendant. Notre peuple a, en même temps, renversé le régime monarchique établi depuis des dizaines de siècles pour fonder la République.
  • Pour ces raisons, nous, membres du gouvernement provisoire représentant la population entière du Viêt Nam, déclarons n’avoir plus désormais aucun rapport avec la France impérialiste, annuler tous les traités que la France a signés au sujet du Viêt Nam, abolir tous les privilèges que les Français se sont arrogés sur notre territoire.
  • Tout le peuple du Viêt Nam, animé d’une même volonté, est déterminé à lutter jusqu’au bout contre toute tentative d’agression de la part des impérialistes français.
  • Nous sommes convaincus que les Alliés, qui ont reconnu les principes de l’égalité des peuples aux Conférences de Téhéran et de San Francisco, ne peuvent pas ne pas reconnaître l’indépendance du Viêt Nam.
  • Un peuple qui s’est obstinément opposé à la domination française pendant plus de quatre-vingts ans; un peuple qui durant ces dernières années, s’est décidément rangé du côté des Alliés pour lutter contre le fascisme ; ce peuple a le droit d’être libre, ce peuple a le droit d’être indépendant.

Pour ces raisons, nous, membres du gouvernement provisoire de la République démocratique du Viêt Nam, proclamons solennellement au monde entier: Le Viêt Nam a le droit d’être libre et indépendant et, en fait, est devenu libre et indépendant. Tout le peuple du Viêt Nam est décidé à mobiliser

 toutes ses forces spirituelles et matérielles, à sacrifier sa vie et ses biens (…).

 

http://www.fsmitha.com/h2/ch14.htm

The French in Indochina

This greater intrusiveness of the French annoyed the Vietnamese, as did press censorship, onerous taxation and forced labor. And in their annoyance with the French, the educated young joined those Vietnamese businesspersons who disliked colonial regulations and favoritism toward French owned enterprises.

A Vietnamese who rose to prominence with a different kind of education was a young man to be known as Ho Chi Minh. He was from an upper class family that had rejected collaboration with the French. He had left Vietnam, working aboard a ship, eventually doing menial work in Paris. He had been exercised by the Woodrow Wilson’s talk of self-determination, and in Paris he led his fellow Vietnamese to petition the statesmen at the Paris Peace Conference on behalf of self-determination for the Vietnamese. His petition called for amnesty for political prisoners, equal rights for Vietnamese, freedom of press and thought, freedom of association and assembly, freedom of movement, technical and vocational schools for Vietnamese and a government of laws rather than government by decree. Whether he really expected a favorable response from the delegates to the conference is unknown, but he learned that the self-determination that Wilson was referring to was meant only for Europeans. He joined others, including Chinese students and other intellectuals, in becoming interested in Lenin’s thesis on colonialism, and in the wake of his disappointments with Wilson he moved from nationalism to Lenin’s brand of socialism, or communism. He joined France’s Communist Party, and in 1923 he was invited to Moscow for training. In 1924 he was sent to Canton (in southern China), ostensibly as an assistant to the Russian advisor to the Guomindang, Michael Borodin. But Ho’s plan was to use Canton as a base of operations to organize a Communist movement in nearby Vietnam – Canton being where dissident Vietnamese exiled themselves.

The French meanwhile. were attempting political reforms in Vietnam. In 1920 they had created a Vietnamese consultative body, and to their Colonial Council of fourteen Frenchmen they added ten Vietnamese. After the moderate Left came to power in Paris in 1924, a new governor-general was sent to Indochina, Alesadre Varenne – a moderate socialist. Varenne granted some amnesties, and he offered the people of Indochina a few additional civil liberties, but like the moderate socialists in power in Germany he began his administration without attempting fundamental changes.

In 1926, an aged anti-French nationalist, whom the Vietnamese venerated as a patriot, died. The editor of a Vietnamese newspaper eulogized him and was arrested. This inspired student strikes. Bank and postal employees joined the striking students, and the French arrested several hundred students and expelled them from their colleges and universities

With the split between Chiang Kai-shek and the Communists in 1927, Ho returned to Moscow. And that year a rival movement was formed in Vietnam that modeled itself after the Guomindang, its leader a young teacher named Nguyen Thai Hoc. Alesadre Varenne had been trying to end forced labor in Vietnam, but the French in Indochina were opposed. In January 1928, after conservatives returned to power in Paris, the government there recalled Varenne and returned to Vietnam a more conservative governor-general.

Then in 1930 strikes broke out on Vietnam’s French-owned plantations. Also, the patience of Vietnamese farmers snapped, and they began demonstrating against taxes. The French Foreign Legion and airplanes were sent against rebellious peasants. The French executed Nguyen Thai Hoc and others, and 546 Vietnamese were given life sentences. Nguyen Thai Hoc’s nationalist movement was destroyed, providing opportunity for the more radical movement under Ho Chi Minh.

Meanwhile, colonialism remained popular in Paris, where the songstress Edith Piaf had a hit entitled Mon Légionnaire and motion pictures cranked out box office successes that romanticized the adventures of colonialism. A colonial exhibition in Paris in 1931 was popular, and with Germany recovering as a power many French persons found comfort in a balance of power derived from their colonies.

 

Indochine: la légion des inconnus de la Wehrmacht

 

Par Edouard Launet — 5 mars 2014 à 17:06

 

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de soldats allemands faits prisonniers en France se sont engagés au côté des képis blancs dans le conflit colonial. Un jeune chercheur français retrace leurs parcours oubliés dans un livre, « l’Ennemi utile ».

La guerre d’Indochine fut – aussi – une tragédie allemande, mais la plupart des Allemands, et des Français, l’ignorent. Lorsque, l’an dernier, un jeune historien français est passé au bureau des Etats de services de Berlin, organisme qui tient le registre des soldats de l’armée allemande tombés au cours des deux dernières guerres mondiales, ses interlocuteurs ont été fort surpris d’apprendre de sa bouche que plus de 2 600 de leurs compatriotes étaient « morts pour la France », et ce juste après la Seconde Guerre mondiale ! Si la chose est peu ou pas connue des deux côtés du Rhin, c’est que ces victimes-là sont restées enfouies dans une zone où l’historiographie n’avait pas beaucoup fouillé.

 

Waffen-SS, chevaliers prussiens

 

A l’issue du conflit de 1939-1945, un nombre important de prisonniers allemands s’est engagé dans la Légion étrangère. Ils se sont retrouvés presque immédiatement en Indochine. Le retrait des troupes japonaises qui occupaient la colonie française l’avait laissée dans un chaos dont le Vietminh communiste a su profiter, déclarant l’indépendance d’une

partie du Vietnam en septembre 1945. Commence alors une guerre coloniale dont la Légion étrangère va être le fer de lance. Dans ses rangs, beaucoup d’Allemands, dont un nombre non négligeable de Waffen-SS. La pointe du fer de lance en Indochine, ce sera donc l’ennemi de la veille.

Combien furent-ils ? Entre 20 000 et 30 000 sur un contingent de 70 000 hommes, estime-t-on aujourd’hui, sans exclure une proportion plus forte encore. Les légionnaires allemands ont laissé derrière eux – dans les films, les romans, certains articles – d’assez belles images d’Epinal, des portraits sans nuances. Il y aurait eu, d’un côté, des chevaliers prussiens toujours prêts à démontrer leurs qualités de guerriers, comme ils l’ont souvent fait dans la Légion depuis sa création en 1831 ; de l’autre, d’anciens criminels de guerre venus se planquer dans ce corps discret de l’armée française pour tenter de se faire oublier.

Pas facile d’aller au-delà de cette iconographie saturée, entre idéalisation et diabolisation, puisque la Légion ne communique pas les dossiers personnels (1) et que, plus largement, la France a essayé de dissimuler le rôle des Allemands dans ses guerres coloniales.

Il y avait pourtant un moyen de creuser cette histoire-là : croiser les dossiers des légionnaires morts en service commandé, conservés et accessibles au Bureau des archives des victimes de conflits contemporains à Caen (Calvados), et ceux des soldats de l’armée allemande, archivés à Berlin. Cette singulière entreprise a été menée par un chercheur singulier : Pierre Thoumelin, 25 ans, officier de gendarmerie en cours de formation qui, parallèlement, travaille sur une thèse de doctorat d’histoire à l’université de Caen. La gendarmerie, «ce sera mon métier», dit Thoumelin sans l’ombre d’une hésitation. Si possible dans les enquêtes judiciaires. Il a réussi l’été dernier le concours de l’Ecole d’officiers de Melun (Seine-et-Marne). Mais l’histoire a toujours été sa passion, offrant un autre genre d’enquêtes.

 

Thoumelin est né au cœur du Cotentin, d’un père lui aussi gendarme et féru d’histoire. Après une prépa littéraire, il est parti faire des études à Caen. Il se dit passionné par la période contemporaine, en particulier la colonisation et la décolonisation. Sa famille n’a pas de passé avec les képis blancs, mais le fait d’ avoir grandi près des plages du débarquement et des anciens camps de prisonniers allemands l’a sensibilisé à ce sujet. «Ayant beaucoup lu sur l’Indochine, j’ai naturellement voulu savoir pour quelles raisons des Allemands étaient allés se battre là-bas», explique-t-il.

 

L’aventure plutôt que le retour

 

Thoumelin s’embarque donc dans une thèse de doctorat au Centre de recherche d’histoire quantitative de Caen, avec pour thème « Les légionnaires allemands et la guerre d’Indochine 1946-1954», sous la direction de Michel Boivin. Il crée des bases de données, trie les dossiers des soldats par classes d’âge, tente de recouper les éléments issus de ces deux grandes sources, interviewe une trentaine d’anciens légionnaires. Ce travail est suffisamment avancé pour qu’il fasse l’objet d’un livre (2) et bientôt d’un documentaire, diffusé en mai sur France 3, à l’occasion des 60 ans de Diên Biên Phu. Conclusion de son enquête : dans leur majorité, les légionnaires allemands partis en Indochine étaient des types qui cherchaient simplement à s’en sortir. Souvent, plus rien ni personne ne les attendait après la guerre en Allemagne où les conditions de vie étaient très difficiles. Alors, ces jeunes hommes vaincus ont choisi l’aventure plutôt que le retour. «Des SS se sont glissés à travers les mailles du filet : leur proportion au sein des légionnaires allemands est aux alentours de 8 à 10%, dans les classes d’âges inférieures. Cependant, même si la Légion n’a pas été très regardante, il est faux d’aller jusqu’à dire que l’Indochine a été le point de ralliement des anciens nazis», souligne Pierre Thoumelin. Ainsi le cliché du criminel de guerre allemand recyclé par l’armée française dans la Légion est-elle largement un mythe. Il n’en a pas moins nourri quelques articles de presse, notamment dans l’Humanité de l’après-guerre, et certains ouvrages, comme la Garde du diable : des SS en Indochine, du Canadien Georges Robert Elford.

 

En revanche, il est avéré que la présence de combattants allemands a été déterminante en Indochine. Ces derniers ont été très présents parmi les instructeurs et l’encadrement de la Légion, ce qui ne posait guère de problème puisque 70% des légionnaires servant en Indochine étaient germanophones. C’est que les képis blancs ont eu une forte culture germanique dès la création du corps en 1831 : trois des sept bataillons initiaux étaient constitués uniquement d’Allemands.

En 1940, l’une des premières demandes de l’Allemagne nazie au gouvernement de Vichy fut de lui remettre les légionnaires allemands, dont le nombre était alors estimé à 10 000. Ainsi, nombre de traditions de la Légion sont d’origine germanique, en particulier les chants.

 

En Indochine fut mise à profit l’expérience d’anciens membres d’unités d’élite, comme les parachutistes de la Luftwaffe, qui s’étaient illustrés dans les batailles de Normandie et de Monte Cassino. C’est ainsi que l’« ennemi héréditaire» est devenu l’«ennemi utile». Ceci n’a pas aidé au rapprochement entre la France et l’Allemagne dans l’après-guerre. « Nous avons pu retrouver dans les fichiers de décès de légionnaires allemands des demandes de familles formulant expressément le souhait que la mention « mort pour la France » soit retirée du dossier de leur fils», écrit Pierre Thoumelin. Dès lors, la France s’en est souvent tenue à la mention «mort au champ d’honneur». Cela explique en partie la surprise des Allemands face au nombre de ses victimes en Indochine. Le parcours de ces légionnaires est parfois très complexe. Kurt K., né en 1924, comptait à sa mort, en mars 1953, deux citations au titre de la Wehrmacht ainsi que, dans l’armée française, trois citations à l’ordre du régiment en Indochine, une croix de guerre avec étoile de bronze et la médaille coloniale pour l’Extrême-Orient. Certains furent prisonniers en France à la fin de la Seconde Guerre, puis légionnaires en Indochine au service d’une guerre coloniale française, avant de déserter en passant au service du Vietminh et de l’anticolonialisme, et seront finalement renvoyés soit en Allemagne de l’Ouest, où ils se feront aussi discrets que possible, soit en Allemagne de l’Est, où ils seront accueillis comme les héros d’une guerre communiste, et du coup contraints de participer à des meetings politiques pour dénoncer les abus de la France coloniale. Sans surprise, beaucoup choisirent le silence.

 

Changement de camp

 

In Foreign Service, documentaire diffusé par Arte en 2005, Marc Eberle a retracé quelques-uns de ces parcours hallucinants. L’un des anciens légionnaires confie que, lorsqu’il a été fait prisonnier par un groupe vietminh, il a été mené droit au capitaine… qui était allemand. Selon Eberle, 1 400 légionnaires allemands auraient changé de camp. La guerre d’Indochine fut le conflit au cours duquel la Légion étrangère a connu ses plus grosses pertes (plus de 10 000 hommes), devant la Première Guerre mondiale, souligne Pierre Thoumelin. A Diên Biên Phu, elle avait engagé six bataillons, dont 1 600 Allemands qui, pour beaucoup, sont morts durant la bataille ou la longue marche qui suivit.

Il reste au chercheur quelques pistes à creuser, en particulier le parcours des anciens légionnaires rentrés en RDA, ou encore le destin de ceux qui, rentrés en RFA, se sont engagés dans la Bundeswehr. Mais il a établi l’essentiel : les combattants allemands ont joué un rôle plus important qu’on ne pensait dans la guerre d’Indochine, longtemps ignoré parce que leurs parcours étaient trop en contradiction avec le discours alors dominant sur les relations franco-allemandes. « Comment évoquer l’esprit de camaraderie entre légionnaires allemands et soldats français à une époque où l’opinion était encore profondément marquée par les années d’occupation ?» souligne le gendarme-historien.

 

(1) Les archives de la Légion qui ne sont pas reversées au Service historique de la Défense ne peuvent être consultées, et leur déclassification n’est pas prévue.

(2) « L’ennemi utile», de Pierre Thoumelin. Editions Schneider Text, 184 pp., 14,90 €.

 

French Imperialism in Vietnam

 

Most Vietnamese are poor peasants. A few landlords used to own most of the land. They took over half the peasants’ crop for rent.

For over a century the landlords, joined later by big businessmen and other local parasites, have worked. as junior partners with a series of imperialist powers — first France, then Japan, and now the U.S. — getting « a piece of the action » from the

exploitation of most Vietnamese.

 

Since it started before World War II, Vietnamese peasants’ and’ workers’ fight against these oppressors has grown into a great war of millions of working people. It has inspired billions more around the world. Right now, this people’s war has been set back, not mainly from outside but from within. It’s been set back by leaders who claim to be reds but are really after a sellout deal with imperialism

 

But that’s getting a little ahead of the story.

 

As we said, first the French took over Vietnam. The French never were able to « pacify » Vietnam. Revolts occurred all through the period of French rule — from the mid-19th century to 1954

 

During the 1920’s and’30’s opposition grew. Economic exploitation was crushing the people. French capitalists – big businessmen — set up huge rice and rubber plantations. They gave even more land to local landlords, recruiting colonial « civil

servants » from these « mandarins. »

 

THE RISE OF THE VIETMINH

 

When France fell in 1940, Japan Indochina. Vast quantities of rice were seized by the Japanese, so that about 2 million died of starvation during World War II..

 

Vietnamese workers and peasants fought back — as always. The Vietminh was formed, led by Communist Party. By the time the war ended, most of the country was controlled by Vietminh forces. On September 2, 1945, the Democratic Republic of Vietnam was proclaimed.

 

The French (and the U.S.) didn’t want to lose « their » colony. Backed by British and U.S.-controlled Kuomintang (anti-communist Chinese) forces, French troops returned to Vietnam. Ho Chi Minh, the Vietminh leader and. until his recent

death, president of North Vietnam, agreed to a cease fire with the French. The French used this deal as a cover to build up troops. In November, the French navy bombed the port of Haiphong, thus starting the French/Indochinese war. It ended eight years later in a French defeat.

 

THE U.S. HELPS THE FRENCH

 

Under both Truman and Eisenhower, the U.S. backed the French. Starting in 1947, vast amounts of Marshall Plan aid went to France for use in the war. .In. 1949, after the Chinese people beat the U.S.-backed Kuomintang, the aid increased. And in

1950, with the outbreak of the Korean war, the U.S. government further expanded its aid and set up a military mission in Vietnam. By 1954, the U.S. was paying about 80 per cent of French war costs.

 

This was a time when the government was moving hard to destroy the much-weakened Left in the U.S., especially among workers. Overseas, the U.S. government had adopted the key strategy of encircling and defeating revolutionary communism in China.

 

But hundreds of thousands of French troops, armed and supplied through vast U.S. aid, couldn’t beat the Vietnamese people.

The French were isolated in their outposts and hostile cities. Desperate to disguise the colonial nature of the war, the French « officially » granted their dedicated puppet emperor Bao Dai independence … several times!

 

In defence of the U.S. one might argue that perhaps the government thought France was popular in Vietnam. But ex-President Eisenhower made clear how wrong that would be:

 

« The enemy had much popular sympathy, and many civilians -aided them by providing both shelter and information. … guerrilla warfare work two ways; normally only one side can enjoy reliable citizen help…the French could not win the war because the internal political situation in Vietnam. … badly weakened their military position.

 

(Dwight D. Eisenhower, Mandate for Change, p. 373)

 

In other words, the U.S. knew very well that France was a hated colonial tyrant in Vietnam. It supported France based on its strategy of stopping revolution in Asia, especially China.

 

IMPERIALIST STRATEGY, 1958

 

In mid-March, 1954, the French. government told Washington the Vietminh was winning the Indochina war. This had been brought home sharply by the defeat of the massive French fort at Dienbienphu. The French rulers could me so further gain in fighting for the U.S. They wanted out. Thus, early in the spring of ’54 the French agreed to a Geneva Conference to discuss how they could get out of Vietnam.

 

But as the conference began, the U.S. government had a different view. For it, « keeping Vietnam » was a must. As Secretary of State John Foster explained in a basic policy statement: The « imposition » of communism in southeast Asia « by whatever means » would not be allowed (N.Y.Times, 3/30/54)

 

The class of powerful businessmen and bankers who own this. country and run the U.S. government all agreed: Vietnam had to be « held. »

 

There were of course certain disagreements among government officials. In 1954, lust as today, there were « doves » as well as « hawks » among the rulers. But none ever suggested that the U.S. allow the « imposition » of communism. All agreed that Vietnam had to be « held » — the only question was how to do the job.

 

Nixon, a « hawk » politician in ’54, reasoned that:

 

If the French withdraw, Indochina would come Communist-dominated within a month… It is hoped that the United States will not have to send troops there but if this government cannot avoid it, the Administration must face up to the situation and dispatch forces. (N.Y. Times, 4/17/54)

 

The Vietminh had overwhelming support and would surely take power once France withdrew; « holding » Vietnam would require many U.S. troops — that was Nixon’s argument.

 

Where did the « dove » politicians stand? They did not disagree with ‘Nixon’s goal of stopping the reds. Nor did they think he overestimated Vietminh popularity. Thus, JFK admitted:

 

It should be apparent that the popularity…of Ho Chi Minh…throughout Indochina would cause a coalition government to result in eventual domination by the Communists. (John F. Kennedy, speech in the Senate, 4/6/54)

 

Kennedy and other « dove » politicians thought Nixon mistaken only on the question of sending many U.S. troops right away.

Instead, argued the liberals, the U.S. should take a more farsighted approach. The government should work for a deal at the Geneva Conference. France could withdraw and the Vietminh could regroup in the northern part of the country. The U.S. would then hold onto the southern part, install a puppet dictator, send did to prop up this puppet government as a strong counter-revolutionary force to ‘cut back Vietminh influence — and if things went wrong, « whenever necessary » there could

always be « some commitment of our man-power. » Kennedy and-the « dove » politicians thus proposed hiding behind a puppet dictator — a more subtle method than an immediate, large-scale invasion,

 

In 1954,as today, « dove » and « hawk » politicians had disagreements — over the tactics for defeating revolution. However they agreed on the absolute necessity of keeping working people down. Both groups were trying to serve the billionaires’ class interests. They came out with much bombast about democracy and about protecting what Kennedy called « the values and institutions which are held dear in France and throughout the non-communist world as well as in the U.S. » What they really wanted was to make the world safe for big -U.S. banks and corporations.

 

As things turned out, the « dove » politicians’ tactics — not Nixon’s — became the basis for U.S. strategy in ’54. Thus U.S. puppet Ngo Dinh Diem was installed to run South Vietnam. The « doves », not « right wing generals, » started the U,S. war!

 

THE GENEVA AGREEMENTS

 

So U.S. government aims at Geneva were clear:

to use that conference to reverse the terrible political situation — terrible from the billionaires’ viewpoint, that is As it turned out,

the dove plan pushed by John F. Kennedy was the best way to achieve those aims. By installing a pro-U.S. puppet regime in southern Vietnam, the U.S. officials hoped to make southern Vietnam once again safe for U.S. business interests and eventually transform all of Vietnam into a stable base for the U.S. businessman’s-government.

 

As it turned out, the official terms worked out at Geneva weren’t perfect from the U.S. point of view. One thing’ they didn’t like was that Vietnam was split. into two parts — north anti south — only temporarily. They wanted that split to be recognized as permanent so. that the puppet regime they’d set up in the south would be officially recognized. But according to the terms of the agreement nationwide elections were supposed to reunite Vietnam in 1956. It was clear to U.S. officials who would win. Those elections — the Vietminh had overwhelming political support all over Vietnam. They’d win hands down. And the agreement said

that no reprisals were to be taken any more by either-side. How could the U.S. smash the revolutionary movement in the south without taking reprisals?

 

Here’s Eisenhower’s comment in his Memoirs:

The, agreement did contain features…that we did not like, but a great deal would depend on how these features worked out in practice. (Mandate for Change, p. 371; our emphasis.)

 

So that was the real question — what would happen in practice? Secretary of State John Foster Dulles made U.S. plans in regard to this clear shortly after the conference ended:

 

One of the good aspects of the Geneva Conference is that it advanced the truly independent status of southern Vietnam. (N.Y. Times, 7/24/54.)

 

What could this mean? As we have seen, official terms agreed to at Geneva did not recognize southern Vietnam as an independent state — the division of north and south was supposed to end in ’56. The only official reason given at Geneva for

this temporary division was that it would let the French withdraw peacefully while all Vietminh troops temporarily regrouped in the northern part of the country. So what was Dulles talking about? The answer is, he was talking « between the lines. » His statement makes plenty of imperialist sense if you read it this way: « One of the good aspects of the Geneva Conference is that it sent all the Vietminh troops to the northern section of Vietnam. This will allow us to advance into southern Vietnam, install and arm a puppet dictator and then declare that southern Vietnam is an independent state. » Thus, the U. S. rulers were proceeding with John F Kennedy’s plan — full speed ahead!

 

So the actual details adopted at Geneva were never so important. What counted was that the Vietminh was withdrawing troops to the north for two years. This gave the U.S. rulers what they needed to carry out Kennedy’s plan — it gave them two years to install a puppet. With this puppet providing the « native cover, » the U.S. could wreak havoc on southern Vietnamese working people, smash up their revolutionary organizations — organizations which- were now stripped of protection by Vietminh troops.

 

This was a terrible setback for Vietnamese working people. It gained them nothing. It cost them dearly.

 

But, one might argue, what else could they do? If they’d refused to talk turkey, the U.S. would have just sent in half a million troops, just like in 1966.

 

Quite true, we’d answer — but that would have been a lot better! Why do we say this? Consider. What would have happened if the Vietnamese had refused to come to Geneva? First, France would have pulled out anyway. Second, the U.S. could not

have adopted Kennedy’s plan — for it rested on Vietminh troops withdrawing to the north. So Nixon’s plan would have had to be used. Half a million troops would have been sent to Vietnam. But until the Vietminh troops withdrew to the north, after

Geneva, all of Vietnam, north and south, was one vast Vietminh revolutionary base. An invasion of Vietnam would have bogged down the U.S. government in a vast, relentless war against millions of working people –the same thing that happened

when the U.S. invaded in 1965. And this was right after Korea. U.S. working people were pretty damned fed up with « police actions, » so class struggle would have sharpened within the U.S. — just like after the 1965 U.S. invasion. It all adds up: the Vietnamese would have been in a terrific position while the U.S. government would have been overextended and backed into a deadly political corner. What a gain for all working people. But, instead, the Vietminh leaders agreed to withdraw their troops to the north. Thus, at the Geneva conference table they lost half the country and allowed the U.S. to move in and smash

revolutionary forces in the south at will.

 

How could they have done this? This terrible reversal was only possible because of serious political weaknesses on the part of the Vietnamese leaders. These wrong ideas — really the ideas of the very enemy they were fighting — proved more deadly than all the U. S. paid-for bullets that French legionnaires had fired for 10 years! What were these ideas?

 

First, there was NATIONALISM. The Vietminh leaders viewed the struggle very much in terms of independence for « their own » country. This meant they did not take into account the effect — on the class struggle in the U.S. and all over — of

continuing the fight. They were not mainly trying to further the world-wide liberation of all working people, they were mainly trying to get at least part of Vietnam freed of foreign control. Not only did nationalism blind them to their duty to the world wide working class, it also blinded them to the support they could get if they kept on fighting. For that increase in, that tremendous strengthening of, class struggle around the world would have, in turn, helped them. A vast movement could have and surely ;would have developed demanding the U.S. be driven out of Vietnam at once. Instead, they saw things in terms of the « sacred Vietnamese nation. »

 

Secondly, and very much related to this, the political outlook of these leaders included many reformist-liberal ideas where there should have been revolutionary-communist ideas. For after all, the whole point of the negotiations was to « get on good terms » with the U.S. government. « If we are nice to the imperialists, » was their reasoning, « they’ll be nice to us. » By being « reasonable » and « coming to the bargaining table, » Vietnamese leaders hoped they’d get -a « fair shake » from the U,S. government. Thus they constantly spoke about the 1956 elections deal. But why would the U.S. government, having been given two years to entrench a pro-U.S. regime, let it all go by the board peacefully in 1956? Where had any ruling class ever allowed itself t be thrown out peacefully? This was not merely an « abstract » error either. For by pushing this elections agreement, the Vietminh leaders were saying: Don’t worry about the troops going north, we’ll win peacefully in two years. They were telling Vietnamese and all other working people that imperialism could be trusted, that revolutionary armed force was unnecessary. There were setting whoever listened to them up for the kill — and plenty listened, including the movement in southern Vietnam. People’s War, class struggle

guided by complete internationalist support by all working people for each other — this kind of revolutionary movement is the only way any working people can smash imperialism. What a terrible example the Vietnamese leaders provided for

revolutionary forces around the world.

 

A particularly striking aspect of this political weakness was the « dove »-« hawk » aspect. That is, the Vietminh leaders were trying the 1954 peace talks gambit to play Kennedy-types off against Nixon-types. They hoped that if they came to the butcher’s table and talked turkey, the nicer « doves » would gain the upper hand in the U.S. But the Nixon-Kennedy controversy was not antagonistic. Nixon’s plan for sending-in U.S. troops was a) very risky but b) necessary if the Vietminh refused to talk.

Kennedy’s plan was a) much harder to beat (since it meant hiding behind a puppet dictator with -a Vietnamese cover) but b) only possible if the Vietminh agreed to leave the south in U.S. hands.

 

Thus the real meaning of « strengthening the doves’ hand » was that Vietminh leaders gave U.S. imperialism a chance to employ the better of 2 tactics. No Nixon-type invasion took place because none was needed. The only force the U.S. needed was

the force it employed to try to break the neck of the revolutionary organizations in the south.

 

In other words, the Vietminh leaders agreed to hand the southern Vietnamese working people over to U.S. imperialism on a silver platter. If we don’t do this (was their argument) the U.S. might invade and if the U.S. invades we might lose half the

country !

 

So Vietnamese leaders relied on nationalism and lost half the country. They relied on liberal U.S. « dove » politicians and got Ngo Dinh Diem, the U.S.’s puppet butcher, And together, the U.S. government and their pet snake Diem subjected Vietnamese working people to many years of vicious exploitation and oppression before People’s War reasserted itself fully in the ’60’s.

 

And now, despite all the terrible lessons of 1954, the same leadership is betraying the hard-rebuilt struggle of the working people in the same way. The scenario is similar. Fulbright and McGovern are calling for a « coalition government » including the NLF. At this point this corresponds politically — in the ;current situation — with « dove » Kennedy’s stand in 1954. It would mean a terrible retreat for the NLF- and give U.S. imperialism a new lease on life. And the DRV/NLF leaders are backing the new « dove » politician line….But more on this later. Let’s return to 1954

 

VIETMINH STRENGTH IN THE SOUTH

 

Some U.S. apologists have argued that, at the time of Geneva, the Vietminh was really quite weak in the south. Thus, they claim, the U.S. takeover represented only a formalization of political reality. Consider the report of the virulent anti-communist, Joseph Alsop, who traveled through Vietminh-controlled areas in the south just after Geneva:

 

It; was difficult for me…to conceive of a Communist government genuinely ‘serving the people.’ I could hardly imagine a communist government that was also a popular government and almost a democratic government. But this was just the. sort of government the palm-hut state actually was…. By the time Dienbienphu fell, very nearly half of southern Indochina was under the control of the Vietminh. (The New Yorker Magazine, June 25, 1955.)

 

Alsop understates. In Vietminh-liberated areas all over the south there had been a social revolution. The landlords had been overthrown. But the U.S.-created Diem regime gave the landlords one more chance.

 

The U.S. war against Vietnam, which started in !54, can be divided into four stages.

 

1) From ’54-’60, the U.S. tried to create an anticommunist government under Ngo Dinh Diem.

2) From’60-’65, the U.S. used « special war » to fight the growing Vietnamese revolt with « native forces. »

3) From ’65-’68, the U.S. invaded the south and bombed the north.

4) From ’68 to the present, negotiations took the « people » out of People’s War in Vietnam.

 

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